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Les anciennes confréries de Lannion. |
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Après chaque mouvement social, il y a toujours une pensée qui reste. Elle est comme la quintessence des idées qui ont remué le monde. En Bretagne, les missions avaient suivi leur cours, converti un grand nombre d'âmes et semé dans les esprits des germes qui ne devaient pas rester stériles. Les retraites qui les ont suivies, quelquefois accompagnées, étaient bien de nature à en faire revivre les résultats heureux. Ce n'était pas cependant encore assez. Il fallait quelque chose de bien fondé, de permanent, de plus général même, et le besoin que l'on en éprouvait s'est traduit par des dévotions spéciales, des confréries ou associations pour le bien. Ces confréries, bien régularisées, ont remplacé elles-mêmes des dévotions isolées, souvent dégénérées par le malheur des temps et devenues, sous un certain rapport, des observances qui ressemblaient tant soit peu à la superstition. Nous trouvons, en visitant nos vieilles églises, des titres parfois lacérés, qu'on y a entassés comme inutiles. Ils contiennent les traces de certaines confréries, remontant quelquefois à une époque éloignée, mais le plus généralement au XVIIème siècle seulement. Presque toutes ces confréries avaient des chapelles, et M. de Kerdanet en compte plus de deux cent-cinquante, au pays de Léon seulement. Une soixantaine de ces chapelles frairiennes, avaient la Sainte Vierge pour patronne. Toutes ont été plus ou moins négligées, et aujourd'hui leur souvenir n'est guère consigné que sur les murs vieillis de ces sanctuaires abandonnés.
C'est ainsi que dernièrement, dans une de nos plus ravissantes églises, restaurée avec une intelligence parfaite par son digne recteur, nous voyons la voûte d'une chapelle latérale, peinte en bleu ciel parsemé de têtes de mort, entremêlées de larmes. Rien n'y a encore été touché et c'est miracle, car l'autel a besoin d'être rafraîchi. Heureusement qu'il y a dans le rétable un tableau qui n'est pas sans valeur, puis des statues peu proportionnées, aux traits vivants toutefois et recueillis, versant des larmes. Tout, en un mot, semble rappeler un autel des morts ; mais ce bleu ciel, c'est encore la vie, c'est un peu l'espérance, et une inscription, à moitié effacée, nous parle d'une confrérie des agonisants qui existait autrefois dans cette église. Quoi de plus touchant que le souvenir de la dernière lutte de l'homme avec la mort, dans cette église de Runan, où tout rappelle le mouvement, la vie, la piété de nos pères et le génie de l'homme ! Mais cette confrérie existait nécessairement dans un grand nombre d'autres églises, où le souvenir s'en est perdu, et au risque de passer pour un ami trop passionné de nos vieux usages, je dirai qu'elle devrait encore être rétablie. On en trouve du reste les traces dans les prescriptions de notre liturgie. On conseille de tinter les cloches lentement dans le beffroi, pendant l'agonie d'un chrétien mourant, muni des Sacrements de l'Eglise. C'était le signal donné aux pieux confrères d'aller le visiter, ou du moins de l'assister par leurs prières, et je ne trouve rien de plus touchant dans ce moment suprême.
Nous nous permettrons donc de dire un mot des confréries, et de ce qui nous en reste encore, sans craindre le reproche de dépasser les bornes de ce travail et les limites que nous nous étions proposées. Il y a des choses qu'il faut faire revivre pour montrer quelle a été la piété de nos pères et la ferveur des anciens bretons. M. l'abbé Garnier, ce grand agitateur catholique, si écouté de notre population ouvrière, dit quelque part : « On forme tout d'abord une société ou une confrérie dont le nom varie, mais qui impose des obligations ». Il cite ensuite un très grand nombre de confréries qui pourraient être installées avec succès, dans chacune de nos paroisses. Or, la plupart de ces institutions ont été créées, ou du moins rajeunies, pendant les missions du XVIIème siècle en Bretagne. Nous ne parlerons que de celles qui existaient encore à la fin du XVIIIème siècle, à Lannion et dans les environs.
La confrérie du Saint-Sacrement était florissante à Lannion et dans tout le diocèse de Tréguier. Elle avait des revenus qui s'administraient par un conseil composé d'un président, d'un trésorier et d'un secrétaire, comme l'administration fabricienne de nos jours. On trouve dans les anciens titres, des champs ou des maisons sur lesquels on devait une redevance à cette confrérie. Il y a même à Lannion, à Crec'htanet, tout un petit quartier qui porte le nom de maisons du Sacrement, tyer ar zakraman, parce que le revenu en était affecté à l'entretien de la confrérie de ce nom. Ces revenus s'employaient à la décoration de l'autel, où se faisait l'exposition du Saint-Sacrement, et où se conservaient les saintes espèces. De plus les confrères veillaient dans l'église la nuit du jeudi au vendredi de la Semaine Sainte, et se chargeaient du luminaire et des décors de la chapelle appelée le Paradis. C'est encore à cette confrérie qu'incombait l'obligation de faire les reposoirs et de fournir tous les frais de la procession de la Fête-Dieu. Ses membres se faisaient de plus une obligation de suivre cette procession dans tout son parcours, comme aussi d'accompagner la Sainte Eucharistie, quand on la portait aux malades de tendre les rues et de semer des fleurs sur son passage. Comme cette pratique n'était pas cependant facile dans les villes et les paroisses populeuses, on se contentait d'assister le prêtre qui portait solennellement le Saint-Sacrement aux malades et infirmes, au jour indiqué pour le devoir pascal. A Lannion, on organisait une procession comme pour la Fête-Dieu, et c'est au son de toutes les cloches de la ville que s'accomplissait cette touchante cérémonie. Ce sont sans doute les derniers souvenirs de cette confrérie, que nous avons vue avec regret disparaître de nos pieux usages.
