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Siège de Quimper par le maréchal d'Aumont

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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion.

La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598.

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Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

Siège de Quimper par le maréchal d'Aumont.

Le sieur de Lézonnet, bouffi de dépit, ne respirant que vengeance contre la ville de Quimper qui l'avait disait-il égratigné, assisté des conspirateurs, n'oubliait rien pour faire au sieur maréchal d'Aumont descendre de Morlaix en ce bout du monde, lui remontrant que Quimper était la meilleure ville du pays bas, sur un beau port de mer, bien murée et forte ; siège épiscopal et présidial, de laquelle ressortissaient beaucoup d'autres ports, havres et villes ; que le roi en retirerait de grandes commodités et lui-même aussi ; que la plupart des principaux habitants étaient très affectionnés au parti et ne demandaient que de les soutenir par quelques forces de plus ; qu'au simple bruit de sa venue, la ville s'y rendrait sans que personne y osât mettre empêchement aucun, d'autant plus que les ligueurs de la place, et ainsi appelaient-ils les catholiques, savaient bien qu'à raison de mauvais ménage qu'il y avait entre Don Juan et le seigneur duc, ils ne pouvaient espérer aucun secours ; qu'il n'y avait aucune garnison de gens de guerre que les habitants, seuls gens non expérimentés aux armes et qui au seul bruit de son armée tremblaient déjà. 

D'une autre part, par une correspondance et bonne intelligence des conspirateurs de la ville, envoient aussi leur député qui s'appelait Ollivier Endroit, procureur postulant au siège de Quimper, jeune homme le plus imprudent séditieux qui fût dans le pays, qui confirma les propositions de Lézonnet ; ajoutant encore de plus du sien, fit entendre audit sieur maréchal la bonne volonté de la plupart des habitants et des principaux qui n'osaient néanmoins mettre à exécution de peur de la populace, s'ils n'étaient assistés de quelque force ; que le duc de Mercoeur se retirant de la ville n'y avait laissé que cent hommes de garnison. Ledit Ollivier Endroit montrait aussi la liste de ceux de l'entreprise qu'ils appelaient bons serviteurs du roi ; que la ville et la conséquence d'icelle méritait d'être secourue, et qu'il y allait du service du roi plus qu'à Morlaix. Bref, ils firent tant par leurs allées et venues que ledit maréchal leur donna promesse de descendre avec son armée jusque-là, après avoir mis ordre à Morlaix, qui serait dans trois ou quatre jours ; ce qu'il fit. 

Cependant Ollivier Endroit, enflé de ce que ses ambassades s'avançaient si heureusement, vint en diligence à Quimper assurer ses confrères conspirateurs de ces bonnes nouvelles qui, frétillants de joie, ne purent rien tenir du secret que nous n'en fussions aussi informés de tous les faits du voyage ; et puis ledit Endroit, si bavard qu'il ne pouvait rien céler, plus insolent que de coutume, ne parlait que ruine, faire pendre tous ceux qui avaient eu tant soit peu de grabuge avec lui, ayant ses bons marchands de la ville de Quimper. Attendu que ledit sieur maréchal étant parti de Morlaix s'achemine vers ce pays bas, renvoie de rechef leur faux messager, ledit Endroit, le trouver à Braspartz, l'assurant de plus en plus de la fidélité de la ville. Il attendait tout de ses compagnons, le suppliant de ne manquer de les assister au plus tôt que faire se pourrait, de peur de perdre une si belle occasion de rendre service au roi ; et quant à telles affaires, le moindre retardement est souvent préjudiciable. Le sieur maréchal leur tenait compte d'un réitéré et assure promesse qu'en peu de jours il serait devant la ville, et loue fort leur résolution et les exhorte de persévérer ; qu'il avertirait le roi de tout leur bon devoir et service qu'ils avaient pour lui, avec quelque promesse de courtisan et récompense.

Endroit de retour avec ses patentes lève les cornes de ses compagnons d'un demi-pied de plus qu'auparavant, et tous les jours les principaux de cette ligue s'assemblaient, ou chez Allanou, en sa maison au marché du pain, sur la grande place, vis-à-vis de la grande porte de Saint-Corentin ; ou chez un cabaretier huguenot, très de la porte de la rue Neuve, et parlaient des moyens de recevoir le maréchal dans la ville et des gratifications qu'ils espéraient de lui, et de l'issue de leurs trahisons. 

Noblesse réfugiée à Quimper, quitte la ville et se retire au Pont, et comme ladite ville de Quimper fut assiégée et rendue au maréchal d'Aumont. 

J'ai déjà dit ci-dessus que la noblesse de ce pays voisin réfugiée à Quimper, sachant les desseins de Lézonnet et l'assurance qu'il leur avait donnée que le sieur maréchal, qui était alors à Morlaix, devait infailliblement descendre ici bas après le siège fini, s'était retirée de la ville, faisant les bons valets et se logea au château du Pont d'où le sieur de Kerservant se porta capitaine et y demeura avec plusieurs autres long-temps après la reddition de Quimper ; il fit fortifier la place du mieux qu'il put et que la brièveté du temps le lui permit, étant de même intelligence que Lézonnet ; et les factieux de Quimper avaient informé le sieur maréchal de tout ceci et le sollicitaient instamment de s'approcher, l'assurant que toute la noblesse de Cornouaille était toute portée au service du roi. 

Cependant le sieur maréchal s'avançait peu à peu de Braspartz au Faou et de là à Châteaulin, faisant toujours marcher son canon devant lui. Là vint de rechef, et pour la troisième fois, Ollivier Endroit le trouver, pour lui répéter les mêmes protestations qu'il avait faites aux précédents, au nom de tous les habitants et bons serviteurs du roi à Quimper et qu'il pouvait s'assurer que sitôt que ses avant-coureurs paraîtraient qu'on leur ouvrirait les portes de la ville et y seraient reçus avec tout applaudissement. 

Or, quoique le maréchal eût la volonté assez disposée de venir jusque ici, comme il fit, il désirait aussi chasser l'Espagnol du fort de Camaret en Crozon, qui était une chose plus difficile, attendu qu'il y avait pour le moins quatre cents hommes dedans, gens d'élite, vieux guerriers, tous résolus de tenir la place ou mourir, comme ils firent, ainsi qu'il sera dit ci-après, commandés par un soldat, capitaine fort vaillant nommé Praxède, qui ne manquerait pas de bien vendre sa peau si on l'attaquait. Ce néanmoins ledit maréchal se réputant à grand honneur s'il en pouvait venir à bout, et se résolut de l'assiéger, et par même aussi cette ville de Quimper. Car s'il fût venu premièrement ici qu'à Crozon, il eût laissé l'ennemi à dos, qui l'eût molesté et se fût toujours à autre fortifié de retranchements et d'hommes ; et s'il fût venu droit à Crozon, l'armée espagnole se fût rendue à Quimper, qui lui eût empêché les vivres et peut-être fait lever le siège, comme il y avait apparence. Pour obvier à tout cela, il fait bloquer Crozon ou Camaret par une partie de son armée, entre lequel était le sieur du Liscoët, maréchal de camp, avec quatre cents chevaux et nombre d'infanterie, et lui-même avec le surplus vint assiéger Quimper où il arriva le lundi au soir, ou plutôt le dimanche matin, environ les trois à quatre heures après minuit, 9 octobre 1594, par Kerfeuntum, et pour s'entre attendre et ranger les gens, mirent tous pied à terre en la rabine de Missirien, depuis la Croix au Gardien jusque au faubourg, tenant un grand silence, pensant par ce moyen cacher l'heure de leur arrivée, que toutefois nous savions bien, et étions sur les murailles en grand nombre, doutant qu'ils eussent plutôt attaqué la ville par escalades qu'autrement.

