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VICOMTÉ DE LIMOGES

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La vicomté de Limoges était très importante : elle s'étendait presque tout entière au sud de la Vienne sur une partie du Haut et Bas Limousin et du Périgord. Sa composition a varié dans le cours des siècles. Un document la montre renfermant avec Limoges vingt-deux châtellenies ou seigneuries [Note : Inventaire sommaire des Archives du département des Basses-Alpes. Section E., n° 607. — Pour ne pas multiplier les notes hors texte je renverrai à l'Inventaire par l'indication E et le n° du carton. J'ai le regret de ne pouvoir donner les dates exactes des faits, l'inventaire ne les donnant que par première et dernière. Ainsi le carton n° 607 auquel je renvoie porte ces dates : 1209-1548] ; un autre, de la fin du XVème siècle, en nomme seulement quatorze [Note : Renseignement reçu de Limoges. Nous verrons plus tard l'aliénation de nombre de seigneuries vers la fin du XVème siècle. Voici du reste la liste des châtellenies ou seigneuries de Limoges nommées dans l'acte ancien dont je ne puis donner la date. J'ai mis en italiques les noms des seigneuries faisant encore partie de la vicomté à la fin du XVème siècle. Limoges, Aixe, Ayen, Chalucet, Solomniac et Corbéfy, Chalus, Masséré, Château-Chervix, Moruscles et Geniz, Ségur et Cossac, Nontron, Thiviers, Châtel-nouvel, Ans, Peyssac, Bré, Excideuil et St-Thomas, Saint-Yrieix].

La vicomté avait nombre de places fortes entre autres Limoges, Saint-Yrieix, Nontron, Ségur [Note : Sur Ségur, E. 602, Charles le Bel (1322-1328) impose une contribution pour le recouvrement de Ségur. E. 863 (an 1315) frais de garde du château], Chalus, que Richard Cœur de Lion assiégeait, quand il fut blessé mortellement.

Les possesseurs bretons de Limoges étaient représentés dans la vicomté par un haut officier, souvent breton, portant le titre de gouverneur ou sénéchal, ayant sous ses ordres un lieutenant, et investi des pouvoirs les plus étendus [Note : E. 740, Hue de Kerautret, gouverneur. E, 766, Jean de Montbourcher, sénéchal. E. 869, Maurice du Parc, sénéchal. Il accorde une « rémission » pour un délit commis. — Sur le lieutenant, E. 864].

On trouve auprès du gouverneur ou sénéchal, ou peut-être en son absence, un « conseil de la vicomté » que l'on voit une fois accomplir un acte semblant de la compétence du gouverneur : le conseil nomme un capitaine à la place de Nontron. (E. 760, — 1325-1329).

La vicomté avait à Limoges un juge suprême dit juge d'appeaux (d'appels), juge mage ou général. (E. 812, 875).

Comme le président de Bretagne, ce juge supérieur jugeait sur appel les sentences des juridictions des châtellenies de la vicomté. On ne peut douter de l'éminente dignité de ce grand juge quand on voit le vicomte le prendre pour procureur dans la vicomté en même temps que le sénéchal de Périgord. (E. 812, 875).

Enfin le duc Jean III faisait battre monnaie à Limoges aussi bien qu'à Nantes (E. 624).

Quels étaient les revenus ordinaires de la vicomté ?

Nous n'avons sur ce point que des approximations ; mais, en l'absence de renseignements précis, elles ne doivent pas être négligées.

En 1317, Guy de Bretagne accepta le Penthièvre en échange de Limoges pour 8.000 livres de rente, plus de 320.000 francs en 1897 (Archives de la Loire-Inférieure, E, 1, 17, 166). Ne pouvons-nous conclure de là que Limoges donnait un revenu à peu près égal ?