Parmi les devoirs spirituels, outre les visites du Saint-Sacrement les jours d'exposition spécialement, les confrères devaient assister à la grand'messe, au moins un dimanche sur trois, et s'approcher des Sacrements le premier dimanche de chaque mois. De plus, ils faisaient une petite retraite de quelques jours, pendant lesquels on exposait le Saint-Sacrement sur l'autel de la Confrérie, pieuse coutume observée encore dans nos paroisses, dans les exercices si connus sous le nom d'adorations. Plus tard on a voulu remplacer ces dévotions, chères à nos ancêtres, par l'adoration diurne et même nocturne du Saint-Sacrement. Cette pratique, excellente assurément, offre trop de difficultés pour devenir générale. Sur le déclin du jour les personnes pieuses font encore une visite à l'église, et adorent au moins un quart d'heure, le Sacrement de l'autel. Cette coutume déjà ancienne prendra bien dans l'esprit des personnes pieuses, et peut produire beaucoup de fruits de salut.
La Confrérie dit Rosaire avait été établie quelques années avant les missions ; mais elle reçut à cette époque d'effervescence religieuse, une force nouvelle et une recrudescence de piété qui ne s'est pas ralentie depuis. Dans les églises où elle a été fondée, on trouve toujours un autel spécial avec un tableau du Rosaire, une croix entourée d'un grand chapelet, et une statue de la Sainte Vierge qu'on portait en procession, après les vêpres, le premier dimanche du mois, au chant des Litanies. Cette Confrérie avait aussi ses administrateurs qui faisaient la quête, portaient la croix et récitaient le Rosaire en public, devant l'autel de la Vierge ou de la Guerche, comme on l'appelle à Saint-Brieuc. Les exhortations du grand Pape Léon XIII, et la récitation solennelle du chapelet tout le mois d'octobre, vont rajeunir cette dévotion, devenue en quelque sorte bretonne. Les biens de cette confrérie ont aussi été confisqués au profit des fabriques, mais la piété des fidèles ne s'est pas ralentie pour cela, et ses autels sont toujours très bien décorés dans nos églises. Lannion possède dans ses archives un compte-rendu des biens de la confrérie du Rosaire à la fin du XVIIème siècle.
Une autre confrérie, moins générale peut-être, avait son siège à Lannion, et paraissait particulière au pays, c'est celle des Cinq Plaies. Elle date réellement de l'époque des missions, et résumait en quelque sorte les prédications du P. Maunoir et de ses compagnons, pendant ces années de foi vive. Dans quelques paroisses, la Sainte Vierge a été associée à cette pieuse et touchante dévotion, parce qu'elle tient sur ses genoux le corps inanimé de son divin fils aux cinq plaies béantes. Telle est présentée Notre-Dame de Pitié, à Lannion, contre un pilier de l'église. Les enfants aiment à venir prier devant cette statue et à baiser les pieds du Sauveur, et les petites filles déposent dans la main de la Vierge une épingle, comme modeste offrande de leur piété naissante. C'est probablement à la même époque et à la dévotion de Notre-Dame de Pitié, qu'on doit la belle chapelle de Saint-Carré, en la paroisse de Lanvellec, dédiée sous ce vocable, et qui attire une foule immense pendant les fêtes de la Pentecôte. Bien des statues et même des oratoires à Notre-Dame des Sept Douleurs, ont la même origine.
A Servel, à côté des sept stations en chemin de la Croix du cimetière, il y avait un oratoire ou chapelle des Cinq Plaies, avec des peintures sur bois assez curieuses qui en formaient le lambris. Le tout a été démonté et conservé avec soin, pour être replacé dans la chapelle qui doit se construire au côté nord de la nouvelle église. C'est une heureuse pensée, car cet oratoire rappelait tant de souvenirs, tant de pieuses larmes versées sur les souffrances de Notre Seigneur ! Une très belle source, qui semble provenir du plateau de Launay-Nevet, puissante seigneurie, dont dépendait même celle de Lannion, alimente une fontaine qu'on a aussi consacrée à la dévotion des Cinq Plaies. Elle est encadrée de pierres bien sculptées, et de statues qui ont disparu. L'eau jaillit par cinq canaux surmontés de ces paroles du prophète Isaïe « Haurietis aquas in gaudio de fontibus salvatoris : Vous puiserez, dans la joie de votre âme, de l'eau de la fontaine du Sauveur ». L'écusson porte trois fasces qui sont de Trogoff, à moins que l'on n'y voie les trois jumelles des du Parc de Locmaria. La fête patronale, celle du moins qui attire le plus de monde, bien qu'elle ait lieu le quatrième dimanche du Carême, est celle des Cinq Plaies, Gouel ar pemp gouli. Cette fête a dû être instituée par M. Le Gal de Kerdu, car sur sa tombe bien modeste, comme sa vie, on remarque, en moyen relief, les plaies du Sauveur avec un cœur couronné d'épines. Même représentation dans l'église de Loquémeau, à un autel latéral ; ce sont peut-être les derniers souvenirs de la Confrérie des Cinq Plaies.