Les conspirateurs, qui savaient très bien les démarches de l'ennemi, étaient aussi sous les armes, faisant les rondes par bandes où aucuns n'étaient reçus qu'ils ne Rissent de leur farine entre autres se faisait paraître ledit Yves Allanou, à la tête des autres, toujours accompagné de quinze ou vingt des siens. Cet Allanou étant depuis tombé en crime, et plaidant en la cour du parlement de Rennes, sentant ses affaires aller mal, trouva moyen d'évoquer en la chambre mi-partie de catholiques et huguenots à Paris, s'étant lui-même défini tel, quoiqu'il ne a que libertin, où il alla à la sollicitation ; mais n'en pouvant espérer une honnête issue, de fatigue et d'appréhension tomba malade et mourut de mort naturelle, qu'il méritait violente et honteuse s'il eût encore guère vécu. 

C'était celui, comme nous avons dit, qui était le chef de l'entreprise de Quimper, et en faisant leurs rondes, ils épiaient l'heure et le moyen de jouer leur jeu et, comme Judas, querebant opportunitatem tradendi civitatem

L'ennemi ayant resté environ une heure dans le chemin de Kerfeuntum, commença à déplacer en trois troupes, de quoi nous eûmes aussitôt avis par les paysans dudit lieu qui, sous la faveur de la nuit, se cachaient derrière les haies et observaient sans être aperçus les actions des gens de guerre, et nous les rapportaient par-dessus les douves, nous étant sur les murailles entre la tour Bihan et la porte St.-Antoine. 

Ayant donc reçu cet avis que l'ennemi s'avançait avec toutes ses forces vers la ville, je fis avertir en diligence tous les corps-de-garde et envoyai faire sonner le tocsin et aussi avertir le sieur de Saint-Quérec, gouverneur, qui s'était allé reposer quelques heures, et fis à maître Jean de la Verdure, huissier, qui était auprès de moi sur le mur, tirer un coup de mousquet pour mettre l'alarme partout ; tellement qu'incontinent, au bruit du mousquet et de la grosse cloche, les murailles furent bordées de gens tous habitants, car la garnison qui était de cent hommes seulement, qu'avait laissés le duc de Mercoeur, était au faubourg de la rue Neuve, se doutant bien que l'ennemi s'en irait en cet endroit premièrement pour être à couvert. 

Nous nous attendions d'être attaqués à cette muraille, entre Saint-Antoine et la tour Bihan, par échelles, c'est pourquoi nous étions sur nos gardes, en résolution de lui bien disputer l'entrée ; mais ils n'y vinrent point, mais seulement s'allèrent jeter sur la rue Neuve, qu'ils emportèrent après quelque résistance. Aussi n'était-il facile à si peu de gens de se défendre contre tant de forces qui avaient entré par tant d'endroits dudit faubourg, par les prairies et la montagne, où si les nôtres eussent guère tardé ils se fussent trouvés enclos en un instant et le chemin coupé entre la ville et eux, tellement qu'ils firent leur retraite entre les deux portes. Ceci fut le dimanche matin, environ le point du jour, neuf octobre, comme dit est ci-dessus. Et incontinent après les autres faubourgs, comme la Terre-au-Duc et les Regaires, furent pris et la ville sommée de se rendre. A quoi ne voulant entendre, le sieur maréchal mande en diligence à Crozon lui envoyer le canon qui arriva le lundi au soir, et fut mis à la place Saint-Mathieu, et pendant que l'on attendait le canon, qui fut le dimanche jour de l'entrée aux faubourgs, ledit sieur maréchal écrivait à la ville lui envoyer des députés, et en même temps donna la liste des noms de ceux qu'il voulait lui être envoyés, qui étaient tous de l'intelligence, savoir : maître Yves Allanou, avocat ; maître François de Kerguelen, greffier ; maître Guillaume Le Baud, sénéchal ; maître Ollivier Berthault ; maître Barnabé Le Gallays, sieur de Mascosquer, conseillers et Corentin Le Baron. 

On fait assemblée de ville le lendemain matin, savoir si on devait envoyer des députés, et si ceux qu'il demandait y devaient aller seuls. Ladite congrégation fut tenue au logis du capitaine qui demeurait lors vis-à-vis de la croix Maubert. Tous les conspirateurs furent d'avis de l'alternative, sans balancer ; les autres, et en plus grand nombre, opinaient qu'il n'était pas à propos d'y envoyer ceux-là sans quelque autre qui ne fût de leurs opinions, de crainte qu'aveuglés de leurs opinions, passions, ou de quelques profits particuliers, ils n'accordassent choses préjudiciales aux autres, et qu'ils ne donnassent instructions à l'ennemi, comme ils pouvaient s'emparer de la ville et se venger de ceux qu'ils eussent possible nommés. On nomma donc d'abondant maître Alain Le Baud, sieur de Pratanros, homme d'affaire et expérimenté, bien affectionné serviteur du duc de Mercoeur. Cependant on tirait toujours sans cesse de la ville et non sans effet de ceux de l'ennemi, et même ledit sieur maréchal faillit d'être tué (Note : Le maréchal d'Aumont était à l'angle sud-est de la place Terre-au-Duc, au faubourg Saint-Mathieu, dans un enfoncement qui joint la rivière et regarde la partie encore existante des murs de Quimper, lorsqu'il fut effleuré d'un coup d'arquebuse tiré des murs de la ville). 

Près de lui, par sur son épaule, lors dit à Lézonnet qui était présent : Vous m'aviez dit qu'il n'y avait dans cette ville que des habitants ; mé Dieu ! c'est ainsi qu'il jurait, vous êtes un affronteur, et si vous me fâchez, je vous ferai un mauvais tour. Lézonnet répond : Monseigneur, sur ma vie et mon honneur, il n'y a autre chose que ce que je vous ait dit. Mé Dieu ! dit le maréchal, quels habitants ! ce sont gens de guerre et habitants ! Et à la vérité la ville le pouvait et était en état de fournir douze à treize cents hommes, tous arquebusiers bien en ordre et qui avaient de la résolution plus qu'on ne pouvait attendre des gens non aguerris et forcés devant une mauvaise bicoque. Pas un ne se voyait étonné ni parlait de se rendre, fors ceux de la trahison ou leurs adhérents qui ne cessaient de pratiquer toute sorte de gens, leur remontrant qu'il était plus que temps de penser à se rendre sous l'obéissance du roi qui était encore lors calviniste ; que si on s'opiniâtrait, que ce serait la totale ruine de la ville et des habitants ; que c'était folie de vouloir entreprendre de tenir en une si pauvre place où il n'y avait garnison, et quand il y en aurait eu, la ville étant battable de tous côtés, rien ne résisterait au canon qui était tout prêt à tirer, ce qui était faux ; que le maréchal était bénin ; qu'il nous octroierait une capitulation honorable ; chacun demeurerait en ses privilèges et libertés ; que si nous l'irritions par nous opiniâtrer, il ne nous recevrait possible pas à aucune composition ; qu'il ne fallait espérer aucun secours du duc de Mercoeur, qui n'avait forces battantes, puisque les Espagnols l'avaient abandonné, et plusieurs autres raisons. Bref, que le maréchal, quand nous ne le voudrions pas, avait assez de gens pour nous forcer, les troupes françaises à la Terre-au-Duc et rue Neuve, les troupes anglaises aux Regaires et Locmaria, sous la conduite du général Norris, grand capitaine. 

