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ANS DE VIE MUNICIPALE A LANNION
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L'étude de la Vie municipale des villes bretonnes au temps jadis est d'autant plus intéressante que plus on remonte dans le passé, elle apparaît diverse suivant les lieux, et que les documents ne sont pas extrêmement nombreux. Quand on en rencontre il n'est donc pas inutile de les mettre au jour. Pénétrons puisque nous en avons le moyen dans l'administration de Lannion au début du XVIIIème siècle.
Nous sommes donc au samedi 4 février 1623. Les nobles bourgeois et habitants de la ville de Lannion se sont assemblés au son de la cloche en leur maison commune, pour disposer de leurs affaires. Monsieur le sénéchal de la cour royale de Tréguier est présent et aussi Monsieur le procureur du Roi.
Vincent de Meur escuyer sieur de Kergus, syndic des habitants remonstre que l'année de sa charge est écoulée et que la réunion a pour objet de nommer son successeur.
Honorable homme Fiacre Saliou sieur de Traouleguer est élu ; il prête aussitôt le serment de bien et fidèlement se comporter en sa charge et les habitants lui donnent « tout pouvoir général et spécial requis et permis de coutume ».
Tel est le résumé du plus ancien procès-verbal qui nous reste des délibérations de la communauté de ville de Lannion ; il ouvre un registre assez volumineux commencé en 1623 et qui se termine au 31 décembre 1641. On y peut trouver plus d'un renseignement intéressant, et s'il est trop long et fastidieux de l'analyser en son entier, de descendre dans les détails des menues affaires de la cité, on peut le feuilleter avec profit, pour se former une idée de l'organisation civile de Lannion dans la première moitié du XVIIème siècle. Et d'abord qu'était-ce que la communauté de ville, quelles étaient ses attributions ? quel pouvoir possédait-elle ?
La communauté de ville était le corps politique formé par la réunion de l'ensemble des habitants convoqués à la diligence de leur procureur syndic au son de la cloche, Messieurs les officiers de justice étant présents.
Une formule qu'on rencontre fréquemment dans les actes anciens est caractéristique et nous explique en son vieux langage de qui se composait le corps de ville. C'était nous dit-elle « la majeure et plus saine partie de la population ». Les signatures conservées par le registre de Lannion permettent de comprendre cette expression. Si on relève au bas de chaque délibération les noms des assistants, on remarque que leur nombre est relativement peu élevé, quinze, vingt, parfois moins de dix, mais au cours de la même année on trouve cependant jusqu'à soixante dix signatures, reparties entre les différentes réunions, d'où l'on peut déduire que tous les assistants ne signaient pas. On peut admettre aussi qu'un certain nombre d'habitants infirmes, empêchés par l'âge ou la maladie, se dispensaient des réunions. La population de Lannion ne devait pas être bien nombreuse à cette époque, et devant ces soixante dix signatures on peut affirmer que tout habitant justement considéré et ayant intérêt à ce que les affaires de la cité fussent bien administrées avait libre entrée et voix délibérative dans l'assemblée.
Pouvait-ou dispenser d'assister aux réunions ? Assurément. Mais cousinent composer le corps de ville si les bourgeois se mettant en grève et faisant la sourde oreille refusaient de se rendre aux appels répétés de la cloche les convoquant à la maison commune. La coutume n'avait pas du prévoir ce cas et cependant il se présenta une fois en 1632 au désespoir du syndic Noble homme Claude Guillart, sieur de Kerhelen. Les questions qu'il avait à soumettre à l'assemblée étaient cependant importantes. Il ne s'agissait de rien moins qu'un emprunt considérable et du paiement de dettes criardes ; de plus, une maladie épidémique avait peuplé la maison de santé d'une foule d'indigents, le syndic manquait de fonds pour les entretenir, et avait été réduit à faire des avances considérables. Quatre bourgeois seulement se présentèrent pour écouter les doléances de leur procureur et aviser à trouver les meilleures solutions aux difficultés proposées. Claude Guillart fit sonner la cloche par cinq ou six fois, mais en vain. Il se décida à dépêcher un huissier au domicile d'un certain nombre d'habitants et sur leur refus de venir délibérer demanda que défaut lui fut donné contre eux, qu'on lui décernat acte des propositions qu'il avait à soumettre à l'assemblée au sujet des affaires de la communauté et qu'il protestait laisser les dites affaires à leur perte et fortune.
Monsieur le Sénéchal, ayant oui le procureur du Roi en ses conclusions, condamna les absents à six livres d'amende chacun, applicables à la nourriture et entretien des malades ; le syndic dut charger son compte du montant de cette amende et convoquer à leur frais les habitants pour une nouvelle assemblée, fixée au surlendemain, à peine de trente livres contre ceux qui refuseraient de répondre à la convocation.
