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Saccage de Carhaix par les royaux

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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion.

La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598.

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Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

Entreprise sur Carhaix, et saccagement d'icelle par les Royaux.

Cette troupe assez gaillarde de royaux, composée de gentilshommes de Saint-Brieuc, Landtréguier, Guingamp, Coëtfrec, Lannion, Tonquédec et autres places de leur parti, était conduite par les sieurs de Kergoumarc'h (Note : Le nom du sieur de Kergoumarc'h était Kerérault), du Liscoët (Note : Du Liscoët, dont il est très souvent parlé dans cette histoire, était seigneur du Bois de la Roche, près Guingamp, et d'une des bonnes maisons de Bretagne), Tremblaye et Bastinaye (Note : La Tremblaye et la Bastinaye étaient Poitevins) et autres, tous gens de main qui avaient grande envie de mordre, et qui ne cherchaient que l'occasion de faire paraître ce qu'ils savaient faire. Or, voyant que celle de Kerouzéré leur échappait, à leur regret, ils en imaginèrent incontinent une autre, ne voulant se séparer les uns des autres à si bon marché. 

Ils ont avis que Carhaix n'était pas fort, n'étant clos que de barrières et chétives murailles, sans aucune garnison, et qu'il y avait des noces d'un des principaux de la ville, et que à cette occasion, chacun y aurait apporté le plus beau de son meuble car il en avait caché et transporté partie à Concarneau et à Quimper dès le commencement de la guerre, pour faire honneur à la fête, et qu'il y avait de quoi faire bon nombre de prisonniers. 

Ils font résolution de l'aller surprendre et y arrivèrent environ deux heures avant le jour. Trouvant la ville sans gardes ni sentinelles, ils entrent par-dessus les murailles, ayant mis pied à terre à l'entrée du faubourg et furent plus tôt dedans qu'ils ne furent aperçus. Les premiers ouvrirent les barrières et firent chemin à la cavalerie qui y entra en même temps et sans aucune résistance, d'autant que les habitants, après la bonne chère des noces, dormaient profondément, ne se doutant rien moins que de l'ennemi. 

Le lendemain, ils y demeurèrent au pillage qui fut grand, parce que chacun y avait apporté ce qu'il avait de plus beaux ameublements, pour honorer les noces, comme on l'a dit, de la fille de Guillaume Ollimand, greffier de la ville, mariée à un Antoine Silly de Quimper. Plusieurs habitants furent prisonniers ; les autres se sauvèrent par le bénéfice de la nuit, tant hommes que femmes ; quelques-uns furent tués à l'entrée. 

Cette surprise fut un samedi matin, et incontinent qu'ils furent maîtres de la ville, le capitaine la Tremblaye prit partie des troupes et s'en va croyant prendre le seigneur de Kerjolis qui était en sa maison du Kergoët, une petite demi-lieue de Carhaix, du côté de Quimper. Ce seigneur était riche, bien ameublé et qui avait en son écurie neuf à dix belles paires de chevaux et pouvait payer rançon de neuf ou dix mille écus, outre le pillage de la maison, et c'est pourquoi ils avaient bonne envie de lui mettre la main sur le collet. Mais il avait déjà été averti par la retraite de quelques fuyards de la ville, si bien que l'ennemi le trouva sur ses gardes avec quinze ou vingt, tant gentilshommes que serviteurs de sa maison, qui reçurent à bonnes arquebusades l'ennemi ; et quelques efforts qu'ils fissent l'espace d'une heure, ne purent forcer ceux du dedans et furent obligés de se retirer à Carhaix avec perte de douze ou quinze de leurs hommes. Mais ledit seigneur de Kerjolis, craignant qu'ils ne dussent retourner avec de plus grandes forces, envoie de grand matin un sien gentilhomme en diligence, au Granec, lors bonne et forte place, où il y avait garnison de trente ou quarante hommes, demander secours du lieu, qui lui envoie promptement dix arquebusiers. Le surplus demeura pour la garde de la maison où j'étais ce jour-là d'aventure. 