Toutes ces remontrances faites en une assemblée, devant le crucifix, à Saint-Corentin, où étaient tous les ordres de la ville, chacun dit son opinion, et premièrement messieurs de l'église, par la bouche de messire Guillaume de Buys, archidiacre de Poher et grand vicaire de l'évêché, déclara que tous les ecclésiastiques étaient d'avis que l'on eût tenu bon, et s'offrant tous à la défense de la ville que qui que ce soit, jusques au retour du sieur de Talhoët Kerédern, qui était allé vers ledit seigneur duc de Mercoeur. Pour bien entendre ceci, faut considérer que trois ou quatre jours devant le bloquement, le sieur de Talhoët était parti de cette ville, qui avait averti les habitants qu'ils seraient assiégés mais qu'ils eussent à tenir bon jusques à ce qu'il eût vu le sieur duc, et qu'il y avait trève qu'il allait faire signer, et serait de retour en cinq jours, lesquels cinq jours achevaient lorsqu'on délibérait la reddition de la ville. 

Ceux de la justice tenaient pour la plupart de l'opinion contraire, comme gens qui ne se souciaient pas tant de la religion que de leurs profits particuliers et de la conservation de leurs ambitions, entre lesquels étaient les nommés Guillaume Le Baud, sénéchal par l'absence de maître Jacques Laurent, qui pensait se maintenir audit état moyennant la reddition de la ville, comme lui avait promis Lézonnet ; Ollivier Berthault, doyen des conseillers du siège ; Barnabé Le Gallays, maître Jean Rosiers, maître Mathieu Lohéac, procureur du roi ; maître Alain Le Guiriec de Bonescat, avocat du roi ; maître Jacques Borigné, lieutenant ; maître Noël de Cléchunan, conseiller ; maître Jacques de Lézandevez, aussi conseiller, et quelques autres qui insistaient qu'il se fallait rendre, assistés de plusieurs particuliers de la ville de leur menée, dont j'en ai nommé partie ci-dessus, entre lesquels le sieur Allanou se faisait remarquer comme capitaine et chef de la trahison, ayant autour de lui une suite de tous les plus impudents de la ville, qui faisaient autant de bruit qu'une troupe de Raguatières. 

La jeunesse en corps, qui faisait le nombre de trente ou trente-cinq, se présente et fait pareilles déclarations et promesses que les ecclésiastiques, remontrant aussi la promesse qu'avait faite le sieur de Talhoët quand il partit, que quand bien l'ennemi aurait fait brèche quand il arriverait, il serait contraint de cesser et lever le siège, et qu'il serait ce soir même sans faute de retour, comme il le fut aussi ; mais le maréchal, contre tout droit de guerre, l'arrêta vingt-quatre heures au camp, sans vouloir voir la trève que la ville ne fût rendue ; qu'il n'y avait aucun danger de soutenir jusque au lendemain, même quand la batterie serait commencée, ce qu'elle n'était, ni même le canon affûté. Bref, ils s'offraient à tout événement, même à sortir au besoin, ou se présenter à la brèche jusque avoir parlé audit sieur de Talhoët. Ainsi l'assemblée se départit avec cette résolution, ce qui faisait enrager les traîtres. 

Cependant les députés sortent de la ville pour aller trouver le maréchal qui était en une maison sur le quai appelée l'Isle (Note : C'est sur l'emplacement du manoir de l'Isle qu'a été bâtie l'abbaye de Kerlot, dont une partie des bâtiments avait été brûlée à Kerlot, en la paroisse de Plomelin), lequel les reçut d'assez bon oeil, parce que par réputation il les reconnaissait ses biens affectionnés, et partant avait mandé les lui envoyer, fors maître Main Le Baud, que nous avions nommé en outre qui était avec les autres, ayant au col l'enseigne du parti du duc de Mercoeur, qui était une écharpe de couleur, car les huguenots et leurs partisans portaient l'écharpe blanche. Ledit Le Baud fut injurié et menacé, appelé traître au roi, et en sa présence accusé par ses compagnons députés, qui requirent le maréchal qu'il ne fût reçu à parler, n'étant mandé par lui. Ledit Le Baud voulut représenter qu'il était venu en cette qualité sous la foi publique, qui avait toujours été inviolable, même parmi les plus barbares nations ; qu'il ne devait pas trouver étrange qu'il portât l'enseigne de son parti, qu'il s'était dès le commencement voué au seigneur de Mercoeur, auquel il était beaucoup obligé ; que si ledit maréchal n'avait agréable sa réputation, il était tout prêt à s'en retourner d'où il était venu. Alors le maréchal entre en une si grande colère qu'il répartit : Mé Dieu ! tu ne t'en retourneras pas, car toi et les tiens seront pendus tout présentement. Toutefois Lézonnet parla pour ledit Le Baud et modéra la colère du maréchal, si bien qu'il fut renvoyé avec les autres. Mais il n'assista pas au complot qu'ils firent de vendre la ville, et ne sut rien alors de ce qu'ils avaient arrêté entre eux. 

J'oubliais de dire que sitôt que nous fûmes bloqués, prévoyant bien que si l'on battait à la brèche, ce serait à l'endroit des jardins du couvent de Monsieur Saint-François, qui était l'endroit le plus faible. C'est pourquoi on avait commencé un retranchement tout le long dudit jardin où on travaillait jour et nuit ; mais à cause du mauvais ordre et diverses opinions, on travaillait fort lentement, parce que ceux qui désiraient la reddition ne voulaient aucunement aider, ni d'hommes, ni de fascines, ni d'outils, qui retardait beaucoup la besogne. L'ennemi, pour empêcher ledit retranchement, avait fait monter quelques petites pièces de canon et longues arquebuses sur la montagne, au coin du parc, devers le levant, où sont les fourches patibulaires ; de là tirait incessamment sur ceux qui travaillaient audit retranchement, mais avec peu de fruit. Le gardien dudit couvent, nommé La Villeneuve, gentilhomme de Léon, qui travaillait aussi au retranchement comme beaucoup d'autres de qualité, y fut blessé au talon de quelque coup, par sa négligence, et faute d'y remédier, comme il était bien facile, il en mourut environ deux mois après ; un jeune garçon y fut aussi blessé à la fesse où la balle demeura entière la longueur d'un doigt ; voilà tout le mal qu'ils firent. Cependant les députés retournant d'avec monsieur le maréchal, rapportèrent des grandes promesses qu'ils faisaient aux habitants de les conserver en leur état, en leurs privilèges et immunités, de rien transporter de la ville, n'imposer aucune levée de deniers et ni laisser aucune garnison. Mais il fit tout le contraire comme il sera dit ci-après. A ces nouvelles tous les factieux du maréchal disaient qu'il fallait sans plus tarder se rendre ; les autres au contraire disaient qu'il ne fallait pas s'y fier, car des promesses si avantageuses n'étaient qu'eau bénite de cour et des attrapes lourdauds ; que quand la ville se serait une fois rendue, il n'y avait pas d'apparence de la laisser sans garnison, et si au chef la promesse était suspecte, elle le pouvait être à tous ; qu'il fallait tenir bon jusque au retour du sieur Talhoët, qui possible était déjà à vue au camp de l'ennemi. Le capitaine de cent hommes que le duc avait laissés dans la ville en garnison se présente, exhorte les habitants de tenir bon, n'étant demeuré en cette place que pour mourir en la leur conservant ; qu'il s'offrait à tenir la brèche, seulement priait les habitants de défendre l'escalade. La jeunesse répète de rechef son ordre conformément à celui du capitaine de se prêter à toute occurrence nécessaire, soit à la brèche ou ailleurs, jusque à l'arrivée du sieur de Talhoët. En tout cas, nous demanderons d'Alain Le Baud, qu'avions député parmi les autres, ce qui avait été résolu envers monsieur le maréchal. Mais il n'en savait rien non plus qu'eux, d'autant qu'il ne lui avait été permis d'assister avec les autres, ni être présent sur la délibération qu'ils avaient eue. 

