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Julien LE BÈCRE, prêtre guillotiné à Vannes
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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292. — Julien LE BÈCRE naquit à Locminé-Moustoir-Ac, rue des Roués, le 21 mai 1753, du mariage de Jean et de Marie Rouillé. Il fut baptisé le jour même de son entrée dans la vie.

Il avait un frère aîné, appelé Colomban, et l’un comme l’autre dirigés vers le sacerdoce par leurs oncles, les abbés Jean Rouillé et Joseph Le Bècre, se destinèrent à l’Eglise. Julien, tonsuré le 15 mars 1777, minoré le 4 avril suivant, sous-diacre le 20 mars 1778, diacre le 18 septembre 1779, reçut le sacerdoce à Vannes des mains de son évêque, Mgr Amelot.

L’année suivante, Julien Le Bècre remplissait les fonctions de vicaire à Stival. En 1784, il vivait à Pontivy en qualité de prêtre auxiliaire. Durant l’absence de M. Guégan, recteur de cette paroisse, élu député aux Etats Généraux, il devint même vicaire provisoire et reçut son traiternent à ce titre durant toute l’année 1790.

293. — Soumis comme fonctionnaire publia à l’obligation de prêter serment à la Constitution, M. Le Bècre s’y refusa, le 13 février 1791, et son attitude déchaîna les colères des jacobins de cette ville, si bien que le 19 juillet suivant, pour échapper à leur courroux, il avait abandonné depuis quelque temps Pontivy et demandait la protection des autorités pour y rentrer.

Revenu à Pontivy, M. Le Bècre reprit ses fonctions de vicaire. Mais il se dispensa d’assister au Te Deum, chanté à l’acceptation par Louis XVI de la Constitution, laquelle contenait, hélas ! parmi ses articles, ceux de la Constitution civile du Clergé. La maçonnique société des Amis de la Constitution de Pontivy dénonça sans tarder son attitude à la municipalité et demanda à ce qu’il fût « privé d’un traitement qu’il ne méritait pas ». Enfin, à la suite de démarches répétées, les jacobins de Pontivy obtinrent du Directoire du Morbihan la suppression du vicariat provisoire créé en faveur de M. l’abbé Le Bècre, ce poste n’ayant été conservé jusqu’alors que « vu la rareté des prêtres assermentés ».

M. Le Bècre se réfugia alors à Locminé, son pays natal, où sa signature apparaît fréquemment sur les registres de catholicité jusqu’au 23 avril 1792, date à laquelle il dut quérir un meilleur asile, sans que l’on puisse désigner la localité. Lors de la loi du 26 août 1792, qui l’atteignait directement comme ayant reçu à Pontivy, dix-huit mois durant, un salaire de l’Etat, l’abbé Le Bècre prit un passeport pour s’exiler, mais ne quitta pas la France. Il expliquera devant ses juges, en 1796, « qu’il lui eût été trop pénible d’abandonner seule sa mère, alors septuagénaire et infirme ». Mais ce n’était pas la véritable raison de son attitude. Il resta en Bretagne avec l’intention d’y faire du ministère caché, et durant les plus mauvais jours de la Terreur, alors que sa tête et celle de ses semblables étaient mises à prix, il sut demeurer introuvable, courant la ville et la campagne, tantôt à Noyal et tantôt à Pontivy, et, chose remarquable, il ne se trouva personne pour le dénoncer afin de toucher la prime promise.

Vint la pacification d’avril-août 1795. Pontivy était demeurée sous la domination jacobine. Cependant, sur une pétition des catholiques romains de cette localité, la municipalité de cette ville, suivant en cela les instructions des représentants du peuple en mission en Bretagne, leur accorda le 4 février 1795 la chapelle Saint-Yvy. Le 8 mai suivant, le district de Pontivy leur rendit même la jouissance provisoire de l’église des ci-devant Ursulines, et dès le lendemain la messe y fut célébrée, à n’en pas douter, par M. Le Bècre, qui, sitôt son retour, s’était engagé devant la municipalité de Pontivy « à vivre paisiblement et à prêcher la paix et la concorde ».

294. — Malgré ses excellentes intentions, M. Le Bècre devait périr quand même victime de son attachement inébranlable à l’Eglise catholique romaine. La première loi sur la police des cultes, édictée en France le 3 ventôse an III (21 février 1795). après la première séparation de l’Eglise et de l’Etat, n’imposait ni serment, ni promesse aux ecclésiastiques quels qu’ils fussent, et le général Hoche s’en réjouissait, car, écrivait-il, « à cause de l’impopularité des prêtres constitutionnels, le seul mot de serment effraye tous les autres en Bretagne ». Aussi M. Le Bècre, fermement attaché aux bons principes, avait-il, comme ses confrères, la phobie du serment. Or, la seconde loi sur l’exercice des cultes rendue le 11 prairial an II, contenait, dans son article 5, l’obligation, pour tout prêtre qui voudrait exercer des fonctions cultuelles, « de se faire décerner acte devant la municipalité du lieu où il exercera de sa soumission aux lois de la République ». L’exécution de cet article souleva d’ardentes controverses en Bretagne. Cependant, par amour de la paix, l’abbé Le Bècre se présenta le 18 juin 1795 à la mairie de Pontivy et fit la déclaration dans les termes mêmes prescrits par la loi.