Le samedi matin, le bruit courut en peu de temps par tout le pays, le tocsin fut sonné par toutes les paroisses et les paysans se mirent incontinent sous les armes, de toute part s'acheminant à Carhaix sans ordre ni discipline de guerre. Plusieurs des gentilshommes, peu expérimentés et se fiant trop en l'assistance de la commune, allèrent avec eux. Il en passa de grandes troupes par le Granec, demandant d'être conduits par le seigneur qui n'en voulut rien faire, mais leur bailla un vieux soldat gentilhomme nommé Lanridon qui accepta volontairement la charge pour. ceux de Plounévez-du-Faou, conduits aussi en partie par le sieur du Cleusiou Roudoumeur (Note : de la trève de Collorec, en la paroisse de Plonévez-du-Faou). Arrivés qu'ils furent au pont du moulin du duc, demi-lieue de Carhaix vers l'occident, ils barricadèrent le pont d'une grande tranchée et autres matériaux qui étaient battants pour empêcher l'ennemi de passer outre. S'ils eussent voulu s'y tenir, comme leur conseillait la noblesse, et entre autre ce Lanridon expérimenté capitaine ! D'autre part, les royaux, pour les attirer à jeu, firent voltiger quinze ou vingt cavaliers à leur vue, à la portée du mousquet, et cependant ils avaient leur gros de cavalerie en un chemin creux un peu plus loin. Les paysans, voyant qu'ils étaient si peu, ne songeant pas à la ruse qu'on leur tramait, font un grand cri, s'entr'encourageant de donner la charge ; mais Lanridon leur remontre que ce n'était qu'une amorce pour les attirer hors de leur tranchée et puis après avoir meilleur marché d'eux ; qu'ils devaient être persuadés que c'étaient gens de guerre et que les avant-coureurs ne s'avançaient pas qu'ils n'eussent gens en embuscade en ce chemin creux, ce qui était véritable, et les priait de demeurer en leur tranchée, qu'ils pouvaient garder sans pouvoir y être forcés. Mais cette paysantaille, au nombre de trois cents contre un, lui dirent qu'il avait peur, mais puisqu'il était leur capitaine qu'il marcherait devant et qu'il lui valait autant mourir de la main de l'ennemi que de la leur ; et ce disant, lui piquaient les fesses de la pointe de leurs fourches de fer, menaçant de le tuer s'il ne marchait. Lanridon voyant que c'était faire le saut, leur dit : Ce n'est pas la peur qui me fait ainsi parler mais c'est votre perte et celle du pays ; toutefois, puisque vous le voulez, j'irai accompagner votre malheur et le mien, car peu de nous en retournerons. Et en disant cela, passant la barricade à la foule et en confusion, comme si c'eut été à une soule à qui serait le plus tôt, et poussant un grand cri, comme à la hue du loup, courant vers les cavaliers qui se montraient dans le champ, qui, feignant la peur, se retirent à grands pas pour attirer les paysans à l'endroit de l'embuscade, qui suivirent de plus en plus, pensant déjà avoir ville gagnée. Mais ils n'allèrent guère loin que cette embuscade de quatre à cinq cents chevaux vint à paraître, partie devant eux et partie en flanc, qui leur coupe chemin et défont tous ceux qui s'étaient avancés hors de la barricade ou les contraint à se jeter dans la rivière, où il s'en noya beaucoup, dont ledit Lanridon fut un des morts, que je fus le lendemain enterrer à Collorec, trève de Plounévez. 

