Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LAVREC (ou LAVRET) ET LANDEVENNEC

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Landévennec 

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Deux saints panceltiques.

Les origines lointaines de Landévennec ne s'expliquent bien qu'en fonction de ses rapports d'appartenance avec le site monastique de Lavret (ou Lavrec) au Goëlo. Et d'abord dans l'influence de l'énigmatique saint Budoc sur le fondateur de l'abbaye.

C'est principalement le Cartulaire de l'abbé Gurdisten, qui remonte à la seconde moitié du IXème siècle, qui nous peut renseigner sur la tradition de Lavret telle qu'elle fut reçue de saint Guénolé. Voici le portrait de Budoc. « C'était un ministre angélique richement doué de savoir, remarquable par sa droiture, que tout le monde de ce temps considérait comme un boulevard de la foi et l'une des plus fermes colonnes de l'Eglise ». Sous la redondance des formes se révèle la vénération dont Budoc était l'objet non seulement à Landévennec, mais à travers toute l'Armorique aussi bien qu'en Bretagne la Grande. Dans le voisinage immédiat de Landévennec, et sous sa dépendance, Budoc est le patron de Trégarvan où il figure à l'église paroissiale tant à l'entrée, crossé et mitré, en granit du pays, qu'à l'intérieur en bois polychrome.

En Basse-Cornouaille, Budoc est connu principalement sous le nom de « Beuzec », tel à Beuzec-Conq, en face de Concarneau où l'abbaye possédait le prieuré de Saint-Guénolé. De même à Beuzec-Cap-Sizun où Guénolé avait un sanctuaire à son nom, sans compter, à la Pointe du Van, la fontaine de saint They, un des compagnons du fondateur de Landévennec ; or saint They se retrouve encore à Plouhinec avec Budoc signalé au village de Trébeuzec. Budoc et Guénolé sont de compagnie à l'église de Saint-Jean-Trolimon ; à Plomeur Lan-Guénael perpétue la mémoire du successeur de Guénolé. Dans le canton même dont fait partie l'ancienne église de Beuzec-Cap-Caval, lui répond la paroisse de Saint-Guénolé-Penmarc'h.

Dans le Léon, avec une moindre fréquence, le même voisinage se retrouve à Porspoder dont Budoc est le patron ainsi qu'à Plourin-Ploudalmézeau ; au même canton, à Plouguin, Guénolé avait une très ancienne chapelle.

En Haute-Bretagne, au diocèse de Saint-Brieuc, Guénolé avait sa chapelle en face de Lavret. C'est à bon droit qu'à Saint-Brieuc, la dévotion moderne fait figurer côte à côte Budoc et Guénolé sur les vitraux de Notre-Dame d'Espérance.

Dans le diocèse actuel de Rennes, mais sur une ancienne enclave de Dol, dont la légende fait de Budoc le troisième évêque, voici aux portes de la ville épiscopale, Roz-Landrieux dont l'éponyme est saint Rioc, le disciple de saint Guénolé spécialement honoré en Basse-Cornouaille et connu également au diocèse de Saint-Brieuc, sous le nom de saint Rioul.

De l'autre côté de la Manche, la Mer Brittonique, à la pointe sud de la Grande-Bretagne. Budoc fait figure de saint panceltique aussi bien que Guénolé. Il y a, en effet, une paroisse de « Bu-dock » dans le Cornwall et, tout à côté, Budock Vean en Constantine. Plus au nord, dans le Devon, saint Budeux sur la rivière Tamar. Ceci pour les lieux de culte qui subsistent à l'heure actuelle. Mais il convient de noter qu'il a été longtemps honoré au Pays de Galles dans la paroisse de Steinton sur la baie de Milford. Enfin, dès avant l'arrivée de Guillaume le Conquérant accompagné d'un fort contingent de Bretons, il y avait une paroisse de Saint-Budoc à Oxford ; on sait, de plus, qu'il était inscrit au célèbre Martyrologe d'Exeter.

Saint Guénolé voisine sans cesse avec son maître Budoc, mais au moins en Cornwall, — et en Galles — son culte paraît d'implantation plus ancienne. Guénolé est l'éponyme de plusieurs « lan » : Landewenack, la paroisse la plus méridionale de tout le Royaume-Uni ; tout à côté, les paroisses de Todwenock et Gunwaloe ainsi que Tresmere et à East-Porlemouth et il avait autrefois, les sanctuaires à Llandevennil et à Llanwinny, près Magor, au Pays de Galles. Son nom se retrouve à Saint-Germans près de Plymouth et à Roscradock en St-Cler. Enfin Guénolé figure sur la liste ancienne des reliques d'Abingdon, près d'Oxford comme dans le martyrologe précité d'Exeter. On le comprend sans peine : Atelstan, le roi d'Exeter, était le parrain et protecteur du jeune Alain. Barbe-Torte, qui libérera l'Armorique des Normands.