D'autre part, en 1368, « les terres de la vicomté », moins la châtellenie et la ville de Limoges, furent, nous le verrons, achetées aux enchères pour la somme de 70.200 florins d'or, plus de sept millions de notre monnaie en 1897 [Note : M. de la Borderie (La Bretagne aux derniers siècles du moyen-âge, p. 225), évalue la livre à 40 francs monnaie actuelle, vers la fin du XVème siècle. Il est clair que cette évaluation est insuffisante pour le commencement du XIVème siècle. Le florin d'or valait 12 sols parisis dont 5 faisaient la livre. 70-200 florins égalent 168.400 livres ; en multipliant par 40 on obtient 6 millions 739.200 francs de notre monnaie en 1897]. A raison des circonstances que nous dirons, il est permis de croire que cette somme était inférieure à la valeur réelle des seigneuries vendues : en tout cas, elle n'exprime pas la valeur de la vicomté entière, puisque l'importante châtellenie de Limoges n'était pas comprise dans la vente.

Mais combien étaient précaires la possession et l'autorité des princes bretons vicomtes de Limoges !

La vicomté située au milieu des possessions françaises était un gage aux mains du Roi de France : à la moindre incartade, elle pouvait être saisie féodalement.

Ce n'est pas tout : la ville de Limoges, chef-lieu de la vicomté, était en même temps capitale de la province de Limousin. A Limoges, l'autorité du Roi et celle du vicomte se superposaient, s'il est permis de le dire. Le Roi avait à Limoges un « sénéchal du Limousin ». Celui-ci, par zèle, ostentation de zèle, rivalité, etc., devait chercher à étendre ses prérogatives et à restreindre celles du sénéchal de la vicomté ; ce dernier, pour des raisons analogues, ne se montrait pas tolérant. La lutte entre les deux sénéchaux commença dès que Limoges fut entré dans la maison de Bretagne ; et ces froissements mutuels se reproduisirent souvent [Note : E, 624 : Jeanne de Savoie, douairière de Limoges, fait procéder contre le sénéchal de Limousin qui usurpe sur l'autorité vicomtale. E. 740 : Plainte à raison des griefs causés par les gens du duc de Bretagne aux consuls et habitants de Limoges].

Cette dualité d'autorité avait pour les habitants un résultat des plus fâcheux. D'après le droit féodal, les sujets du vicomte lui devaient le serment. Mais le Roi réclamait aussi le serment, apparemment parce que la ville était place de guerre et capitale du Limousin. C'est en vain, semble-t-il, que les magistrats municipaux qui, sous le nom de consuls, administraient la ville, réclamaient un serment unique, au Roi ou au vicomte. La question se posa dès le temps d'Arthur, époux de Marie de Limoges [Note : F. 738. La requête des habitants est ainsi datée : « Ce fut fet en la maison de Bretaingne lès les Thuilleries jouxte Sainct Thomas du Louvre » (1279). — Ainsi à la fin du XIIIème siècle, les ducs de Bretagne avaient un hôtel à Paris. Au siècle suivant, nous trouvons le duc en possession à Paris d'un hôtel dit Petite Bretagne, et auprès de Paris d'un « hôtel » ou « terre » appelé Nygeon ou Nigeon. Les terres de Nigeon, Issy (ce peut être l'indication de la situation de Nigeon) et la Petite Bretagne passèrent sans doute de Jean IV à Richard comte d'Etampes, son quatrième fils. On voit en effet Richard les donner à sa femme Marguerite d'Orléans, en paiement de ses atours. (Nantes, Inv. somm. E. 29). — Il s'agit sans doute du don des revenus, puisque dès 1458, (Lobineau. Hist., p 668) huit ans avant la mort de sa mère, (24 avril 1466) François II, mariant Jeanne, soeur naturelle de sa femme, lui fait don de Nigeon. C'est à Nigeon que Guy, comte de Penthièvre, mourut en 1331 (Lobineau. Hist. 307-308). En 1360, Charles de Blois mariant sa fille Marie à Louis d'Anjou comprit dans son héritage l'hôtel de Nigeon (Lobineau, Hist. 360). Mais le traité de Guérande reconnut la petite Bretagne et Nigeon au duc Jean IV ; et Charles V les remit en effet au duc, en 1366. (Lobineau Hist. 508, Inv. som. Nantes, E. 90). Cent ans après, le duc François II mariant Jeanne, bâtarde de François Ier, à Jean Morhier, chevalier, seigneur de Villiers, lui donna « la terre de Nigeon ». A la mort de Jeanne peu d'années après, Nigeon fut donné à Jehan Malaisié, puis le duc le rendit au seigneur de Villiers et à ses enfants Jehan et Marguerite (Morice, Pr. III, 538). Ajoutons que, en 1446, le roi Charles VII avait fait don au duc François Ier de « l'hôtel de Nesle » (Lobineau, Hist. 626-627)].