Les marchands de la ville voyant qu'ils ne pouvaient avoir moyen de livrer leur marchandise, et craignant que l'arrivée du sieur de Talhoët, que nous attendions de jour à autre, n'eût rompu tous leurs desseins, et que le maréchal, s'en retournant sans avoir la ville, ne donnât occasion au duc de Mercoeur de faire recherche et punition d'eux, ils s'avisèrent donc de faire une assemblée la plus secrète qu'ils purent au-dessus de Guéodet, où ils font leur chambre de ville (Note : L'ancien hôtel de ville de Quimper était au-dessus de l'église du Guéodet, dont les arceaux très élevés en soutenaient le plancher. Cette église, bâtie en pierre, telle qu'elle a été démolie il y a peu d'années, en 1371, était celle de la cité ; elle servait pour ainsi dire de vestibule à l'hôtel de ville, car il fallait la traverser pour arriver à l'escalier en spirale par lequel on montait dans la grande salle de l'hôtel de ville, qui avait la même longueur que l'église). Là ils se trouvèrent tous, ou la plupart d'eux, avec le capitaine de la ville, le sieur de Saint-Quérec, qui n'était ni chaud ni froid ; il s'y trouva aussi quelques autres sans savoir de quoi il était question. Lors lesdits conjurés étant les plus forts, commencent à crier que tous ceux du parti du roi eussent tous à se mettre d'un côté et ceux de la Ligue de l'autre ; lors ils s'avisèrent sans plus tarder d'envoyer chez le sieur maréchal l'assurer que la ville était disposée de se rendre, et lui porter les clefs, et qu'il eût à envoyer quelque homme de créance dedans la ville pour faire les articles de la capitulation. Ce qu'il fit en y envoyant le président Lagrée Lourmais (Note : Jean Avril, sieur de Lagrée, était premier président de la chambre des comptes de Bretagne), d'auprès la Roche-Bernard, nommé en surnom Avril. Il arriva sur la vêprée, lundi dixième octobre 1594 ; il était auvergnat de nation. 

Celui-ci (Saint-Quérec) croyant la résolution prise de se rendre, prit congé des habitants, disant quant à eux ils pouvaient demeurer dans le parti nouveau, mais non pas lui, parce qu'on le voudrait obliger de prêcher le contraire de ce qu'il avait auparavant fait, lequel ne ferait jamais, plutôt mourir de mille morts, et suppliait les habitants de lui faire avoir un passeport de monsieur le maréchal. Une demi-heure après voici un homme envoyé par le maréchal qui dit audit Saint-Quérec qu'il eût dans le moment à venir parler au maréchal, à Locmaria où il était logé au prieuré. Ledit Saint-Quérec s'y en alla sur-le-champ, où le maréchal lui ayant fait quelques réprimandes d'avoir prêché contre le roi et avoir opiniâtré le peuple dans la rébellion, l'autre lui ayant répondu qu'il avait trouvé les habitants dans le même parti quand il était venu, il ne pouvait faire moins que de les y conserver. Le maréchal le retint avec lui, sans vouloir permettre qu'il eût rentré davantage en ville. 

Il y eut cessation d'armes tant au camp que dedans la ville ; néanmoins ledit maréchal avertit les habitants de faire bonne garde sur les murailles, entre autres vers le canton des Anglais, sur lequel, disait-il, je n'ai pas tant de commandement que sur les Français, et que s'ils pouvaient entrer par surprise il serait impossible d'empêcher qu'ils ne pillassent la ville, quand bien même il y aurait dix capitulations ; que c'étaient des gens fort cupides. Comme de fait, ils avaient fait l'offre au maréchal de forcer la ville à coup de main moyennant le pillage, et qu'il leur avait répondu : Que le roi n'avait que faire de villes désertes et que son intention était de conserver ses sujets et non de les détruire, tellement qu'ils s'étaient retirés un peu mal satisfaits de cette réponse, et partant ne fallait pas trop s'y fier. 

Les articles dressés par les mains du sénéchal Le Baud, et portés au sieur maréchal, il n'y eut pas grande difficulté pour les faire passer et accepter selon leur forme et teneur, le tout toutefois sous le bon plaisir du roi. 

Le sieur de Talhoët, suivant sa promesse, était arrivé le lundi au soir au camp du maréchal, avec la trève signée et garantie ; mais le maréchal le fit arrêter qu'il ne vint dedans la ville, et n'y voulut porter état pour le regard de Quimper, disant qu'elle lui était déjà acquise avant son arrivée. 

J'ai dit qu'à la reddition du château de Morlaix, les principaux capitaines de l'union avaient été retenus prisonniers de guerre, savoir : le comte de la Maignane, les sieurs de Rosampoul et de Rostin, et quelques autres. Les trois avaient été laissés sur leur foi à condition de se présenter à la première sommation ; ils étaient pour lors tous trois en cette ville, depuis que le duc de Mercoeur en était parti, ne se mêlaient toutefois de rien. Le maréchal crut qu'ils aidaient les habitants de leurs conseils ; il envoie un trompette les sommer de se rendre en leurs prisons, qui était de venir trouver le maréchal au camp, ce qu'ils firent tout aussitôt. Ils furent descendus par-dessus les murailles, auprès de la tour de Névet, au-dessus du Toul-a-Laër, au quartier des Anglais, qui les vinrent recevoir sur le bord de la douve. 