Le Cornish-Church-Calendar de 1933 ne pouvait manquer de mentionner les fêtes de S. Guénolé au 3 mars et au 28 avril aussi bien que celle de Budoc au 8 décembre. On peut dire, avec J. Loth que du Vème aux IV-Xème siècles, « l'Armorique est comme une dépendance du Cornwall ». Mais on doit en dire tont autant, dans une certaine mesure, sur le plan des usages monastiques. C'est bien ce qui ressort de l'enseignement transmis pur Budoc à Guénolé, en remontant d'ailleurs à une source comnume plus lointaine.

 

L'enseignement du « Maître Sublime ».

Gurdisten est habilité à nous faire connaître la doctrine monastique de Budoc qui, par son disciple préféré Guénolé, fut à la base de la tradition de Landévennec. Or quand le docte abbé rédige son Cartulaire — tout au moins la Vita de saint Guénolé — nous avons l'impression qu'il est en réaction contre l'étrange situation qui lui est faite officiellement de par le célèbre Décret de Louis le Débonnaire en 818. Le fils de Charlemagne prétend mettre à l'alignement « ut concordarent » — les moines de Landévennec et, à travers eux, tous les tenants du monachisme d'inspiration celte ; c'est le cas de Léhon, près Dinan, et surtout de Redon, sous Conwoion que Nominoé, pour lors lieutenant de l'Empereur en Bretagne, avait pris sous sa protection. Mais à la mort du Sérénissime, cinq ans plus tard, Nominoé défait complètement Charles le Chauve à Ballon. Ses successeurs, Erispoé et surtout Salomon, se conduisent en princes souverains dégagés de leur allégeance avec les Francs honnis. Cependant le Décret Impérial figure en bonne place dans le Cartulaire (Liv. 2, cap. 13) mais précisément après que Gurdisten, au chapitre précédent, ait exposé le « genre de vie » de Guénolé tel qu'il fut en usage au monastère « per longa tempora ». Rien de vraiment bénédictin ! D'ailleurs, pratiquement la Règle imposée à nos Bretons devait être celle que suivait Benoit d'Aniane, en son abbaye de Maur-Munster aux portes de la Cour impériale dont il fut en quelque sorte l'aumônier. Séduit par le mythe de la « laus perennis » il en était arrivé à faire de ses moines bénédictins des Chanoines Réguliers voués à l'office de la louange publique jour et nuit — rien de commun avec la tradition bénédictine authentique marquée de l'esprit de discrétion de l'illustre Belloît de Nursie rappelé à Dieu trois siècles plus tôt.

Pour Landévennec, il suffit de se reporter aux consignes de saint Budoc à saint Guénolé quand son jeune disciple et ses onze compagnons, à l'invite d'une aparition de saint Patrick, vont prendre la route vers l'Armorique. (Cartulaire, Livre I, chapitre 20).

« Soumettez-vous au travail manuel avec désintéressement et contrition de cœur, sans rechercher la louange des hommes dans l'exercice de votre art, sans mépriser celui qui l'ignore. L'ignorant, comme l'ouvrier habile, est la créature de Dieu ; souvent, par la permission divine, tel qui excelle dans un art a pour un autre besoin d'autrui et réciproquement ; car je ne crois pas que Dieu crée un homme sans aptitude pour aucun métier. Que si au lieu d'un seul métier vous en avez deux, trois ou davantage de façon à bien gagner votre vie, en cela comme en tout, c'est Dieu qu'il faut glorifier ».

« Enfin insistez sans cesse sur la prière accompagnée de jeûnes et de veilles, suivant l'antique et régulière tradition des Pères. Rien de plus à vous dire. Et il conclut en observant que ces trois préceptes valent pour la vie active autant que pour la vie contemplative », remarque significative.

Quelle est donc cette « antique Tradition des Pères » mise en opposition avec la Règle de saint Benoît ? Ne serait-ce que par cette insistance sur la qualité d'ouvrier qualifié du vrai moine ? M. le chanoine du Cleuziou remarque que « la triade caractéristique « Lectio-divina, oratio, et opus » qui marque la perfection de la Règle n'est pas d'inspiration bénédictine commune » et il renvoit aux usages irlandais de Confert-Mulloe aux VIème et VIIème siècles. La Tradition des Pères peut s'autoriser de la pratique ininterrompue de la longue suite des moines de la Celtie. Il faut en dire autant, malgré une si bonne page contre les gyrovagues, de la « Peregrinatio » typiquement irlandaise en usage encore à Landévennec au temps de l'abbé Gurdisten qui nous a valu cette lettre à l'Evêque d'Arezzo pour le remercier d'avoir accueilli nos moines Pierre et Fidèle.

Mais il faut remonter plus haut. Voici la flèche du Parthe ; à la fin du chapitre XII au moment où il va intégrer le « précepte de l'Empereur » : il se réfère aux usages des moines d'Egypte : « sicut Aegyptii monachi ». Paul Perdrizet dans son remarquable « Scété et Landévennec » (Mélanges Iorga, 1933) citant ce chapitre du Cartulaire, à propos des jeûnes met en parallèle la modération de l'usage de règle à Landévennec avec tel passage des Apophtegmes des Pères du Désert du célèbre abbé Pôémen sur la pratique du jeûne. Nous voici donc, ainsi, à l'origine des usages monastiques enseignés par Budoc à Guénolé.