Or, le serment double emportait obéissance à deux maîtres ! Et si ces maîtres ne se mettaient pas d'accord, comme il arriva plus d'une fois, auquel des deux les Limousins allaient-ils obéir ? Au Roi, comme nous le verrons plus loin.

Mais l'obéissance aux ordres du Roi peut aller à l'encontre des intérêts de la Bretagne. Que, par exemple, le Roi fasse donner par son sénéchal l'ordre de le servir à la guerre contre les Anglais, l'obéissance des sujets de la vicomté n'amènera-t-elle pas pour la Bretagne la rupture de la paix ou de la neutralité que nos ducs prennent soin d'entretenir avec l'Angleterre ? Or, cet ordre fut donné une fois au moins, et le duc de Bretagne s'empressa de protester [Note : E. 740 (an. 1311-1364). Protestations du vicomte (les ducs Jean II, Jean III, ou peut-être Jean de Montfort se prétendant vicomte de Limoges), contre les ordres donnés par le sénéchal de Limousin de forcer les habitants de Limoges à servir le roi à la guerre. — Il ne faut pas oublier que la Bretagne n'était pas encore française, et que nul intérêt breton n'était engagé dans la grande lutte entre la France et l'Angleterre. — Cela n'empêchera pas un Breton illustre, le connétable de Richemont, suivi de fidèles Bretons, de mettre fin à la guerre de Cent Ans (1453). — Je reviendrai sur ce point à propos du comté de Richemont].

Ajoutons (mais ceci a moins d'intérêt) que les officiers du duc avaient quelque peine à se faire obéir. Dès le début, quelques vassaux firent entendre des réclamations. Arthur de Bretagne, nouveau possesseur, se montra disposé à accueillir leurs requêtes (E. 738). Mais, quelques-uns de ses successeurs furent moins accommodants, et eurent à suivre des procès très longs selon la mode du temps [Note : Parmi ces débats un est à retenir : un peu avant 1326 le chapitre de Saint-Yrieix contesta la juridiction et la « publication des foires ». Aussitôt le duc Jean III envoya à Saint-Yrieix une troupe armée qui s'y comporta comme en pays conquis. Puis une enquête fut faite (c'est par là qu'il aurait fallu commencer) sur les droits du vicomte. La sentence fut rendue en 1326. Sur appel (l'inventaire ne dit pas de qui), le parlement de Paris donna gain de cause au chapitre, et le vicomte eut à réparer les ravages de ses hommes de guerre. Ajoutons que, durant l'instance, le Roi ordonna au sénéchal de Limousin de faire en son nom les proclamations des foires (E. 856-859)].

Voilà des notions malheureusement incomplètes, mais que nous croyons exactes... Reprenons notre récit à la mort du duc Jean III (1341). La mort du duc Jean III, le 30 avril 1341, ouvrit la question de la succession à la couronne de Bretagne.

A la première nouvelle de la mort de son frère, Jean, comte de Montfort, se fit proclamer à Nantes par quelques partisans et courut à Limoges. Là il se fit reconnaître comme duc de Bretagne ; et, ce qui lui importait plus, s'empara du trésor que Jean III y avait amassé. Chargé d'or il revint hâtivement en Bretagne pour soudoyer une petite armée et fonder son parti (mai 1341). On sait que, le 7 septembre suivant, l'arrêt de Conflans adjugea le duché de Bretagne à Jeanne de Penthièvre ; que la guerre commença aussitôt (fin septembre) ; et que, moins de deux mois après, le comte de Montfort était amené prisonnier à Paris, d'où il put s'évader seulement en avril 1345.