La confrérie de la Croix remplaça peu à peu celle de Jésus Crucifié. Elle différait à peine de la précédente, et avait un autel dans l'église du Bally et même dans la cathédrale de Tréguier. Il n'en reste plus de trace aujourd'hui, mais la dévotion de la Croix est plus populaire que jamais. Commencée à Montmartre, où les stations n'étaient encore qu'au nombre de sept, elle s'est répandue peu à peu dans toute la Bretagne, et il n'est pas une église aujourd'hui, qui n'ait les quatorze tableaux liturgiques du Chemin de la Croix, depuis les images simplement polychromées, jusqu'aux émaux les plus riches aux superbes cadres dorés. C'est dans l'après-midi, avant la tombée de la nuit, quand les derniers rayons du soleil étalent sur le pavé du temple les teintes variées de ses brillants vitraux c'est le soir qu'on aime à voir les vieillards à cheveux blancs, faire une prière à genoux, devant chacun de ces tableaux qui rappellent tant de souffrances et d'amour.
Les enfants eux-mêmes ont une tendre dévotion pour ce saint exercice, et il n'est pas rare de les voir, au sortir de l'école, se réunir en petits groupes pour faire le chemin de la Croix. Nous pouvons dire que si la confrérie a disparu, la dévotion reste la même et durera toujours. N'est-ce pas, en effet, dans notre pays que l'on rencontre à chaque carrefour du chemin, ces calvaires riches ou modestes devant lesquels le breton se découvre respectueusement, en se signant avec une foi profonde, du signe sacré qui fait fuir l'esprit du mal ? Dans l'origine, ces calvaires étaient des minihy ou refuges, où s'arrêtait le bras de la justice humaine. Aujourd'hui ce sont encore des refuges contre la colère divine elle-même. Honneur donc à nos dévots sculpteurs qui couvrent la Bretagne de leurs superbes calvaires de granit. Honneur aussi au modeste artisan, qui s'exerce lui-même à représenter, sur un bois souvent rebelle, la douce image du Dieu mourant, pardonnant à ses bourreaux. La tempête révolutionnaire, qui a emporté tant de chefs-d'œuvre au XVIIIème siècle, a respecté ces humbles croix, parce qu'elles étaient gardées et soutenues par la piété bretonne. Que l'on se prosterne donc pieusement encore devant ces calvaires que couvrent la mousse et le lichen. S'ils furent témoins de nos discordes, ils le furent plus encore de notre foi vive et profonde qui a survécu à tant d'orages.
Quelque grande que soit notre admiration pour les travaux artistiques, qui ont tant popularisé le nom de notre compatriote Hernot, nous ne voyons pas sans regret disparaître ces autres calvaires, devant lesquels nos pères ont prié et peut-être souffert. Arrachons leur les secrets de leur histoire, elle ne peut être qu'intéressante. Sur le chemin de Ploubezre, vous rencontrez cinq croix de granit, qui sont loin d'être de la même époque. Une main pieuse les a rangées en symétrie, sur un stylobate en forme d'autel. Demandez leur légende, car elles en ont une, et le plus petit enfant vous la racontera avec toute la naïveté de son âge et ne laissera pas que de vous intéresser vivement. Il en est de même des autres calvaires, dont un trop grand nombre, hélas, gisent mutilés sur nos chemins. Les uns sont historiés, c'est-à-dire contiennent des statuettes qui rappellent un fait quelconque de l'histoire locale ; les autres sont d'une extrême simplicité et parlent encore à qui les veut interroger. Voyez-vous sur les deux bras de la croix deux saints bien connus du village ? L'un sera le patron d'une chapelle voisine qui a disparu l'autre, la patronne de la personne qui a érigé ce modeste monument. Ce calvaire, placé sur une hauteur d'où l'on découvre la chapelle du Yeaudet, l'église de Saint-Yves ou tout autre lieu de pèlerinage, on l'appelle le Salut de ce sanctuaire vénéré. C'est là que le pèlerin se découvre, se délasse et contemple en priant le saint qu'on y vénère. Il est venu de bien loin pour le visiter et il s'est fatigué beaucoup ; mais ses forces sont réparées comme par miracle. Il aura encore le courage de faire à genoux le tour de l'édifice, parce qu'il accomplit un vœu, et avant de partir et de quitter des yeux ce sanctuaire béni, il le saluera de nouveau du pied de cette croix : In cruce salus, in cruce vita, in cruce protectio : La croix, c'est le salut, c'est la vie, c'est la protection contre tous les malheurs.
