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Durant et après la guerre de la Ligue

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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion.

La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598.

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Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

De plusieurs choses advenues à cause et pendant la guerre.

Il sera ici remarqué en passant que, pendant cette guerre, après la mort de Henri de Valois, troisième du nom, qui fut tué au milieu de son armée de trente mille hommes, à Saint-Cloud, proche Paris, Henri de Bourbon, roi de Navarre, qui était en la même armée, comme le plus proche de la couronne en ligne masculine, car le défunt n'avait pas d'enfants, se fit proclamer roi de France et de Navarre en l'année, et se fit prêter le serment par les grands et noblesse de ladite année, espérant continuer le siège de Paris, commencé depuis cinq à six jours. Mais voyant que son armée se dissipait, et les catholiques ne voulant lui porter obéissance, ni le reconnaître pour roi, parce qu'il était de la religion calviniste, qu'on appelait huguenote, et l'avait toujours été depuis le berceau, y ayant toujours été nourri par sa mère reine de Navarre, support de ladite secte, se retiraient tous les jours à grandes troupes aux catholiques ou ligueurs, ce qui lui fit lever le siège devant Paris. 

Or, les nouvelles de la mort du roi Henri III venues aux oreilles des peuples dirent que, pour la même raison que ledit Bourbon n'était pas catholique, et qu'on craignait qu'étant une fois reconnu roi, il réduirait le royaume de France comme celui d'Angleterre, d'Ecosse et Dannemarck, se rendirent forts à ce qu'il ne fit reconnu, et de fait il y eut de grands tumultes jusques à ce que les cours de parlements se divisèrent, de manière que les villes étant du parti des princes, le parlement de Paris se divisa si bien que les catholiques demeurèrent à Paris, les hérétiques et politiques à Tours ; celui de Rouen pour le roi à Caen ; celui de Bretagne pour les catholiques à Nantes. 

Chacun faisait du pis qu'il pouvait à ceux de son contraire parti. C'était crime de lèse-majesté, s'il faut ainsi dire, aux Romains d'aller plaider à Nantes et à leurs adhérents, semblaient ceux-là suspects d'hérésie, qui sans contrainte se pourvoyaient volontairement à Rennes (Note : Celui dont parle ici le chanoine Moreau n'était qu'une ombre de parlement créé par le duc de Mercoeur pour l'opposer à celui de Rennes). L'un parti était abominable à l'autre, et sous cette haine on en pendait de l'une et de l'autre part par arrêts de leurs parlements. Mais la paix les rassemble de rechef en leurs anciens états, quant aux personnes et non pour les volontés, car si quelqu'un avait reçu quelque perte par le parti de l'autre, il ne pouvait regarder que d'un mauvais oeil ceux qui avaient été dudit parti, et s'entrepoursuivaient non-seulement avec injures mais, se trouvant à l'écart, à bons coups de pieds et de poings, et surtout étaient insolents ceux du parti du roi à l'endroit des autres, pensant à leur avis y être soutenus, et par grande rage les appelaient maudits ligueurs et traîtres au roi, et les autres leur rendaient le change promptement, disant : Chiens d'hérétiques, traîtres à Dieu et à sa foi, le roi nous a avoués en ce que nous avons fait, et s'est même rendu de notre parti et a quitté le vôtre. 

Il y avait grande combustion en plusieurs des parlements, de tout quoi le roi en étant informé, leur mande assez secrètement qu'ils eussent à s'accommoder s'ils étaient sages, ou qu'il les accommoderait lui-même à leurs dépens, disant outre : Ventre saintgris, c'était son jurement, j'ai bien oublié toutes les injures qui m'ont été faites, et ai reçu mon peuple, tant rebelles que autres, en amitié ; et vous qui n'êtes que mes serviteurs, vous ne vivez pas en patience les uns avec les autres ! prenez garde que je n'entende plus parler. Ces paroles retinrent les plus échauffés. 

