Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA FAMILLE NEVET DANS SON CHATEAU DE LEZARGANT A KERLAZ

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Kerlaz"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Kerlaz est la partie de Plonévez-Porzay la plus riche en souvenirs historiques. C'est là que demeurait la haute noblesse, non seulement de la paroisse, mais du pays : les familles de Névet, du Vieux-Châtel, de Quélen, de Lanascol, etc. Comme plusieurs des gentilshommes dont nous allons parler ont été, dans le cours des siècles, mêlés à notre histoire de Bretagne, le lecteur ne sera pas surpris si, de temps en temps, je fais quelques incursions sure ce terrain.

La trève de Kerlaz possédait dans l'ancien temps deux châteaux féodaux d'une grande importance, le château de Lézargant ou de Névet et le Vieux-Châtel. Nous parlerons ici de la maison de Névet.

Origines de la Maison de Névet. — Diverses résidences occupées par les Seigneurs de Névet avant de s'établir dans la Trève de Kerlaz en Plonévez-Porzay.

Les seigneurs de Névet, dit M. Pouchous dans sa Monographie de Plonévez-Porzay, étaient peut-être les descendants d'un ancien chef de clan venu d'Albion, au commencement de l'ère chrétienne, s'établir dans la vaste forêt qui couvrait ce territoire. Il est difficile de savoir si la forêt prit le nom du ou si le chef prit le nom de la forêt. Guy Le Borgne entre dans de grands détails sur l'origine de la famille de Névet, et conclut ainsi : « C'est une maison illustre dont les seigneurs, de père en fils, ont témoigné notoireinent un zèle héroïque et une passion inviolable à conserver les droits et les immunités de la Bretagne » (Guy Le Borgne, Armorial breton, p. 45).

Les documents anciens relatifs à la maison de Névet, sont assez rares. Les archives de Névet furent brûlées par La Fontenelle pendant la minorité de Jacques de Névet. Le premier soin de Jean de Névet fut de réunir de nouveau les titres de sa seigneurie ; mais ils subirent le même sort pendant la Révolution.

D'après M. Pouchous, qui tenait ce détail d'un témoin oculaire, en 1793 on en transporta trois charretées à Locronan et, en présence du Conseil de la commune, on les brûla au milieu de la place. Pas un titre n'échappa au vandalisme officiel ; et les quelques pièces relatives à la maison de Névet, déposées aux Archives du Finistère, appartiennent au fonds de l'Evêché de Cornouaille. La plus importante de ces pièces est l'Aveu rendu à l'évêque le 6 juin 1644. Ce curieux document nous servira de guide dans cette étude. Nous n'adopterons pas toutes ses conclusions, car malheureusement son auteur Jean de Névet est parfois suspect de partialité. C'est un vrai plaidoyer pro domo qu'il présente à l'évêque de Cornouaille, et dans ce plaidoyer, il ne se gêne pas pour donner de temps à autre, des accrocs à la vérité.

D'après l'Aveu, la première résidence des seigneurs de Névet fut au sommet de La Motte, sur la montagne de Locronan. Au temps de saint Ronan, ils quittèrent cette résidence pour se rapprocher de l'ermitage du saint, situé à l'endroit où se trouve aujourd'hui l'église de Locronan. M. Trévédy ne veut pas admettre que les seigneurs de Névet aient eu leur résidence seigneuriale au sommet de la montagne de Locronan. Les ruines qu'on y voit ne seraient, d'après lui, que les vestiges d'une tour ou donjon du XIIème siècle. Il me semble au contraire que des raisons d'esthétique désignaient cet endroit pour une résidence seigneuriale : nulle part ailleurs dans le pays environnant on ne jouit d'un coup d'œil aussi merveilleux. De la Motte on domine toute la baie de Douarnenez avec son grandiose encadrement de montagnes, capable de transporter le spectateur le plus insensible aux beautés de la nature.

Les seigneurs de Névet habitèrent leur résidence de Locronan pendant plusieurs siècles. C'est vers l'an 1050, d'après l'Aveu, qu'ils quittèrent Locronan pour aller construire, à trois kilomètres de la, dans la paroisse de Plogonnec. C'est donc vers le milieu du XIème siècle, si la date du baron est exacte, que fut construit le château de Névet Plogonnec. Il ne reste plus rien de ce château ; mais nous pouvons déterminer son emplacement d'une manière à peu près exacte, d'après une indication que nous trouvons dans l'Aveu. Jean de Névet y dit en effet que le château de Plogonnec se trouvait à deux portées de mousquet de celui de Lézargant. Dès lors, on est obligé d'admettre qu'il devait se trouver tout à côté de la chapelle de Saint-Pierre, sur le terrain en pente qui descend vers l'étang de Névet. Cette chapelle était peut-être la chapelle du château. D'après une inscription latine qu'on peut lire sur le mur nord, la chapelle de Saint-Pierre était complètement en ruine, et depuis plusieurs siècles déjà, lorsque Claude de Névet la fit reconstruire en 1594. Voici l'inscription en question :

CLAVIGERI TEMPLI QUOD LONGUM DIRUIT AEVUM — CLAUDIUS HIC NEMEUS PRIMUS FUNDAMINA JECIT, — TERTIUS HENRICUS FRANCOS CUM JURE REGEBAT, — PONTIFICE ET SUMMO SIXTO, TUM PRŒSULE CARL0, — AC HUMILIS PASTOR LUDOICUS SACRA MINISTRAT [Note : La chapelle de saint Pierre ruinée par les siècles, Claude Ier de Névet la releva ici. Henri III étant légitime roi de France, Sixte-Quint pape, Charles du Liscouët évêque et l'humble Louis, pasteur].

Le château de Plogonnec fut pendant près de quatre siècles la résidence des seigneurs de Névet. Ils le quittèrent à la suite des difflcultés qui surgirent entre eux et les évêques de Cornouaille, à propos du droit de rachat.

Procès entre les Seigneurs de Névet et les Evêques de Cornouaille.

De temps immémorial, les évêques de Cornouaille avaient droit de rachat sur les terres de Névet qui appartenaient au fief de l'évêché. L'Aveu fait remonter l'origine de ce droit épiscopal au roi Grallon lui-même. Quoi qu'il en soit, les seigneurs de Névet étaient, par là, vassaux des évêques de Cornouaille, et ceux-ci pouvaient, comme seigneurs suzerains, exiger une année de revenus à la mort d'un des Névet, quel que fût l'âge de l'héritier. Les seigneurs de Névet trouvaient cette sujétion bien dure, et ils cherchèrent des prétextes pour s'y soustraire. C'est ainsi que Jean de Névet reproche amèrement aux évêques de Cornouaille non-seulement d'exiger le rachat, mais de vouloir lui substituer le droit de bail, en vertu duquel l'évêque avait la faculté de percevoir les revenus du fief vassal, non-seulement pendant une année, comme dans le rachat, mais pendant toute la minorité du seigneur.

M. le chanoine Peyron a démontré, avec preuves à l’appui, que l'accusation portée par Jean de Névet contre les évêques de Cornouaille, est absolument injuste. Non-seulement les évêques de Quimper n'empiétaient pas sur les droits des seigneurs de Névet, mais même ils n'ont pas toujours exigé en rigueur leur droit de rachat. Claude de Rohan, peu après son élection au siège de Quimper, fit à Jean de Névet la rémission de ce qui lui revenait en vertu du droit de rachat, à la mort de son frère Hervé de Névet et de sa mère Jeanne de Pont-L'Abbé. Cet octroi gracieux de Claude de Rohan montre que les évêques de Quimper n'étaient pas aussi tyranniques dans leurs revendications que semble le dire le baron. Et cette gracieuseté de Claude de Rohan ne fut probablement pas un geste isolé ; d'autres prélats ont dû la renouveler, sans empêcher pour cela leur vassal de se dire victime. Cette situation tendue amena un procès. Commencé en 1350, sous Alain Le Gall, évêque de Cornouaille, le procès finit sous Geoffroy Le  Marc'hec, en 1378. Les droits des évêques de Quimper quant au rachat furent maintenus dans leur intégrité ; mais le bail fut écarté.

La conclusion de ce procès fut une vraie déception pour les seigneurs de Névet. Se voyant dans l'impuissance de secouer le joug des évêques de Cornouaille par les moyens juridiques, ils prirent une mesure radicale qui, cette fois, devait leur réussir.

Les Seigneurs de Névet détruisent leur château de Plogonnec, et construisent le château de Lezargant dans la Trève de Kerlaz, en Plonévez-Porzay.

En Plogonnec, les seigneurs de Névet étaient sous la juridiction des évêques de Quimper; en Plonézez-Porzay, ils cessaient de l'être. Or, pour être sur le territoire de Plonévez, ils n'avaient que quelques, centaines de mètres à franchir. Ils résolurent donc de détruire de fond en comble leur château de Plogonnec, pour aller construire leur château de Lezargant ou Névet à deux portées de mousquet plus loin, dans la trève de Kerlaz, en Plonévez-Porzay et sous la juridiction de Châteaulin. Voici en quels termes l'Aveu raconte ce fait : « Les seigneurs de Névet, irrités des prétentions des évêques de Quimper, quittèrent leur ancienne demeure et leur antique château de Névet, situé audit Plogonnec, le ruinèrent et les appartenances entièrement de toute servitude, même les moulins, étangs et chaussées, ne voulant désormais résider sous telle domination, et lors firent bâtir et construire ledit château de Lezargant, de distance de deux portées de mousquet, sur une éminence, au côté du midi de la forêt, en la paroisse de Plonévez-Porzay, au fief unique du souverain et sous ladite juridiction de Châteaulin, et à cet effet, ils y firent transporter tous les matériaux du château et n'en laissèrent que des vestiges » (Aveu du baron Jean de Névet, p. 6).

Les seigneurs de Névet donnèrent à leur nouveau château le nom de Lezargant. On prétend qu'ils trouvèrent une mine d'argent ou même d'or au pied du Château ; mais ne voulant pas qu'on l'exploitât, ils y établirent un grand étang dont les eaux font encore mouvoir les tournants du Moulin de Névet. D'après la tradition, le château de Lezargant était une des plus belles demeures seigneuriales de Basse-Bretagne. On peut se rendre compte de ses vastes proportions par ce qui nous reste des fondations et des fortifications. Les habitants du pays disent qu'il y avait là un château si grand, qu'une seule personne n'aurait pu en ouvrir et fermer les fenêtres en une seule journée ; et sur une table qui était à côté de la route, les voyageurs trouvaient toujours du pain et de l’eau (M. Pouchous, Monog. de Plonévez-Porzay).

Le, nouveau château était bâti sur le kippe ou montagne factice. Aujourd'hui tout est ruiné jusqu'aux anciennes remises. Ce n'est plus qu'un amas de matériaux, disparates, couverts de mousse, où la pierre sculptée gît à côté du vulgaire moëllon. Le voyageur passe, sans daigner à peine jeter un regard sur ces pierres amoncelées, ténioins de tant de splendeur. Seul, pendant les nuits printanières, le rossignol semble s'intéresser à ces ruines, en faisant entendre ses gémissements plaintifs dans les bosquets qui les environnent.