Depuis le lundi, à la vêprée, comme nous l'avons dit ci-dessus, il y eut, à raison de la cessation d'armes, un grand silence tant dehors que dedans, jusque au lendemain matin et jusque à dix heures, que nous étions à l'évêché quinze ou vingt de la ville de l'un et de l'autre parti, qui parlions des affaires qui se présentaient. Nous ouïmes un coup d'arquebuse assez près de nous, vers la porte de la rue Neuve, qui nous semblait avoir été tiré du corps-de-garde sur la dite porte. Etonnés que nous fumes, attendu la trève qui était du jour précédent, nous envoyâmes savoir d'où provenait le coup et pourquoi on l'avait tiré. Le messager, montant sur la muraille par les degrés, nous rapporta que maître Ollivier Endroit venait d'être tué d'un coup sur ladite muraille au-dessus de la porte, et voici comme. Ledit Endroit, procureur postulant au siège présidial, comme j'ai dit ci-dessus qu'il avait été l'ambassadeur des habitants vers le maréchal, le plus insolent, arrogant, superbe et vilain qu'il y eût au pays, voyant que le tout réussissait selon son désir, provoquait et injuriait un chacun qu'il rencontrait du parti de l'union, et non content allait les trouver de gaieté de coeur pour les attaquer. Et de fait, sachant qu'il y en avait plusieurs au corps-de-garde sur la porte de la rue Neuve, il y alla et commença à les menacer d'en faire pendre plus de vingt ; qu'il était si heureux d'être venu à bout de son entreprise, qu'il avait gagné cette obligation sur la ville en dépit des fichus ligueurs (ainsi les appelait-il par le gros mot), mais que, par la mort, par la chair, par la tête, il les ferait se repentir avant que fût trois jours. Ainsi blasphêmant et reniant, dansait sur la muraille comme un fou, sans que personne lui daignât répondre un seul mot, encore qu'ils sussent bien que les menaces s'adressaient à eux qui ne craignaient en rien. Voici donc, comme il continuait ces joyeuses folies, il avance un peu la tête sur le parapet en disant : Bonjour, frères, en parlant à ceux du dehors. Il y avait un arquebusier posté en une lucarne de l'hôpital de Sainte-Catherine, situé auprès de ladite porte, qui le tire et lui donne droit en la tête, et lui ouvre tout le crâne et le renverse mort sans qu'il remuât ni pieds ni jambes. Jamais homme n'alla au diable plus joyeusement. Voilà la fin du traître Endroit. Cela nous étant rapporté, ses compagnons le regrettèrent, entre autres Allanou et Kerguelen. Nous autres nous admirions les jugements de Dieu qui punit les méchants par les leurs mêmes et par ceux en qui ils mettent leur confiance au préjudice de l'honneur de Dieu, et lorsqu'ils pensent être au-dessus des vents, ils se trouvent très éloignés de leur but ; car cet homme, faisant gloire et trophée de sa trahison par une impudence écervelée, fut réellement et de fait écervelé, car du coup la cervelle lui sauta hors de la tête contre la muraille, et son dernier in manus fut ses exécrations et blasphêmes en menaçant les gens de bien. 

Pendant le siège aucun de la ville ne fut tué, que celui-ci qui avait tramé la perte des catholiques, mais lui seul fut la victime, à l'exception d'une servante, laquelle, le lundi, portant la paillasse de son maître du corps-de-garde de la porte des Regaires à sa maison, par dessus la muraille s'amusa un peu à regarder une pièce de canon qui était là. Les Anglais la tirèrent et tuèrent d'un coup d'arquebusade. Mais de l'ennemi il en mourut un grand nombre, car si peu que quelques-uns se découvraient tant soit peu, ils étaient emportés morts ou blessés. Et il en fut mort davantage, n'eût été que les conspirateurs se trouvant, empêchaient que l'on eût tiré, et s'avançant disaient : Laissez-nous faire, et cependant il n'y avait que de la poudre en leurs arquebuses, comme eux-mêmes s'en vantaient puis après, ce qui sauva la vie à un grand nombre devant la ville. 

La mort d'Ollivier Endroit ne fut guère pleurée que de sa veuve, ni regrettée que de ceux de son parti ou intelligence, non plus n'en avait donné sujet aussi bien que ses compagnons, ayant été cause de la ruine de la ville et des champs des environs, dix lieues à la ronde, tel qu'il est impossible de le rapporter par écrit, et si elle se pouvait exprimer personne ne le croirait ; et la vérité est que la guerre ne fut descendue si bas si les misérables habitants de Quimper, c'est-à-dire les conspirateurs, ne l'y eussent entraînée. Je sais bien que rien ne se fait sans la permission de Dieu, et que n'étant pas en ce quartier plus gens de bien qu'ailleurs qui avaient rudement senti les verges et châtiment de Dieu, il semble qu'il s'est voulu servir des méchants pour châtier ceux qu'il lui plaît. Le duc de Mercoeur leur avait bien prédit, le jour qu'il partit de cette ville, qu'ils ne feraient venir l'ennemi qu'à leur ruine. Mais après le fait, sage breton. Le mardi donc les portes furent ouvertes au maréchal d'Aumont, auquel la ville se rendit, le douzième octobre 1594, les articles de la capitulation préalablement signés, dont voici la teneur. 

Articles de la capitulation d'entre le sieur maréchal d'Aumont et les habitants de Quimper-Corentin, des réponses par le roi sur icelle. 

Articles accordés à messieurs les nobles, bourgeois et habitants de Quimper par monsieur le maréchal d'Aumont, gouverneur pour le roi en Dauphiné, et lieutenant-général pour le roi en ses armées et pays de Bretagne, étant au camp devant ladite ville, au moyen du serment de fidélité par les habitants fait au roi aux mains dudit seigneur, l'onzième jour du mois d'octobre 1594. 

ARTICLE PREMIER. Que dans tout l'évêché de Cornouaille il ne se fera aucun exercice de religion que de la catholique, apostolique et romaine, et seront tous autres défendus ; que toutes personnes ecclésiastiques seront maintenues en leurs privilèges et bénéfices, et en tant qu'ils en aient été désaisis, remis et réintégrés suivant l'édit général fait par sa majesté. "Le roi, craignant altérer l'état présent de ses affaires, ne peut accorder le présent article au préjudice de l'édit de 1578, lequel il veut être suivi et observé constamment aux déclarations sur ce faites par sa majesté, attendu que le tout a été en son parlement vérifié, et que sous le bénéfice dudit édit ses sujets ont auparavant lesdits troubles longuement demeuré en paix et tranquillité".

ARTICLE II. Comme aussi tous officiers, tant de judicature, de guerre, de finance et autres, seront de la religion catholique, sans qu'aucun d'autre religion puisse à l'avenir y être pourvu. 

ARTICLE III. Et pareillement que tous lesdits officiers qui ont été pourvus par le roi soient maintenus et confirmés en leurs charges et dignités, sans payer finances et sans être contraints de prendre titres de confirmation. "Le roi ne peut, sans préjudicier à son autorité, dispenser les officiers de ladite confirmation, ne pouvant autrement être honorés de cette qualité, étant la suite, marque et reconnaissance de son autorité, voulant que lesdits officiers soient tenus de prendre lettres pour ce nécessaires, ainsi qu'il est accoutumé"

ARTICLE IV. Que toute provision d'officiers de judicature, notaires, sergents et autres, par mort et assignation, faite par M. de Mercoeur, demeurent et sortent leurs effets, prenant nouvelles provisions de sa majesté, sans payer finances, et pour le regard de ceux qui ont été pourvus en la place de personnes vivantes, ne pourront être recherchés pour l'exercice desdits états. "Le roi a agréable de gratifier d'états et d'offices vaquants par mort ou résiliation les personnes qui étaient en ladite ville, ceux auxquels le duc de Mercoeur les a donnés et qui ont été pourvus en iceux ; que la fonction et exercice se fasse en ladite ville, à la charge de rapporter les prétendants dudit duc de Mercoeur l'acte de réception pour leurs dits offices, pour leur en être délivré d'autres par sa majesté, sans pour cela payer finances, demeurant dès-à-présent tout autre au préjudice de l'autorité de sa majesté cassé et révoqué"

ARTICLE V. Que tous les jugements, sentences, commissions, exécution d'icelles, contrats et autres actes de justice donnés et faits entre personnes d'un même parti et autres qui auraient protesté par-devant lesdits officiers et autres desdites juridictions, exercé en ladite ville durant les présents troubles, sortiront leurs effets, sauf aux parties à se pourvoir contre lesdites sentences et jugements par les voies de droit et d'appel comme de coutume. 