Ils furent exacts au rendez-vous mais la séance fut orageuse. A peine le syndic s'était-il mis en devoir d'exposer à l'assemblée les propositions qu'il avait à lui soumettre que le sieur de la Vallée du Fresne se leva et demanda « à être reçu aux defenses qu'il avait contre l'amende ordonnée vers lui en la dernière assemblée ».
Le sénéchal ordonna aux habitants d'écouter les propositions de leur syndic sauf à se pourveoir par la suite contre le jugement rendu précédemment.
Mais le sieur du Fresne déclara aussitôt que Messieurs les Juges n'avaient aucune juridiction contentieuse dans l'assemblée de ville ni pouvoir de condamner les bourgeois à l'amende, qu'il était résolu pour sa part à prendre à partie le jugement, et aussi Monsieur le procureur du Roi.
Le sénéchal répondit avec calme qu'il pouvait se pourveoir s'il le jugeait à propos mais que pour le moment il lui fallait prendre part à la délibération.
Le sieur du Fresne était décidé à faire une esclandre, il refusa et sortit suivi dans sa retraite par quelques amis dont quelques-uns étaient anciens syndics.
Plusieurs semaines après cet incident Maître Claude Guillart ayant encore fait ses convocations par ministère d'huissier fit déclarer défaillants ceux qui ne se présentèrent pas. Toutefois le procès-verbal de la séance n'indique pas si des amendes furent prononcées. Les magistrats hésitèrent peut-être à soulever un conflit dont le résultat le plus clair eut été d'exciter les passions et les animosités entre les habitants de la petite ville.
La charge de procureur syndic des bourgeois n’était pas on le voit, une sinécure et entraînait d'assez grosses responsabilités. Nous ne connaissons pas les termes du « pouvoir général et spécial permis et requis de coutume » qui était consenti au moment de l'élection par les habitants mas il semble qu'outre le maniement des fonds, recettes et dépenses, le syndic assumait encore le souci de toute l'administration municipale : soin de suivre les procès lorsqu'il s'en présentait, de sauvegarder en toutes occasions les intérêts de la ville ; mais il ne pouvait à peu près rien entreprendre sans l'avis des bourgeois et l'on est vraiment étonné parfois du peu d'initiative qui lui est laissée.
Elu annuellement à la réunion tenue dans les premiers jours de février, il rendait ses comptes en sortant de charge, et l'assemblée qui lui choisissait un successeur nommait en même temps une commission chargée de vérifier ses recettes et ses dépenses. Cette commission s'acquittait de son rôle avec un zèle parfois peu discret pour la bourse du syndic, refusant d'homologuer les paiements qu'il avait cru devoir faire. Aussi en 1623 le syndic entrant en charge demanda qu'il lui fut adjoint des contrôleurs, avec pouvoir de lui donner immédiatement décharge des petites dépensas courantes faites au jour le jour.
On n'était jamais réélu procureur syndic ; c'était peut-être un honneur peu envié à cause des charges qui en résultaient. Pouvait-on se dérober à cette fonction ? Aucune délibération du registre ne permet de supposer qu'un syndic élu ait refusé d'accepter. La liste des syndics de 1621 à 1643 permet de juger que le choix de l'assemblée se portait toujours sur l'un des plus apparents et notables personnages de la ville indifféremment bourgeois ou gentilhomme, tels que Vincent de Meur, Yves de Lezormel, Guy Le Gualès, ces derniers gentilshommes facilement reconnaissables à la qualification d'écuyer.
Le corps de ville ainsi constitué par l'assemblée des habitants et leur syndic envoyait chaque année deux députés aux Etats de Bretagne. La convocation était faite par le Roi qui écrivait « A ses chers et bien aimés les bourgeois et habitans de sa ville de Lannion » et elle était transmise par le gouverneur de Bretagne dans les termes les plus affectueux et les plus aimables.
« Messieurs, Le Roy par sa lettre que je vous envoie vous donne avis de la convocation prochaine des Trois Etats de Bretagne à Rennes, de la fin pour laquelle sa Majesté les assemble, du jour de l'ouverture nombre quallité et pouvoir des députés quelle vous ordonne d'y envoyer, jè vous prie de lui obéir et de croire que si dans l'intérêt général de la province les affaires de votre communauté en donnent ung séparé à vos députés j'en aurai le soin auquel m'oblige le devoir de ma charge, me montrant là et partout ailleurs, messieurs, votre bien affectionnée ami, César de Vendôme ». La différence de style entre ces lettres officielles d'autrefois et les décrets convoquant les électeurs à notre époque marque bien la différence profonde entre notre gouvernement administratif et centralisé et l'Etat français de jadis composé de communautés autonomes s'administrant librement sous le pouvoir modérateur qu'on a justement qualifié pouvoir paternel du Roi.