Entre la forêt et le château se trouvent les jardins, entourés d'un mur de clôture d'un assez vaste périmètre, dont une grande partie en pierres de taille. Ils ont une superficie d'environ 30 ares. Un mur très base les coupe par le milieu et sépare la partie supérieure de la partie inférieure. A côté de ce petit mur, et presque au milieu du jardin, existe une belle fontaine en pierres de taille, dont l'eau, transparente comme le cristal, sort du roc par une veine très abondante, et va se déverser dans un bassin également en pierres de taille, pour aller ensuite se perdre dans le petit vivier. Une chaussée assez large sépare ce petit vivier du grand vivier aujourd'hui converti en prairie. Plus haut se trouve l'étang, très profond, dit-on. Il a été curé en 1918 ; on y à trouvé de magnifiques carpes.

Souterrains de Lezargant - Promenade souterraine d'un curieux.

A l'ouest du mur de clôture des jardins, se voit l'ouverture d'un souterrain, dont l'existence a de tout temps piqué la curiosité des habitants du pays. A première vue, on croirait, se trouver en présence de trois souterrains différents. En réalité, il n'y en a qu'un aboutissant à l'extérieur par trois orifices distincts. L'ouverture principale est en pierres de taille. La maçonnerie porte des traces de verrous.

Que signifient ces souterrains ? A quelle époque remontent-ils ? Autant de questions auxquelles il est très difficile de répondre. D'après quelques-uns, ils remonteraient aux guerres de la Ligue, à l'époque où La Fontenelle assiégea Lezargant.

D'après d'autres, ils auraient été creusés par les seigneurs de Névet eux-mêmes, pour se protéger contre l'éventualité d'une attaque du château et y cacher leurs objets précieux. D'autres enfin y voient l'ouverture d'une voie souterraine reliant Lezargant aux châteaux des environs. Une tradition locale dit qu'elle passait par Lézarscoët, Locronan, Tresséaul, Moëllien et Keryar. M. Pouchous cru voir les amorces de cette voie souterraine dans la grande pierre qui se trouvait autrefois sur l'emplacement du manoir de Lezarscoët ; mais les fouilles que le baron Halna du Fretay y a pratiquées, et dont nous parlerons plus loin, ont démontré que cette pierre n'était qu'une rampe d'escalier conduisant dans les caves du manoir.

On dit que ce souterrain cache un trésor. Attiré par l'appât de ce trésor, un habitant du pays voulut un jour voir ce qu'il en était. Muni d'une lanterne il s'aventura dans la voie souterraine. Après environ dix minutes de marche difficile, car à chaque pas il était arrêté par des obstacles, surtout par des mares d'eau, il arriva dans un endroit où son chemin se compliqua, se divisant en plusieurs ramifications. Une fontaine attira ses regards. Elle était en pierres de taille. Une grosse pierre la couvrait, dont la façade portait un écusson et une inscription en caractères rouges. Comme il s'approchait pour lire, sa lanterne s'éteignit. Une seconde et une troisième tentative n'eurent pas plus de succès, et le pauvre diable dut retourner chez lui sans avoir pu mettre la main sur le magot qu'il convoitait.

Les Seigneurs de Névet dépossédés de leur Chapelle à la cathédrale de Quimper, au profit du Seigneur du Marc'hallac'h.

A titre de bienfaiteurs de la cathédrale, à la construction de laquelle ils avaient contribué de leurs deniers, les seigneurs de Névet y avaient leur chapelle. C'est sous Claude de Névet que cette chapelle changea de destinataire. Pour quelle raison ? Peut-être parce que Claude de Névet avait versé dans le protestantisme. Jean de Névet raconte cette affaire au long, dans, son Aveu à l'évêque. D'après lui, c'est par usurpation qu'un chevalier de Quimper serait entré en possession de cette chapelle.

D'après M. Le Men, les choses furent conclues régulièrement. C'est par contrat passé avec le Chapitre, le 4 octobre 1596, que messire Jean du Marc'hallac'h devint propriétaire de cette chapelle. Ce chevalier du Marc'hallac'h était chanoine de Cornouaille, recteur de Plonéis et de Plozévet. Claude de Névet intenta un procès au seigneur du Marc'hallac'h, mais il mourut peu après. Sa veuve Elisabeth d'Acigné ne donna pas suite à l'affaire, et à partir de ce moment la chapelle de Névet devint possession définitive du seigneur du Marc'hallac'h (Le Men, Monog. de la Cathédrale, ch. VIII p 4-45).

Généalogie et notes biographiques sur les Seigneurs de Névet.

Les seigneurs de Névet portaient « d'or au léopard morné de gueules ». Ils avaient pour devise : « Perak ? » Pourquoi ? Nous donnons ici leur généalogie que nous devons à l'obligeance de M. le Chanoine Peyron, et nous la compléterons par quelques notes biographiques dues à nos recherches personnelles.

1°) Hervé de Névet, paroisse de Plogonnec, contribua au denier de la Croix, en 1270 (Dom Morice, coll. 1008) ; devait un chevalier et deux écuyers à l’ost du Duc, en 1294 (Dom Morice, coll. 1114).
Femme : Béatrice de la Roche-Bernard (La Grasserie, Arm. de Bret. , 2ème partie, p. 365).
1°) Hervé de Névet qui suit.
2°) Jeanne de Névet, mariée en 1314, au sire de Maignane ; maintenue en 1669.

 

2°) Hervé II, seigneur de Névet.
Femme : Perronnelle de Rostrenen, mariée vers 1338.
Peut se rapporter à Hervé 1er (La Grasserie, Arm. de Bret. , 2ème partie, p. 365).
Bertrande Briquellec, seconde femme ? (1341-1343).

 

3°) Hervé III, seigneur de Névet, suit le parti de Charles de Blois et obtint des lettres de rémission en 1364 (Dom Morice, coll. 15 0).
Il mourut en 1371, et fut inhumé aux Cordeliers de Quimper (Nécrologe des Cordeliers).
Femme : Tiphaine de Keraër, d'après le nécrologe ; Tiphaine de Kaër, « Theophania de Kaër ». Mourut en 1371, et fut inhumée pareillement aux Cordeliers, avec cette mention : « Multum diligebat conventum » [Note : Elle aimait beaucoup le couvent].

 

4°) Hervé IV, seigneur de Névet, qui fit un accord en 1377 avec l'évêque de Cornouaille Geoffroy le Marc'hec, accord consenti en son nom par Jehan de Névet, son oncle et son tuteur, Jehan du Juch, Riou de Rosmadec, Guy du Faou, Eon de Tréséguidy, Guillaume de Rosmadec, Guillaume de Trégonyec, Raoul de Lanroz, Salaun de Leymenguen, Yves Buzic et plusieurs autres amis et parents dudit seigneur. Cet accord mit fin au long procès dont nous avons parlé, commencé sous Alain Le Gall, évêque de Cornouaille, et terminé sous son successeur Geoffroy Le Marc'hec.
Femme : Jeanne de Pont-L'Abbé.

 

5°) Hervé V, seigneur de Névet, mort en 1424, et inhumé aux Cordeliers de Quimper, avec cette inscription : « QUI MULTUM DELIGEBAT ORDINEM » [Note : Qui aimait beaucoup l'Ordre].
Femme : Jeanne du Juch, morte en 1424, et inhumée aux Cordeliers avec cette mention : « JOANNA DE JUGO, DOMINA DE NEVETO, QUAE MULTUM DILIGEBAT ORDINEM BEATI FRANCISCI, SEPULTA IN HABITU FRATRUM » [Note : Jeanne du Juch, dame de Névet, qui chérissait l'Ordre de Saint-François, enterrée avec l'habit de l'Ordre].
1°) Hervé de Névet qui suit.
2°) Yves de Névet, qui forma la branche de Kerdaoulas, paroisse de Dirinon, employé dans la réformation des fouages de Dirinon, en 1426.

Branche de Névet-Kerdaoulas.

Les seigneurs de Kerdaoulas portaient « écartelé aux 1 et 4 d'or, au léopard morné de gueules qui est Névet. Aux 2 et 3 de gueules de 6 annelets d'argent, 3, 2, 1, qui est Buzic ». Devise : « Komzit mad », Parlez bien.

1°) Jean de Névet, seigneur de Kerdaoulas, exempt de fouages à la réformation de 1448, paroisse de Dirinon, marié à Marguerite Huon, dont :

2°) Jeanne de Névet, dame de Kerdaoulas, mariée en 1455 à Alain Buzic, fils de Mazéas Buzic, seigneur de Lespervez, et de Eléonore de Coëthamon.

3°) Tiphaine de Névet, partagée en 1449, mariée à Jean de Languéouëz, seigneur de Lezarscoët.

 

6°) Hervé VI, seigneur de Névet, Pouldavid et Lezargant, mort en 1444 et inhumé aux Cordeliers de Quimper. Voici la notice que le nécrologe lui consacre : « Nobilis ac prœpotens dominus Hervœus de Neveto qui multum afficiebatur huic conventui. Iste fuit prius sepultus in Sancto Ronano (Locronan), contra intentionem suam et clausulam sui testamenti, donec, fratribus conquerentibus et petentibus justitiâ factâ, corpus suum redditum fuit atque sepultum in sepulcro parentum suorum ». Hervé de Névet fut donc tout d'abord inhumé à Locronan ; mais les Cordeliers de Quimper, forts d'une disposition testamentaire qui était en leur faveur, exigèrent que son corps fût exhumé et transporté chez eux.

Hervé VI fut le premier des seigneurs de Névet à signer « seigneur de Lezargant ». C'est de son temps que fut rasé le château de Névet en Plogonnec, et que fut bâti le château de Lezargant dans la trève de Kerlaz, en Plonévez-Porzay.

Hervé VI figura dans plusieurs montres depuis 1418, reçut 15 livres pour, avoir accompagné le Duc dans son voyage à Rouen, en 1418, et ratifia le traité de Troyes en 1427 (Dom Morice).
Femme : Jeanne de Lespervez, mariée en 1428, morte en 1442, et inhumée aux Cordeliers, « Nobilis Joanna de Lespervez, domina de Neveto, quœ multum diligebat ordinem beati Francisci et conventum istum » (Nécrologe des Cordeliers). Jeanne de Lespervez, avant son mariage avec Hervé VI de Névet, était veuve de Guillaume de Rosmadec, seigneur de Tyvarlen, Pont-Croix et autres lieux. Elle en avait eu six enfants dont voici les noms :
1°) Jean, sire de Rosmadec et de Tyvarlen.
2°) Alain, qui devint archidiacre et chanoine de Dol.
3°) Bertrand, qui devint protonotaire apostolique.
4°) Guillaume, qui fut recteur de Plouhinec.
5°) Marie, qui épousa en premières noces Yvon de Rosserf, chambellan des Ducs de Bretagne ; et en secondes noces, le successeur de son mari.
6°) Jeanne, qui épousa Yvon de Saint-Gouesnou, sieur de Brignon. Remariée à Hervé VI de Névet, Jeanne de Lespervez en eut encore quatre ou cinq enfants :
1°) Jean, seigneur de Névet, lance-garnie de la garnison de Conq, en 1444 (Dom Morice, coll. 1646). Il se trouvait au nombre des bannerets assistant aux Etats de Vannes, en 1455, et au Parlement tenu à Vannes, en 1462 (Dom Morice, coll. 1673). Il mourut sans postérité.
2°) Henri de Névet qui suit.
3°) Françoise de Névet, mariée à Pierre de Coëtmanac'h.
4°) Jeanne de Névet, mariée à Jean de Tromelin.
5°) Et, d'après Ulson de la Colombière, il faudrait ajouter, Marguerite de Névet (Ulson de la Colombière, généal. de Maison de Rosmadec, d'après d'Hozier).