L'année de la paix en Bretagne, qui fut l'année 1597, la cherté des vivres fut fort grande en Bretagne, et fut vendue la pipe de froment quarante-deux écus, la pipe de seigle trente écus, et ainsi au prorata les autres grains ; qui fut cause qu'un grand nombre du menu peuple, tant à la ville qu'aux champs, pâtirent beaucoup, et bonne partie moururent de nécessités, sans qu'il y eût moyen de les soulager, à cause de la ruine générale et la dépopulation des champs par les gens de guerre ; et fut la misère si grande ès quatre années (Note : 1595, 1596, 1597, 1598. En 1595, les pluies firent si abondantes qu'elles détruisirent les moissons ; ce fut le commencement de la famine qui engendra une partie des autres maux ci-relatés) quinze, seize, dix-sept, dix-huit, par les quatre fléaux de Dieu, par lesquels il châtie son peuple contre lequel il est irrité, guerre, peste, famine et bêtes farouches, que tous quatre s'entresuivirent pendant le cours de quatre années, comme étant subordonnés à la désolation des hommes. La guerre apporta la famine, puis la peste à ce qui échappait à la cruauté des soldats, ou plutôt des brigands, devant lesquels quelques-uns pouvaient échapper et se cacher en quelques haies ou garennes, mais contre la faim il n'y avait pas de fuite, car personne n'avait la liberté d'aller à la maison, où il n'eût trouvé que les murailles, le tout étant emporté par les gens de guerre, si bien que les pauvres gens n'avaient pour retraites que les buissons où ils languissaient pour quelques jours, mangeant de la vinette (Note : C'est ainsi qu'on appelait autrefois l'oseille sauvage) et autres herbages aigrets, et même n'avaient moyen de faire aucun feu crainte d'être découverts par l'indice de la fumée, et ainsi mouraient dedans les parcs et fossés, où les loups les trouvant morts s'accoutumèrent si bien à la chair humaine que, dans la suite, pendant l'espace de sept à huit ans, ils attaquèrent les hommes étant même armés, et personne n'osait aller seul. Quant aux femmes et enfants, il les fallait enfermer dedans les maisons, car si quelqu'un ouvrait les portes, il était le plus souvent happé jusque dans la maison ; et s'est trouvé plusieurs femmes, au sortir auprès de leurs portes pour faire de l'eau, avoir eu la gorge coupée sans pouvoir crier à leurs maris qui n'étaient qu'à trois pas d'elles, même en plein jour. 

Pendant cette cruelle famine, en quelques endroits aux champs, les uns faisaient bouillir avec de la vinette des orties et allongeaient leur chétive vie de quelques jours, les autres mangeaient lesdites herbes toutes crues, et d'autres mangeaient de la graine de lin qui leur donnait une puanteur d'haleine qu'on sentait de huit à dix pas, après quoi ils venaient à enfler par tout le corps, et de cette enflure peu échappaient qui ne mourussent. On ne trouvait autre chose dans les fossés et par les chemins que morts de faim, partie ayant encore la vinette ou graine de lin dans la bouche, partie déjà mangés des loups, et les autres tous entiers jusque à la nuit, qu'ils servaient de pâture sans qu'ils eussent d'autre sépulture. 

D'autant qu'il n'y avait aucun bétail, soit de labeur ou autre, et pour dire, en un mot, bêtes ni oiseaux domestiques, ceux qui pouvaient se sauver à la proximité de quelques villes et fortes maisons, et qui pouvaient recevoir en prêt ou autrement de leurs seigneurs ou amis quelques boisseaux de blé, quel qu'il fût, s'assemblaient, si faire se pouvait, trois ou quatre, plus ou moins, et s'attachaient de nuit à la charrue, faisant office de boeufs et de chevaux ; semaient ce peu de grain, toujours en espérance que Dieu leur donnerait la paix ; ils pensaient pour le moins trouver cela à la moisson. Les autres mettaient le feu en quelques landes ou genêts, et quelques nuits après jetaient leurs semences sur cette terre sans aucun labourage, et s'en trouvèrent qui recueillirent de bon seigle et en abondance l'année de la paix, sans laquelle ils n'auraient pas travaillé pour eux. 