Il est une autre croix au milieu du village. Là, le laboureur a fait sa paix avec un de ses frères, qu'il poursuivait de sa colère et de sa haine Elle a servi d'autel à la mère qui y a conduit son enfant, pour lui faire répéter pieusement sa première prière. Cette autre encore, sur le bord du chemin, a servi de point de ralliement aux enfants d'un village plus éloigné, pour se rendre ensemble à l'école, au catéchisme, à la messe. Que de souvenirs traversent l'esprit et émeuvent doucement le cœur, quand il nous est donné de les saluer encore, à un âge avancé de la vie, alors que tout a été brisé en nous par les plus cruelles déceptions ! L'espérance seule reste au fond du cœur, et c'est la croix qui en est le consolant symbole : 0 crux, spes unica !
La confrérie de Notre-Dame des Agonisants avait aussi un autel dans l'église paroissiale de Lannion mais il n'en reste plus de trace. Les confrères devaient visiter les malades, les encourager, les soutenir contre les défaillances de ce moment terrible, leur rappeler les saintes obligations de la dernière heure, leur procurer les sacrements de l'Eglise ; puis, quand la mort approche, réciter auprès d'eux les prières des agonisants. Quoi de plus touchant que cette pieuse association ! Il n'y a plus de confrérie mais, par un reste de pieuse dévotion, il se trouve toujours dans chaque village quelque personne fervente, pour encourager le mourant aux prises avec les douleurs de l'agonie, pour prier et réciter ces solennelles litanies des agonisants, où le peuple répond avec je ne sais quel accent de douleur irrésistible : Priez pour lui : Ora pro eo.
Pendant la terreur, il s'était trouvé un homme dans notre pays, qui se fit le dénonciateur de ses frères. On parlait tout bas le soir à la veillée, parce qu'on savait qu'il rôdait autour des maisons, écoutant aux portes et plongeant son regard par les fissures de la fenêtre et personne n'osait lui donner la chasse, parce que derrière lui était une légion. A la même époque, deux jeunes prêtres, après avoir émigré, rentrèrent dans leur pays, pour procurer les secours de la religion à leurs frères. Sous un déguisement, ils passaient d'une maison à l'autre, administrant les sacrements dans quelques greniers écartés. Un soir, au foyer d'une pauvre chaumière, on se racontait leurs courageux exploits. Le rôdeur surprit la conversation, dénonça ces deux hommes, et la pieuse femme qui leur donnait asile. Leurs têtes tombèrent sur l'échafaud ! L'orage passa, les vengeances se turent, le dénonciateur vécut. Il pleura son triple forfait et s'engagea pour le reste de sa vie à veiller les mourants, à réciter les prières pour les morts dans toute sa région, et le peuple lui pardonna.
Nous trouvons encore la confrérie de Saint-Sébastien, comme l'une des plus riches de notre église paroissiale. C'était un brillant officier d'une légion romaine. Il appartenait à une famille patricienne et avait hautement confessé sa foi. Dans sa fureur, Dioclétien le fit percer de flèches, par ses propres soldats, qui le laissèrent pour mort contre l'arbre auquel il fut attaché pour subir son martyre. Détaché par une pieuse femme, et miraculeusement guéri, il reparut devant l'empereur pour lui reprocher ses crimes. Le tyran le livra aux bourreaux, pour être battu de verges jusqu'à ce qu'il ne rendit l'âme. Son culte était très populaire en Bretagne, et il est peu d'églises qui n'aient pas eu une statue de ce jeune et héroïque martyr. A Tréguier, il était le patron d'une église paroissiale, bâtie près de la grève, et plusieurs personnes de distinction ont porté son nom. Saint Sébastien partage avec saint Roch, le privilège de préserver de la peste et des maladies contagieuses, depuis que Rome avait été délivrée par sa protection, d'une cruelle épidémie qui la décimait, sous le pontificat de saint Agathon. C'est pour cela sans doute, que nous voyons dans la chapelle de Saint-Roch, à la porte de Lannion, deux charmantes peintures sur bois, représentant le saint d'un côté, en gentilhomme, avec chapeau à plumes et costume du XVIème siècle, et de l'autre, attaché à un tronc noueux et percé de flèches aiguës.
Sa statue a disparu de l'église de Lannion, ainsi que de beaucoup d'autres, parce qu'il n'y était plus connu, et que la nature même de son supplice l'a fait représenter, avec plus ou moins de décence, par des artistes peu habiles. Nul doute qu'il ne fût aussi invoqué par les jeunes guerriers, pour la conservation de leur foi et des moeurs chrétiennes, au milieu de la licence et des désordres des camps.