A l'encontre de ce qui se passe à notre époque les fonctions de députés aux Etats n'excitaient guère d'ambition. Le plus souvent l'un des magistrats sollicitait cet honneur et on le lui accordait d'autant plus facilement qu'il faisait le voyage à ses frais. Le procureur syndic à moins qu'il n'eut de bonnes raisons à donner pour s'en dispenser était l'autre député, mais comme il n'allait pas de son plein gré aux Etats, on lui allouait ses frais dont il devait justifier en son compte.
L'assemblée de ville composée des habitants bourgeois et gentilshommes, ayant choisi un gentilhomme comme syndic, et les magistrats du siège royal de Tréguier étant à cette époque tous gentilshommes, il arriva à diverses reprises que les députés de Lannion siégeant dans les rangs du tiers étaient deux gentilshommes, chose qui à cette époque ne pouvait causer aucune surprise. Si je m'y arrête un instant, c'est en raison de l'idée fausse qu'on se fait, souvent de la représentation aux Etats. Ce n'étaient pas des classes sociales au sens moderne du mot qui étaient représentées mais des corps politiques, et des ordres de l’Etat.
Les pouvoirs de l'assemblée de ville étaient nombreux et variés, ils s'étendaient à tout ce qui pouvait intéresser les besoins matériels et moraux de la ville. Messieurs les bourgeois discutaient les règlements de police et leurs décisions étaient complétées par les magistrats qui fixaient les amendes contre les délinquants. Ils nommaient pour trois ans les procureurs ou marguilliers Saint-Jean du Bally ; ils choisissaient leurs maîtres d'école, stipulaient avec eux librement les conditions dans lesquelles ils devaient exercer leurs fonctions et enseigner les enfants pauvres. En un mot les habitants de Lannion étaient les maîtres chez eux et s'administraient comme bon leur semblait sans que le pouvoir royal eut à intervenir dans leurs affaires.
Le Roi avait un capitaine ou gouverneur en sa bonne ville, mais dont autorité était exclusivement militaire et il n'entrait dans l'assemblée que lorsque sa présence était nécessaire pour prendre le commandement de la force armée. Les bourgeois de Lannion étaient en effet enrolés en milice. Il y avait cinq compagnies et cette garde municipale n'était pas seulement utile contre les ennemis du dehors, elle assurait l'ordre dans la ville et tenait en respect les brigands, routiers et malfaiteurs, qui aux premières années du XVII siècle à la suite des guerres de la ligue et pendant la minorité troublée de Louis XIII, couraient la campagne et ne craignaient pas de s'attaquer aux villes elles-mêmes.
Plusieurs délibérations du corps de ville nous font connaître les craintes et les appréhensions des habitants. Le 4 février 1625 ils décidèrent que les capitaines de quartier diviseraient leurs compagnies « pour entrer en garde moitié de chacune compagnie de cinq jours l'une et ainsi continuer jusqu'à nouvel avis. La garde devant se faire la nuit seulement ». Ils décidèrent aussi d'élever des barricades de bois pour fermer les avenues. Les sieurs de Kerlan, la Vallée et Kerfot se chargèrent de faire édifier une barrière au pont de Sainte-Anne, les sieurs de Traouleguer et de Keravel assumèrent le soin de fermer la rue de la Rive ; d'autres citoyens devaient faire exécuter des travaux de défense à la rue du Baly, au Marchix, à la rue de Tréguier, à la rue Saint-Nicolas, à Kermaria an draon.
Le gouverneur n'était qu'un chef militaire ; descendant de la vieille famille de Lannion il ne residait pas dans la ville où il exerçait le commandement, et se tenait le plus habituellement en son manoir de Lisandré. La lettre suivante adressée par lui au syndic et datée du 11 août 1633 permettra d'apprécier mieux qu'un long commentaire ses attributions et la nature de ses relations avec la garde bourgeois et l’assemblée de ville. — « Monsieur, Depuis que je vous ai escrit hier, M. le baron de Pontchâteau m'a fait l'honneur de venir me voir et m'a communiqué des avis qu'il a recus de bonne part relatifs aux desseins des ennemis sur les côtes de cette province et qu'il est urgent de se mettre en estat pour s'opposer à leurs mauvaises volontés et autant qu'il sera expédient de se porter promptement aux lieux où le danger se présentera. Il m'a commandé de savoir quelles forces on pourrait tirer de votre communauté, la ville demeurant garnie et défendue, et si vous ne pourriez pas détacher de votre corps une vingtaine de mousquetaires pour les depescher à cheval avec célérité aux endroits où le ralliement des forces du pays serait plus nécessaire. Je lui ai fait espérer de vos affections et fidélités une grande promptitude en l'exécution de ses commandements et que par la connaissance que je avais de vos forces je croyais que pourriez l'assurer de vingt dragon. Je vous convie de faire vos efforts et avec belle ardeur qu'il recoive de votre ville la satisfaction que je lui ai fait espérer. Rendez-moi la résolution de votre Maison de ville. L'excuse que je vous ai écrite me lie icy et m'oblige de traiter par lettre. Demeurant, Monsieur, votre serviteur très affectionné. Des Aubrays ».