Cette grande pauvreté aux champs était cause de celle des villes qui fourmillaient de pauvres qui s'y jetaient de toute part, en si grand nombre qu'il était impossible d'y subvenir à tous, de manière qu'il était nécessaire tôt ou tard qu'ils mourussent pauvrement, et principalement en hiver, étant mal nourris, presque tout nus, fors quelques drapeaux pour couvrir leur honte ; sans logements ni couvertures que les étaux, et où ils trouvaient des fumiers ils s'enterraient dedans comme pourceaux, où toutefois ils n'étaient guère de temps qu'ils n'enflassent fort gros avec une couleur jaune qui les faisait incontinent mourir. 

Il est impossible de rapporter par écrit toutes les pauvretés que nous avons vues et souffertes en Cornouaille, et s'il était possible de les pouvoir raconter, on les estimerait des fables et non des vérités, et à peine peut-on dire laquelle desdites quatre persécutions aurait plus affligé le pays ; et combien qu'il semblerait peut-être que celle des loups était plus évitable, parce qu'ils n'étaient en si grand nombre, néanmoins c'est chose horrible à réciter ce qu'ils faisaient de maux. 

Dès le commencement de leur furieux ravage, ils ne laissèrent dans les villages aucuns chiens, comme si par leur instinct naturel ils eussent projeté qu'ayant tué les gardes qui sont les chiens, ils auraient bon marché des choses gardées ; et avaient cette finesse que quand il y avait quelques mauvais chiens en un village et de défense, ils fussent venus en bande vers le village, et se fût l'un d'eux avancé jusque à bien près de la maison. Les autres demeuraient un peu cachés derrière comme en embuscade ; celui qui s'était avancé, se sentant découvert par le chien et suivi, se retirait d'où il était venu, jusque à ce qu'il l'eût attiré aux embûches, et lors tous ensemble se ruaient sur le chien et le mettaient en pièces. 

Telles ruses de ces bêtes sont à peu près semblables à celles de la guerre, et mirent dans l'esprit du simple peuple une opinion que ce n'étaient pas loups naturels, mais que c'étaient des soldats déjà morts qui étaient ressuscités en forme de loups pour, par la permission de Dieu, affliger les vivants et les morts, et communément, parmi le menu peuple, les appelaient-ils en leur breton, tut-bleis, c'est-à-dire gens-loups ; ou que c'étaient des sorciers en ce pays comme en plusieurs autres contrées de la France. 

Cette dernière raison n'eût été hors de propos, attendu que les plus graves auteurs disent que les sorciers sont des antropophages ou mangeurs de chair humaine, et surtout de la chair des petits enfants sans baptême. Ainsi ces cruels animaux, combien qu'ils assaillissent indifféremment tout âge et sexe les trouvant à leur commodité, néanmoins ils poursuivaient avec plus grande fureur une femme grosse qu'une autre, à laquelle ils fendaient le ventre en un instant et lui tiraient le fruit, laissant la pauvre femme toute palpitante, s'ils n'avaient pas le loisir de manger la mère et l'enfant. 

Une honnête femme de Kerfeuntum, pressée d'accoucher, un certain jour de marché, sortant par la porte Billait, à dix ou douze pas de la porte, fut en plein jour éventrée, et son enfant tiré et emporté, et cependant il y avait du monde après et devant. Ceux de devant ne virent rien parce qu'elle ne jeta aucun cri ; ceux du derrière qui virent ne surent être assez à temps, tant cela fut expédié bien promptement par un seul loup. 