 

7°) Henri, seigneur de Névet et autres lieux, ratifia le traité de Senlis en 1475 (Dom Morice, coll. 829) ; porta la chaise de l'évêque avec le seigneur de Rohan et le vicomte du Faou, à l'entrée solennelle de Guy du Bouchet dans sa ville épiscopale (Dom Morice, coll. 374). Parmi les seigneurs exemptés de comparaître à Carhaix pour la montre de l'évêché de Cornouaille, en 1481, parce qu'ils occupaient de grandes charges à la cour, ou qu'ils avaient des grades dans les compagnies d'ordonnance, soit du roi, soit du duc de Bretagne, figurait Henri de Névet (De Fréminville, Aut. du Fin., 2ème partie, p. 377).

Henri de Névet se maria, en 1452, à Isabeau ou Isabelle de Kerhoënt, dame dudit lieu, paroisse du Crucifix-des-Champs, au Minihy-Léon. Elle était fille unique de Jean, seigneur de Kerhoënt et d'Annette de Briffeillac. Pour des raisons que nous ignorons, la validité de ce mariage fut attaquée et déférée en cour de Rome. Dans un rapport à Malatesta, évêque de Camérino, nonce du Pape en Bretagne, et aux officiaux de Vannes et de Tréguier, Olivier du Chastel prétend que le mariage fut cassé par Eugène IV. Olivier du Chastel en profita pour marier sa fille, Jeanne du Chastel, à Henri de Névet, en 1444. C'était montrer un peu trop d'empressement, car l'affaire n'avait pas encore reçu de solution à Rome. Comme le procès traînait en longueur, Henri de Névet, las d'attendre, revint à sa première femme qu'il ne quitta plus désormais. Le pape chargea Malatesta et les officiaux de Vannes et de Tréguier d'autoriser Jeanne du Chastel à se marier de nouveau, et de fixer les dédommagements pécuniaires (Bulletin dioc., nov. 1913, n° 11).

Jean, seigneur de Névet. Il portait l'un des honneurs à l'entrée de Raoul Le Moël, évêque de Cornouaille, dans sa ville épiscopale, en 1490. Mort en 1493, sans hoirs.

 

8°) Hervé VII, seigneur de Névet, de Kerhoënt, etc. « Il fut convoqué à la montre générale des nobles, tenue à Lesneven, le 4 et le 5 septembre 1481 ; déclaré malade parmi les nobles de la paroisse du Crucifix-des-Champs pour lequel comparurent Hervé Richard, Guyon, Philippe et Pierre Mazé, archers en brigandine, lesquels furent refusés et non reçus par les commissaires, parce que ledit seigneur de Kerhoënt n'avait fourni lance selon le montement de son fief ». Mourut en 1494.

Femme : Jeanne L'Abbé, de la maison de la Rouxelière.

 

9°) Jacques Ier, baron de Névet, seigneur de Coat-Névet, de Lezargant, Pouldavid, de Kerlédan, de Langolidic, etc. ; gouverneur de Quimper, en 1524 ; contribua à la rançon des enfants de François Ier, en 1529 (Dom Morice, coll. 988). Contribua aussi à l'exécution du tombeau monumental de saint Ronan, à, Locronan, où sont sculptées ses armes tenues par un ange ; était encore gouverneur de Quimper, en 1543 (Dom Morice, tome III, coll. 1052).

Jacques de Névet embrassa la religion réformée (Le Men, Monogr. de la Cath., p. 46). Il figure en tête des nobles de Plogonnec à la réformation des fouages de cette paroisse, en 1536. Il mourut, d'après M. Trévédy, vers 1555.

Femme : Claudine de Guengat, fille de l'illustre Alain de Guengat, vice-amiral de Bretagne, et de Marie de Thuomelin ou Tromelin. C'est cet Alain de Guengat qui fit don à l'église de Guengat des belles pièces d'orfèvrerie qui font l'admiration de tous.

Jacques de Névet fut le premier de la famille à prendre le titre de baron. Quelque nobles qu'ils fussent, les seigneurs de Névet n'avaient pas jusque-là porté de titre. En 1451, Pierre II dressa une liste de neuf barons qu'il entendait faire chefs de sa noblese. A partir de ce moment, il y eut un véritable engouement pour le titre de baron.

Tous ceux qui réunissaient les trois conditions exigées par Pierre II, prirent le titre. Les seigneurs de Névet imitèrent l'exemple des autres et prirent le titre de baron qu'ils devaient abandonner, un siècle après, pour prendre celui de marquis. Les enfants de Jacques Ier et Claudine de Guengat furent :

1°) René, baron de Névet ; abjura le protestantisme à la mort de son père Jacques, et lui succéda dans le gouvernement de Quimper (Le Men, Monogr. de la Cathéd., p. 42). Il pourrait être le père de Jeanne de Névet, dame de Kerhoënt, mariée à François du Louet, seigneur de Coëtjunval.
2°) Claude de Névet, qui suit.
3°) Jeanne de Névet, mariée à Olivier de Brézal, fils de Guillaume et de Marguerite Le Séneschal.
4°) Françoise de Névet, mariée à Jean de Névet, seigneur du Rest, dont on ne connaît pas l'attache.

 

10°) Claude, baron de Névet, devenu chef de nom et d'armes par la mort de son frère René ; gouverneur du Faou, de Douarnenez et de Quimper, en 1585 ; mort après 1596.

Femme : Elisabeth d'Acigné, fille de Louis d'Acigné, baron de Rochejagu, et de Claudine de Plorec, appartenant à la religion réformée. Ce fut Claude de Névet qui fit reconstruire la chapelle de Saint-Pierre en Plogonnec. Ce fut aussi de son temps que la famille de Névet fut dépossédée de la chapelle de Saint-Corentin à la cathédrale de Quimper, au profit du chanoine Jean du Marc'hallac'h.

Enfants :
1°) Jacques de Névet, qui suit.
2°) Claudine de Névet, mariée en premières noces à Nicolas de Kerliver, et en secondes noces à François d'Avaugour, seigneur de Lohière (P. Anselme, tome IX, p. 175).

 

11°) Jacques II, baron de Névet, seigneur de Lezargant, Pouldavid, Trégouguen, Launay, Beaubois en Bourseul, etc. ; gentilhomme de la Chambre et chevalier de l'ordre du roi ; gouverneur du Faou, de Douarnenez et du fort de l'Ile-Tristan, capitaine de 50 hommes d'armes ; tué à Rennes, en 1616, le jour de saint Simon et de saint Jude, par Thomas de Guémadeuc, à la suite d'une querelle de préséance pendant la tenue des Etats (Aug. Le Lay. Généal. d'Acigné. p. 117). C'est pendant la minorité de ce seigneur, que La Fontenelle saccagea le château de Lezargant et en dispersa les titres.

Femme : Françoise de Tréal, dame de Beaubois, mariée en 1610, fille de Christophe de Tréal, seigneur de Beaubois, et de Françoise de Quélennec (D'après M. de la Grasserie, Françoise de Tréal se maria en 1600 et non en 1610).

Enfants :
1°) Jean de Névet, qui suit.
2°) Claudine de Névet, mariée en premières noces à Gabriel de Goulaine, fils de Jean, baron du Faouët, et d'Anne de Plœuc, en 1639 ; et en secondes noces à Vincent du Parc, marquis de Locmaria et gouverneur de Guingamp. C'est de ce second mariage qu'est né, croyons-nous, Louis-François du Parc, connu surtout sous le nom de marquis de Guerrand. Il eut une assez triste célébrité dans sa jeunesse ; mais il se convertit sincèrement sur la fin de sa vie. Madame de Sévigné, dans ses Lettres, parle ainsi du marquis de Guerrand : « MM. de Locmaria et Coëtlogon dansaient avec deux bretonnes des passe-pieds merveilleux et des menuets, d'un air que les courtisans, n'ont pas, à beaucoup près. Ils y font des pas de bohémiens et des bas-bretons, avec une justesse et une délicatesse qui charment » (Madame De Sévigné, Lettres, XIIème année).

 

12°) Jean, baron de Névet, fils de Jacques ; n'avait que 6 ans à la mort de son père. Il est l'auteur de l'Aveu que nous avons souvent cité et que nous avons apprécié ailleurs. On pourrait conclure du ton de cette pièce, où percent à chaque ligne l'acrimonie et la mauvaise humeur, que la brouille durait toujours entre les seigneurs de Névet et les évêques de Quimper, depuis le fameux procès dont nous avons parlé. Il n'en est rien, la réconciliation s'était faite. L'Aveu de Jean de Névet porte la date de 1644. Or, le 1er septembre 1643, une grandiose cérémonie eut lieu dans la chapelle du château de Lezargant, présidée par René du Louët, évêque de Quimper, accompagné du chanoine de Visdelou, qui devint plus tard coadjuteur de Quimper, puis évêque de Saint-Pol-de-Léon. Il s'agissait de suppléer les cérémonies du baptême à deux enfants du baron : René, né le 26 octobre. 1641, et Jacques, né le 1er septembre. 1643. La cérémonie eut lieu à la chapelle du château. L'Evêque fut le parrain de René, baptisé par le chanoine de Visdelou, et il baptisa Jacques, dont le chanoine de Visdelou fut le parrain (Trévidy, Hist. de la Maison de Névet, p. 21).

Femme : Bonaventure de Liscoët, dame de Kergolleau, mariée en octobre 1629, fille de Jacques de Liscoët, seigneur de Kergolleau, paroisse de Plouézec, président du présidial de Quimper, et de Glé de Costardays (P. Anselme, tome IX, p. 500).

Jean de Névet avait à peine 20 ans quand il épousa Bonaventure de Liscoët. Pendant les 17 ans qu'il vécut en mariage, il eut dix enfants, quatre garçons et six filles :

1°) François de Névet, qui mourut le 25 avril 1647, à l'âge de 17 ans, quelques mois après son père.

2°) René de Névet, qui devint chef de nom et d'armes, mort en 1676.

3°) Louis de Névet, élève au collège des Jésuites, à la Flèche, mort d'après M. de Blois en 1653, et d'après M. de Carné, en 1659.

4°) Malo de Névet, qui suit.

5°) Bonaventure de Névet, née le 12 novembre 1634, mariée à Louis du Breil de Pontbriand.

6°) Marie de Névet, mariée en 1662, à René Le Rouge de Trolin, seigneur de Penfentenyo.

7°) Claudine de Névet, baptisée à Locronan, le 10 mai 1632, épousa Pierre Le Vayer, baron de Trégomar.

8°) Charlotte-Anne de Névet, mariée à Hervé de Boishalbran.

9° et 10°) Deux autres filles qui entrèrent au monastère de la Visitation de Rennes.

 

13°) René, marquis de Névet, devint chef de la maison de Névet par la mort de son père et de son frère aîné François. Né le 26 octobre 1641, il fut élevé chez les Jésuites, pour lesquels il conserva un profond attachement pendant toute sa vie. A l'âge de 30 ans, vers l'année 1670, il épousa Anne de Guyon de Matignon, fille de François de Guyon de Matignon, et petite-fille d'Éléonore d'Orléans de Longueville, apparentée à Louis XIV.