L'ennemi suivant sa pointe passe la chaussée de la rivière, trouvant la barricade aplanie par la fuite des paysans, poursuit les fuyards de tous côtés, à plus d'une lieue et demie au loin, sans que pas un ne leur fit tête, quelque nombre qu'ils se trouvassent contre peu. Il y eut, en cette déroute grande tuerie de paysans par leur faute, car s'ils eussent voulu croire leurs chefs, ils eussent sans péril empêché l'ennemi de passer outre. Les paroisses qui firent cette boutade, ledit jour de samedi, furent celles de Cléden, Landeleau, Plounévez, Plouyé, Huelgoët et autres paroisses de Carhaix, sous trois à quatre lieues. Chacune d'elles y perdit grand nombre d'hommes. Or, quant aux plus éloignés, comme Châteauneuf, Lennon, Pleyben, Loqueffret, Braspartz, Spézet et semblables, qui n'avaient pu venir le premier jour à cause de la distance, quoiqu'ils entendissent la défaite de leurs voisins le jour précédent, ils ne perdirent pas courage, mais vinrent brusquement et en très grand nombre, se moquant des autres paroisses qui s'étaient laissé battre, et protestant que l'ennemi trouverait bien autrement en eux à qui parler le dimanche que le samedi aux autres, et entre autres la rogue paroisse de Pleyben, conduite par le sieur du Bizit (Note : Le sieur du Bizit se nommait Kerperennès), leur capitaine, et le prêtre de la maison de Linlouêt (Note : La maison de Linlouët, dont était le prêtre dont il est ici question, avait possédé Trévarez, qui fut depuis le chef-lieu du marquisat de la Roche-Coatarmoal), gentilhomme, et se vantait de battre seul l'ennemi. Bref, à leur avis, il n'était plus question que de partager les dépouilles. Et approchant de Carhaix pour voir leurs voisins morts et détaillés sur le chemin, ils n'en prenaient que plus d'audace. Les royaux, pour la grande tuerie qu'ils en avaient faite le jour précédent, pensant tout le pays vaincu, et ne croyant pas que personne davantage eût osé bouger, si bien qu'ils ne se doutaient plus de rien, quand ils aperçurent cette multitude de populace arrivée déjà jusque aux portes de la ville, venant de furie. L'alarme fut si chaude que chacun d'eux se jette sur les armes et les arquebusiers gagnent la halle et les avenues des rues pour soutenir pendant que la cavalerie pourrait monter à cheval. Les paysans ayant pris la porte de la ville entrent bien avant ; mais les arquebusiers les tirant à couvert, en tuaient grand nombre et ne tiraient coup en vain. Et quant aux paysans, à cause d'une pluie qu'il faisait ce jour-là, leurs armes étant mouillées, leurs armures à croc, dont ils avaient nombre, leur étaient inutiles, et ils ne pouvaient jouer que de leurs longs bois, comme fourches, haches et pertuisanes, et ne faisaient pas grand mal à l'ennemi, qui était à couvert, tellement qu'ils furent arrêtés. Et cependant un nombre de cavaliers les premiers montés, entre lesquels était le sieur du Liscoët, de Tréguier, firent le tour de la ville, par derrière Saint-Trémeur, et vinrent donner par derrière sur les paysans, ce qui les étonna beaucoup, ne sachant d'où venait cela, croyant que c'était du secours qui leur était arrivé d'ailleurs. Ils se défendirent néanmoins quelque temps mais la partie était mal faite, de la cavalerie bien armée contre des gens de pied non aguerris, mal armés et en une plaine, aussi prirent-ils incontinent la fuite, en laquelle il en fut tué la plupart, et aussi le sieur du Bizit et le prêtre Linlouët, de Pleyben. Il était presque impossible qu'il s'en sauvât beaucoup, d'autant qu'ils étaient en une plaine, en pays découvert, où la cavalerie pouvait aller partout. Toutefois, leur victoire ne fut pas sans perte car, outre quelques-uns qui furent tués, le seigneur du Liscoët, chef de la compagnie, maréchal de camp en l'armée du roi en Bretagne, y eut la main droite entièrement coupée d'un coup de hache par le col du bras, et tomba ladite main à terre, et l'on assure que ce fut le prêtre Linlouët qui lui donna ce coup. 

Ledit sieur du Liscoët étant de retour dans la ville, de désespoir d'avoir perdu la main, commanda qu'on mît le feu partout dans la ville. Ce commandement fut tout aussitôt exécuté ; la plus belle rue de ladite ville fut entièrement brûlée, laquelle depuis n'a été encore rebâtie. 

La précipitation de la paroisse de Pleyben et de Braspartz fut, à mon avis, cause de leurs malheurs ; et s'ils eussent voulu attendre les autres paroisses comme Châteauneuf, Lennon, Gouëzec et Briec qui y accouraient aussi, l'ennemi eût sans doute été défait et forcé ; mais voulant seuls emporter l'honneur, seuls aussi ils en payèrent la folle enchère de leur témérité. C'est l'ambition qui règne quelquefois entre gens de guerre et qui tourne ordinairement à la confusion des auteurs. 