La paix faite, les portes de la ville (Quimper) demeuraient ouvertes et les loups se promenaient toutes les nuits par la ville jusque au matin, et aux jours de marchés les venderesses de pains et autres regrattières qui se levaient matin pour prendre leurs places les ont souvent trouvés autour du Chastel et ailleurs, et emportaient la plupart des chiens qu'ils trouvaient la nuit sur la rue. La nuit, ils blessaient plusieurs personnes sur la rue au milieu de la ville, et sans le secours et cri que l'on faisait criant au loup, ils les eussent mangés. Ils avaient cette finesse de prendre toujours à la gorge, si faire se pouvait, pour les empêcher de crier, et s'ils avaient loisir, ils savaient dépouiller sans endommager les habits ni leurs chemises même, qu'on trouvait tout entiers auprès des ossements des dévorés, qui augmentait de plus en plus l'erreur des simples de dire que ce n'étaient point loups naturels mais loups-garous ou soldats ou sorciers transformés. 

Après ce troisième fléau s'ensuivit la peste, qui était le quatrième, qui fut l'année 1598, un an après la paix, qui commença par les plus pauvres ; mais enfin elle attaqua, sans exception de personnes, aussi bien aux riches qu'aux pauvres, et en moururent des plus huppés. Il me souvient avoir vu le plus riche marchand de la ville, nommé Bastien Lagadec, quelqu'un lui demandant un jour s'il ne craignait pas la peste, répondit que non, et que c'était la maladie des gueux, et en mourut cependant avec sept ou huit autres de sa maison dans dix ou quinze jours après de ladite maladie, enfants et serviteurs, nonobstant tous remèdes qu'on leur pût appliquer. Cette peste fut celle qui mit la dernière main, comme l'on dit, à la désolation des hommes et dura depuis le mois de mai jusque au mois de décembre, avec un terrible dégât, car peu en resta qui n'en fut atteint, et peu des atteints qui n'en mourut. 

Au commencement, on voulut y apporter quelque remède et police en assignant certaines maisons hors la ville pour les malades, en lieux écartés, mais le nombre en vint enfin si grand qu'il fut impossible ; cachaient leur maladie tant qu'ils pouvaient et allaient parmi les sains pêle-mêle, et bien souvent arrivait que s'il y avait trois ou quatre ensemble, l'un ou plusieurs se trouvaient frappés, de quoi les autres ne prenaient aucune crainte, ainsi le sollicitaient seulement de se retirer et chercher remède s'il était possible. 

Ces quatre fléaux, desquels Dieu menaça son peuple rebelle et désobéissant à ses commandements, cette pauvre Basse-Bretagne a été bien désolée depuis l'an 1594 jusque à 1598-99, et ce en punition des péchés des hommes, qui y étaient si débordés que l'on n'y savait plus prier Dieu que par manière d'acquit, et y était un chacun si à son aise d'une si longue paix. 

Ils étaient persuadés qu'ils ne piment jamais avoir nécessité. Et pour parler un peu de chaque état en particulier, la noblesse y était si dissolue en toutes sortes de vices et débordements, que du plus petit jusque au plus grand, du maître jusque à ses simples valets, se réputaient efféminés et sans courage s'ils n'ornaient leur langage de tous les genres de blasphêmes qu'ils se fussent pu aviser, de sang, de mort, de tête et des plus exécrables qu'ils pouvaient trouver ; même celui qui savait le plus habilement jurer par tous les membres, bien renier et massacrer, était réputé bon gentilhomme, d'honneur et de courage, brave et galant, et à celui-là ne fallait pas se frotter sans se ressentir ; de plus l'ivrognerie et confusion régnaient parmi la noblesse, d'une si grande fureur que cela faisait horreur de voir ainsi prodiguer les biens que Dieu donnait aux hommes pour leur usage ; car lorsqu'ils s'entrehantaient aux villes et bourgs, les uns chez les autres, il fallait faire état de tant boire que toute la compagnie ou partie demeurassent sur le carreau, sans jugement, comme bêtes brutes, et on réputait pour habile homme et digne de louange qui mettait son homme par terre à coups de verre. Telles débauches engendraient souvent des querelles qui enfantaient des meurtres sur-le-champ, comme on voyait presque tous les jours par expérience, et je puis bien dire avec vérité avoir vu depuis vingt-huit à trente ans plus de quatorze à quinze meurtres de gentilshommes de cette Basse-Cornouaille, tous chefs de maisons, sans comprendre plusieurs autres de moindre qualité, comme cadets, serviteurs et semblables ; autant peut-on dire de tous les autres vices. 