Dans cet intervalle Jeanne de Savoie était morte (29 juin 1344) [Note : Lobineau. Hist., p. 307. « Jeanne mourut au Bois de Vincennes, et fut inhumée à Dijon, dans l'église des Cordeliers, qui ont depuis ruiné son tombeau pour agrandir le choeur »] ; et la vicomté de Limoges avait fait retour au duché. Aussitôt Jeanne de Penthièvre, duchesse de Bretagne en vertu de l'arrêt de Conflans, se mit en possession de Limoges ; et elle donna la vicomté à son mari. Celui-ci demanda à faire hommage au Roi. Du fond de sa prison le comte de Montfort protesta contre la prise de possession, la donation et l'admission à l'hommage.

Mais un arrêt de janvier 1345 (n. s.), repoussa ses protestations [Note : Lobineau, Hist. 336. Morice, Pr. I, 1442. Pau, E. 880] : Charles de Blois fut reçu à l'hommage ; et Philippe de Valois lui permit de lever une imposition de quatre deniers pour livre sur le prix de toutes marchandises vendues dans la vicomté (E. 625). En même temps Charles de Blois réclama les « aides » à raison de sa chevalerie nouvelle (E. 607) [Note : Charles fut fait chevalier après l'arrêt de Conflans. Le Baud. Hist. 275. M. Couffon de Kerdellec'h, Chevalerie bretonne, 1, 29, a écrit Charles V au lieu de Philippe VI, simple inadvertance dans un très savant livre].

Il va sans dire que le comte de Montfort n'accepta pas plus cet arrêt que celui de Conflans. Mais Charles de Blois n'avait pas à craindre que son compétiteur cherchât à se saisir de Limoges. Montfort savait bien que le Roi aurait confisqué la vicomté sur lui comme il avait confisqué Montfort ; ses protestations n'étaient que pour la forme ; Charles de Blois et Jeanne gardèrent la possession de la vicomté.

Le 18 juin 1347, Charles de Blois fut vaincu et fait prisonnier à la Roche-Derrien. Jeanne de Penthièvre avait besoin de toutes ses ressources pour continuer la guerre et racheter la liberté de son mari. Peut-être jugeait-elle impossible de défendre Limoges ?... Quoi qu'il en soit, elle refusa aux habitants la permission de réparer leurs murailles. Or l'armée anglaise menaçait : le Roi Jean, comme les bourgeois de Limoges, avait grand intérêt à munir la place ; et, malgré la défense de la vicomtesse, il leur accorda l'autorisation nécessaire (E. 740).

Peu de temps après, les Anglais entraient dans le Limousin dont ils tenaient une grande partie en 1355. Cependant, l'année suivante, Charles de Blois remis en liberté réclama et put obtenir les « aides » qui lui étaient dues pour le paiement de sa rançon (E. 607). Quatre ans après, il obtint encore les aides (1360), quand il maria sa plus jeune fille, Marie, à Louis Ier duc d'Anjou et roi de Sicile (E. 607).

Il semble donc que Charles et Jeanne ont eu la possession de la vicomté jusqu'à 1360. Mais, cette année même, l'odieux mais nécessaire traité de Brétigni (8 mai) comprit le Limousin au nombre des provinces annexées à la Gascogne, pour former le duché d'Aquitaine au profit du Roi d'Angleterre, qui, à ce prix renonçait à la couronne de France ! C'est apparemment à cette date que Chandos, lieutenant général du Roi d'Angleterre, ordonnait au sénéchal du Limousin d'empêcher les consuls de Limoges de prêter serment au vicomte (E. 740).

Les Anglais tenaient encore la vicomté de Limoges au temps du traité de Guérande (12 avril 1365) [Note : Cela résulte du texte du traité. Morice. Pr. I, 1588 et suivante].

Huit jours après la victoire d'Auray, nous voyons Jean de Montfort ajouter au titre de duc de Bretagne, le titre de vicomte de Limoges (Morice, Pr. I, 1583-1585) ; en même temps que Jeanne de Penthièvre prend le titre de vicomtesses (Morice, Pr. I, 1587).