ARTICLE VI. Que le baillage de Châteaulin et autres unis à la juridiction de Quimper demeureront et s'exerceront par lesdits officiers de la justice en l'auditoire dudit Quimper, comme se font à présent. "L'exercice de la juridiction se fera ainsi qu'auparavant les présents troubles"

ARTICLE VII. Que ladite ville sera remise en tant qu'il y aurait eu altération en toutes les immunités, privilèges, franchises et libertés, et que la mémoire de tout ce qui s'est passé depuis le commencement des présents troubles jusque à présent demeurera et demeure jusque à présent éteinte et assoupie, tant en la prise des armes, forcément de châteaux, forteresses, maisons et démolition d'iceux, prise de deniers de recettes générales et particulières, et des décimes, que de toute autre levée de deniers faite en ladite icelle imposition sur les marchandises et denrées, ventes des biens meubles, coupes de bois taillis et haute futaie, butins, rançons, actes d'hostilité, et toutes autres choses avenues à l'occasion des présents troubles, sans qu'il puisse à l'avenir être fait aucune poursuite ou recherche, vérifiant avoir été faite d'autorité particulière, comme volerie, assassinats, ravagement et brûlement de maisons. "Pour ce qui a été fait pendant les présents troubles"

ARTICLE VIII. Que les receveurs fermiers des deniers royaux, domaines, saisies, pancartes et autres, demeureront quittes des paiements faits sans fraude au parti de l'union apparaissant aveu du seigneur de Mercoeur et quittance desdits paiements, et ne seront en façon quelconque recherchés ni inquiétés pour aucun acte fait en exécution des commissions dudit seigneur de Mercoeur et des commissaires du siège présidial de ladite ville pour parvenir au paiement desdites terres saisies et autres recettes. "Accordé en conséquence du précédent, à la charge de rendre compte et où il appartiendra"

ARTICLE IX. Que les receveurs fermiers de tous deniers, de quelque nature qu'ils soient, seront arrêtés en ladite ville jusques à avoir baillé état de leurs recettes et dépenses. "Accordé"

ARTICLE X. Que les gens de guerre étant en ladite ville en garnison, tant de cheval que de pied, sortiront avec leurs armes et équipages, bagages et chevaux, la mèche allumée, leurs tambours et enseignes, lesquels, néanmoins ils pourront arborer et battre le tambour à demi-lieue de ladite ville, et seront conduits là où bon leur semblera, avec toutes sûretés et passeports, et pourront les malades et blessés demeurer en ladite ville jusque à parfaite santé. "Le roi a agréable ce qui a été sur ce fait par monsieur le maréchal d'Aumont".

ARTICLE XI. Que monsieur le maréchal fera lever son camp de devant la ville sans aucun frais, et ne permettra pas que aucuns gens de guerre y entrent, ni qu'il soit fait aucun tort sur le plat pays en faisant la retraite, ni qu'on eût à vexer ni fouler le général ni le particulier, et ne laissera aucune garnison dans la ville ni dans les faubourgs. "Accordé".

ARTICLE XII. Que toutes barques, marchandises et prises faites pendant ledit siège, des vaisseaux appartenant auxdits habitants de ladite ville, et autres biens qui se trouveront en essence, seront rendus aux propriétaires. "Accordé"

ARTICLE XIII. Que les gentilshommes, officiers et autres réfugiés en ladite ville, et habitants d'icelle, tant de cet évêché que d'autres, de quelque qualité et condition qu'ils soient, faisant le serment de fidélité, jouiront entièrement de leurs biens meubles, héritages et revenus d'iceux depuis le jour dudit serment, et ceux qui ont devant ce jour prêté ledit serment jouiront entièrement de leurs biens depuis le serment par eux prêté. "Accordé".

ARTICLE XIV. Et pour le regard des autres se retireront dès lundi, à dix heures du matin, aux villes du parti de la Ligue, et pourront emporter leurs armes, meubles, équipages et bagages dans un mois, sans retourner toutefois en ladite ville ; et pour cet effet leur seront délivrés passeports, et pourront lesdits habitants absents de ladite ville retourner en icelle en deux mois, et en ce faisant jouiront du bénéfice de la présente capitulation, faisant le serment de fidélité comme dessus, par-devant les juges, suivant l'édit du roi. "Accordé"

ARTICLE XV. Que le sieur de Saint-Quérec, commandant en la ville, se retirera en sa maison (Note : Au château du Hilguy, en Plogastel-St-Germain) en ce jour, et pourra emporter ses biens meubles, papiers, lettres et garants, tout son équipage, bagage, mener ses chevaux, traîner avec telle charrette et pour tel temps qu'il demandera ; et pour ce faire lui est baillé le temps de deux mois. "Accordé"

ARTICLE XVI. Et au regard des garnisons du Pont, Botigneau (Note : Le château de Botigneau était situé en Clohars-Fouesnant) et autres maisons fortifiées durant les présents troubles, pour les démolitions d'icelles y sera pourvu par monseigneur le maréchal à la moindre foule et oppression du peuple que faire se pourra. "Le roi remet à monsieur le maréchal à y pourvoir"

ARTICLE XVII. Le trafic sera et est dès-à-présent libre par mer et par terre, tant dedans que dehors le royaume, suivant les ordonnances. "Accordé pour les marchandises et durant le traité"

ARTICLE XVIII. Pour autoriser et faire avoir pour agréable à sa majesté les articles ci-dessus, M. le maréchal a promis et promet assister lesdits habitants, inclinant à l'humble requête qu'ils lui en ont faite, reconnaissant ce qui s'est passé, lesdits bourgeois et habitants y avoir été poussés par zèle et affection pour leur religion catholique, apostolique et romaine. 

Fait et accordé ledit vingtième jour d'octobre 1594. Ainsi signé d'Aumont, et plus bas, par monseigneur duc Prié, et à côté, Rolland Le Denic, procureur syndic, et Denis Le Stang, greffier. Les présents articles ont été vus et répondus par le roi, étant à Saint-Germain-en-Laye, le huitième jour de novembre 1594. Signé : Henry, et plus bas, Pottier. 

Cette capitulation fut aisément accordée par le maréchal d'Aumont, ne se souciant pas beaucoup de garder aux habitants sa parole ; laquelle capitulation il demandait pour parvenir à ses fins et s'emparer de la ville avant qu'on y sût la venue du sieur de Talhoët, porteur de la trève, qui était il y avait deux jours retenu au camp, sachant bien aussi que le tout était sous le bon plaisir du roi, et que ce qu'il eût accordé pouvait être corrigé par sa majesté, comme il le fut aussi ; joint qu'ayant déjà bloqué le fort de Camaret, qu'on appelle aussi de Crozon ou Roscanvel, tenu par les Espagnols, il lui était très difficile de l'emporter par un siège, Quimper étant du parti contraire, tant à cause des vivres, rafraîchissements des malades et blessés, que de peur que les ennemis se fussent assemblés pour lever le siège. C'est pourquoi la maréchal, vieux capitaine, ne voulait laisser une telle retraite derrière lui. Toutefois, sans la division qui était entre les habitants, on lui eût donné des affaires, et qu'ils étaient assez résolus d'endurer une batterie et même une brèche que l'ennemi se proposait de faire entre la porte Médard et les Cordeliers. Mais ayant l'ennemi dehors et dedans, et n'ayant pas grande espérance de secours de la part du sieur de Mercoeur, ils craignaient être surpris par l'intelligence de leurs concitoyens, qui sans doute eussent hasardé le paquet plutôt qu'une si belle occasion se fut passée sans effectuer une si longue entreprise ; aussi bien y avait-il du hasard pour eux d'être recherchés, si le maréchal se fût retiré, et peut-être d'être punis comme gens de leur métier. 