II nous semble que nous devons considérer que nos premiers moines de Landévennec sont aussi tributaires du monachisme de la Haute-Egypte, même, souligne Perdrizet « dans la pratique de règle de demander sa subsistance aux métiers manuels ».

Ne faut-il pas en dire tout autant sur la disposition des bâtiments de leurs monastères respectifs ? On sait que l'usage des Laures monastiques inauguré en Palestine, où subsiste encore la Grande Laure de saint Sabas (mort en 532, à la même date que saint Guénolé) au sud de Jérusalem, ne tarda pas à s'installer dans la Thébaïde de Haute-Egypte. Elles consistaient en une sorte de rue ou « laure » de cellules rondes individuelles dominée par celle du Père Abbé, avec un bâtiment comnun, celui de l’église monastique.

Or c'est bien le dispositif de la Laure traditionnelle que nous trouvons à Lavret d'après les traces qui subsistent malgré tant d'avatars : Arthur de La Borderie en a publié le relevé en appendice du tome premier de son Histoire de Bretagne. Nous attendons le résultat des fouilles méthodiques conduites par M. Giot au cours d'une première campagne d'été 1977 ; les résultats obtenus font augurer d'une mise au jour de vestiges de la toute première histoire de ce site monastique trop délaissé (Archéologie en Bretagne, n° 15, Faculté des Lettres, Brest). L'année précédente, M. J.B. Cornélius, familier de ces parages, avait fait paraître dans les Mémoires de l'Institut de Préhistoire et d'Archéologie des Alpes-Maritimes, Tome XIX, une communication sur « Le Néolithique de l'île Lavrec ».

Insula Laurea dit le Cartulaire de Landévennec ; il convient de traduire ainsi l'île de la Laure et non point l'île des Lauriers : il y en a pas mal dans le voisinage en ce climat particulièrement favorable. Pour les lointains héritiers de Budoc et de Guénolé, cet humble site de l'archipel de Bréhat est bien le berceau de leur destin monastique : Laurea incunabila.

Retrouverons-nous quelque jour prochain les traces de la Laure de Tibidy, cette petite île où Guénolé résida d'abord avec ses onze compagnons à l'embouchure de l'Aulne avant de passer sur l'autre côté ensoleillé de notre petite mer intérieure — mare nostrum ? Quant à Landévennec que peut nous livrer le site du monastère primitif, complètement bouleversé au cours des siècles « à un jet de pierre » de l'antique basilique dont demeurent seulement les ruines que nous ont laissées les promoteurs de Brest au temps de la démolition révolutionnaire ?

(F. Grégoire Ollivier, pt o.s.b).

BIBLIOGRAPHIE : Dans la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord : tome 80 (1950), Pierre BARBIER, Les vestiges monastiques des îles de l'embouchure du Trieux... Chanoine Raison DU CLEUZIOU : tome 88 (1960), et tome 89, De quelques sources de la vie de saint Guénolé, et tome 93 (1965), Landévennec et les destinées de la Cornouaille. Révérend Gilbert H. DOBLE, dans tome 69 (1937), Saint Budoc ; traduction française par Dom J.-L. Malgorn de Saint Budock « Cornish Saints » Séries, n° 3. 2ème éd. The « King’s Stone » Press Long Comptor. Rev. Gilbert H. DOBLE, Saint Winwaloe, Cornish Saints » Series n° 8. Deuxième édition à The « Kings Stone » Press, Long Compton, 1940. Traduction française inédite par l'abbé Pierre Kervennic.

ANNEXE
Dans les Annales de Bretagne, tome 85, n° 1, 1978, un article de Anne DORNIER : Forn Maudez, pp. 19-24. La planche 2 nous présente les vestiges, au ras du sol, d'une cellule d'ermite du haut moven-âge. En terminant l'auteur observe « une bonne partie du terrain étant recouverte de hautes fougères, il se peut que certains indices nous aient échappé » ce qui rejoint les réflexions de Lasbleiz pour ses fouilles de 1890-1891. D'après un croquis de M. Cornélius, la piste du bull-dozer de 1966 passe exactement sur le tracé de la « laure » des 6 cellules. Peut-on trouver d'autres vestiges ici ou là dans le Nord de l'île ou ailleurs ? L'enjeu en vaut la peine. Au congrès de Dinan en 1890 de l'Association Bretonne où La Borderie décrit « les fondations de ces logettes en série dans lesquelles suivant l'usage des monastères celto-bretons, vivaient séparément les moines de cette communauté », le futur Mgr Louis Duchesne concluait... « les deux monuments, celui de Maudez et celui de Lavret, remontant à l'époque des premiers missionnaires bretons, sont les premiers témoins de nos origines chrétiennes ».

© Copyright - Tous droits réservés.