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Rapport sur l'état Moral et Economique de l'Agriculture
dans la région de Lannion en 1929

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Le sujet est vaste et, pour le traiter à fond, il aurait fallu toute une étude, et non un simple tableau brossé à la hâte comme celui que je vais vous présenter.

L'état moral de l'agriculture dans la région de Lannion.

L'état moral de l'agriculture d'une région, de la nôtre comme de toutes les autres, est une résultante, une résultante de son état au triple point de vue : religieux, politique et social.

Où en sommes-nous au point de vue religieux ?

Incontestablement une baisse s'est produite.

Elle se constate particulièrement chez les hommes, qui se dispensent, volontiers d'accomplir tous leurs devoirs religieux. Je dis bien tous leurs devoirs religieux, car assez peu se dispensent totalement et systématiquement de toute pratique religieuse. Mais, chez beaucoup, il y a de la négligence, et les générations qui montent à la vie ne valent pas, à cet égard, celles qui s'en vont.

A quoi attribuer cette baisse ? Les causes sont nombreuses et complexes. Nous croyons, quant à nous, que l'une des principales est l'influence des écoles laïques prétendues neutres.

Celles-ci sont, en réalité, des écoles hostiles à la religion.

Les écoles libres réagissent autant qu'elles le peuvent, mais leur situation précaire et leur nombre insuffisant ne leur permettent pas de contrebalancer l'action néfaste de leurs concurrentes.

Or, nous estimons que ce fléchissement au point de vue religieux, a une répercussion certaine sur notre agriculture.

L'abandon des traditions religieuses est nécessairement accompagné de désordres moraux qui atteignent l'agriculture dans ses forces vives : dénatalité, recherche exagérée des plaisir, insubordination, etc...

Le point de vue politique.

Dans nos milieux agricoles il est facile de reconnaître une tendance, plus ou moins inconsciente, mais très marquée vers les idées dites avancées.

Toutefois, dans toutes nos communes, des familles paysannes se rencontrent qui demeurent indéfectiblement fidèles à leurs traditions, tant religieuses que politiques.

Depuis quelques années, ces familles s'inquiètent de l'avenir et cherchent à défendre leurs intérêts en se groupant sur le terrain professionnel.

Elles arrivent à de bons résultats.

La répercussion se fera-t-elle sentir au point de vue politique ? Il faut l'espérer.

Etat social de l'agriculture.

Dans la région lannionaise, c'est le régime de l'exploitation familiale qui domine.

Dans l'ensemble, ses exploitations sont taillées à la mesure de la famille paysanne.

Leur étendue moyenne est de dix hectares, variant de cinq à vingt hectares.

L'unité exploitante est la famille paysanne.

Cette situation sociale a une importance capitale.

La famille paysanne est assez nombreuse, je dis relativement nombreuse. En effet, comparées à ce qu'elles étaient jadis, elles sont bien moins nombreuses, malgré une plus grande aisance. L'idée d'association pénètre dans nos milieux agricoles. Rares sont désormais les communes qui n'ont pas tout au moins leur syndicat agricole ; plusieurs possèdent une organisation complète, au moins quant aux cadres.

Le sens social se développe-t-il dans le milieu que nous envisageons ? Oui, quoiqu'il soit encore assez confus et qu'il n'arrive que péniblement à se dégager de ces préoccupations utilitaires qui sont à l'origine de toutes nos associations agricoles.

On s'associe parce qu'il y a un intérêt matériel à s’associer ; mais, peu à peu cette conception utilitaire fait place à une conception plus haute, une conception qui s’élêve au niveau de l’intérêt général de la profession.

Il y a notamment, dans la religion, quelques hommes qui voient dans les organisations agricoles autre chose que des intermédiaires commerciaux et des assureurs intéressants.

Notre mouvement d'organisations s’appuie sur l’Union des Syndicats du Finistère et des Côtes-du-Nord, s'inspire de ses doctrines et de ses méthodes. Le mouvement arrivera-t-il à prendre l'ampleur nécessaire pour mitrailler la masse des cultivateurs du pays ? Nous l'espérons, mais le travail n'est qu'ébauché.

La vie sociale de l'exploitant et de leur main-d'œuvre relève elle aussi du régime familial.

Maîtres, enfants, serviteurs, font les mêmes travaux, s'associent à la même table, vivent de la même vie.

C'est grâce à ce régime que nos campagnes se sont conservées à l'abri du socialisme agraire plus ou moins en fermentation dans certaines régions de France.

Notons cependant que l'état d'esprit de la main-d'œuvre ne vaut pas celui de l'exploitant, quoique cette main-d'œuvre soit relativement bien payée et bien entretenue.

Y a-t-il chez nous crise agraire ? c'est-à-dire crise du côté des hommes ? Nous ne saurions donner ce nom à un fait qui est pourtant assez inquiétant, c'est que la main-d'œuvre ne cesse de diminuer en nombre et en qualité. Une des raisons en est que ceux qui ne peuvent travailler à leur propre compte s'en vont. Ceci est surtout vrai pour les jeunes ménages qui se fondent.

On voit venir le moment où il n'y aura plus de journaliers agricoles.

Un autre fait qui relève également de la crise agraire, c'est que nous avons plus de candidats fermiers que de fermes.

Cette situation aboutit à ce fait assez alarmant que les prix de fermage, livrés à une concurrence très forte, deviennent chaque jour plus élevés.

D'où crise agricole en perspective, crise aggravée, d'autre part, par une situation précaire du marché agricole.