Mais le traité de Guérande reconnut la vicomté à Jeanne de Penthièvre ; et, comme la vicomté était en ce moment au pouvoir du prince de Galles, le duc Jean IV s'engagea à employer ses bons offices pour que le prince la rendît.

Cette promesse n'était pas une garantie : ne peut-on pas douter du zèle de Jean IV à dégager sa parole, quand on le voit lui-même, en 1369, tenir encore Saint-Yrieix et quelques autres places dont du Guesclin vint s'emparer ? [Note : Lobineau, Hist. p. 392. Il paraît que Jean IV avait mis la main sur des titres de la vicomté de Limoges. Il les détenait encore sept ans après le traité de Guérande ; et par ambassadeurs, il priait le Roi d'intervenir pour l'échange de ces titres avec les titres lui appartenant à lui-même et que Jeanne de Penthièvre détenait (1372). Lobineau, Hist., p. 403. — Inv. somm. Nantes, E. 165].

Toutefois, avant cette époque, Jeanne de Penthièvre avait recouvré la possession de la plus grande part de la vicomté. C'est ce que prouve le fait suivant [Note : Sur ce qui suit Inv. som. Nantes, E, 217. Je dois des renseignements complémentaires à l'obligeance de M. René Blanchard, qui a bien voulu revoir pour moi les titres. Le savant éditeur des Lettres et Mandements de Jean V a relevé dans l'Inventaire une inexactitude que je signalerai plus loin parce qu'elle importe].

La guerre et la rançon de Charles de Blois avaient coûté cher. L'année qui suivit celle du traité de Guérande, Jeanne de Penthièvre souscrivit (le 4 mai 1366) deux obligations de 60.000 et 10.200 florins d'or au profit de Jean Goldbetre, bourgeois de Bruges, pour argent prêté. Deux ans plus tard, celui-ci impatient de recevoir son paiement requit la vente du comté de Limoges ; et, par lettres du 12 juillet 1368, adressées au sénéchal du Limousin, le prince de Galles, duc d'Aquitaine, autorisa la vente des domaines de Jeanne, jusqu'à concurrence de la somme nécessaire pour payer Goldbetre.

Dès le 5 décembre 1368, il fut fait adjudication des divers châteaux et châtellenies de la vicomté sauf le château et la châtellenie de Limoges [Note : L'inventaire dit : « Procès-verbal des enchères de la vicomté de Limoges et des seigneuries en dépendant » sans la restriction indiquée. Cette rectification n'empêchera pas l'inventaire sommaire de faire beaucoup d'honneur à M. Maitre, archiviste de la Loire-Inférieure]. Robert Canola resta adjudicataire du tout pour la somme de « 70200 deniers d'or dits moutons » c'est-à-dire pour 70.200 florins [Note : En France, le florin est souvent nommé denier. Les deniers ou florins au mouton étaient ainsi nommés parce qu'ils portaient l'image d'un mouton avec ces mots : Ecce agnus Dei (Trévoux, voir Florin et Mouton)], juste la somme due à Goldbetre.

Mais diverses oppositions, notamment de maisons religieuses, comme le chapitre de Saint-Yrieix, allaient créer plus d'un embarras à l'acquéreur. Heureusement peut- être pour lui, la vente n'était pas définitive.

Quand il avait autorisé la vente, le prince de Galles avait servi les intérêts de son ami et quasi-gendre Jean IV, car la restriction de la vicomté à la seule châtellenie de Limoges diminuait de beaucoup la puissance des Penthièvre.

Mais par bonheur il y avait en Bretagne un homme qui, lui seul, pouvait empêcher la vente définitive, « la subhastation », et qui devait y être disposé par haine de Jean IV : c'était Clisson, le futur connétable.