Le patriotisme ne date pas d'hier nos pères étaient bons français. Les bourgeois de Lannion après avoir délibéré inscrivirent leur résolution sur le registre municipal. Sans fracas, sans déclamation ils se mettaient eux et leurs biens à l'entière disposition des officiers du Roi pour la défense du pays, et à trois siècles de distance, ces quelques phrases si simples ne laissent pas que d'émouvoir celui qui les lit :
« Les habitants, sur le contenu de la lettre de M. des Aubrays, ont unanimement avisé qu'il lui sera écrit de la part de cette communauté qu'elle fera tous ses efforts pour satisfaire aux commandements de M. de Pontchâteau et aux siens et que les capitaines de quartiers de cette ville seront chargés de donner le plus prompt et diligent ordre de choisir les hommes plus capables pour le service du Roi en l'occasion et nécessité qui se présentera et après avoir plus amplement conféré et pris les commandements de M. des Aubrays ils se régleront absolument à ce qui sera juge plus à propos, et de tous les frais que ledit sindic fera en cette occurrence il aura descharge en son compte ».
En rendant hommage au patriotisme de nos pères, les lannionnais du XVIIème siècle, il convient aussi d’admirer l’étendue de leurs libertés et de leurs droits, ils n'étaient pas seulement maîtres de leur administration civile, mais, dans une certaine mesure, de leur administration militaire.
Les ressources de Lannion devaient être modestes, suffisantes pour parer aux besoins journaliers de la communauté elles ne permettaient pas d'accomplir les vastes projets que rêvaient les habitants. Ils estimaient en effet nécessaire d'établir des pompes pour avoir de l'eau potable, se proposaient de construire une maison de ville, une maison de santé, un collège ; la réfection des ponts, la continuation du quai leur paraissait aussi indispensable.
Ils jugèrent qu'ils ne pouvaient trouver les ressource suffisantes, que dans l'établissement d'un octroi sur les vins.
Le premier argent qui provint de cette imposition extraordinaire fut affecté jusqu'à concurrence de 1.200 livres par an à la construction du couvent des pères capucins. Les habitants de Lannion étaient en effet au mieux avec les religieux de leur ville, Augustins, et Frères mendiants de Saint-François. Ils appréciaient beaucoup leur zèle et se promettaient d'en tirer profit dans l'intérêt général ; comme ils méditaient l'établissement d'un collège ils s'en étaient ouverts aux Augustins, ils comptaient bien aussi trouver leurs prédicateurs d'avent et de carême dans l'un et l'autre couvent, ils réaliseraient de ce chef une économie sérieuse les prêtres étrangers qui venaient leur annoncer la parole de Dieu étant d'un entretien couteux pour le corps de ville.
Mais, les bourgeois lannionnais avaient compté sans l'évêque de Tréguier et peut être le vicaire perpétuel de Saint-Jean du Baly avec qui ils ne paraissent pas avoir vécu en aussi bons termes qu'avec leurs religieux. Le vicaire perpétuel et les Lannionnais étaient divisés sur des questions d'intérêt et se traînaient mutuellement devant toutes les juridictions possibles. Est-ce à l'instigation du vicaire perpétuel ou de son propre mouvement que l'évêque entra en conflit avec la population sur la question du prédicateur des stations d'Avent et de Carême ? On ne saurait le dire avec certitude. Mais, la lutte fut vive, l'autorité royale s'y trouva engagée et c'est un curieux épisode qui doit être racconté dans son vieux langage pour ne rien perdre de sa saveur. Lisons donc le rapport présenté par le syndic François Carluer sieur de la Villeneufve, aux habitants réunis au son de la cloche le 7 novembre 1634 en leur maison commune ; le morceau est vif et même passionné : « Il a esté remonstré par le sindic que depuis peu de jours suivant l'intention des habitants et en leur nom il a esté en la compagnie du procureur du Roi et du sieur de Kergus trouver Monsieur l'Evêque de Tréguier pour le saluer, lui dire les très humbles vœux des bourgeois, et se réjouir de son retour. Par même occasion le sindic a très humblement prié le Seigneur évêque de se souvenir des promesses faites par lui aux députés que la communauté de ville luy avait envoyés, c'est à savoir que les prédicateurs d'Avent et Carême pour la ville de Lannion seraient choisis parmi les religieux des deux ordres qui s'y trouvoient establis, Augustins et Capucins. Le sindic a fait observer au Seigneur évêque qu'il aurait réitéré ses promesses chaque année depuis son avènement à la dignité épiscopale et que d'autre part les deux couvents de religieux fondés à Lannion ont été établis pour le soulagement et la consolation des habitants afin qu'ils pussent sans plus grande dépense recevoir la pature et nourriture spirituelle des Révérends Pères à qui ils administraient la corporelle ». Autre raison celle-là pratique et terre à terre : les habitants sont dans l'impossibilité de satisfaire les prédicateurs que le Seigneur évêque leur envoie d'ailleurs, car ils ne peuvent leur départir pour logement, nourriture et récompense que la somme de deux cents livres.