Le seigneur de Mercoeur, averti que le sieur de Talhoët, son député, avait été frauduleusement retenu par le sieur maréchal et empêché d'entrer dans la ville, en faveur de laquelle il avait principalement accordé la trève, lui en écrivit, lui en faisant reproche, et disant entre autres choses qu'il était marri qu'il n'avait affaire à un prince qui fait homme de parole, mais qu'il n'avait affaire qu'à un courtisan qui n'avait ni foi ni parole, et qu'il faisait le contraire de ce qu'il promettait ; ce qui se trouva très véritable, comme nous expérimentâmes le même jour, car il était dit que le sieur maréchal ferait retirer ses troupes des environs de Quimper et qu'il ne les y laisserait entrer de peur de fouler le peuple ou de quelque insolence du soldat ; et néanmoins, le même jour, et ensemble avec lui, entrèrent tous ceux qui voulurent, tant Français qu'Anglais, indifféremment, qu'il ne tenait qu'à eux que la ville ne fût pillée, étant les plus forts, et n'était au pouvoir dudit maréchal de les empêcher, ce que les habitants craignaient beaucoup, d'autant que la capitulation, combien qu'arrêtée verbalement, n'était encore publiée que de bouche en bouche, et tant avaient de hâte les habitants conspirateurs d'effectuer leur entreprise, qu'ils eussent volontiers ouvert les portes au maréchal sans aucune capitulation, combien qu'attesté contrevenant encore à sa promesse. Sitôt qu'il fut dedans la ville, il fit faire une levée de deniers de onze mille écus, qu'il fallut payer dans huit jours, sans autre délai, et n'y eut aucun, de quelque qualité qu'il fut, exempt, étant contraints par emprisonnement de leurs personnes, même les ecclésiastiques, entre lesquels fut le trésorier de Cornouaille, nommé messire Main Collet, mené prisonnier faute de payer la taxe, dont le sieur évêque, messire Charles du Liscoët, se scandalisant, va trouver ledit maréchal, en lui disant en ces termes : Comment, monsieur, sommes-nous en une Rochelle où la persécution soit ouverte contre les gens d'église ? Vous nous assurez que le roi est catholique et on le prêche ainsi au peuple, qui ne le peut que difficilement croire ; et quelle opinion en aura-t-il quand il verra ses lieutenants traîner les prêtres en prison comme s'ils étaient coupables de quelques grands crimes ? Qui est celui qui estimera se pouvoir garantir, puisque les chanoines et les dignités de la cathédrale, en la personne de leur évêque, n'en sont exempts ? Le maréchal fit l'ignorant et dit, mé Dieu, qu'il n'entendait pas cela, et envoie sur-le-champ le mettre en liberté. Néanmoins paya-t-il après. Il fit encore une autre levée de cinq à six mille écus, et il n'y eut paroisse aux champs qui ne fût chargée excessivement, les unes à huit cents écus, les autres à cinq cents, selon qu'il jugeait qu'elles pouvaient supporter, et à toute rigueur. Cette levée de deniers appauvrit beaucoup le pays, déjà assez ruiné par la guerre. Bref, le maréchal fit tel ménage en ce quartier qu'on le nomma le Guéret de la Cornouaille ; aussi appelait-il lui-même le pays son Pérou, où il avait trouvé des mines d'or et d'argent. 

Les conspirateurs qui pensaient que pour leurs bons et agréables services, non-seulement qu'ils eussent été quittes de cette contribution, mais encore se promettaient-ils de grandes récompenses, n'en eurent meilleur marché que les autres, car les plus méchants se trouvèrent bien avant dans la taille. Berthault, l'un des principaux traîtres, y fut pour cent écus à la première levée et soixante à la seconde ; et s'étant adressé un certain jour au maréchal, lui représenta le devoir qu'il avait fait à la reddition de la ville au service du roi, avec beaucoup de peine et hasard de sa personne, et au lieu qu'il était fondé de prétendre récompenses de ses bons services, qu'il était néanmoins excessivement cotisé en cette levée de deniers sur le rôle de la ville, lui que sa qualité devrait exempter de toute contribution, et que le grand devoir qu'il avait fait à la reddition de la ville l'en devait faire déclarer quitte pour n'en dégoûter ceux qui désireraient faire de pareils exploits de service pour le public. Berthault disant tout ce discours d'une façon pitoyable, pour émouvoir le maréchal à compassion, fit rire l'assemblée, car on le connaissait assez pour homme riche, et même était en réputation d'être usurier ; si bien que le maréchal lui répondit en ces termes : Mé Dieu ! voyez-vous cet usurier faire le truand ? Qui lui ôte ses écus, lui ôte la vie. Puis adressant la parole audit Berthault : Mé Dieu ! dit-il, tu paieras ; et comme en colère, dit à ses gardes qui étaient autour de lui : Enfants, allez-vous-en à discrétion chez lui jusque à ce qu'il ait payé la somme. Sitôt dit, sitôt fait ; car dix ou douze des gardes s'en allèrent chez Berthault, et y firent beau ménage l'espace de deux ou trois heures ; ce que voyant, ledit Berthault leur trouva immédiatement de l'argent. Quant au sieur de Mascosquer, aussi conseiller, il paya cinquante écus par les mêmes rigueurs ; si bien que voyant le peu de foi du maréchal, détestaient le traître et la trahison, et disaient tout haut que s'ils eussent su qu'ils eussent été traités de même, qu'ils eussent plutôt été mis en broche que le maréchal y eût entré. Et pour le regard de maître Guillaume Le Baud, sieur de Créac'hmarc'h, sénéchal établi par le sieur de Mercoeur, sans aucune finance, et qui par son autorité fortifiait toute la trahison ; qui s'était révolté premièrement contre sa conscience et retiré d'un parti approuvé d'autorité apostolique et de toute l'église gallicane à un qui était tout contraire, suivi par toute sorte de religions, luthériens, calvinistes, athéistes, libertins et toute sorte de races de gens qui croyaient en Dieu par bénéfice d'inventaire, desquels était composé l'armée du maréchal ; secondement, contre son bienfaiteur, qui lui avait donné gratis l'état de sénéchal au présidial de Quimper, le plus beau et le plus honorable et lucratif de la Basse-Bretagne ; qui avait de plus payé sa rançon quand il fut pris, venant de Nantes, par les gens du sieur du Goust, gouverneur de Blain, où il fut rendu l'an 1591 et mis à deux mille écus de rançon, qui ne lui coûta jamais un liard, ainsi ledit duc la paya entièrement ; ce néanmoins, l'ambition ou plutôt la perfidie l'emporta et lui fit oublier la mémoire de tant d'honneurs et bienfaits de ce grand prince à l'endroit de cet ingrat, le tout en intention de se maintenir en l'état de sénéchal, comme Lézonnet lui avait promis. Mais les dédains des hommes contre Dieu produisent bien souvent des effets bien contraires à l'attente des hommes. Ainsi arriva audit Le Baud, car les moyens qu'il choisit pour se conserver en son état en firent sa perte ; car, par l'entrée du maréchal à Quimper, il se trouva privé de tous états et charges publiques, et tout le reste de sa vie ne fut qu'avocat consultant, car il eut honte de paraître dans le barreau après y avoir présidé entre dix à douze juges ; et Lézonnet même, qui l'avait, par ses belles promesses, embarqué en cette conspira­tion, se moquait de lui en toutes les rencontres. 