Après la victoire à laquelle Clisson avait tant contribué, Jean IV n'avait pas su le ménager : au lendemain du traité de Guérande, les deux amis d'enfance étaient devenus ennemis ; Clisson s'était rapproché des Penthièvre, et Jeanne lui avait donné toute sa confiance au point de le faire son « lieutenant et gouverneur en ses terres et pays de Bretagne », c'est-à-dire de le charger de la garde de ses places [Note : Clisson avait ce titre dès le commencement de (1396). Lettre de Jeanne de Penthièvre du 9 mai (Morice, Pr. I, 1631-1632) ; et cette lettre n'est pas l'acte de nomination].

Or en la circonstance Clisson pouvait ce que Jeanne ne pouvait pas. Sans parler de ses domaines hors de Bretagne, Clisson tenait presque un quart du duché [Note : En 1392, sur 98.447 feux comptés en Bretagne, il y en avait 18.699 compris dans les seigneuries de Clisson. (Lobineau, Hist. p. 485)], et il avait dans ses coffres plus d'or que n'auraient pu « en mettre ensemble » le roi Charles VI et ses deux oncles de Berry et de Bourgogne  [Note : C'est le reproche que lui adressa le duc de Bourgogne. « 1.700.000 livres en argent comptant ». Lobineau. Hist. 482-484. — équivalent à plus de 60 millions monnaie en 1897]. Clisson intervint.

Jeanne signa des obligations pour 70.200 florins et Clisson les cautionna. Ces obligations furent remises à Bartolomé Epiphane de Lucques, « marchand à Paris », qui lui même s'engagea envers le créancier Goldbetre. Jeanne fit opposition à la subhastation, et trois ans plus tard elle put rembourser Bartholomé Epiphane. Le 21 octobre 1372, celui-ci donna quittance générale à Jeanne et à Clisson [Note : Ce Bartholomé Epiphane semble bien un juif faisant la banque à Paris. Depuis, Jeanne eut encore recours à lui. Le 3 septembre 1378, elle recevait de lui une seconde quittance générale, notamment pour la somme de 3.325 livres, empruntée depuis peu (133.000 fr., monnaie actuelle, en 1897)].

Dans cet intervalle, la ville de Limoges était au pouvoir du prince de Galles. L'évêque et les habitants las du joug anglais appelaient le Roi de France ; le 25 mars 1369, à la prière du Roi, Jeanne de Penthièvre leur accorda le pardon de leur défection plus ou moins contrainte ; et, désespérant de pouvoir garder la ville, donna la vicomté à Charles V, lui remettant en même temps le soin de la défendre (9 juillet). Les ducs de Berri, de Bourbon et du Guesclin se joignirent bientôt sous les murs de la place, dont les portes leur furent ouvertes ; mais, eux partis, le prince de Galles l'emporta de vive force et la livra au pillage et au feu [Note : A propos de la reprise de la vicomté de Limoges par du Guesclin sur les Anglais (1369). Rappelons un preux breton, dont les descendants portent encore noblement le nom en Bretagne, Alain de Saisy. Il fut compagnon de du Guesclin en Espagne, puis dans ses campagnes de France, notamment en Limousin. Il était au combat du pont de Lussac, où Chandos fut tué (1369). Tel fut l'éclat de ses services que le connétable le gratifia d'abord de la châtellenie de Mortemar, puis des châteaux de Saint-Ventriquen, et Cerceigné, de la ville de Vivoune, et de « toutes les terres possessions, etc. que soulait tenir en Poitou, Limousin et Guyenne Aymar de Rochechouart, chevalier », qui s'était rangé au parti anglais. Cf. les deux actes du connétable : — Chinon, 10 juillet 1372, ratifié par le roi Charles V, Bois de Vincennes, 22 juillet 1372 ; et Poitiers, 9 août 1372, ratifié au mois de janvier 1372 (1373 n. s.) publiés par Mme la comtesse Jégou du Laz née de Saisy. — Généalogie de la maison de Saisy de Kerampuil, p. 9-18. (1896)].