Quant à l'état ecclésiastique, il ne se portait guère mieux, car l'ambition, l'avarice, le luxe y régnaient tellement que la piété requise y était grandement refroidie. Accumulation de bénéfices sur bénéfices, voire même incompatibles ; des sept, huit, douze cures à la fois, tenues, profitées par un seul homme, et tant plus tant mieux. C'était à qui en pouvait avoir, sans beaucoup se soucier des services et charges, pourvu qu'ils se fissent paraître magnifiques en banquets, équipages et autres vaines parades pour tenir le premier rang ; en rien plus sobres de bouche que les séculiers, sans en dire davantage. 

Et pour le regard du tiers état, et entre autre de la populace, encore que soit la vocation la plus innocente si on la compare aux deux autres, néanmoins la longue paix de laquelle ils avaient joui l'espace de plus de deux cents ans les avait mis si à leur aise qu'ils méconnaissaient leur condition, et se trouvaient plusieurs d'eux et mieux logés et ameublés que beaucoup d'autres de qualités plus relevées, leurs ménages bien complets, garni entre autres de quantité de grandes tasses ou hanaps d'argent doré et choses semblables qui les rendaient si superbes et arrogants qu'ils ne respiraient autre chose qu'une révolte contre la noblesse et tous autres qui n'étaient de leur qualité ; ce qu'ils eussent faits, s'ils eussent trouvé un chef pour les conduire ; ce qu'ils voulurent effectuer plusieurs fois au commencement de cette guerre, qui leur fut permis de lever les armes en intention qu'ils eussent empêché au parti contraire les passages et ravages, selon leur possible. Mais on voyait à travers tout cela leurs mauvaises inclinaisons, qui était de tuer tous les autres, à la réserve des paysans comme eux, et de fait ils en firent mourir plusieurs en cette Cornouaille, même ceux qui les conduisaient, leurs capitaines. De quoi cependant ils furent châtiés en plusieurs rencontres, où ils furent défaits par les gens de guerre, comme à Carhaix, au Faou, au Granec, à Pont-Croix et à Saint-Germain­Plougastel et autres lieux, ainsi que nous l'avons dit ci-devant ; et pour un gentilhomme ou soldat qu'ils tuaient, ils en perdaient plus de cent des leurs, ce qui leur abattit tellement le courage qu'ils furent rendus aussi doux qu'agneaux. 

Les péchés du peuple étant donc parvenus au comble, Dieu suscita les traits de son courroux sur son peuple par ces quatre fléaux, en faisant un exemplaire châtiment in virga ferrea, en fit aussi un monde nouveau en petit nombre, comme seulement un séminaire du futur, avec tant de désolations que telle paroisse où il y avait avant la guerre plus de douze cents communiants à Pâques, sans comprendre plus d'autant d'enfants qui n'avaient encore atteint l'âge compétent, et l'année de la paix, qui fut, comme nous l'avons dit, en 1507, il ne se trouvait pas douze communiants ; et ainsi par toutes les paroisses, entre autres celles qui étaient éloignées des villes et places de retraite, dans lesquelles il y avait moyen de se retirer. 