René de Névet fut déclaré noble, issu d'ancienne extraction noble, et de qualité de chevalier, au rôle des nobles de la Sénéchaussée de Quimper, par arrêt de la Chambre de la réformation du 20 mars 1669.

René de Névet fut le premier des seigneurs de Névet à prendre le titre de marquis. Depuis Jacques Ier, les seigneurs de Névet portaient le titre de baron.

Enfants :
1°) Henry-Anne, marquis de Névet, baptisé dans la chapelle de Lezargant, avec la permission de l'évêque de Quimper, par Mathurin Esnault, docteur en Sorbonne, en présence de messire Jean. Hénaff, curé de Plogonnec, le 1er juin 1671.

2°) Un autre fils d'une très faible complexion, né en 1673 et mort jeune.

René de Névet était lieutenant du roi et colonel du ban et de l'arrière-ban de l'évêché de Cornouaille. C'était un gentilhomme foncièrement bon, doux et charitable. Il était adoré de ses vassaux, et rendit à son pays les plus éminents services, notamment pendant la révolte du papier timbré. Nous en parlerons dans un chapitre à part, et, dans un autre chapitre, de sa fin édifiante.

 

14°) Henry-Anne, marquis de Névet (1676-1699). Henry-Anne n'avait que cinq ans à la mort, de René de Névet, son père. Commé lui, il fut colonel du ban et de l'arrière-ban. Le 7 juin 1694, il eut l'honneur de commander la revue que Vauban passa à Quimper, et peu après il fut nommé colonel du régiment de Royal-Vaisseaux. Mais son mauvais état de santé le contraignit à se démettre de sa charge.

Il avait 29 ans, et ne s'était pas marié. Sa mère en avait 49. Ils se retirèrent tous deux en leur propriété de Beaubois, en Bourseul, diocèse de Saint-Malo ; mais ce fut pour y mourir, Mme de Névet au mois d'août 1699, et son fils en décembre de la même année (Chan. Peyron, Bull. diocés., janv.-fev. 1919).

 

15°) Malo, marquis de Névet (1699-1721). Il était fils de Jean de Névet et frère de René.

Henry-Anne étant mort sans alliance, et tous les enfants mâles de Jean ayant disparu, à l'exception de Malo, celui-ci fut appelé à recueillir la succession de son neveu. Nous donnons par ailleurs un aperçu de sa vie qui tient du roman.

 

Rôle joué par le Marquis René de Névet pendant la révolte du papier timbré.

Avant de raconter le rôle important joué par le marquis René de Névet dans la révolte du papier timbré, le lecteur nous permettra de rappeler brièvement l'origine de cette révolte. On sait que, jusqu'à la fin de son règne, Louis XIV se laissa entraîner, par le goût du luxe. Cette mégalomanie du grand monarque eut une funeste répercussion sur le peuple, accablé d'impôts, de taxes et d'exactions fiscales de toutes sortes. Des témoignages contemporains très affirmatifs nous montrent combien était dure l'existence des habitants de la champagne à cette époque (Barthélémy Pocquet, continuateur de La Borderie, Hist. de Bretagne, tome V, ch. 32).

Sur ces entrefaites, de nouveaux impôts vinrent encore accroître la misère publique : les impôts du timbre, du tabac et de la vaisselle d'étain. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. La révolte éclata à Rennes, le 18 avril 1675. De Rennes elle gagna Nantes, Vannes, Dinan, Guingamp, Poher et les Montagnes-Noires. Puis ce fut le tour de la Basse-Cornouaille, Châteaulin, Briec, Plomodiern, Quéménéven, Cast, Plogonnec, Douarnenez, etc. Le marquis de la Coste, alors lieutenant-général du roi en Basse-Bretagne, s'étant rendu à Châteaulin où l'émeute grondait, y fut blessé grièvement et dut être transporté d'urgence à Brest.

Cette révolte avait une organisation solide. Les meneurs élaborèrent tout un programme de revendications populaires qu'ils codifièrent en 14 articles. C'est ce qu'on appela « le Code paysan ». Ce programme fut soumis aux délégués de 14 paroisses, réunis le 2 juillet 1675, à la chapelle de Notre-Dame de Tréménou, en Plomeur, où il fut adopté à l'unanimité. Tous les délégués jurèrent de l'observer inviolablement jusqu'à la Saint-Michel, et ils édictèrent des sanctions très sévères contre les contrevenants. Pour échauffer les esprits, on répandait à la campagne des pamphlets révolutionnaires, d'une violence inouïe. La « ronde du papier timbré » est tout ce qu'on peut imaginer de plus subversif. Nos révolutionnaires d'aujourd'hui n'auraient pas mieux trouvé.

C'est dans ces conditions difficiles que le marquis René de Névet fut appelé à recueillir la succession du marquis de la Coste. Tout autre que lui aurait décliné cet honneur périlleux ; mais Louis XIV avait fait appel à sa conscience, il accepta. Il était l'homme du devoir et ne connaissait que cette consigne.

Cependant les émeutiers restaient impunis. Le marquis de la Roche, gouverneur de Quimper, n'osa prendre sur lui de sévir contre les principaux meneurs. Le Marquis René de Névet, comprenant qu'il fallait des exemples pour impressionner le peuple, fit arrêter les assassins du garde du château de La Motte, près de Douarnenez, et les fit pendre aux patibulaires de Lezargant. Cette mesure venant de la part de tout autre que lui, aurait été probablement mal accueillie ; mais le marquis René de Névet jouissait d'un tel prestige que personne ne protesta. On connaissait sa bonté pour ses vassaux, sa charité inépuisable, et tous furent convaincus qu'il n'avait agi que pour obéir à son devoir. Tous les jours, son carrosse le conduisait dans les paroisses où il y avait des révoltés. Il s'entretenait avec les habitants de la campagne, s'apitoyait sur leurs misères et leur détresse, et distribuait de l'argent pour leur venir en aide. Ses efforts, ne tardèrent pas à être couronnés de succès. Seize paroisses vinrent spontanément lui promettre de ne plus reprendre les armes et de brûler le Code paysan. Le 9 juillet 1675, le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, en avisait officiellement Colbert. par la lettre suivante : « J'apprends par toutes mes lettres, qu'il y a beaucoup plus de calme dans l'Evêché de Quimper ; que 16 paroisses ont promis à M. le marquis de Névet de ne plus prendre les armes, et de charger ceux qui sonneront le tocsin ; que ce meilleur ordre pourra se répandre, mais que l'on ne peut pourtant dire que les esprits soient dans l'obéissance qu'ils doivent, étant certain qu'ils sont également aigris contre les édits, et résolus de secouer le joug de la noblesse et de se libérer des droits que les gentilshommes levaient sur eux, n'y ayant que la force pour les réduire. Mais il faut pour cela d'autres troupes que les archers, et ne rien tenter, qu'on ne puisse apparemment répondre du succès. Un effet de leur modération a été de brûler un écrit qu'ils appelaient le « Code paysan », où tous leurs intérêts, étaient réglés. Il contenait à peu près ce que vous lirez dans celui que je vous envoie, fors que la forme n'en est pas si insolente ; et vous jugerez de leur brutalité puisqu'ils ne croient pas que le mot de révolte soit un terme criminel en leur langue  » (La Borderie, Révolte du papier timbré, p. 79).

L'exemple de ces 16 paroisses fut bientôt suivi par d'autres. Le 19 du même mois, dit M. Pocquet, le marquis de Névet très bienveillant et très aimé, reçut la visite d'un homme populaire qui, « de la part de 20 paroisses vers Châteaulin », vint lui apporter, pour la présenter au duc de Chaulnes, une remontrance dans laquelle ils demandaient miséricorde au roi. Le succès du marquis René de Névet était complet.

 

Mort édifiante du Marquis René de Névet au château de Lezargant. Notice de M. de Tréanna.

Le marquis René de Névet ne survécut pas longtemps à l'heureuse issue de cette affaire. Vers la fin du Carême de 1676, sentant sa mort approcher, il vint à Quimper chez les Pères Jésuites, pour s'y préparer par une dernière retraite. Là, René de Névet trouva M. de Tréanna, autre pieux gentilhomme qu'il avait choisi comme exécuteur testamentaire, et qui nous a laissé un projet de notice sur les grâces reçues par diverses personnes, pendant ces pieux exercices. Nous en extrayons ce qui a rapport à René de Névet. On dirait par la forme qu'il emploie, dit M. le chanoine Peyron, qu'il voudrait en faire un canevas de procès de canonisation :

« Monsieur le marquis de Névet, lieutenant du roi et colonel de l'arrière-ban en Basse-Bretagne, a fait deux retraites, dans lesquelles il reçut tant de grâces de Dieu que sa ferveur le porta à les écrire de son propre sang, comme on l'a découvert après sa mort ; aussi on le voyait pleurer des deux heures entières et jamais on n'entrait dans sa chambre, qu'on ne le trouvait agenouillé ou prosterné contre terre... C'était probablement dans ces heureux moments que la vue sensible du Sauveur du monde opérait ces effets admirables, dont il parle lui même dans le mémoire qu'il en fit. Car la première fois, sous la figure d'un enfant infiniment beau et aimable, il le détacha si absolument de l'amour de ses enfants, qu'il regardait auparavant comme le plus grand obstacle de son salut, qu'il n'y pouvait plus penser qu'avec peine. La deuxième fois, le Sauveur lui présenta sa croix, lui inspira un si généreux mépris du monde, qu'il ne soupirait plus qu'après sa mort qui arriva le huitième jour après, comme Dieu lui-même lui avait fait connaître dans sa retraite.

Madame sa femme, issue de l'illustre maison de Matignon, âgée lie 21 à 22 ans, d'une complexion fort délicate, fut tellement touchée par le récit que lui fit le Père de la Retraite qui avait aidé son mari à mourir, qu'elle lui demandait tous les instruments de mortification, dont son cher mari s'était servi pour sa conversion, en voulant user comme d'objets sacrés par son sang ; surtout après qu'elle eut fait l'application d'un billet écrit de son sang, dans cette rencontre ; son second fils était sur le point de mourir, elle n'osa lui faire appliquer des remèdes, à cause de la faiblesse de son enfance et de sa maladie inconnue. Il lui vient en pensée de lui appliquer sur son petit visage, cet écrit du sang de son mari, disant, à Dieu : « Seigneur, l'âme du père est en votre grâce, faites-la ressentir à notre cher enfant par l'application du sang de son père, mon époux ». Et sur-le-champ son enfant se trouva toujours mieux jusqu'à sa parfaite santé. C'est ce que cette marquise attesta au Père même, en venant, prendre congé de lui pour se retirer dans un couvent » (Chan. Peyron, Château de Kerazan, p. 28-34).

Après ce préambule, M. de Tréanna ajouta cette notice :

REMARQUES SUR LA VIE ET SUR LA MORT HEUREUSE DE MONSIEUR LE MARQUIS DE NÉVET.
« Il décéda le 13 avril 1676, en son château de Lezargant, et nomma M. Lanvillio, pour exécuteur testamentaire. La vertu que éclata le plus dans sa vie fut l'équité ; celle qui le couronna à la mort fut un entier attaehement à la personne de Jésus-Christ. Pendant ses humanités, où il était encore comme un enfant, il faisait paraître un jusement aussi mûr et un esprit aussi sérieux qu'un homme qui aurait vieilli dans les affaires, un respect admirable pour Madame sa mère jusqu'à la mort.