Voilà la digne récompense de tels gens ; mais ce ne fut pas le tout, car le même Guillaume Le Baud pensa courir fortune de la vie et l'honneur en cette manière. Tôt après l'entrée du maréchal, il courut quelques bruits sourds, vrais ou faux, mais bien dangereux pour la saison, que ledit Le Baud avait intelligence au parti du duc de Mercoeur pour faire reprendre la ville, et bien qu'il est croyable que ce fût une charité qu'on lui prêtait, néanmoins ses envieux et ennemis, du nombre desquels on soupçonnait maître Jacques Laurent, duquel il avait possédé l'état de sénéchal pendant la guerre, poussèrent si bien à la roue et donnèrent tant de vraisemblance auxdites conjectures, que ledit Le Baud fut mandé par le maréchal et diligemment interrogée : nonobstant toute excuse et paroles justificatives, se vit sur le point d'être mis prisonnier, n'eût été un des favoris dudit maréchal, qui était logé chez ledit Le Baud, qui était le président Lagré, duquel avons parlé ci-dessus, il eût été en grand danger de sa personne, et l'on croit qu'il lui en coûta de l'argent pour en être quitte, le tout par la faveur de ce sien hôte, jusque même à cautionner vie pour vie que ce qu'on lui imputait était faux. Par ce moyen il fut laissé en sa maison, non sans être bien éclairé. 

Pour ce qui est d'Allanou, nous avons dit ci-devant que sans qu'il fut prévenu de la mort, à la suite d'un procès de crime à la chambre de l'édit à Paris, qu'il avait contre une simple bourgeoise de Quimper, nommée Arme Nouzille, il courait danger d'être pendu par l'issue du procès, et sans qu'il eut bon nez, il l'eût été dès Rennes, où ledit procès était pendant et prêt à juger. Quand il eut avis de quelqu'un des juges que la cour avait délibéré de lui faire et parfaire son procès, et qu'il y avait commandement à un huissier de l'appréhender et constituer prisonnier, il s'évada, et se faisant huguenot, il envoya son procès à la chambre de l'édit. Quant aux autres de la même menée à Quimper, ils moururent presque tous la même année, et n'eurent guère le temps de se réjouir de leurs trahisons. Le sieur maréchal montra en cela que le proverbe est véritable, qui est d'aimer la trahison et non les traîtres ; car la vérité est qu'il favorisa autant et plus ceux qui n'étaient pas de l'entreprise. Et, pour mon intérêt particulier, j'au eu toute occasion de me contenter de sa bonne justice, car ainsi soit que contre la volonté des cesseurs de la ville, de cette levée de deniers, j'eusse été mis aussi du nombre par quelques envieux, et taxé à cinquante écus, qui n'était pas habitant, mais pour l'exercice de mon état de conseiller, duquel je demeurais privé par l'entrée dudit sieur maréchal. Lui ayant remontré mes raisons, en présence de messieurs de la ville et de ses capitaines, néanmoins que le sieur de Lézonnet m'accusât d'avoir fait mon possible pour empêcher la reddition de la ville au service du roi, il me déclara quitte de ladite contribution et ordonna que ceux qui m'y avaient mis paieraient la somme ; ce qui fâcha merveilleusement lesdits Berthault, Mascosquer et quelques autres piliers de la trahison, qui tous furent contraints de payer leurs taxes moyennant leurs bons services, qu'ils faisaient sonner bien haut. On voulut aussi, par quelque secrète instigation des ennemis cachés, faire loger des soldats et cavaliers en mon logis ; il leur fut fait commandement d'en sortir. Bref, pour mon particulier, je n'ai reçu aucune incommodité dudit sieur maréchal ni de ses gens, que je n'eusse reçu d'un chef ami. Les arcs-boutants du parti du roi n'eurent pas meilleur marché que les autres, et n'y en eut pas un qui en fut plus avancé ni reconnu que maître Yves Allanou, que nous avons ci-dessus dit à bon droit le capitaine de la menée et de la ligue, lequel eut deux cents écus et de plus fut fait, par le sieur maréchal, procureur des bourgeois (Note : Le procureur des bourgeois, que l'on appela plus tard syndic, était maire de la ville, élu pour deux ans). Lors il faisait beau pêcher en eau trouble ; aussi y fit-il bien ses orges comme il voulut. 

Cependant on hâtait cette levée de onze mille écus avec toute rigueur, et même par emprisonnement des plus qualifiés, sans épargner les gens d'église les plus relevés, car le trésorier de l'église cathédrale, nommé Alain Collet, pour ne payer pas promptement sa cotisation, fut emprisonné, dont son évêque, Charles du Liscoët, averti, en fut ému, et à l'instant alla trouver ledit maréchal, comme nous avons dit ci-auparavant. 

Il était aussi porté, par la capitulation, que la ville serait maintenue en son entier et sans en faire rien transporter et, néanmoins, le maréchal en amena deux beaux canons de fonte verte, portant trente-cinq livres de balles, et bien longs, que l'on avait gagnés sur un grand vaisseau espagnol qui avait échoué à Penmarch trois ans auparavant, avec toutes ses balles et grand nombre de munitions, qu'il fit traîner vers la Haute-Bretagne, en intention de les faire rendre en son château d'Aumont en Poitou, qui fut une grande perte à la ville et au pays, car il n'y en avait pas de tels en tout le pays bas, que les doubles canons de Brest. 

Le bruit courut incontinent partout que le maréchal n'avait rien tenu de ce qu'il avait promis, ce qui fit aux autres villes, comme Hennebond, Vannes, Dinan et autres places qui tenaient encore le parti du duc de Mercoeur, assez disposées de changer de parti, de se rendre, de plutôt expérimenter tous autres événements que se rendre au maréchal, qui avait délibéré de les attaquer les unes après les autres. Mais Dieu y pourvut, car étant allé, l'an 1595, sur le printemps, assiéger le château de Comper, près de Montfort, pour gratifier la dame de Laval, qu'il aimait et hantait familièrement, il y fut blessé à mort, et décéda quelques jours après en la ville de Rennes. 

Mais retournons encore à Quimper. Quelques temps après qu'il fut entré dans la ville, il fait aux habitants faire le serment de fidélité, et de ce serment personne ne fut exempt car il y avait condamnation aux refusants d'être retenus prisonniers de guerre ; ce qui troubla beaucoup de consciences scrupuleuses, qui trouvaient un grand forfait de jurer obéissance à un prince et roi hérétique, car lors le roi était encore hérétique calviniste. Toutefois, environ un an après, il abjura son hérésie et eut absolution de Rome, du pape Clément. Il vécut le reste de son âge fort catholiquement et en très bon prince. 

Un vénérable vieillard, chanoine de Saint-Corentin et archidiacre de Poher en ladite église, nommé messire Guillaume de Buys, gascon de nation, celui que nous avons dit auparavant qui déclara au nom du clergé de ladite église qu'il ne se fallait rendre jusque à la venue du sieur de Talhoët, étant contraint de signer pour éviter les menaces de faire le serment, il fut à l'instant saisi d'un tel crève-coeur qu'étant à l'heure même pris d'une fièvre, en mourut de déplaisir.

(M. le chanoine Moreau)  

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