En résumé, l'état moral de l'agriculture de la région de Lannion se caractérise par les faits suivants :

Fléchissement religieux, avec répercussion factieuse sur la population agricole ; pénétration lente de l'esprit d'association, élément de relèvement régime familial de l'exploitant et de sa main-d'œuvre : exode de la population qui ne possède rien : surenchère et ce qui concerne les fermages.

Situation économique de l'agriculture dans la région de Lannion.

Le pays, dans l’ensemble, est un pays de culture, non d’élevage. Toutes les terres cultivables sont cultivées. Peu de prairies naturelles. Cultures très variées : céréales, plantes fourragères, lins, pommiers à cidre...

Certaines régions côtières, notamment celle qui est comprise entre la baie de Saint-Michel-en-Grève et Paimpol inclus, se livrent à la culture des primeurs, pommes de terre surtout.

Les cantons de Lannion, Tréguier, La Roche-Derrien, Lézardrieux sont presque plantureux.

Les agriculteurs sont bien outillés et consomment beaucoup d'engrais ; les fermes sont bien tenues, surtout dans le Trécor proprement dit.

Rares ne sont pas les exploitations où l'on récolte bon an mal an 25 et même 30 quintaux de blé à l'hectare et le reste à l'avenant.

Les céréales occupent au moins un grand tiers des terres, les plantes fourragères et légumières (pommes de terre) la moitié, le lin occupe le reste. Pas de blé noir désormais.

La culture du lin a une tendance à se développer et mérite à bien des égards une mention spéciale.

Son rendement moyen à l'hectare est de 3.000 kgs (lin roui livré au teillage), et il se vend en moyenne de 1.600 francs à 2.000 francs la tonne.

Ce lin est acheté sur place aux cultivateurs par des teillages qui pullulent dans la région.

Ces teillages sont d'ailleurs les seules industries agricoles du pays.

La culture et l'industrie du lin sont-elles prospères ? Dans l'ensemble, oui. Mais l'une et l'autre présentent malheureusement beaucoup d'aléa. La culture de la pomme de terre de primeur est limitée à la zone côtière que nous avons déjà mentionnée ; elle ne dépasse guère en profondeur six à sept kilomètres.

Cette culture, elle aussi, est fort aléatoire pour deux raisons. Les gelées sont toujours à craindre et causent parfois de véritables désastres.

D'autre part, le producteur ne sait jamais à quel prix il vendra ses pommes de terre.

Je ne saurais dire quels sont les différents éléments qui influent sur ce marché particulièrement hasardeux.

En tout cas, jusqu’ici, les producteurs ont été impuissants, non seulement à dominer le marché, mais même à soutenir tant soit peu leurs intérêts. Quelques-uns vont jusqu’à prétendre que la culture de la pomme de terre de primeur est sérieusemnt menacée faute de débouchés rémunérateurs.

Prix de la terre : Valeur vénale, valeur locative.

La valeur vénale du sol est très variable ; dans l'ensemble, on peut dire qu'étant donné la concurrence, elle est très élevée.

On achète l'hectare depuis 3.000 à 4.000 francs jusqu'à 15.000 francs et plus.

Les exploitants ont-ils intérêt à acheter la terre ? En principe, oui. Mais l'intérêt réel entre moins en ligne de compte dans leur esprit que le sentiment de la sécurité que donne la possession du sol. La loi des partages vient malheureusement, à chaque génération, briser l'unité que les exploitants cherchent sans cesse à reconstituer.

En fait, les exploitants n'ont qu'un désir, c'est de posséder le sol qu'ils cultivent.

Dans la région du Trécor, les exploitants propriétaires sont particulièrement nombreux. La richesse du pays y gagne.

Valeur locative :
Les prix de location sont élevés. La concurrence, ici très forte, joue en défaveur du fermier.

Les coefficients 3, 4 et même 5 ne sont pas rares, exceptionnels.

La grande propriété a un peu contribué à régulariser ce marché spécial de fermages en adoptant des coëfficients raisonnables et en ne livrant pas aux enchères, ou plutôt à la surenchère, la valeur locative de la terre.

Les baux en nature qui se sont généralisés depuis quelques années ont atténué un élément d'instabilité attaché aux fermages en argent.

L’Union des Syndicats a pris l'initiative de former des Commissions paritaires qui ont mis sur pied un bail-type qui est équitable.

Les dispositions de ce bail-type sont celles-ci :

Bail de 1914 évalué en blé au cours de cette époque.

Cette quantité de blé obtenue évaluée en argent au cours actuel du blé. La somme obtenue par ce calcul devient le prix actuel du fermage après avoir subi un rabattement d'un quart ou d'un cinquième en faveur du fermier.

Ce bail-type est-il entré en vigueur ?

Il serait exagéré de le dire.

Nous croyons cependant que l'on s'en est beaucoup inspiré, surtout dans la grande propriété.

La situation économique de l'agriculture de notre région se caractériserait de la manière suivante :

Terre plutôt riche, bien exploitée ; cultures variées, parmi lesquelles quelques-unes sont spéciales ; lin et primeurs.

Enormément d'aléa chez l'exploitant, du fait qu'il n'est d'aucune manière maître de son marché.

Valeur vénale et valeur locative du sol plutôt élevées, du fait de la concurrence chez les exploitants.

Ajoutons qu'une crise agricole que d'aucuns prétendent menaçante serait particulièrement désastreuse.

Elle aurait pour effet de jeter dans le découragement et la ruine une région dont les possibilités au point de vue agricole sont considérables.

(Abbé Ch. Bonniec).

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