Pour son amour pour Jésus. — Combien l'ont vu se jeter par terre pour lui demander pardon ! Que de larmes il versait dans les retraites ! Il en était si outré de douleur, qu'une fois on craignait que sa poitrine en fut gâtée, l'ayant entendu pendant des heures entières pousser des soupirs qui fendaient le cœur à ceux qui étaient présents ; il lui était impossible de les empêcher, parce que son Sauveur qui le voulait purifier, les lui causait, et puis l'ayant purifié, il l'échauffait de son amour. Il communia trois fois en la retraite qu'il avait prévue être la dernière. En la première communion, il donna une pièce d'argent à deux pauvres, auxquels il devait laver les pieds, comme à Jésus-Christ. Cette libéralité porta son Sauveur à le reconnaître, lui apparaissant, en sa deuxième communion, comme un enfant tout plein de lumière. Il chercha depuis quelque visage ou peinture qui pût avoir du rapport, mais il n'en put, trouver. Ce fut en ce moment que son amour pour ses chers enfants passa en son Sauveur considéré en cette enfance ; il résolut, de ne les vouloir plus voir, et lorsqu'on lui présenta son aîné qui lui tendait les bras sur son lit, il dit : « Retire-toi d'ici, tout mon amour est pour mon cher Jésus ».

Pour son détachement des créatures. — La troisième communion qu'il fit en la retraite, le lundi de Pâques, (6 avril), le même. Jésus lui présenta une croix, et ce même instant lui fit renoncer tellement à tout le monde, pour s'attacher à lui seul, qu'il a laissé écrit de sa main et signé de son sang, qu'il renonçait à toute ambition, à ses biens, etc. (en un mot, la rédaction qu'il fait exactement serait trop longue), pour s'attacher entièrement à Jésus-Christ qu'il traite d'époux, etc. Je n'ose changer les termes, quoique nous les admirions même dans une sainte religieuse. Mais aussi il ajoute qu'il jouira de son Jésus toujours et partout dans sa compagnie, dans ses bois, dans sa Chambre et partout « pensant à lui ». La première parole qu'il dit à son confesseur à l'heure de la mort, d'un visage riant : « Eh bien ! mon Père, me voilà tel que j'étais en votre retraite ; je ne sache ma conscience coupable de rien qui m'aliène mon doux Jésus. Je lui garde ma parole de mourir avant que de l'offenser mortellement ; je n'ai pas besoin de mettre en pratique mon bon propos de me confesser dans, les 24 heures, après avoir crucifié mon Sauveur par un péché mortel, car je ne sache pas en avoir commis, et que je meure plutôt présentement ». C'est un terme qu'il a écrit et proféré si souvent qu'il semble que c'était ce qu'il avait de plus à cœur.

Pour sa dévotion à la Sainte Vierge. — Il l'appelle sa bonne Mère ; il désire avoir témoignage, comme il a été de sa Congrégation. Il lui demande la mort présentement, plutôt que de crucifier le cher enfant de ses entrailles, c'étaient ses termes. Il a sa chapelle domestique dédiée à cette bonne Mère, de laquelle il attend, et de son cher Fils, le secours nécessaire dans les affaires où il ne peut avoir de conseil de personne.

Sa dévotion pour les Anges. — Premièrement, il se met en leur association, établie dans notre église de Quimper. Secondement, il prend saint Gabriel pour protecteur de sa maison, dans un ravissement qu'il eut pendant ses derniers exercices, où il se sent incontinent quitte de toute cette tendresse extraordinaire qu'il avait eue jusqu'à ce moment, pour MM. ses enfants, pour s'attacher uniquement à l'enfance de Jésus.

Sa dévotion envers ses patrons. — Les litanies des Anges ; outre plusieurs oraisons à la Vierge, il récite l'office de l'Immaculée-Conception fait pour les défunts. Saint René (Rouan) dont il portait le nom, saint Joseph, saint Eloi, saint Hyacinthe, sainte Anne, saint Joachim, il leur faisait sa prière, récitait leurs litanies, antiennes et oraisons particulières ; s'acquitte de toutes ses confréries et tout cela inviolablement.

Pour sa Religion. — Il a fondé une collégiale en son château de Beaubois, mais il en méditait une autre plus nombreuse au même lieu, outre ce qu'il a de fondations à Locronan ; il avait résolu d'y établir une collégiale, entretenue de bonnes rentes redoublées ; il ne veut de messes que par de bons prêtres, il l'écrit et le dit.

Grand discernement pour le Sang de Jésus-Christ. — Il l'écrit partout: dans ses papiers de dévotion, dans son testament ; il le recommande à son, pasteur. Pour le choix de vocation, il vint faire une retraite au collège ; il en fit une chez les R. P. Capucins, de quelque peu de jours qu'il put soustraire à la multitude de ses affaires ; il fait encore une retraite qui devait être la dernière, où il reçoit des grâces miraculeuses.

La pureté de son âme et de son corps. — Pour sa chasteté, il avait une telle aversion du vice contraire que ni geste, ni œillade, ni parole, etc., ne lui échappaient de sa maison, qui pût non-seulement causer un soupçon raisonnable, non pas pour lui, mais même pour la jeunesse qui le servait ; car il faisait passer la pureté de son esprit et de son corps dans le corps et l'esprit de ceux qui l'approchaient. Il traitait son corps rigoureusement, quoiqu'il fût faible et sujet à de grandes infirmités. On lui trouva encore après sa mort une rude discipline dans sa cassette ; il faisait même telle profusion de son sang, que son confesseur rapporte qu'il avait vu des pages entières écrites de son sang, pour sceller, dit-il, la foi en son Jésus. C'était de cette manière généreuse qu'il marquait ses bons propos et surtout celui-ci : « Plutôt mourir sur-le-champ que de l'offenser jamais mortellement ». Quelques gentilhommes ont remarqué qu'il prenait la plus mauvaise viande de sa table.

Pour ses domestiques. — Il leur fait faire les prières du soir en commun ; il, a soin de les faire se confesser et communier ; il avertit ceux qui sont capables de la retraite d'y aller ; ils avouent qu'ils ont perdu leur père. En sa mort, ses manœuvres, auxquels il fait gagner de l'argent pour la subsistance de leur pauvre famille, ses vassaux, etc., tous se jettent par terre auprès de son lit après sa mort. Si son testament n'est pas plus grand, c'est parce qu'il en a déjà exécuté la meilleure partie pendant sa vie ; c'est qu'il veut, avant que de mourir, qu'on aille prendre de sa cassette de quoi l'exécuter.

Pour ses sujets. — Il leur servait de père ; son dessein est de les rendre les plus aisés du pays, couvrant cette charité paternelle du prétexte qu'un seigneur n'est jamais mieux payé de ses vassaux que lorsqu'il les a mis dans la faculté de le payer de terme à terme. Lorsqu'il ne pouvait avoir le payement, qu'en les incommodant. il leur demandait du travail au lieu d'argent.

Pour ses officiers. — Il les eût voulus comme lui, c'est-à-dire remarquables par cette équité qui lui était naturelle. Sitôt qu'il avait entendu quelque exaction, il y remédiait le plus tôt qu'il pouvait ; il avait une certaine personne de confiance établie pour lui faire savoir toutes les plaintes que l'on pouvait faire de lui, lui attribuant les fautes de ses officiers ou de ses domestiques vers ses sujets, comme il arrive que le Seigneur porte l'iniquité des siens ; et tout ce que cette personne lui rapportait sur ce sujet, après avoir trouvé le rapport véritable, il dédommageait l'intéressé ; il avait arrêté place pour ces Messieurs en retraite et y en avait fait aller quelques-uns à son exemple.

Pour ses parties. — Une personne fort élevée, en dignité dans le pays lui fait contester par ses officiers quelques droits qu'il jugeait incontestables ; il en fait juge le propre frère de sa partie, il le va voir... etc.. Il était si modéré à parler des personnes qu'il savait ne lui vouloir point de bien qu'il en parlait même sans passion, en louant les bonnes qualités, en excusant le mieux qu'il pouvait les entreprises qu'ils faisaient à son préjudice. Si ce n'était que les exemples choqueraient quelques-uns qui vivent encore aujourd'hui, il serait facile d'en porter plusieurs.

Pendant l'arrière-ban. — Sa vigilance, son équité, sa sévérité à punir les exactions ; il se montre vrai père de la patrie.

Pour secourir les révoltés. — L'inquiétude d'esprit qu'il a eue, le secours unique du ciel dans son Lezargant, la dépense qu'il fallut faire... Son danger à Douarnenez. Pour, entretenir l'amitié parmi les nobles, il court jour et nuit, n'a de repos qu'il n'ait apaisé les troubles » (Chan. Peyron, Le château de Kerazan, p. 28-34).

 

Malo de Névet (1699-1721).

La mort de Henry-Anne de Névet fit craindre pendant quelque temps la disparition du nom de Névet. Le seul survivant mâle était Malo de Névet ; mais il avait quitté le monde. Malo était le dernier fils de Jean de Névet. Il naquit en 1645, un an avant la mort de son père. Seul parmi les 10 enfants de Jean de Névet, Malo parvint à la vieillesse. Sa vie tient du roman. Il fut élevé chez les Pères Jésuites à la Flèche, comme ses frères. La direction pieuse qu'il y reçut fut sans doute pour quelque chose dans l'étrange détermination qu'il devait prendre pour l'avenir. En effet, pour se soustraire aux dangers du monde, il résolut de se faire ermite. L'histoire, écrit M. de Carné, ne dit pas comment cette détermination fut accueillie par sa famille ; mais il est permis de croire qu'elle n'eut pas le don de plaire beaucoup à son entourage, et qu'à la suite de cette décision, Malo fut plus ou moins renié par les Névet. Le fait suivant semble le confirmer. En 1676, à la mort de René, ce ne fut pas son frère Malo qui devint tuteur de son fils Henry-Anne, mais Louis de Breil de Pontbriand, mari d'une des quatre sœurs de Malo. Malo agréa cette nomination un peu extraordinaire, entretint les meilleures relations avec son beau-frère, et quand le fils de celui-ci eut un fils, il fut le parrain de cet enfant et lui donna son nom. Il lui témoigna toujours une réelle prédilection. Ce fait prouve néanmoins que Malo ne jouissait pas en ce moment d'une grande sympathie dans sa famille.