L'évêque n'écouta que d'une oreille distraite la députation de Lannion, composée cependant d'hommes considérés entre tous ; un magistrat royal, un ancien syndic gentilhomme allié aux meilleures familles du pays, et le syndic en charge. Il les éconduisit d'une façon assez légère, si on les en croit et qui les blessa. « Il ne répondit autre chose sinon qu'il avait pourvu de prédicateurs aux habitants, que les promesses dont on demandait de lui les effets n'étaient qu'espérances et que l'année prochaine il y pourvoierait ». Ce fut tout.
Comme bien on pense les habitants de Lannion furent peu satisfaits. Mais bientôt leur désapointement fit place à la plus violente irritation lorsque l'évêque prit une mesure qui enlevait tout espoir pour l'avenir. Ecoutons encore le syndic faire son exposé en l'assemblée de ville.
« Dimanche dernier le vicaire de cette ville a de la part du Seigneur évêque publié scandaleusement au prone de la grand'messe dominicale la défense à tous religieux de quêter, prêcher et confesser et que les confessions faites auxdits religieux seraient nulles et invalides ; ledit vicaire a fait voir à plusieurs des habitants une lettre qu'il dit escripte par ledit Seigneur évêque par laquelle celui-ci lui mande, parlant des religieux, que tels prophètes preschent et publient le mensonge, ce qui ote toute espérance aux habitants de n'avoir aucune consolation des religieux. Ils ne pourront même plus les nourrir comme ils s'y sont obligés puisque en vertu de leurs règles les religieux doivent vivre de leurs quêtes. Ces règles cependant ont été approuvées par Sa Sainteté, confirmées par nos Rois, avec défense à toutes personnes de troubler les religieux en l'exercice de leurs dites règles. Sa Majesté heureusement régnante les a aussi approuvées et elles ont été vérifiées et enregistrées par les compagnies souveraines de ce pays. En outre la publication faite par le vicaire met les âmes et consciences en peine et cause un grand scandale et murmure parmi le peuple ».
A la suite de cet exposé les habitants délibérèrent que le syndic ferait mander le sieur vicaire le lendemain heure de midi, pour conférer avec lui sur le contenu de la missive de l'évêque puis après avoir entendu les observation du syndic ils députèrent au vicaire MM. de Keravel et de Keriou pour le supplier de venir en l'assemblée montrer ses lettres. Ces messieurs revinrent et pour toute réponse dirent qu'ils avaient vu l'ordonnance de l'évêque mais que le vicaire la produirait en justice seulement, s'il y était appelé. Les habitants confièrent au syndic le soin de poursuivire l'affaire.
Six mois après, le syndic en charge François le Bourva sieur de Keriou, convoqua les habitants pour les mettre au courant de la situation qui s'était fort envenimée.
L'affaire exposée à plusieurs avocats des meilleurs de la province ceux-ci prirent une consultation, suivant laquelle trois voies de procédure s'ouvraient aux habitants pour se pourveoir contre l'ordonnance épiscopale. 1° Une appellation comme d'abus ; 2° La saisie des fruits du temporel de l'évêque jusqu'au retrait de l'ordonnance ; 3° Le recours direct au Roi.
Une explication est ici nécessaire. Nous sommes séparés du XVIIème siècle et de la France d'autrefois, par une révolution, dont le contre coup immédiat et les prolongements ont fait table rase des institutions du passé, et d'autre part on enseigne une histoire tellement dénaturée que le sens des institutions d'autrefois nous échappe. Nous connaissons l'appel comme d'abus, pratiqué par notre régime avant la séparation ; ce n'était la plupart du temps qu'un prétexte des vexations absurdes, et cette expression en fait ne désignait qu'une chose différente de l'ancien appel comme d'abus. Qu'était-il sous l'ancien régime ?
