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La bataille de Craon |
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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion. La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598. |
Bataille de Craon.
Au mois de mai 1592, les états se tinrent à Vannes (Note : Voici ce que dit Dom Taillandier de ces états : le duc de Mercoeur tint à Vannes les états de la Ligue ; ceux qui n'avaient pas encore fait le serment de l'union, le firent en cette assemblée, entre les mains de l'évêque de Cornouaille, devant le saint-sacrement. Le sieur de la Ragotière, à qui l'on donnait 300 livres de gages, faisait l'office de procureur syndic, mais il était aidé par Arthur le Forbeur, qui recevait du duc de Mercoeur 4,000 livres d'appointement. Le mercredi 1er avril, les états ordonnèrent la publication du concile de Trente dans toute la province. Ils assignèrent 6,000 livres par mois au duc de Mercoeur, et firent un fonds de 1,715,436 livres pour le paiement des garnisons des villes tenues par la Ligue), sous l'autorité du duc de Mercoeur, où je me trouvais aussi. Là arrivèrent les députés de la ville de Châteauneuf-du-Faou, en Cornouaille, qui firent de grosses plaintes audit seigneur et aux états du capitaine La Fontenelle Guyon de Beaumanoir, duquel sera parlé ci-après plus amplement de son origine, progrès, état et fin. La plainte contenait que combien qu'ils fussent d'un même parti de l'union avec tout le reste du pays, que néanmoins ledit La Fontenelle, à main armée, les avait forcés, pillés, ravagés et tués grand nombre, avec des grandes hostilités, avec beaucoup d'autres cruautés insolentes commises par lui et les siens, que les plus grands ennemis n'eussent voulu commettre. Les preuves et attestations vues et examinées par son altesse, on le fit appréhender, car il était aussi venu auxdits états, et il fut constitué prisonnier. Mais à la prière des autres capitaines et des seigneurs, il fut mis en liberté, joint que ledit seigneur de Mercoeur avait pour lors à faire des gens de guerre, car en même temps vinrent les nouvelles que l'armée conduite par le prince de Conty et le prince de Dombes, avec cinq ou six mille Anglais, avait assiégé Craon, sur les frontières de la Bretagne, du côté d'Anjou et du Maine ; que les habitants demandaient secours, ce qui obligea le duc de Mercoeur de mander ses compagnies et leur donne le rendez-vous à Redon, commande aussi à La Fontenelle de lui aller quérir sa compagnie et le venir trouver. Aussi fut-il délivré de prison, sans laquelle occurrence il eût couru dès-lors grand risque de la vie. Mais Dieu le réservait à une punition plus exemplaire, digne récompense de tant de maux qu'il fit depuis, sans comprendre ceux qu'il avait déjà faits qui méritaient la roue.
Le duc de Mercoeur ayant en diligence assemblé son armée, les états finis, s'achemine au rendez-vous et de là vers Craon, que l'ennemi tenait si étroitement assiégé qu'il n'en pouvait sortir ni entrer une âme si bien que ceux de dedans, n'ayant nouvelle d'aucun secours, étaient près de se rendre ; ce que croyant, son altesse s'avançait à grandes journées ; et étant arrivée à quatre lieues près, en plaine neuve, fit tirer trois ou quatre coups de canon pour avertir ceux de la ville que leur secours était près de se rendre, lesquels coups bien ouïs donnèrent courage aux assiégés, si bien qu'il ne fallait plus parler de composition. L'armée était composée de trois ou quatre mille hommes Français du pays, dont les capitaines étaient les seigneurs de Goulaine, du Faouët son frère ; de Talhoët Kerédern, capitaine de Redon ; Lézonnet, gouverneur de Concarneau ; de Saint-Laurent, gouverneur de Josselin : les sieurs de Quinipily, d'Aradon son frère, et plusieurs autres, avec autant ou plus d'Espagnols. L'ennemi était fort de huit à dix mille hommes, compris cinq mille Anglais nouvellement descendus, qui ne demandaient que besogne ; leurs chefs, le prince de Conty et le prince de Dombes, depuis duc de Montpensier ; les sieurs de Rochepôt, gouverneur du château d'Angers, et Pichery, gouverneur de la ville d'Angers, et la Tremblaye, du Liscoët de Tréguier, de La Bastinaye, de Montbarrot, baron de Moullac, de plusieurs autres, tant Français que Bretons et Anglais, sous la conduite du général Norris, et les Espagnols étaient conduits par Don Juan d'Acquilla, tous deux grands capitaines. L'ennemi savait bien la venue du duc de Mercoeur et s'était fortifié et pris les endroits avantageux pour combattre l'ennemi. Le lendemain les deux armées apparurent l'une à la vue de l'autre, et s'approchant pour s'escarmoucher, les avant-coureurs ne laissaient pas de se bien attaquer et se bien défendre entre les deux gros rangés en bataille chacun de son côté. Son altesse néanmoins approchant toujours de son ennemi, ayant été ainsi quelque temps aux attaques, le capitaine Talhoët Kerédern, ainsi appelé parce qu'il était issu cadet de la maison de Kerédern en Vannes, comme étant homme expérimenté en la guerre et vieux capitaine, étant avec sa compagnie en l'avant-garde, aperçut du remuement au camp de l'ennemi, qu'il connut incontinent être épouvanté. Il en donne d'abord avis au duc de Mercoeur, par l'un de ses cavaliers, qui lui fit entendre que le camp de l'ennemi était en désordre et que sans doute il prenait l'épouvante, et que s'il voulait s'avancer avec l'armée, il en aurait bon marché. Le duc de Mercoeur, prenant garde à sa contenance, fit avancer son avant-garde et conséquemment toute l'armée, en bel ordre, vers l'ennemi, sur lequel il donna furieusement et augmenta tellement leur épouvante que, sans grande résistance, ils furent mis en déroute avec tel désordre qu'il n'y eut moyen de les rallier, et aussi leur chaussa-t-on les éperons de bien près, quelque effort que fit le sieur du Liscoët, bas-breton, pour les rallier, et la Tremblaye, maître de camp, pour les soutenir, qui firent tous devoir de bons capitaines dignes du rang qu'ils tenaient. Ils ne purent venir à bout, et si le désordre n'eût procédé des chefs, le tout ne fût passé ainsi. Néanmoins les deux capitaines susdits, avec leur cavalerie, firent une belle retraite, faisant tête à tout moment en se retirant, qu'ils empêchèrent bien d'être forcés par plus forts qu'eux, sans laquelle les Français fuyards eussent été de bonne heure enfoncés et défaits. Mais ce n'était pas aux Français que son altesse en voulait ; car sitôt que l'armée ennemie fut en déroute, il fit crier en son camp, à son de trompe, qu'on eût à sauver les Français et se ruer sur les Anglais, ce qui fut fait par ce moyen. Le reste de l'armée des princes eut tout loisir de se retirer, partie à Châteaugontier, partie à Rennes, et ailleurs aux places de retraite.