Je dirai aussi qu'il semble que Dieu permit, pour plus grand châtiment, que la populace auteur de cette ville de Quimper, trois à quatre lieues à la ronde, fut aveuglée, laquelle dès le commencement de la guerre avait rendu à la ville, chacun chez ses amis, tout ce qu'ils avaient de plus précieux meubles portatifs, pour les conserver des ravages ; mais le bruit s'étant répandu que le maréchal d'Aumont venait l'assiéger, chacun tira ce qu'il avait chez soi, ne voulant le laisser en proie aux Français, Anglais de l'armée dudit maréchal. Ce fut leur perte, car s'ils eussent pu réserver ce qu'ils avaient en ville, ils eussent eu de quoi se remettre après la guerre aisément. Ils faisaient leur compte que si la ville était assiégée, elle serait aisément prise et saccagée, et tout ce qui serait trouvé, ne considérant pas qu'il y avait dedans grand nombre d'habitants riches qui ne voulaient pas perdre, et en passeraient plutôt par une honorable composition que de s'opiniâtrer à une totale ruine de biens et d'honneurs et vie, d'autant plus qu'il n'y avait nombre de garnison qui pût empêcher les habitants en temps et lieu de pourvoir à leur sûreté ; et puis ceux de l'intelligence, quoiqu'ils fussent du parti contraire, et qu'ils désirassent la reddition de la ville, c'était néanmoins à condition qu'aucuns des habitants ne reçussent outrages en leurs personnes et biens. 

Ces paysans étant ainsi occupés à rapporter chacun en sa maison ce qu'ils avaient en la ville à la plus grande diligence qu'ils pouvaient, l'armée ennemie, conduite par le sieur maréchal, qui vint fondre sur Quimper, le 9 octobre 1594, où ils ne furent que trois jours, que la ville ne se rendît sans aucune insolence ni perte, après quoi toute l'armée s'étendit par tout le pays d'alentour et ne laissa chez le bonhomme que ce qui était trop chaud ou trop pesant ; qui fut une inestimable perte, et eût encore été plus grande si les pauvres villageois eussent eu loisir de transporter le reste de ladite ville, car la ville était si chargée de leurs hardes qu'il n'y avait d'église ni chapelle qui n'en fussent chargées. L'église Saint-Corentin, quoique grande, était si remplie de beaux et grands coffres, que la procession ne pouvait passer que seul à seul depuis le haut jusque au bas, et n'y avait que le choeur de vide ; au Guéodet et Cordeliers tout autant. Voilà comme cette pauvre populace, par je ne sais quelle destinée, retirèrent tous leurs meubles pour les donner en proie, en leurs campagnes, à l'ennemi. 

Dorénavant la basse Cornouaille alla de mal en pis les années suivantes, car les champs étant dépouillées de tous moyens, et de plus en plus ravagés par La Fontenelle les autres années, elle fut réduite à telle extrémité que fort peu de gens demeurèrent en vie, et n'ayant ni cheval, ni boeufs ; lorsqu'ils pouvaient avoir quelques morceaux de blé en prêt ou autrement, ils s'attachaient de nuit à la charrue pour le semer, en espérant d'avoir quelque chose l'année prochaine. Je dis la nuit, car le jour ils ne paraissaient pas plus que hiboux, et se tenaient cachés dans les taillis et les genêts comme les bêtes sauvages. Et arrivait que les pauvres gens se trouvaient frustrés de leur attente à la moisson, et ils ne recueillaient pas ce qu'ils avaient semé, car le soldat, ou le faisait manger en herbe, ou devant même qu'il fut mûr du tout, l'enlevait ou le gâtait afin qu'il ne servît qu'à eux. 

Mais que sert de s'aviser d'éclairer par le menu les misères de ce pauvre canton, chose autant impossible que de prendre la lune, comme on dit, avec les dents ; et semble, comme je le crois, que pour punition de nos péchés, Dieu nous a réservé en son entier ce pays jusque à la fin de cette maudite guerre, pour en récompense nous punir au triple de toutes les autres parties comme l'ayant bien mérité et davantage. Ceux qui viendront après n'en croiront rien ou peu, et penseront plutôt que ce sont des fables que des vérités ; et cependant nous les avons vues de nos yeux, ouïes de nos oreilles, et expérimentées à notre grand dommage. 