Le Roi ne garda pas longtemps le don onéreux de la vicomté, puisque, dès le mois de septembre 1371, Jeanne de Penthièvre avait repris le titre de vicomtesse de Limoges [Note : Archives de Pau. E. 742 (1369-1453). Charles V donne ce titre à Jeanne dans un acte de septembre 1371. Morice, Pr. I, 1670], qu'elle garda jusqu'à sa mort à Guingamp, le 10 septembre 1384, et qu'elle transmit à sa descendance (Morice, Pr. II, 482. Acte du 6 janvier 1385).

Le titre de vicomte de Limoges passa d'abord au fils aîné de Charles de Blois, Jean, comte de Penthièvre, époux de Marguerite de Clisson, puis, après sa mort, en 1403, à son fils aîné Olivier, comte de Penthièvre. Celui-ci eut la possession effective de la vicomté. En octobre 1420, son frère cadet, Jean, seigneur de l'Aigle [Note : L'Aigle (aujourd'hui département de l'Orne), avait été acquis de Charles de Vendôme, seigneur de la Châtre, par Marguerite de Clisson (E. 733) et passa à son second fils], ayant manqué l'occasion de tuer Jean V fuyait de Bretagne, et c'est à Excideuil qu'il allait retrouver sa mère (Lobineau. Hist., 555-556).

Olivier avait eu ce même frère pour lieutenant général à Limoges (E. 766, 789, 862, 878) ; il semble même qu'il lui avait donné une part de la vicomté (E. 606, 642). Enfin, lorsque Olivier mourut sans enfants, le seigneur de l'Aigle devint en même temps comte de Penthièvre et vicomte de Limoges (1437) [Note : 1437 est la date donnée par Lobineau (Gén. de Bretagne). Morice (Comtes de Penthièvre, I, XIX), dit 1433. Moréri précisant dit, 28 septembre 1433. Olivier laissait pour veuve Jeanne de Lalaing. Il fut question d'un mariage entre elle et Jean son beau-frère (E. 648). Le mariage ne se fit pas. Lobineau et Morice ne le mentionnent pas. Ils ne donnent pour femme à Jean de Blois que Marguerite de Chauvigny].

L'année suivante, Jean de Blois acquérait de Charles d'Orléans, père du roi Louis XII, le comté de Périgord, contigu à la vicomté de Limoges, et dédoublait ses possessions en cette partie de la France [Note : E. 609, 643. — Au nombre des redevances féodales du comté, figure une verge d'or due par l'abbé de Saint-Amand. (E. 848)].

Quand il mourut en 1452 ou 1454 [1452 (Lobineau), 1454 (Morice)], Jean de Blois laissa sa veuve Marguerite de Chauvigny douairière de Limoges (E. 835, 864, 878).

Jean de Blois avait eu deux frères plus jeunes que lui, Charles et Guillaume. Charles était mort dès 1434, laissant une fille unique, Nicole, mariée en 1437, à Jean de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère et de Boussac, fils aîné du maréchal de France. Guillaume, retenu pendant vingt-huit ans comme otage en Angleterre, était enfin revenu en 1448, s'était marié et avait pour principale héritière une fille nommée Françoise.

Nicole, par représentation de son père, hérita le comté de Penthièvre et l'Aigle [Note : (E. 784). Après elle, la seigneurie de l'Aigle passa à son fils Jean, comte de Penthièvre et seigneur de Boussac. Celui-ci a continué la descendance masculine]. Elle ne sut pas s'en contenter ; et il semble qu'elle ait disputé à son oncle Limoges et le Périgord ; mais la vicomté et le comté furent attribués à Guillaume. (E. 602).

Celui-ci eut à peine le temps de recevoir l'hommage de ses nouveaux sujets (E. 735). Dès 1455, il mourait laissant trois filles mineures dont Françoise était l'aînée (E. 851, 873) [Note : Les Etats de Périgord font à Françoise un don gratuit de 1.000 livres (E. 828)].

En 1470, Françoise fut mariée à Alain, seigneur d'Albret ; elle lui donna huit enfants. En 1484, elle maria l'aîné nommé Jean à Catherine de Foix, reine de Navarre ; et mourut en 1488, laissant son fils aîné vicomte de Limoges et comte de Périgord.