Malo s'était retiré à La Motte, sur la montagne de Locronan, et là, il menait une vie d'ascète. Il se proposait pour modèles les Pères du désert et particulièrement saint Ronan, et adopta un habit en rapport avec son nouvel état. Il travaillait sept heures par jour dans le bois qui entourait son ermitage, gagnant sa frugale nourriture à la sueur de son front, et accompagnant ce travail de prières courtes et ferventes. Il consacrait sept heures à l'adoration, à la lecture et à l'étude, trois heures à la récréation, et sept heures au sommeil. Les prédications du P. Maunoir et de Dom Michel Le Nobletz avaient suscité un grand mouvement religieux à la fin du XVIIème siècle. Une foule considérable de pèlerins affluait au tombeau de saint Ronan et à Sainte-Anne de La Palue, et de là se dirigeait vers l’ermitage de Malo. Il recevait les pèlerins avec bienveillance et les réconfortait par quelque bonne parole. C'est là que vint le surprendre la mort de son neveu Henry-Anne, mort sans alliance, en son château de Beaubois, où il s'était retiré avec sa mère. A l'annonce de ce triste événement se joignent pour Malo des missions pressantes de la part de ses sœurs. Elles le supplient de quitter son ermitage et de se marier pour perpétuer le nom de Névet, dont il était désormais le seul représentant mâle. Ces démarches mirent Malo dans une cruelle perplexité. Il aimait tant cette vie solitaire qu'il menait à La Motte ! Il s'y trouvait si heureux ! Mais on avait touché le seul point par lequel son âme ne fût pas entièrement morte au monde : l'amour du nom de Névet. Malo aimait passionnément ce nom porté par tant d'illustres ancêtres, et la perspective de le voir s'éteindre triompha de ses hésitations. Bientôt la noblesse de province que l'avait oublié, apprit avec stupéfaction que Malo avait non-seulement reparu sur la scène de ce monde, mais qu'il allait se marier, âgé de plus de 55 ans (Gaston De Carné, Elégie du Seigneur de Névet. — Revue hist. de l'Ouest, 4ème année, 17ème livraison).

Mariage de Malo de Névet. — Substitution de Malo Joseph de Breil de Pontbriand dans le nom et les armes de Névet.

Les terres de Trénanglo et de Kermabilo que Malo tenait de sa mère, lui avaient autrefois créé des relations dans le pays de Carhaix. Ce fut dans cette région qu'il se choisit une femme, la fille d'un gentilhomme des environs, de cette petite ville, Marie-Corentine de Gouzillon. Cependant les événements ne répondirent pas tout de suite à son attente ; mais il ne s'en inquiéta pas d'abord outre mesure. Il savait bien qu'il n'était plus de première jeunesse ; mais il était loin d'avoir atteint cet âge où il faut renoncer à tout espoir d'avoir des héritiers de son nom. Pour tromper son impatience, il reprit ses bonnes œuvres, et ne voulant laisser sans les utiliser les vastes bâtiments de son ermitage, il y installa un certain nombre de pauvres pour les nourrir, et des orphelins pour les faire instruire à ses frais. De là est venu à l'ermitage de Malo le nom d'hôpital. Malo y entretenait 12 orphelins de Plogonnec et des environs. A la disparition de la famille., cet hôpital fut transféré à Douarnenez.

Lorsque Malo atteignit 60 ans, sans que l'enfant tant attendu fût arrivé, il commença à s'étonner. Il dut certainement regretter plusieurs fois son ermitage. Il ne pouvait mettre en doute que cet état d'ermite ne fût rempli de séductions pour ses contemporains. Aussi, dans un premier testament qu'il fit en 1705, il dicta tout un règlement de vie, dans le cas où il plairait à quelqu'un d'imiter son exemple. Il y ajouta la prescription pour le seigneur de Névet de recevoir jusqu'à trois ermites, donnant à chacun une pipe de seigle par an et un journal de terre. Il est vrai que personne ne se laissa séduire, et qu'en 1724, trois ans après sa mort, aucun ermite ne s'était encore présenté.

Au bout de dix années de mariage, Malo de Névet renonça à tout espoir, d'avoir des enfants. C'est alors qu'il prit la résolution de substituer son petit-neveu — le fils d'une de ses sœurs, Bonaventure de Névet — dans les nom et armes de Névet. Cet heureux petit-neveu s'appelait Malo-Joseph de Breil de Pontbriand. Il fut aidé dans cettes détermination par un triste événement. Son neveu de Breil de Pontbriand, fils de sa sœur Bonaventure, fut enlevé en trois jours de maladie, au commencement de 1700. Il laissa à sa veuve onze enfants en bas âge. Cette pieuse femme, connue sous le nom de Comtesse de Pontbriand, dont on a écrit la vie, s'appelait de son vrai nom Marie-Sylvie Marot de la Garaye (Dom Lobineau, Vie des Saints de Bretagne, tome V, p. 417). Malo de Névet pensa qu'il n'avait pas de meilleure action à faire que d'adopter un de ses enfants. Son choix était fixé d'avance. Il avait tenu un d'entre eux sur les fonts baptismaux, Malo Joseph, qui avait alors onze ans. Cet enfant remplaça, autant que c'était possible, dans l'affection de Malo de Névet ce qui lui manquait. Il se chargea des frais de son éducation, le plaça chez les Jésuites de Rennes, puis à l'Académie, et l'habitua à se considérer comme le seul héritier de sa fortune et de son nom. Lorsqu'il eut pris toutes les dispositions en vue de l'avenir, il s'adonna de plus en plus aux œuvres de charité. Par un acte de 1715, il régularisa devant notaire les fondations de son hôpital pour le service des pauvres et l'entretien de 12 orphelins, de sept à quatorze ans, de la paroisse de Plogonnec. Nul doute qu'il passât une partie de sa journée dans cet établissement et qu'il continuât à soigner les pauvres de ses mains. Il avait renoncé avec tant de peine à sa vie d'autrefois qu'il s'efforcait d'y suppléer de son mieux. On le trouvait au milieu de ses protégés ou chez les Capucins de Quimper, où il avait un petit appartement meublé. En 1716, il fit un second testament pour confirmer ses fondations et les dispositions qu'il avait prises vis-à-vie de son neveu de Breil. Il y fit entrer en plus, une foule de libéralités, legs pieux, pensions viagères, aumônes aux familles indigentes des paroisses où il avait des biens, secours aux « pauvres écoliers » des collèges et des Séminaires tant à Quimper qu'à Paris, et il pensa probablement qu'il ne lui restait plus qu'à mourir. Il avait dépassé l'âge de 71 ans, et son fils adoptif était âgé de 17 ans, lorsque soudain éclata cette stupéfiante nouvelle : « après plus de 15 ans de mariage, Mme de Névet était enceinte » (aston de Carné, loc. cit.).

Naissance de Marie-Thérèse-Josèphe de Névet. — Mort de Malo de Névet.

Les papiers du temps attestent l'émotion générale : Mme de Névét allait devenir mère ! Sera-ce un garçon ? sera-ce une fille ? On fut bientôt fixé, car le 30 juin 1717, Mme de Névet accouchait d'une fille au château de Lezargant. On peut croire qu'elle n'avait pas négligé de demander cette faveur au bon saint Ronan ; mais elle ne fut exaucée qu'à demi, car la descendance directe des Névet était par le fait éteinte.

L'héritière de Névet fut baptisée le 2 juillet 1717, dans la chapelle de Lezargant, par M. Le Gonidec, recteur de Plonévez-Porzay. Voici l'acte de baptême tel qu'il se trouve dans les registres de Plonévez-Porzay :

« Le 2 juillet 1717, fut baptisée dans la chapelle du château de Névet, par M. Le Gonidec, recteur, Marie-Thérèse de Névet, fille de haut et puissant seigneur Malo de Névet et de dame Corentine-Marie de Gouzillon, marquise de Névet, Pouldavid et annexes, Launay-Névet, Bauboys, Lavollière, Trenanglo, Kermabilo et autres terres et seigneuries. Parrain : messire Sébastien de Gouzillon, chevalier, seigneur de Kerméno, Kermorvan, et autres lieux. Marraine : dame Marie-Vincente de Kersulguen, dame de Villeneuve, faisant pour et au nom de haute et puissante dame Marie-Thérèse du Parc, dame de Locmaria. Ont signé : Marie-Vincente de Kersulguen, Sébastien de Gouzillon, de Kerméno, Bonaventure Duménez de Kervéno, Marie-Magdeleine-Moricette de Penandreff, Olivier-Vincent Duménez-Lézurec, Yves Bornez, Jean Le Bot, prêtre et curé de Kerlaz, Malo de Névet, Pierre Floch, prêtre, Du Fretay, Boulbria, prêtre, Bannalec, Guillaume Bernard, prêtre, Jean Piclet, prêtre, Yves Horellou, prêtre, Yves Le Gonidec, recteur de Plonévez-Porzay, Ch. Perc'hirin de Keryar ».

Cette naissance inespérée dérangea les plans de Malo de Névet. Au point de vue de la coutume, Marie-Thérèse devait être son héritière au détriment de son fils adoptif. D'autre part il aimait tant son petit-neveu qu'il chercha par tous les moyens à échapper à cette conséquence fâcheuse. Il consulta les avocats de Bretagne et de Paris, rédigea cinquante projets de testament; mais la difficulté restait insoluble. Il désespérait même d'arriver à ses fins, quand il eut une idée lumineuse. Puisqu'il fallait compter avec sa fille, il y avait un moyen bien simple d'aplanir la difficulté, c'était de faire connaître, en ses dispositions dernières, sa volonté qu'un jour l'héritière de Névet unît sa destinée à celle de son cousin de Breil, qui était chargé de continuer la famille et de relever le nom. Par acte de donation entre vifs, il lui attribua les armes et le nom de Névet, et ne pouvant lui transmettre ses seigneuries, il ordonna de lui marier sa fille. La marquise de Névet n'avait personnellement aucune objection à faire à l'entrée de sa fille dans l'ancienne et très noble maison de Breil de Pontbriand ; mais une autre disposition du testament lui causa un amer chagrin. Par codicille du 5 mars 1719, le vieux marquis avait ajouté à son acte la disposition suivante : aussitôt après sa mort, sa fille serait conduite au couvent du Calvaire à Quimper, pour y être élevée, et n'en sortirait qu'à l'âge de 12 ans pour épouser Malo de Pontbriand. Mme de Névet se voyait ainsi enlever sa fille unique. Encouragée même par la famille de son mari, elle attaqua le testament après sa mort. En multipliant les procédures devant toutes les juridictions, elle se promettait que, selon la mode de l'époque, le procès durerait des années, pendant lesquelles elle pourrait garder sa fille auprès d'elle. Elle espérait ainsi, en temporisant, pouvoir aller jusqu'à l'époque fixée pour le mariage. D'un autre côté, Malo de Névet avait pris ses précautions vis-à-vis de son neveu. Il l'autorisa à réclamer de la succession une somme de plus de 100.000 livres pour s'acheter une charge de conseiller, si une circonstance quelconque empêchait le mariage. Puis, dans la crainte que la substitution de nom ne causât dans la suite quelque difficulté à ce neveu bien-aimé, il régla par acte entre vifs cette grande question qu'il avait tant à cœur. Par cet acte passé devant notaire le 4 juillet 1719, et qu'il fit enregistrer au Parlement, il octroya à son neveu le titre de vicomte, avec celui de chef de nom et d'armes de la maison de Névet. Il compléta ses libéralités précédentes, en lui accordant une pension annuelle de 10.000 livres, et dix tonneaux de froment à prélever, tous les ans, sur les villages de Plogonnec. Le vieux marquis ne survécut pas longtemps à cette affaire. Après avoir déposé son testament entre les mains du P. Marcellin, capucin à Quimper, il ne songea plus qu'à se préparer à la mort. Il tomba malade au Carêne de l'année 1721 et mourut dans la nuit du mardi après le dimanche de la Passion. Il avait eu, pour l'assister en ses derniers moments, deux Capucins, le P. Joseph de Rosporden, son confesseur, et le P. Marcellin, alors gardien de la maison de Quimper.