La confrérie de Saint-Michel est celle peut-être qui a laissé le moins de traces à Lannion. Il y a bien, dans les environs, une église paroissiale qui lui est dédiée, et à Tréguier, une vieille tour qui porte son nom, aussi bien que le petit monticule sur lequel elle se lève de plus, dans l'église du Bally, une assez bonne copie du Saint-Michel de Raphaël, mais c'est tout. Le but de cette confrérie était surtout la prière pour les morts, conformément à la pensée exprimée dans l'office divin : Que Michel, le porte étendard du ciel, présente ces âmes à la lumière céleste : Signifer Sanctus Michaël proesuntet eas. Son culte était cependant très répandu en Bretagne, et nos anciens bréviaires faisaient l'office de saint Michel, in tumba. C'est à-dire sur le mont où s'élève sa superbe basilique, aux confins de notre province, et qui s'appelait autrefois bé, dans la langue bretonne, comme tous les petits rochers qui l'entourent, et sur l'un desquels repose Châteaubriand. L'ordre de Saint-Michel, institué par Louis XI, dans la salle des chevaliers de cet illustre monastère, pour les gentilshommes seuls, avait pour devise : Immensi tremor Oceani, la terreur du vaste Océan. La noblesse bretonne comptait plusieurs chevaliers de cet ordre célèbre, dont le souverain se montrait assez avare. On sait que la France chrétienne l'a choisi pour patron et l'Eglise pour protecteur. Rien, comme nous le voyons, n'était oublié dans les institutions de nos pères. Leur zèle avait de pieuses inventions pour les souffrances et les misères de la vie, comme aussi pour la protection du pays et la gloire de la nation. Leur confrérie ne s'arrêtait pas aux maux d'ici-bas, elle franchit l'espace et élève les âmes jusqu'aux portes du ciel.
La confrérie de Saint-Julien accompagne les voyageurs dans leurs courses lointaines. Les Bretons, comme on l'a dit avec plus ou moins de raison, étaient toujours en chemin pour leurs dévotions ou leur commerce. C'est sans doute la raison du culte de ce saint parmi nous. Il était d'une illustre famille d'Antioche, et fut aussi victime de la persécution de Dioclétien. Le nom d'Hospitalier lui a été donné, parce qu'il transforma sa maison en une espèce d'hôpital, où il prodiguait avec sa pieuse épouse, les soins les plus empressés aux malades et aux pauvres voyageurs. De distance en distance, sur les routes les plus fréquentées, nous trouvons des chapelles de saint Julien, et non loin de ces modestes sanctuaires, on découvre des restes de maisons ou de villages, qui portent encore le nom d'hôpital, dont il ne serait pas facile d'expliquer autrement l'existence. Ainsi, presque à mi-route, entre Tréguier et Lannion, on trouve la chapelle de Saint-Julien, et un peu plus près de cette dernière ville, une importante agglomération de maisons très anciennes, avec un bureau pour l'administrateur et des salles pour les malades. C'est l'hôpital de Rospez. Les confrères avaient le soin de ces établissements et s'y rendaient à tour de rôle, pour porter des secours aux voyageurs et les mettre en état de continuer leur chemin. Quelque chose de semblable se remarque dans les immenses déserts de l'Asie ; c'est connu sous le nom de caravansérail, et les voyageurs y trouvent un abri pour la nuit. C'est quelquefois près des rivières que se rencontrent les chapelles de Saint-Julien, non loin des ponts et des passages dangereux, pour préserver les passants d'une mort presque certaine. On peut croire que c'est à cette pensée chrétienne et charitable, qu'est due la fondation de cette confrérie dans l'église de Lannion. Notre rivière, en effet, pouvait offrir bien des dangers, puisque aujourd'hui même, malgré les ponts et les gardes qui l'entourent, on a chaque année à déplorer un grand nombre d'accidents de ce genre. Cette confrérie présenta ses comptes en 1679, au gouverneur de Lannion, qui était alors Gilles Le Provost, sieur de Pontblanc, un descendant du héros du combat des Trente, et du valeureux gentilhomme qui sauva Lannion contre les Anglais, en 1643.
Une autre confrérie, chère aux ouvriers, était la confrérie de Saint-Crépin. Elle avait un autel dans l'église du Bally, en la chapelle du Saint-Sacrement, et contribua, pour sa part, à la décoration de cette église, qui venait d'être achevée sur de belles proportions. Saint Crépin et saint Crépinien, étaient deux nobles patriciens de Rome, qui vinrent soutenir les chrétiens dans les Gaules, où sévissait la persécution de Dioclétien. Ils étaient accompagnés de saint Quentin, autre jeune noble, et s'arrêtèrent à Soissons. Comme ils n'avaient aucune ressource et que personne ne voulait leur rien donner, à cause de la présence de Maximilien sur les bords du Rhin, ils se firent ouvriers, et choisirent le métier de cordonnier, qui est assez tranquille, et laisse à l'âme toute liberté pour ses aspirations vers le ciel. Ils apprirent leur état sans apprentissage, et comme ils travaillaient mieux que les autres et à meilleur compte, ils virent les habitants de Soissons accourir en foule à leur boutique. Ce fut une excellente occasion pour eux d'enseigner la foi à ces hommes dociles, et bientôt leur échoppe devint une sorte de temple, où s'opérèrent une foule de conversions.