L'an mil cinq cent quatre-vingt quinze, la maison épiscopale fut brûlée, qui donne sur la place Saint-Corentin, par la négligence d'un laquais couché en la fénerie, où il avait porté de  la chandelle, qu'il attacha contre un pilier ; s'endormit laissant ladite chandelle allumée, qui tomba dedans le foin et brûla ce beau logis, qu'avait fait bâtir le grand et célèbre évêque Bertrand de Rosmadec (Note : La partie de l'évêché qui touchait à la cathédrale fut construite par Bertrand de Rosmadec, et fut rebâtie par M. Le Prestre de Lézonnet„ nommé évêque en 1614. La tour où se trouve le grand escalier, la chapelle, et probablement la chambre épiscopale, nous montrent ce que pouvaient être le grand logis de Rohan, sur une partie des débris duquel M. Conen de St.-Luc, mort évêque de Quimper en 1790, avait fait bâtir l'aile située au midi. Claude de Rohan fut interdit pour ses prodigalités dans la construction de l'édifice qui fut brillé. Charles du Liscoët., dont il est souvent mention dans ces mémoires, était évêque de Quimper en 1595). 

Quelques-uns disent que ce fut un juste jugement de Dieu, d'autant, disent-ils, qu'il y avait cette nuit-là bal à l'évêché, au grand logis de Rohan, auquel lieu était présent l'évêque. Il fut impossible d'éteindre le feu que le tout ne fût brûlé ; et si l'église eût été combustible, elle courait aussi fortune. 

Environ le même temps, l'an 1599, il courut un grand bruit qui, en peu de temps, s'épandit d'une merveilleuse vitesse par toute l'Europe, que l'antechrist était né en Babylone, et que déjà les Juifs en tous pays s'avançaient pour l'aller recevoir et reconnaître pour leur Messie. Ces nouvelles vinrent d'Italie et d'Allemagne, passant jusque en Espagne, Angleterre, et en tous les autres royaumes d'occident, ce qui troubla beaucoup les peuples même les plus avisés, et encore que plusieurs doctes ni ajoutassent pas foi, disant que tous les signes prédits par les écritures devoir précéder son avènement n'étaient encore accomplis, et entre autres que l'empire romain n'était encore du tout aboli, ce qui était, disaient-ils, nécessaire, avec quelques autres raisons. Les autres disaient que quant aux signes pour la plupart de notre connaissance étaient déjà arrivés, et que pour le regard des autres ils pouvaient avoir été en d'autres régions, quoique que nous ne les avions vus ni ouïs, et pour l'empire romain c'est si peu de chose, égard à ce qu'il a été autrefois, qu'il ne mérite le nom d'empire ; joint que l'on pourrait se tromper en l'intelligence ou interprétation de ce passage ; qu'il y a plusieurs siècles, et dès la primitive église, que les plus doctes et pieux ont cru humainement l'antechrist être proche, les uns le croyant même venu à cause des grandes persécutions qu'ils voyaient et expérimentaient tous être faites aux chrétiens ; les autres pour quelques signes qu'ils voyaient en l'air, soit feux, ou éclipses, ou tremblements de terre. L'on croyait pour lors le jugement être proche ; bref, que c'est chose certaine qu'il viendra, combien que le temps en soit incertain, et vaux mieux se référer à la volonté de Dieu que sur ces raisons des signes non accomplis s'opiniâtrer en son propre sens ; que les Juifs, qui avaient, ou qui pouvaient avoir plus spéciales connaissances de l'avènement du fils de Dieu, vrai Messie tant prêché en leur loi, par leur opiniâtreté se sont bien trompés en le voulant avouer, le voyant de leur propre yeux, lui et ses oeuvres plus qu'admirables. Chacun était ainsi ému, les uns disant telle nouvelle pouvoir être vraie, les autres n'en croyant du tout rien, et le bruit alla si avant qu'il fallut que le roi Henri IV lors régnant, par édit exprès fit défense... FIN

(M. le chanoine Moreau)  

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