Les obsèques de Malo de Névet eurent lieu à Locronan, devant une nombreuse assistance et un grand concours de pauvres, qui ne pouvaient oublier tout ce qu'il avait fait pour eux en fondant l'hôpital de La Motte et des rentes pour y entretenir 12 orphelins de la paroisse de Plogonnec ; il avait ordonné de distribuer cinq sols à tous les pauvres qui assisteraient à ses obsèques (Gaston de Carné, loc. cit.).

Voici l'acte de décès de Malo de Névet :

« Ce jour, 2e d'avril 1721, le corps du haut et puissant seigneur messire Malo de Névet, marquis dudit lieu, seigneur, de Beauboys, Kermabilo et autres terres, colonel du ban et arrière-ban de l'Evêché de Cornouaille, âgé de 76 ans, mort le premier avril, en son château de Névet, a été enterré dans sa tombe élevée située dans le chœur de l'église de Saint-Ronan. Au dit enterrement a officié le sieur recteur de Plogonnec et y ont assisté les sieurs : recteur de Plonévez-Porzay, avec leurs prêtres, et écuyer Guy de Moëllien, seigneur dudit lieu, écuyer du Vieux-Châtel, son fils, écuyer. Charles-Marc Halna du Fretay, écuyer Louis de Keroulas et plusieurs autres... Signé : Philippe Perrault, vicaire perpétuel de Locronan. » (Registres de la mairie de Locronan, année 1721).

Enlèvement de l'héritière de Névet par les émissaires de Malo de Pontbriand, au château de Beaubois.

Après la mort de Malo de Névet, sa veuve quitta Lezargant, où elle ne comptait plus faire que de rares et de courts séjours. Elle transporta sa résidence principale à Beaubois. Sa détermination s'explique facilement. Sa fille n'avait plus de proches parents en Basse-Cornouaille, et la résidence de Beaubois la rapprochait de ses parents de Breil de Pontbriand et de ses alliés Guyon de Matignon. La marquise de Névet n'avait jamais connu le bonheur à Lezargant, où les domestiques, abusant étrangement de la trop grande bonté du marquis, tenaient une place prépondérante. Le voisinage de la maison Guyon de Matignon à Beaubois ne fut peut-être pas inutile au mariage de Mlle de Névet, huit ans plus tard.

Cependant les procédures engagées par la marquise de Névet duraient toujours. Six ans s'étaient écoulés depuis le jour où elle avait attaqué le testament de son mari, et la question n'avait pas avancé d'un pas. Elle attendait encore sans aucune impatience, à Beaubois, une première sentence, Marie-Thérèse avait atteint 10 ans, et sa mère voyait avec inquiétude approcher le moment fixé par le marquis pour les fiançailles de sa fille avec Malo de Pontbriand, qui était fort du testament de son oncle. Personnellement elle n'avait rien à dire contre ce jeune homme et contre sa famille ; mais elle estimait que le nom de Névet étant continué par lui, le vœu de son mari était suffisamment rempli et qu'il n'était pas nécessaire qu'il épousât sa cousine, qui pourrait prétendre à un mariage plus brillant. Du reste, elle considérait que plusieurs des prescriptions testamentaires de son mari avaient été dictées par une idée fixe et dominante. Malo de Pontbriand avait à cette époque 22 ans. Comme nous l'avons dit, Mlle de Névet n'en avait que dix et ne serait nubile que dans deux ans. Le jeune de Pontbriand craignait-il que Mme de Névet n'eût quelque autre projet de mariage pour sa fille ? Toujours est-il qu'il conçut un acte audacieux pour précipiter les affaires, et, d'accord avec quelques amis, il enleva Marie-Thérèse à sa mère. C'était à la fin de l'été de 1727 ; la marquise de Névet se promenait avec sa fille dans son parc de Beaubois lorsqu'elle reçut la visite de quatre dames qu'un grand carrosse avait amenées. Deux de ces dames s'approchèrent pour amuser l'enfant, pendant que les deux autres s'éloignaient insensiblement avec la mère. Lorsque la marquise de Névet fut assez loin pour ne rien entendre, ou qu'elle eut disparu au tournant d'une allée, douze jeunes gens s'emparèrent de Marie-Thérèse, la jetèrent dans le carrosse, et la troupe s'enfuit au grand galop des, chevaux. Le maréchal d'Estrées, commandant militaire en Bretagne, parlant au nom du roi, en l'absence du gonverneur de Bretagne, intervint et ordonna à la famille de Pontbriand de rendre la jeune héritière de Névet à sa mère. Ses ordres furent exécutés immédiatement. Ni administration ni magistrature n'eurent à intervenir. Le commandant militaire suppléant le gouverneur régla l'affaire officieusement, et Mlle de Névet fut rendue à sa mère. Les espérances de Malo de Breil de Pontbriand s'étaient évanouies et la rupture devint complète entre les deux familles (Gaston de Carné, loc. cit.).

Mariage de Marie-Thérèse de Névet avec le Comte de Coigny. — Mort tragique de son mari à Versailles.

Débarrassée de ce cauchemar, la marquise de Névet, chercha ailleurs un parti pour sa fille. Son choix se fixa sur la maison de Coigny. Dès que Mlle de Névet eut 12 ans, sa mère la maria à Jean-Antoine-François de Franquetot, comte de Coigny, fils de François de Franquetot, marquis de Coigny (puis duc en 1746) et maréchal de France en 1734, et de Henriette de Montbourcher, marquise du Bordage et de la Moussaye ; et petit-fils de Marie Guyon de Matignon, cousine germaine de la marquise René, de Névet, née Anne de Guyon de Matignon. On voit par là qu'il y avait déjà, bien avant ce mariage, des relations étroites entre les deux familles.

Né le 25 décembre 1702, Jean-Antoine-François de Franquetot, comte de Coigny, avait 27 ans en 1729, époque à laquelle nous nous reportons. Il était alors « mestre du camp de dragons, grand bailli et gouverneur de Caen », et très avancé dans la faveur du roi Louis XV. Le mariage eut lieu dans la chapelle du château de la Magnane, le 5 novembre 1729, commune d'Andouillé-Neuville, aujourd'hui canton de Saint-Aubin d'Aubigné, arrondissement de Rennes. Elevé pour ainsi dire avec Louis XV, entouré des plus hautes protections, Jean-Antoine-François de Franquetot avait devant lui un brillant avenir. Il allait être promu lieutenant-général en 1733, à peine âgé de 30 ans, et comptait succéder à son père dans la charge de colonel-général des dragons, quand on le trouva mort sur la route de Versailles, le 4 mars 1748, la gorge ouverte, et assis dans une chaise renversée. Tout d'abord, on attribua cette mort à un accident. La vérité est que Jean-Antoine François de Franquetot avait péri en duel.

On n'est pas très bien fixé sur le motif de la rencontre. La version la plus accréditée prétend que, jouant un soir au jeu du roi, avec le prince de Dombes, fils aîné du Duc du Maine, il perdit beaucoup. Un mouvement de colère l'amena à prononcer cette parole imprudente : « Il a plus, de chance qu'un enfant légitime ». De là le duel et la mort qui en fut la suite. Jean-Antoine-François de Franquetot, comte de Coigny, fut pleuré du roi, et plus encore de sa veuve Marie-Thérèse-Josèphe de Névet qui aimait beaucoup son mari, malgré ses nombreuses infidélités. Après avoir connu dans le cours de son existence beaucoup de joies et beacoup de larmes, elle mourut elle-même le 19 août 1778. Avec elle s'éteignit la descendance directe des Névet (Gaston de Carné, loc. cit.).

 

Descendance indirecte des Névet « La jeune captive de Saint-Lazare ».

Jean-Antoine-François Franquetot de Coigny laissait à sa veuve trois enfants en bas âge :

1°) Marie-François-Henri, né le 28 mars 1737, lieutenant-général en 1780 ; pair de France en 1787 ; Duc de Coigny après la mort de son aïeul le maréchal de Coigny ; émigra en 1791, rentra en France en 1816 ; fut maréchal de France en 1816, et mourut gouverneur des Invalides en 1820. Il eut deux enfants :

A) François-Marie-Casimir de Franquetot, marquis de Coigny, maréchal de camps en 1788, lieutenant général en 1814, mort en 1816.

B) Antoinette-Françoise-Jeanne de Franquetot, qui épousa Horace-François-Bastien Sébastiani, général de l'empire, devenu maréchal de France en 1848.

Leur fille unique, Altarice-Rosalba-Fanny Sébastiani, mariée au duc de Choiseul-Praslin, en 1824, était une femme d'une grande vertu et d'une correction parfaite. Elle avait eu douze enfants de son mariage avec le duc de Choiseul-Praslin. Celui-ci, après une vie assez régulière, avait contracté des liaisons incompatibles avec la fidélité conjugale. Sa femme s'en émut et songea à demander la séparation. Ce fut alors, qu'emporté par la passion, le duc en arriva à l'assassiner. Il prévint lui-même la justice en s'empoisonnant, quelques jours après son arrestation (Chan. Peyron, Bull. dioc., mars-avril 1919).

2°) Augustin-Gabriel, dit le comte de Coigny, né à Paris, (Saint-Roch) en 1740 ; maréchal de camp en 1780. Il fut le père de Anne-Françoise-Aimée de Coigny, née à Saint-Roch, en 1769, et qui a fait tant parler d'elle. Elle avait six ans lorsqu'elle perdit sa mère. A 15 ans, lé 5 décembre 1784, elle épousa André-Hercule Rousset, duc de Fleury. Ils voyageaient en Italie en 1793. Après plus d'une infidélité, elle allait devenir mère. Son mari en prenant son parti, la quitta et s'enfuit à Coblentz. Elle-même passa en Angleterre, puis rentrant en France et se sentant suspecte comme femme d'émigré, elle demanda le divorce qu'elle obtint sans peine, mais qui ne la sauva pas de l'arrestation. Le 4 mars 1794, elle fut écrouée à Saint-Lazare en même temps qu'un gentilhomme de Franche-Comté, nommé Mouret de Montrond. Dix jours plus tard, le 14 mars, André Chénier entrait à son tour dans la prison. C'est là qu'il fit la connaissance de la petite-fille de Marie-Thérèse de Névet, qui lui inspira l'émouvante élégie « La jeune captive ». Tous trois furent inscrits sur la liste de ceux qui devaient être exécutés le 7 thermidor, an II. Montrond obtint à prix d'argent sa radiation et celle de Mlle de Coigny. Quatre mois après, elle épousait Montrond. Au bout de quelques années, elle divorçait de nouveau, pour reprendre et garder le nom de Mlle de Coigny. Elle se mit alors à écrire des romans passionnels et des mémoires qui ont été publiés par la Revue des Deux-Mondes (Revue des deux Mondes, 1902, tome VIII, p. 638-etc). Elle mourut à Paris en 1820. C'est ainsi que la glorieuse descendance des barons et des marquis de Névet est venue s'éteindre dans la boue et le sang : une femme tuée, par son mari, une autre infidèle à tous ses devoirs, mariée depuis 10 ans, adultère, divorcée !. voilà l'ingénue sur les lèvres de laquelle André Chénier a mis des plaintes si touchantes. 0 poésie !

3°) Le 3ème fils de Marie-Thérèse de Névet, fut Jean-Philippe, né en 1743, maréchal de camp en 1784, dit le chevalier de Coigny. Il mourut en émigration.