A cette nouvelle, l'empereur devint furieux. Il envoya son lieutenant, le cruel Rictiovare, pour les détourner de la vraie foi ou les mettre à mort. Par son ordre, les deux jeunes ouvriers subirent les plus cruels supplices et eurent la tête tranchée. Une pieuse femme recueillit leurs restes, qui turent plus tard déposés dans l'église de Saint-Laurent, à Rome. Leur martyre avait, en effet, égalé en horreur celui de ce diacre héroïque, et il était juste que leurs corps reposassent presque dans le même tombeau. Les ouvriers en chaussures les ont choisis pour patrons, et se chargeaient à Lannion de la décoration de leur autel. Ils avaient même formé, sous leurs auspices, une sorte de corporation, pour se prêter mutuellement aide et secours, en cas de besoin ou de détresse. Une fête se célébrait chaque année, et tous oubliaient, dans le banquet commun, ce qu'il y avait pu avoir de rivalité dans le reste de l'année. Cette fête, devenue un peu profane, se célèbre toujours comme souvenir de l'ancienne confrérie, et tous ces hommes du même métier se font encore un devoir d'assister aux funérailles de chacun des membres. On voit rarement leurs statues dans les églises mais, en revanche, il n'est pas rare de les rencontrer dans les échoppes de ces ouvriers. C'est leur propriété, et elles passent d'une maison à l'autre, pour être conservées chez le doyen d'âge ou le président de la corporation. Dans l'église de Saint-Melaine à Morlaix, une statue de saint Crépin a été réléguée au haut du rétable d'un autel latéral, qui a pu avoir été dans le même temps que la chapelle de Lannion, le siège de cette importante confrérie.
Saint Yves, dont le culte n'a aucun titre officiel à Lannion, y avait une confrérie (confrérie de Saint Yves) et un autel dans l'église. Il n'en reste plus que la statue adossée contre un des piliers, ou des mains pieuses entretiennent toujours des guirlandes de verdure et des couronnes de fleurs. Les membres de la confrérie visitaient les pauvres et les infirmes, dans l'hôpital que remplace aujourd'hui l'établissement scolaire de la Providence. Ils s'occupaient aussi de l'apprentissage des jeunes gens, et les hommes de lois qui en faisaient partie, plaidaient gratuitement la cause des indigents. La confrérie a disparu, mais le culte du grand saint breton y est plus vivace que jamais. Que de fois n'avons-nous pas vu un cierge brûler silencieusement devant sa statue ! Qui l'a allumé ? C'est sans doute une personne qui a peut-être ses intérêts, le pain de ses enfants, l'honneur de sa famille, engagés entre les mains de la justice humaine. Mais ce n'est point assez pour la rassurer sur l'issue de sa cause, et elle vient prier saint Yves, le justicier implacable, qui fait trembler le parjure et le filou, aussi bien que l'homme sans foi et l'injuste détenteur du bien d'autrui. Cette flamme, qui brûle lentement, c'est sa prière au ciel, pendant que se discutent tant d'intérêts sacrés devant les tribunaux de la terre. Rien que la crainte d'être dénoncé au tribunal de ce saint prêtre, a fait arrêter bien des procès et rendre des biens injustement détenus, par une personne peut-être inconnue.
La confrérie de Saint-Eloy était soutenue par les ouvriers en métaux. On avait érigé une chapelle en son honneur, sur la plate forme du château, et lorsque l'église actuelle l'eût remplacée, les confrères y firent bâtir un autel très richement décoré. A la suite des missions, cette confrérie acquit assez d'importance, à cause du grand nombre d'ouvriers qui en faisaient partie. Saint Eloy était très aimé des Bretons. Du temps de nos rois, il fut envoyé par Dagobert dans notre pays, pour conjurer une guerre suscitée contre ce prince, par l'ambition de Judicaël. Eloy remplit si bien sa mission, que l'alliance des deux princes devint plus solide et plus intime que jamais. On croit qu'il a visité plusieurs centres de notre province, où plus tard on lui a érigé des chapelles ordinairement fort belles. Les éleveurs, si nombreux au pays de Lannion, l'ont aussi choisi pour patron et sa fête est l'occasion de courses et de brillantes cavalcades.
Nos souvenirs déjà éloignés nous retracent encore une de ces fêtes, où hommes et chevaux débouchent au galop, par tous les chemins qui se rendent à la chapelle. Il nous semble entendre encore les claquements des fouets, les hennissements des chevaux, les cris de gare, poussés par les passants, et la voix de la cloche au son argentin, une cloche de la ligue (1580), qui domine tout cet orage ; voir cette pièce d'eau, où le cavalier et sa monture s'engouffrent un instant, pour reparaître un peu plus loin, à la grande joie des enfants ; puis ce défilé de toutes ces magnifiques bêtes, devant la fontaine dont on leur fait boire une goutte, en jetant le reste dans leurs oreilles et leurs yeux Que de fers et de crins suspendus à la statue du bon saint Eloy, auprès duquel se dresse fièrement l'ange, qui, la veille, est descendu de la tour, pour allumer le feu de joie ! Ces souvenirs qui ne laissent aucune amertume dans l'âme, sont les plus doux et les meilleurs de notre vie !.