Notre vieille France était une nation chrétienne, le droit civil et le droit canonique s'y prêtaient un mutuel appui et se compénétraient. Dans l'affaire qui agitait Lannion, l'évêque nommant un prédicateur chargeait la communauté de ville d'une obligation civile envers ce prédicateur qui pouvait en poursuivre l'exécution devant la juridiction civile. Cette obligation naissait de l'exercice d'un pouvoir religieux mais pouvait être exercée à tort par abus commue dans l'espèce, l'ordonnance épiscopale comportant une défense de prêcher, attentatoire aux privilèges des ordres religieux, privilèges devenus lois du royaume, et pour la défense desquels, on pouvait par conséquent faire appel à la justice séculière. Ajoutons à cela que les Français n'étaient pas isolés comme de nos jours devant un Etat souverain, et d'autant plus omnipotent qu'il est anonyme, ils faisaient partie d'une série d'organisations naturelles, maîtresses chez elles, personne ne pouvait lier les décisions du corps de ville, l'évêque de son côté était maître dans sa sphère, c'était un procès intenté en matière mixte, les habitants de Lannion se défendaient, en soutenant qu'il y avait abus d'autorité contraire aux lois du Royaume. Un autre exemple fera mieux encore saisir sur le vif la pénétration des deux pouvoirs civils et religieux dans l'exercice de leurs fonctions. Un crime est commis sur le territoire de Lannion, l'auteur est inconnu, il y a lieu de rechercher des témoins, l'acte préliminaire de la procédure consistera dans l'avis donné en chaire par le vicaire de Saint-Jean que toute personne connaissant quelques indices de nature à éclairer les magistrats, est tenue de les révéler sous peine de censures. Si le vicaire s'y refuse les magistrats n'auront pas d'autre recours contre lui que la procédure d’abus.
Les habitants préférèrent à cette procédure le recours direct au Roi « comme étant le moyen le plus doux, le plus prompt et le moins coustageux à la communauté de ville ». Sans doute ils s'adressèrent à lui et ils le spécifient « comme protecteur des religieux et de leurs privilèges » ; mais nous touchons ici du doigt la fonction royale dans son essence. Le pouvoir royal disaient les Français « est semblable à celui du père » et au jour de son sacre le souverain prêtait serment de tenir ferme et droite justice et de mettre la paix entre ses sujets ; au-dessus de la multitude des institutions autonomes et libres, communautés de ville et d'artisans, provinces et familles, Cours souveraines et Etats qui vivent, s'agitent et entrent en conflit, son autorité propre rayonne comme celle du modérateur du grand appaiseur. Il semble même que les représentants directs du Roi aient assumé dans les provinces cette autorité quasi paternelle d'arbitre et de protecteur vis-à-vis des particuliers, du moins je connais un dossier assez volumineux qui témoigne que Jean-François du Gouray, seigneur de la Coste, lieutenant de Roi pour les quatre évêchés de Basse-Bretagne dans le dernier quart du XVIIème siècle était le protecteur de tous les faibles, l'arbitre auquel on recourait, le juge sommaire à qui on s'adressait. Le recours au Roi n'étai, pas seulement le fait des particuliers, on vit les Etats de Bretagne eux-mêmes et le Parlement en conflit en saisir le Souverain. Il n'est donc pas surprenant que les bourgeois de Lannion en difficulté avec l'évêque aient eu recours à ce qu'ils nomment eux-mêmes « un moyen plus doux et moins coustageux ». Ils adressèrent à Louis XIII leurs très humbles remonstrances, réclamant sa justice royale et immédiatement le Roi écrivit au prélat non pur lui imposer sa volonté souveraine mais comme un conciliateur dont la mission est d'appaiser les différends, en veillant à l'exécution des lois. « Si vous avez, lui écrit-il, violé en quelque chose les privilèges des religieux nous vous enjoignons de les rétablir dans leurs privilèges car nous entendons et voulons les amplifier plutôt que les diminuer ». L'évêque, Guy Champion, un breton de Haute-Bretagne, n'était pas moins entêté et indépendant que ses diocésains, il estima sans doute n'avoir violé aucune immunité des ordres religieux, ne tint aucun compte de la lettre du Roi, et chargea les habitants de frais considérables en leur envoyant des prédicateurs étrangers, Cordeliers de Dinan, Jacobins de Morlaix. La querelle s'envenima, on en vint aux insinuations injurieuses. Le seigneur évêque, disaient les Lannionnais, veut nous faire payer l'hospitalité qu'il reçut au couvent de Saint-François à Dinan lors des derniers Etats, et chez les Dominicains de Morlaix à son dernier séjour dans cette ville. Les avocats du corps de ville dénichèrent certain canon du concile de Trente, sess. 24, c. 4 de predicatione qui à leur avis donnait évidemment tort à l'évêque. Les Lannionnais décidèrent de plaider contre les prédicateurs pour leur refuser tout salaire, et chargèrent le syndic d'écrire au premier président du parlement qui avait fait passer la lettre du Roi à l'évêque afin de le supplier très humblement de donner avis à Sa Majesté de ce qui se passait. Cette querelle eut certainement donné bien du tracas à Louis XIII, si trois mois après ces résolutions énergiques du corps de ville l'évêque n'était mort subitement d'une attaque d'apoplexie. Ce fut le calme après la tempête, les Lannionnais s'entendirent à merveille avec son successeur.