M. le chanoine Peyron finit ainsi la notice qu'il a consacrée aux derniers seigneurs de Névet : « L'année 1921 verra le bicentenaire de la mort du dernier des Névet. Mais l'auréole de vénération qui entoure la mémoire des deux frères René et Malo n'est pas encore effacée dans le cœur des habitants de Kerlaz. Désormais elle deviendra impérissable, grâce à la pieuse pensée d'un enfant du pays, le R. P. Le Floch, de la Congrégation du Saint-Esprit, supérieur du Séminaire français à Rome, qui vient de doter la jolie église de sa paroisse natale de beaux vitraux, dont l'un rappelle, d'une manière touchante, la piété et la charité des seigneurs de Névet, vrais bretons et soutiens de leur pays, comme le chantait « Malgan », Kendalc'h ar Vretoned » (Chan. Peyron, Bull. dioc., mars-avril 1919).

 

Elégie de Monsieur de Névet : « MARONAD AN OTROU NÉVET ».

Tel est le titre d'une complainte bretonne, composée au XVIIème siècle par un mendiant du nom de Malgan, sur la mort de M. de Névet. Voici le texte :

Elégie de Monsieur de Névet (Partie 1).

Elégie de Monsieur de Névet (Partie 2).

Elégie de Monsieur de Névet (Partie 3).

Elégie de Monsieur de Névet (Partie 4).

Elégie de Monsieur de Névet (Partie 5).

Elégie de Monsieur de Névet (Partie 6).

 

Quel est le seigneur, de Névet dont il s'agit dans cette, complainte ? La question a été traitée contradictoirement par M. Gaston de Carné et par M. Trévédy.

D'après M. de Carné, le héros de la complainte serait Malo de Névet. Malgan fait du seigneur un vieillard. Or, seul Malo de Névet, parmi les derniers de la race, parvint à un âge avancé. Jacques, Jean, René et Henry-Anne sont tous morts avant d'avoir atteint la quarantaine.

D'après M. Trévédy, il s'agit de Jean de Névet. Il est dit en effet dans la complainte que le seigneur avait beaucoup d'enfants. Or, seul Jean de Névet était dans ce cas.

M. le chanoine Peyron semble avoir tranché la question en faveur de René de Névet. Il arrive à cette conclusion en confrontant, les dates. Jean de Névet est mort pendant l'Avent, le 11 décembre 1646, et Malo pendant le Carême, le 1er avril 1721. Or, on s'explique difficilement une fête de nuit en Avent ou en Carême, à une époque où les lois de l'Eglise étaient mieux observées que de nos jours. Cette fête, au contraire, s'explique très bien si l'on admet, avec M. le chanoine Peyron, qu'il s'agit de René de Névet, mort le lundi de la Quasimodo, pendant le temps pascal. On objectera que le seigneur chanté par Malgan, est âgé. M. le chanoine Peyron fait à ce sujet une observation très juste : Malgan ne parlait pas français, mais breton. Or, en breton, l'expression « Otrou koz » n'évoque pas nécessairement l'idée de vieillard. En breton, on applique couramment cette épithète à un gentilhomme, quel que soit son âge, pour le distinguer de ses enfants.

Quand aux détails qui suivent, par exemple les détails qui concernent le fossoyeur et la cérémonie du cimetière, ils ont été imaginés de toute pièce par Malgan, pour dramatiser son récit. Les seigneurs de Névet n'étaient pas enterrés au cimetière, mais d'abord aux Cordeliers de Quimper, et ensuite dans leur caveau de famille à l’intérieur de l'église de Locronan (Chan. Peyron, Bull. dioc., janv.-fév. 1919).

 

Tombe prohibitive des Seigneurs de Névet à Locronan.

Avant la construction de l'église de Locronan, les seigneurs de Névet étaient souvent inhumés aux Cordeliers de Quimper, ainsi qu'il résulte du Nécrologe. (1371-1424-1444-1448). Tiphaine de Kaër ou Keraër, femme de Hervé III de Névet, fut la première de la famille à choisir ce lieu de sépulture. (Calendes de mai, 1371) . Son mari, mort le 3 des calendes, d'octobre de la même année, suivit son exemple. Hervé V fut également inhumé aux Cordeliers, le 9 janvier 1421, et sa femme Jeanne du Juch, en 1440. Jeanne de Lespervez, femme de Hervé VI, y fut inhurnée le 9 avril 1442. Quand l'église de Locronan fut construite, les seigneurs de Névet qui contribuèrent largement à sa construction, surtout en fournissant les matériaux, dérogèrent à cette tradition. A titre de bienfaiteurs, ils eurent leur caveau dans la nouvelle église. Hervé VI fut le premier à être enterré à Locronan, bien que par testament il eût désigné la chapelle des Cordeliers comme lieu de sépulture. Forts de cette disposition testamentaire, les Cordeliers eurent recours aux Tribunaux : le corps de Hervé fut exhumé et transporté aux Cordeliers ( Nécrologe des Cordeliers, 13 cal. aug. 1444).

Le caveau des seigneurs de Névet, dans l'église de Locronan, se trouve au milieu du chœur, en face du maître-autel. Il a été decouvert, en septembre 1906, par. M. Jean-Guillaume Hémon, adjoint au maire de Locronan. Le monument est intact, mais il a été violé pendant la Révolution. M. Hémon l'a exploré en 1906 et y a trouvé des ossements humains : 1°) un tibia mesurant 0 m. 42 ; 2°) un os maxillaire ayant 0 m. 11 de tour ; 3°) une tête ayant 0 m. 17 de haut sur 0 m. 13 de large. Le caveau est vide aujourd'hui. Les pierres de l'intérieur ont été enlevées et jetées hors de l'église, à côté de la chapelle du Pénity, où elles gisalent pêle-mêle depuis bien longtemps. Elles y étaient encore vers 1920. Le propriétaire de Prat-Tréanna en Plonévez-Porzay, ayant une maison neuve à construire, demanda à les acheter. La municipalité, d'accord avec le recteur de la paroisse, consentit à les vendre, et tous les matériaux, y compris ceux qui provenaient de la chute du clocher, furent transportés à Prat-Tréanna, à l'exception de deux ou trois pierres sculptées dont on ne savait que faire. Le baron Halna du Fretay passant un jour par Prat-Tréanna, au retour d'une partie de chasse, sauva une de ces pierres, celle qui portait l'écusson de Névet, au moment où le marteau de l'ouvrier allait la tailler pour l'ajuster à la maçonnerie. Il l'acheta et la fit transporter dans son musée du Vieux-Châtel. Il ne restait plus du tombeau de Névet que les quelques pierres qu'on laissa à Locronan. M. Brisson, recteur de la paroisse, les mit à l'abri du marteau dans l'intérieur de l'église. Deux se trouvent sous la statue de saint Corentin ; la plus importante est debout. On y voit un cœur en bosse, avec l'inscription que nous donnons ci-après. On sait que Henry-Anne de Névet et Anne Guyon de Matignon sa mère moururent en leur château de Beaubois et y furent inhumés ; mais leurs cœurs, furent plus tard transportés à Locronan dans la tombe prohibitive de la famille. A côté de cette pierre se trouve une autre moins grande ; elle est malheureusement, écornée. Par suite de cet accident, l'inscription gothique qu'elle porte est incomplète. Cette pierre fait suite à une autre de même provenance, qui se trouve dans le deuxième enfeu du côté de l'épître. Voici les inscriptions qu'on lit sur ces deux pierres :

« Ci-gît messire René de Névet, chevalier marquis de Névet, colonel du ban et arrière-ban, garde-costes général de l'Evesché de Cornouaille, commandant pour le roy dans le même évesché. Il était fils de messire Jean de Névet et de très haute et puissante dame Bonaventure de Liscoët. Il est mort en son château de Névet, le 13 avril 1676, âgé de 34 ans ».

« Ci-gît aussi messire de Névet son père, fils de messire Jacques de Névet et de très haute et puissante dame Françoise de Tréal, héritière de Beauboys... Il est mort en son château de Névet, le 1er mars... âgé de 34 ans ».
« Tous les seigneurs de Névet ont été mis aussi dans ce tombeau de leurs ancêtres »
.

La deuxième inscription qui se lit sur une autre pierre de l'enfeu, faisant suite à la première, est ainsi conçue :

« Est apporté le cœur de messire Henry-Anne de Névet, colonel du régiment Royal-Vaisseaux et du ban et arrière-ban de l'évesché de Cornouaille, et garde-costes général, chevalier, marquis de Névet. Il estait fils de messire de Névet et de dame Marie-Anne de Matignon. Il est mort en son château de Beauboys, le 12 décembre 1699, âgé de 29 ans.
Aussi estait apporté le coeur de haute et puissante dame Marie-Anne de Matignon. Elle estait petite-fille de très haute et puissante princesse Eléonore d'Orléans de Longueville, parente de Louis XV au 10ème degré, qui épousa le fils du maréchal de Matignon. Elle est morte en son château de Beauboys, le 12 août 1699, âgée de 49 ans »
.

 

Officiers, intendants, personnel domestique de Malo, dernier Seigneur de Névet.

En compulsant les registres de la mairies de Locronan, à partir de l'année 1719 jusqu'à la mort de Malo de Névet, on peut par les actes de baptêmes, de mariages et de décès, connaître les noms de plusieurs officiers, intendants et domestiques du dernier seigneur de Névet. Voici quelques noms, à titre de curiosité :

En 1719, une Catherine Baudour, née à Plougonven, évêché de Tréguier, domestique depuis neuf ans au château de M. le marquis de Névet, se marie à un Louis Conan, marchand de sabots en la ville de Locronan. Ont signé : Marie-Corentine Gouzillon de Névet, Mme de Kerbiquet, Catherine Kerriec, Mme de la Marre, Du Fretay, etc.

Le 30 juillet de la même année, après bannie dans l'église tréviale de Kerlaz, mariage de Sylvestre Kerlosque, officier chez M. le marquis de Névet.

Le 12 mars 1723, figure comme marraine dans un baptême, une demoiselle Corentine de la Marre, fille de noble homme Jacques de la Marre, sénéchal de Guengat et procureur, fiscal de Névet.

Le 2 mars 1724, il est question dans un acte semblable, d'une Catherine Decours, domestique chez Mme la marquise de Névet.

Le 24 décembre 1724 on voit, dans un autre acte, le nom de maître Guillaume, Guéguen, sieur de Kermorvan, sénéchal de Kervent, Plessis-Porzay, et procureur fiscal de Névet.

Le 31 mars 1728, on lit dans un acte, le nom de Yves-Marie Quintin, greffier de la juridiction de Névet.

Le 2 juillet 1732, il est question d'un Lessègues de Rosaven, notaire du marquisat de Névet et Pouldavid.

Le 30 juin 1738, dans un acte de baptême, on relève le nom de noble homme maître Jean-Bernard Bouriquen, sieur de Quenerdu, sénéchal des juridictions de Névet, Kerharo, Douarnenez, Kerguélen et Vieux-Châtel.

Le 30 octobre 1718, on voit le nom de Jean Guéguen, cocher chez M. le marquis de Névet.

Dans plusieurs actes on voit figurer souvent les noms de deux Du Fretay qui signent ordinairement intendants de M. le marquis de Névet.

Le 26 mars 1720, on parle, dans un acte, d'un Jean Le Hir, pourvoyeur de M. le marquis de Névet (Registres de la mairie de Locronan, année 1719, etc.).

(Abbé Horellou).

© Copyright - Tous droits réservés.