L'ennemi ayant donc mis le feu à Carhaix se retire chacun en leurs garnisons. Les paysans de Châteauneuf qui étaient en chemin sous la conduite du sieur de Penanguer Kerochent, leur capitaine, ayant entendu, par les fuyards, la défaite de Carhaix pour la seconde fois et que l'ennemi s'était retiré, se ruèrent sur leur capitaine, le tuèrent et jetèrent son corps en une profonde fosse, parmi des épines, et s'en retournèrent avec cette belle levée de boucliers. Telle fut la surprise de Carhaix. 

Cette défaite de paysans à Carhaix, le samedi et le dimanche, abaissa leur arrogance et fierté, car ils étaient tous disposés à une révolte contre la noblesse et communautés de villes, ne voulant être sujets à personne, de quoi ils se vantaient ouvertement : et il est sans doute que s'ils fussent retournés victorieux de Carhaix, comme ils se promettaient, qu'ils se fussent jetés sur les maisons de nobles, sans pardonner à aucun qui eût été de condition plus relevée qu'eux. Et en faisant de même, disaient-ils, ils seront tous égaux, sans que l'un n'eût aucun pouvoir ni juridiction sur l'autre. Mais Dieu en disposa tout autrement car ils furent si rudement traités à Carhaix, qu'ils demeurèrent aussi doux et humbles qu'ils étaient allés arrogants. 

Les royaux, après avoir ainsi repoussé les paysans à Carhaix, mirent en délibération s'ils devaient venir assiéger le Granec, distant de trois petites lieues vers l'occident, en la trève de Collorec, maison assez forte, sans canon, bien flanquée de tourelles aux quatre coins du fossé qui régnait autour. La plupart fut d'avis que l'on y devait aller et qu'on y trouverait du butin que le plat pays y avait rendu pour être en assurance, joint que le seigneur du lieu qui y était, paierait une bonne rançon. Le sieur du Liscoët ne fut pas de cet avis, remontrant que la maison était forte, que le seigneur était homme de guerre et vieux capitaine, qu'il y avait forte garnison et que le plat pays y avait rendu ce qu'il avait de plus précieux pour y être conservé ; qu'il y avait aussi bien des personnes qui étaient intéressées à la conservation de cette place, et que puisqu'ils n'avaient pas pu entrer au château du Kergoët, qui n'était pas si fort ni si bien gardé, c'eût été une témérité de s'adresser au Granec ; bref, qu'il n'y avait rien à gagner et tout à perdre. Cette remontrance leur fit à tous changer d'opinion, qui fut un grand avantage pour le sieur de Pratmaria et du Granec, qui n'avait pas six hommes de résistance avec lui, ni pas un des fuyards ne s'était rendu là, croyant que l'ennemi la fût venu assiéger. Ceux mêmes qui étaient dedans sortaient secrètement par sur les douves et gagnaient les bois, aimant mieux courir les dangers à la campagne que d'être enfermés pour la défense d'une fort bonne place. Le sieur du Liscoët fit donner cette délibération parce qu'il était fort proche parent et allié dudit sieur de Pratmaria, et avaient toujours été fort bons amis. De même le fils aîné portait les armes avec ledit sieur du Liscoët, même en cette prise de Carhaix. Il est certain que s'ils se fussent présentés devant la maison, qu'il n'y avait moyen de les empêcher d'y entrer. Quant aux prisonniers qui avaient été pris à Kerouzéré et rendus à Morlaix, le sieur de Coëtnisan et de Goëzbriant, son beau-frère, ils furent retenus au château jusques à savoir la volonté du seigneur de Mercoeur, qui en étant averti, manda les rendre à Nantes, ce qui fut fait sous la conduite des sieurs de Goulaine, du Faouët et de Rosampoul, où ils payèrent rançon ; savoir, le sieur de Coëtnisan, 20,000 écus, et le sieur de Goëzbriant, 8,000 ou 10,000, et les autres moins, suivant leurs facultés.

(M. le chanoine Moreau)  

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