Dès le lendemain de cet acte, dans une proclamation à ses concitoyens, rédigée avec des desseins suspects, la municipalité pontivienne, mettant sur le même pied clergé constitutionnel et prêtres réfractaires, s’avisa de prétendre qu’ils avaient, les uns et les autres, prêté serment de fidélité à la République. Cette prétention fit bondir M. Le Bècre, déjà houspillé par ses confrères pour sa promesse de simple soumission : « Je n’ai point prêté serment, écrivit-il aussitôt à la municipalité pontivienne : je n’ai souscrit que la promesse de soumission aux lois de la Bépublique, telle que l’exige le décret du 11 prairial dernier, et cette promesse je l’ai faite afin de coopérer à la paix, à la concorde et à la fraternité qui sont dans mes principes ».

Le dimanche 21 juin, afin de dégager sa conscience, M. Le Bècre donna lecture à ses ouailles de sa protestation, puis, répétant en breton ce qu’il avait dit en français, tout en leur affirmant « qu’il n’avait pas prêté serment de fidélité à la République », il négligea de leur ajouter « qu’il avait cependant, conformément à la loi de prairial, fait sa déclaration de soumission aux lois de la République ». Aussitôt avisée, la municipalité le fit mander et lui ordonna le dimanche suivant de déclarer aux Bretons bretonnants qu’il s’était soumis aux lois de la République. M. Le Bècre ne s'y refusa pas et, dans un but de conciliation, il donna l’explication demandée. Mais, si porté que fût ce prêtre à se conformer aux désirs du pouvoir, pourvu qu’on ne mît pas son orthodoxie à l'épreuve, la municipalité de Pontivy était prévenue à son égard. Aussi les jacobins de la localité, furieux de constater que cet ecclésiastique ne se laissait pas prendre aux pièges qu’on lui avait tendus, pétitionnèrent-ils pour obtenir la fermeture des Ursulines ; mais le district de Pontivy n’y voulut pas consentir et, jusqu’au début du mois d’août, M. Le Bècre continua d’y célébrer.

295. — On a déjà exposé, et on exposera encore plusieurs fois, combien les soldats de la Révolution étaient les ennemis féroces du clergé catholique romain. L’affaire de M. Le Bècre, se défendant par scrupule de conscience d’avoir prêté serment de fidélité à la République révolutionnaire, avait ameuté contre lui le parti jacobin. Ceux-ci le dépeignirent comme un partisan des chouans à deux escadrons de hussards envoyés à Pontivy en juillet de cette année : aussitôt ceux-ci prirent le prêtre en exécration et tentèrent de le faire périr.

Le 22 juillet 1795, M. Le Bècre, effrayé par une irruption des soldats de la Révolution dans l’église des Ursulines, refusa, malgré les instances de la municipalité et même du commandant des hussards de Pontivy, d’y célébrer à nouveau les offices. A leurs assurances de sécurité, il objecta, non sans raison, « qu’il ne voulait compromettre la vie de personne ».

Déjà mal disposées contre le prêtre réfractaire qui avait su déjouer leurs manœuvres tortueuses à propos de sa promesse de soumission qu’elles avaient tenté de transformer en serment, pour le confondre ensuite avec les constitutionnels, les autorités de Pontivy, furieuses de la détermination de M. Le Bècre de ne plus célébrer en public, résolution qui excitait des rumeurs parmi leurs administrés, décidèrent de s’en venger. Aussi, comme l’abbé, le 2 août et quelques fois depuis, avait célébré la messe dans sa chambre, elles saisirent ce prétexte pour le dénoncer au juge de paix Ange-Marie Bassin. Assigné par ce magistrat à comparaître devant son prétoire, le 8 de ce même mois, M. Le Bècre s’entendit décréter d’arrestation pour infraction à l’article 4 de la loi du 3 ventôse an III sur la police des cultes, lequel « interdisait toute cérémonie du culte hors de l’enceinte choisie pour son exercice ».

Condamné de ce chef à trois mois de prison le 11 septembre 1795 par le juge de paix de Pontivy, malgré les conclusions du procureur de la commune qui réclamait sa mise en liberté, « attendu que la détention qu’il a subie peut être considérée comme une mesure de sûreté suffisante pour l’empêcher de récidiver », M. Le Bècre vit confirmer sa peine en appel par le tribunal du district, le 26 septembre de cette année. La détention du serviteur de Dieu devait prendre fin le 7 décembre 1795 seulement, mais, cette date arrivée, on se garda bien de le rendre à la liberté. « Craignant, explique la municipalité de Pontivy, que son élargissement ne troublât les esprits, elle attendait des ordres ultérieurs du Département ».