Le prince de Conty se retira à Angers par Châteaugontier. En arrivant à Châteaugontier, il avait tellement peur qu'il n'osa y demeurer cette nuit ; il ne fit que passer sans s'arrêter, tant il était épouvanté et craignait d'y être assiégé. Aussi était-il vivement poursuivi, et sans le canon dudit prince, qui demeura embourbé en un chemin assez étroit, qui retarda les poursuivants, les obligeant de prendre un autre chemin, ils auraient pris le prince de Conty. Quant au prince de Dombes, qui portait titre de gouverneur de province pour le roi, il prit le chemin de Rennes, où il arriva bien harassé et triste, ne pensant à rien moins, et les Rennois aussi, d'être bloqués et assiégés par le vainqueur. Et de fait, plusieurs ont cru que si son altesse, poursuivant sa victoire, se fût aussitôt présentée devant la ville, qu'elle se fût rendue sans difficulté, tant ils furent effrayés de cette défaite, joint que la plupart du menu peuple et quelques-uns des plus relevés affectionnaient fort le parti des catholiques et son altesse leur chef.
Tout le fait de cette bataille porta enfin sur les Anglais qui étaient environ cinq mille, desquels il ne resta que ceux qui, à la faveur des blés déjà murs et prêts à couper, s'y purent cacher, attendant la nuit, et encore en fut-il tué un grand nombre par la commune qui les haïssait à mort, pour être les anciens ennemis du pays. Les Espagnols ne pardonnaient à aucun desdits Anglais, les tuant jusque entre les bras des Français. Il en fut tué un grand nombre ; l'on estime qu'ils y perdirent cinq mille hommes. Pas un ne fut réservé par les Espagnols pour prisonnier, se souvenant de beaucoup de maux qu'ils avaient reçus des Anglais en l'embrasement de Cadix par le capitaine Dracke, amiral de l'armée anglaise, et de la grande perte qu'ils reçurent quatre ans auparavant à la côte d'Angleterre, en 1588, lorsque, sous la conduite du duc de Modène, lieutenant-général de Don Philippe, roi d'Espagne, l'armée navale dudit roi, la plus belle armée qui fût vue voguer sur l'Océan de cent ans auparavant, voulant prendre terre en Angleterre, fut toute défaite par lesdits Anglais. Tous les appareils de guerre et équipages des royaux furent perdus et gagnés par le duc de Mercoeur, que l'on rendit pour la plupart à Nantes avec les prisonniers au nombre desquels il y en avait quinze ou vingt de considérables, desquels étaient les seigneurs de Rochepôt et Pichery et nombre d'autres desquels je n'ai pu savoir les noms quoique je les visse arriver à Nantes où j'étais en ladite année 1592, au mois d'août.
On y rendit ensemble huit grosses pièces de batteries, plusieurs couleuvrines avec les attelages, des guidons et enseignes en grand nombre, sans comprendre ce qui fut envoyé ailleurs, comme à Craon, Saint-Malo, Dol, Fougères. Cette déroute rabaissa tellement le parti du roi en Bretagne qu'il quitta la campagne pour un temps, mettant des garnisons dans les places de son parti (Note : Ce fut après la déroute de Craon que Henri IV envoya le maréchal d'Aumont comme lieutenant-général en Bretagne, pour y réparer les fautes du duc de Montpensier et du prince de Dombes).
Le duc de Mercoeur, poursuivant le parti et cours de sa victoire, alla assiéger Châteaugontier, sur les frontières du Maine et d'Anjou, et par ce moyen délivra les Rennois d'une grande peur où ils étaient, craignant que ce frit à eux que l'on se fût premièrement adressé.
Cependant ils eurent le temps de résoudre et se renforcer, et envoyer vers le roi pour demander secours. Ils eurent réponse que dans peu ils seraient secourus d'un renfort considérable, avec exhortation de persévérer toujours en leur fidélité passée. Ce qui donna occasion au duc de Mercoeur d'aller plutôt assiéger Châteaugontier qu'autre place, c'est qu'on lui avait donné à entendre que les princes de Conty et de Dombes et plusieurs chefs s'y étaient retirés et y attendaient le siège mais comme on l'a dit ci-dessus, on les avait chaussés les éperons de si près qu'ils n'eurent pas seulement l'assurance d'y tarder deux heures en passant Châteaugontier, ne se voulant opiniâtrer à soutenir un siège sans espérance d'un prompt secours et de se rendre par composition, comme avait fait Laval.
(M. le chanoine Moreau)
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