Mais, à ce moment, les deux châtellenies étaient notablement diminuées. D'Albret et Françoise en avaient vendu des paroisses et des seigneuries entières [Note : Les archives de Pau contiennent des cartons pleins des actes d'aliénations consentis par Alain d'Albret, notamment E. 661. Carton 799. « Abandon de la seigneurie de Nexou, en compensation d'une somme de 1000 livres due comme frais de tutelle de Jeanne et Charlotte de Bretagne (soeurs de la dame d'Albret) ». Alain d'Albret vendit la seigneurie aux chanoines de Saint-Yrieix pour 1.800 livres, équivalent à peu près à 50.000 fr. monnaie en 1897]. Après la mort de Françoise, Alain d'Albret continua d'administrer à sa manière les biens de son fils roi de Navarre. Son administration durait encore en 1499 (E. 809).

Dans ces dix années, Alain d'Albret avait imaginé pour réparer ses affaires de devenir duc de Bretagne en épousant la duchesse Anne. A peine devenu veuf, encouragé par sa sœur utérine, Françoise de Dinan, comtesse de Laval, et par le sire de Rieux, maréchal de Bretagne, gouvernante et tuteur d'Anne de Bretagne, d'Albret avait osé demander la main de la duchesse. Anne avait douze ans ; et ce prétendant, presque quinquagénaire et père de huit enfants, lui parut ridicule et odieux.

Pour faire sa cour, d'Albret fit débarquer en Bretagne une armée de quatre mille Espagnols (Lobineau, Hist. , p. 781) ; mais ce service rendu ne lui ramena pas la duchesse ; et d'Albret, pour se venger de ses dédains, livra Nantes en pleine paix à Charles VIII, en faisant payer chèrement sa trahison (19 mars 1491 n. s) [Note : Voir ce traité honteux pour les deux parties. Morice, Pr. III. 686].

En 1512, Jean d'Albret et Catherine de Foix avaient vu l'armée de Ferdinand-le-Catholique envahir la Navarre et s'emparer de la partie de leur royaume située au sud des Pyrénées. La reine de Navarre mourut, dit-on, de chagrin, et Jean d Albret la suivit bientôt (17 juin 1516).

Ils laissaient un fils, Henri. En 1521, celui-ci gouverné par son aïeul Alain tenta, mais en vain, de reprendre les possessions perdues par son père. En 1526, il épousa Marguerite de Valois, soeur du Roi François Ier ; et il mourut, en 1555, laissant sa succession à sa fille Jeanne, femme d'Antoine de Bourbon, dont le fils allait être le Roi Henri IV.

En 1572, Henri de Bourbon recueillit dans la succession maternelle le royaume de Navarre, la vicomté de Limoges que Charles IX venait d'ériger en marquisat (E. 680), et le comté de Périgord. Devenu Roi de France, Henri IV réunit ces possessions à la couronne (J. Trévédy)..

Ndlr : Anciens vicomtes de Limoges et ducs (ou duchesses) de Bretagne (Maison de Dreux-Bretagne) :

1263-1290 : Marie (1260, décédée en 1290), fille de Guy VI (issu de la Maison de Comborn et vicomte de Limoges de 1229 à 1263) et mariée à Arthur II de Bretagne (1262-1312).

1290-1301 : Arthur II de Bretagne (1262-1312).

1301-1314 : Jean III de Bretagne (1287-1341), fils d'Arthur II et de Marie de Limoges.

1314-1317 : Guy VII de Penthièvre (1287-1331), frère de Jean III de Bretagne, comte de Penthièvre et seigneur de Mayenne.

1317-1331 : Jean III de Bretagne (1287-1341), fils d'Arthur II et de Marie de Limoges.

1331-1384 : Jeanne de Penthièvre (1319, † 1384), fille de Jean III de Bretagne, épouse de Charles de Blois (1319-1364) et duchesse de Bretagne.

La vicomté passe ensuite entre les mains de la Maison de Blois-Châtillon grâce à Jean (décédé en 1404), fils de Jeanne de Penthièvre et Charles de Blois, marié à Marguerite de Clisson.

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