A l'extrémité de la ville, hors de l'enceinte, s'élevait une chapelle dédiée à saint Nicolas, par les marchands et les mariniers, pour être le siège de leur opulente confrérie. C'est autour de cette chapelle que s'étendait le cimetière de Lannion. Il y avait même, tout auprès, une sorte d'établissement, pour recevoir les malades et hâter leur convalescence, à cause du bon air qu'on y respire. De tout cela, il ne reste qu'un ange adorateur, qu'on y a oublié peut-être, niché dans la façade d'un magasin. On l'a baptisé du nom de saint Nicolas, et le jour de sa fête, il est décoré avec un grand luxe d'oriflammes, de guirlandes et de couronnes. Les marchands recommandent une grand'messe solennelle, à laquelle ils se font un devoir d'assister. C'est le seul souvenir de la confrérie de Saint-Nicolas.
C'était un grand et saint Evêque de Myre, en Lycie. Son pays étant en proie à une cruelle famine, il apparut à un navire chargé de grain, qui faisait voile vers l'Afrique, et persuada au capitaine de tourner le cap vers la Lycie. L'équipage suivit ce conseil et fit sans doute une excellente affaire. Est-ce le motif de la dévotion des marchands et des hommes de mer ? C'est possible mais une raison plus touchante en a fait le patron des petits enfants, qui tous célèbrent sa fête avec une allégresse charmante. On connaît la chanson naïve : Ils étaient trois petits enfants.... Son ingénieuse charité lui donnait les moyens de doter de pauvres jeunes filles, pour en faire d'excellentes mères de famille ; de préserver d'autres de la misère et des désordres qui en sont les suites funestes, et d'aider les mères à bien élever ces chers petits êtres, que Dieu leur a confiés, et que trop souvent, hélas, on abandonne à un sort plus cruel que la baratte du boucher de la chanson.
Comme saint Nicolas avait plaidé avec succès la cause de trois malheureux condamnés à mort et sauvé de la honte trois officiers indignement calomniés, les avocats de Nancy l'ont choisi avec saint Yves pour patron de leur importante corporation. Une belle gravure communiquée, il y a quelque temps, par le Dr. Bonnejoy du Vexin, représente ces deux saints habillés, l'un en évêque et l'autre en jurisconsulte, couronnés par deux anges. La silhouette de la ville se dessine dans le lointain. La confrérie de ce nom était très riche, comme le constate un rapport détaillé de 1693. Dans l'église paroissiale, il n'en reste qu'un joli tableau du saint, avec sa statue adossée au pilier, qui a remplacé son autel. Il est représenté en évêque avec les trois enfants traditionnels, sortant gaîment de la baratte légendaire.
Une autre confrérie avait son siège dans l'oratoire même de la prison, près de l'ancien prétoire. Elle était sous le vocable de Notre-Dame et ses membres s'engageaient à visiter les prisonniers, pour les instruire de leurs devoirs et les consoler, en leur procurant quelques soulagements. Quand on considère combien était sévère le régime des prisons, à cette époque, on comprend tout ce qu'il y avait de charité dans l'institution et combien de services elle rendait à tous ces malheureux captifs.
Saint Fiacre, patron des laboureurs et des jardiniers, était très honoré par tous les cultivateurs du pays de Lannion. Il y avait dans l'église une confrérie célèbre, érigée sous le vocable de ce saint ermite. C'était un jeune Seigneur d'Irlande qui, pour s'éloigner des honneurs de son pays, vint chercher une retraite en France. Il est possible qu'à l'exemple de plusieurs autres saints de cette île, il ait débarqué sur nos côtes, à Coz-Yeaudet peut-être, ce qui expliquerait la dévotion spéciale que lui portent les Bretons. Il s'arrêta dans une forêt, près de Meaux, défricha de ses mains quelques terres, qui lui furent données par l'Evêque, puis un petit jardin près de sa cellule. Les pauvres du pays profitaient de son travail, et il leur bâtit même un hôpital, pour leur prodiguer ses soins, avec une grande charité. Il mourut vers la fin du VIIème siècle, et fut enterré dans sa petite cellule, qui devint bientôt après une chapelle célèbre. Charles de Blois avait beaucoup de dévotion pour ce saint, et Anne d'Autriche fit plusieurs visites à son tombeau. La ville de Tréguier avait une église et une paroisse, sous le vocable de saint Fiacre, et le diocèse célébrait solennellement sa fête. On y chantait une très belle prose, que l'on trouve encore dans un missel du XVIème siècle, appartenant au petit séminaire de Tréguier. Son autel à Lannion était toujours couvert de fleurs, par les soins des jardiniers de la ville, et l'on trouve assez souvent sa statue dans cette belle campagne, qui domine nos côtes, et qu'on appelle avec raison la ceinture dorée de la Bretagne.