Dans cette anecdote nous saisissons sur le vif un épisode de la vie de notre vieille France. Cela ne ressemble en rien à ce qui se passe de nos jours, cela ne ressemble non plus aux tableaux qu'on nous présente du passé. Nos pères avaient un esprit d'indépendance que nous ne connaissons plus mais qui ne diminuait en rien chez eux le respect dû à l'autorité. Ce conflit avec l'évêque de Tréguier n'est pas sorti d'une pensée anticléricale comme on dirait actuellement, et encore moins irreligieuse. Nos pères étaient dévots ils voulaient de bons prédicateurs mais dans les prix doux et à leur convenance, ils refusaient de payer ceux qu'on leur envoyait parce qu'ils étaient trop chers et qu'ils préféraient leurs religieux.
Notre province fut ravagée dans la première moitié du XVIIème par la peste qui fit le tour de la Bretagne en enlevant de nombreuses victimes. Un jour on apprit que Morlaix était contaminé. Le corps de ville s'assembla et décida les capitaines des cinq compagnies municipales, feraient choix chacune de cinq ou six hommes qui se relèveraient et feraient la garde aux avenues de Kerampont et de Kermaria pour empêcher toute personne venant de Morlaix d'entrer à Lannion. Les capitaines furent aussi chargés de visiter les maisons qui auraient reçu des voyageurs suspects.
Ces mesures n'empéchèrent pas Lannion de subir à son tour les atteintes du fléau qui gagnait de proche en proche. Les pauvres gens du faubourg de Kerampont furent les premiers atteints. Le syndic réunit les bourgeois qui organisèrent un bureau d'assistance avec un président détenteur des fonds. La ville fut divisée en quartiers, chacun des membres du bureau ayant la charge de visiter l'un de ce, quartiers, et pouvant, s'il le jugeait bon, se faire accompagner par telle personne de son choix.
Le bureau se réunissait tous les huit jours et disposait d'un crédit mensuel de six cents livres, cette somme était le produit d'une cotisation votée par les habitants.
Le sieur de Lustre, médecin soigneux et diligent fut chargé de visiter les malades.
Les pères Capucins s'offrirent à les assister et l'assemblée de ville remercia les Révérends pères de leur zèle et bonne volonté.
Telles furent dans leur ensemble les dispositions prises par le corps de ville pour subvenir aux pauvres malades nécessiteux. Et ce n'est pas d'aujourd'hui on le voit que l'assistance médicale existe. Nos pères savaient l'organiser conformément aux conceptions et aux besoins de leur temps. Plus d'un ancien syndic trouva la mort au cours de l'épidémie en allant visiter les pauvres du quartier dont il avait la charge.
La maladie augmentant d'intensité les bourgeois louèrent une maison pour en faire un hôpital spécial et prirent une série de mesures complémentaires. Ils traitèrent avec M. Guérin, chirurgien pour la somme de 210 livres tournoi par mois, il devait se faire seconder, par un homme et deux religieux capucins, les médicaments fournis aux frais de la ville par le sieur Bouton.
Ordre fut donné de tuer les chiens, défense de laisser vaguer les pourceaux à peine de confiscation au profit des pauvres pour les 2/3 et 1/3 au bénéfice du citoyen qui aurait saisi l'animal, injonction de faire blanchir les murailles à la chaux, etc.
Nos pères étaient peu expansifs, ils faisaient la charité sans de grandes déclarations, il ne faut donc pas chercher dans le registre que nous consultons un long exposé de maux et des ruines apportées à la petite cité par l'épidémie une seule phrase nous les révèle, éloquente en sa brieveté. Le 27 février 1632 les habitants étaient réunis en leur maison commune pour entendre lecture des lettres du Roi et du Cardinal de Richelieu les invitant à envoyer des députés aux Etats de la province convoqués cette année en la ville de Nantes. Cette session devait avoir une importance et un éclat particulier du fait que le Roi avait décidé d'y assister. Le syndic avait fait préparer le procès-verbal d'élection, il ne restait qu'à mettre les noms des députés. La réponse des bourgeois n'est pas longue elle tient dans deux interlignes : « Les habitants ont délibéré attendu la misère et calamité de la ville à cause de la maladie et la grande dette qui en est résulté qu'à présent il sera cessé de députer aux Etats. Néanmoins comme le sieur de Kermerien y va pour ses affaires particulières il lui sera délivré procure comme député des habitants sans qu'il puisse demander aucun frais ». Ce fut sans doute en ces tristes circonstances que le gouverneur de Lannion M. des Aubrays subvint aux nécessités de la ville où il exerçait le commandement militaire et dont ses ancêtres étaient seigneurs. Il fit aux habitants un prêt gratuit et ceux-ci lui témoignèrent plus tard leur reconnaissance en offrant à Mme des Aubrays un service d'argenterie.