La confrérie de Saint-Vincent avait un autel dans une des chapelles de l'église du Bally. On ne sait pas au juste quel était le but de cette association. Ce saint était un diacre de Valence, en Espagne, qui souffrit le martyre sous le président Dacien, pendant la persécution de Dioclétien. Depuis saint Laurent, aucun martyr n'avait été aussi torturé par la fureur des bourreaux. Saint Augustin, dans une homélie le jour de sa fête, dit de ce saint, que la souffrance était pour lui comme le vin dont s'enivrait son âme, ce qui l'a fait prendre pour patron par les vignerons. Son corps, jeté dans la mer, y flotta malgré tous les poids qu'on y attacha, ce qui explique peut-être pourquoi on trouve de ses chapelles près des passages dangereux des rivières ou de la mer. La paroisse de Saint-Vincent à Tréguier, avait pour église la chapelle de l'hôpital, où la population de Poulan-Tréguier célébrait ses offices, quand elle ne pouvait se rendre à la cathédrale.
La confrérie de Sainte-Marguerite n'avait qu'un autel dans l'église du Bally et l'on ignore quelle en était l'importance. On peut croire, cependant, qu'elle était très étendue, quand on considère qu'un nombre considérable de chapelles lui sont dédiées, et qu'elle avait des statues presque dans toutes nos églises. Son culte a été apporté chez nous, à la suite des croisades, au XIIIème siècle. C'était une jeune chrétienne d'une grande beauté, qui avait consacré sa virginité au Seigneur. Olymbrins, préfet d'Orient, l'ayant rencontrée un jour à Antioche, sa patrie, voulut la forcer à l'épouser. Sur son refus, il lui fit subir les souffrances les plus atroces. Le démon, pour la torturer davantage, se mit de la partie, et il s'élançait sur elle sous la forme d'un serpent horrible, qu'elle mettait en fuite par le signe de la croix. Avant de rendre le dernier soupir, elle fit cette prière a Dieu : « Qu'en récompense de mes tourments, accordez-moi Seigneur, que ceux qui vous invoqueront en souvenir de ma passion, soient exaucés ». La passion de sainte Marguerite fut traduite en vers, et on la lisait sur les femmes en couches, pour hâter leur délivrance, d'où le culte spécial que lui portaient les jeunes mariées. Elles se chargeaient de quêter dans l'église pour orner ses autels. Ces quêtes continuent encore dans quelques localités. On donne des écheveaux de fil entortillés de guirlandes de fleurs, ou simplement une quenouille avec sa filasse, qu'une femme prend pour la filer dans la semaine. Il y avait dans ces églises des confréries de Sainte-Marguerite, dont on a fait disparaître les traces, en laissant perdre ses statues généralement bien travaillées.
La confrérie des tisserands n'était pas la moins importante au pays de Lannion. Elle était sous le vocable de la Trinité et avait son siège dans l'église de Brélévenex. C'était en même temps une association riche et redoutable, qui avait pour chef, Kerguézai, seigneur de Kergomar, au XVIème siècle. Elle percevait un droit sur toutes les toiles vendues au marché de Lannion, et chaque ouvrier avait auprès de son métier une espingole, pour faire respecter ses droits et courir au besoin à la défense du pays. Elle a bâti la chapelle de la Trinité, dans l'église de Brélévenez, et donné le magnifique autel avec un tableau de la descente du Saint-Esprit, qu'on y voit encore.
On s'étonnera peut-être de voir, dans une même église, tant de confréries et des autels pour chacune. C'est qu'à cette époque les collatéraux étaient entièrement encombrés par ces autels, et quand on examine de près ces édifices, on trouve des traces d'autel presque à toutes les colonnes. De plus, ces confréries avaient des jours différents pour leurs réunions, qui ne se faisaient pas toujours dans leurs chapelles respectives. Une remarque assez curieuse à faire, est la singularité du nom donné au chef de la confrérie : il s'appelait l'Abbé, lors même qu'il fût entièrement laïque, comme c'était l'ordinaire. Nous le voyons par un compte-rendu, en charge et décharge, en 1778, signé par M. G. du Leslé, Abbé de la confrérie de Saint-Yves. Cette dénomination fut remplacée plus tard par celle de gouverneur, qui ne s'emploie déjà guère. Le nom de trésorier a prévalu et se donne en général à ceux qui s'occupent des intérêts matériels d'une chapelle ou d'une association quelconque.
Nous passons sous silence d'autres confréries, et des dévotions introduites ou rétablies au pays de Lannion, après les missions. C'était la vie avec les intérêts en commun, qui faisait la force de cette époque glorieuse. La politique est venue, comme un dissolvant, anéantir ces belles institutions. Aujourd'hui on voudrait y revenir ou les remplacer par d'autres établissements du même genre, et les efforts que l'on fait pour y parvenir, montrent combien ces institutions étaient utiles, nécessaires même au pauvre et à l'ouvrier. Diviser pour régner, c'était la devise d'un roi célèbre on ne l'applique que trop dans nos temps modernes, qui proclament cependant bien haut l'union et la fraternité, sans parler de la liberté, mot magique qui n'enflamme plus que les jeunes cœurs ignorants de tous les crimes que l'on commet en son nom, comme le disait Mme Rolland, au pied de l'échafaud. (M. France, curé).
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