La peste frappa pendant de longs mois au milieu de la population. Les registres d'Etat-Civil de Lannion ne remontant pas au-delà des dernières années du XVIIème siécle nous ne pouvons juger des pertes subies, mais l'épidémie sévit dans le même temps sur les paroisses de la région et les registres de Louargat tenus avec un soin particulier permettent de se rendre compte de la rigueur du fléau. La peste se manifesta dans cette paroisse à la mi-mai 1632, elle y sévit pendant dix sept mois, jusqu'à la fin d'octobre de l'année suivante et la mortalité qui atteignait une moyenne annuelle de 30 à 40 s'éleva à 93 décès en 1632 et 103 en 1633. Le chiffre des décès était plus que doublé.
La peste aurait du cependant éprouver quelque crainte en pénétrant à Lannion, qui avait bon renom parmi les médecins, ils l'avaient notée sur leurs tablettes, en raison des propriétés médicinales de ses sources.
Ce fut en 1627 qu'on s'avisa d'étudier pour la première fois les eaux minérales de Lannion, Une source jaillissait dans la cour d'honorable homme Mathieu André sieur de Keravel et ses qualités avaient semblé fort remarquables aux Lannionnais. Le procureur syndic se transporta en personne à Morlaix chez Maître Masoyer, conseiller et médecin du Roi, le supplier de venir examiner et étudier les vertus curatives de la source. Celui-ci vint, goûta l'eau, puis se livra à un examen chimique compliqué qu'il relata tout au long dans un procès-verbal. Il dut consommer une notable quantité de combustible, car il évapora préalablement soixante pots d'eau, puis il savoura le résidu, le calcina, le manipula en diverses manières. Ensuite, opération plus délicate, il fit avaler trois pintes d'eau à un honnête bourgeois qui voulut bien se prêter à l'expérience, et il lui ordonna de « se pourmener deux heures par diverses fois ». Docile, dans l'intérêt de la science, le brave homme se prêta à tout, confia le lendemain au médecin ses impressions et émotions, l'assura qu'il se sentait plus libre, plus léger que de coutume, et avait grand appétit. M. Masoyer conclut alors et délivra au syndic son attestation ainsi conçue : « Je déclare selon la connaissance, jugement et expérience que j'aye acquise de l'art de la médecine, que les eaux de la fontaine sont minérales et quelles présentent beaucoup de très subtiles parties de fer meslé en icelle en forme de sel, oultre ce, quelles contiennent une portion de soufre vitriolé et par conséquent quelles ont la force, vertu et faculté du fer resoult et meslé avec une partie de vitriol, parquoy lesdites eaux sont très salubres pour la restauration de la santé contre plusieurs maladies, lesquelles sont longues, rebelles, et n'obéissent facilement aux remèdes ordinaires et principalement sont très profitables contre les opilations et obstructions invétérées du foie, de la rate, du mesentère, et qu'elles peuvent guérir une multitude de très grandes maladies qui proviennent des causes susdites ».
M. Dozet, docteur en médecine, maître Estienne Mayo et Jean Bouton apothicaires l'un à Lannion, l'autre à Morlaix, contresignènent cette déclaration, certifiant que lesdites eaux pouvaient infaiblement subvenir aux maladies énoncées au procès-verbal.
Il n'a pas suffi de ce procès-verbal délivré par le médecin conseiller du Roi exerçant en la ville de Morlaix pour faire de Lannion une ville d'eau. Les élégantes du XVIIème siècle n'y sont pas venues. Mme de Sévigné est bien allée à Vichy, elle n'a pas fréquenté Lannion.
Si les eaux minérales n'ont pas attiré à Lannion une imposante clientèle de malades, la douceur du climat des plages voisines, le charme pénétrant des horizons de mer, amène chaque année plus nombreuse la longue théorie des touristes et s'ils ont le sens exact de la beauté des lignes d'un paysage vivant ils ne manquent pas d'admirer cet ensemble harmonieux d'une vieille ville, cernée de collines, dominée par la tour quadrangulaire de Saint-Jean du Bally et baignée deux fois le jour par le flot montant de la mer.
Nous aussi, Bretons, connaissons et sentons, toute la beauté de notre pays, mais par delà ses aspects physiques, nous cherchons le secret de nos pensées et de nos sentiments dans l'étude de l'histoire de ces générations de Bretons, qui en nous transmettant la vie nous ont transmis leur âme, et si cette étude un peu sommaire, a pu donner quelqu'idée de ce que fut autrefois la vie municipale de notre ville, j'en serai satisfait, mais je serai encore plus heureux si j'ai réussi même dans une faible mesure à faire connaître, à faire aimer ces Lannionais d'autrefois, sont nos pères.
(Al. du Cleuziou).
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