296. — Durant que M. Le Bècre languissait en prison, la persécution, après quelques mois de répit, avait repris avec une nouvelle ardeur. Les jacobins, ne pouvant voir sans un violent déplaisir les cathodiques français courir en foule aux églises récemment ouvertes, portèrent le 6 septembre 1795 une loi qui interdisait toute addition explicative à la soumission in globo exigée par la loi du 11 prairial an III déjà vue ; puis, le 29 septembre suivant (7 vendémiaire an IV), une nouvelle loi très oppressive sur la police des cultes exigea, par son article 6, la promesse ci-dessous : « Je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain et je promets soumission et obéissance aux lois de la République ». Nombreux furent d’excellents prêtres qui n’osèrent engager leur conscience en signant cette formule. — Enfin, le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), la Convention, avant de se séparer, décida « que les lois de 1793 et de 1794 (concernant par conséquent la déportation ou l'échafaud pour les prêtres réfractaires) seraient exécutées dans les 24 heures de la promulgation du présent décret ». D’autre part, de nombreuses circulaires des ministres de l’Intérieur et de la Justice pressèrent de tout leur pouvoir l’exécution de cette loi, en particulier une instruction adressée le 13 janvier 1796 à toutes les autorités constituées.

Or, l’abbé Le Bècre était prêtre réfractaire ; il avait horreur, ainsi qu’on l’a vu, de toute espèce de serment ; sa place était donc toute désignée pour la prison de Vannes, antichambre du tribunal criminel. On l’y conduisit le 27 février 1796 et le 29 il signa au livre d’écrou. Le lendemain, au cours d’un premier interrogatoire que lui fît subir l’accusateur public, il fît savoir qu’il n’avait prêté aucun des serments requis des ministres du culte catholique, mais qu’il s’est soumis aux conditions de la loi du 11 prairial précédent. Quant à la déclaration exigée par la loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), se trouvant alors en prison, il n’avait pas eu à la faire. Puis il raconta les conditions de son arrestation et acheva en déclarant « ne savoir pas les motifs de la prolongation de sa détention dans la prison de Pontivy après l’expiration de sa peine ».

Le 17 mars suivant, Lucas-Bourguerel fils, accusateur public, rédigea contre le serviteur de Dieu une demande de mise en jugement. Il n’invoqua du reste contre lui qu’un seul motif, éminemment d’ordre religieux : « Le Bècre n'a pas fait les serments et soumissions ordonnés aux ministres du culte catholique ».

297. — Traduit le 22 mars 1796 devant le tribunal criminel du Morbihan, l’inculpé subit un nouvel interrogatoire. Il y reconnut sans hésiter n’avoir prêté ni le serment schismatique à la Constitution, ni celui de Liberté-Egalité du 15 août 1792. Ne s’étant point soumis à la loi du 26 août de celte année, il se cacha dans les communes de Pontivy et de Noyal ; mais jamais pour cela, affirma-t-il, il n’abusa de son ministère pour inspirer la haine des lois de la République, et n’a jamais prêché que la paix et la concorde, quoi qu’en puissent dire ses calomniateurs. Il rapporta aussi les faits racontés plus haut au sujet des incidents de Pontivy. Enfin, concernant la nouvelle promesse imposée par la loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), il fit cette réponse à retenir : « il ne l'a pas faite, parce qu'elle n'est pas dans ses principes, et que, d’ailleurs, les lois ne sont pas assez stables : aujourd’hui c’est une soumission que l’on exige, demain c’est une autre, et elles sont même contraires l’une à l’autre ».

Nayl, commissaire du pouvoir exécutif, tenant compte que M. Le Bècre, emprisonné dès le 7 août 1795, n’avait pu se soustraire à aucune des conséquences des lois, tant du 6 septembre que du 25 octobre de cette année, eût désiré que cet ecclésiastique n’eût été condamné qu’à la peine de la déportation ; mais les juges de Vannes, leur président Chesnel en tête, étaient avides de verser le sang des prêtres. Appliquant au serviteur de Dieu les termes de l’article 10 du décret du 25 octobre 1795, qui remettait en vigueur la loi des 29-30 vendémiaire an II, ils condamnèrent M. Le Bècre à la peine capitale. Il subit celle-ci le jour même, 22 mars 1796, à 3 heures du soir, sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Vannes, alors dénommée place de la Liberté. Son acte de décès fut enregistré le lendemain aux registres de l’Etat-Civil. Deux autres prêtres, pour le même motif, furent exécutés le même jour que lui, ce qui ne laisse place à aucun doute sur la façon dont tous ensemble ils se préparèrent les uns et les autres à la mort. Quant à M. Le Bècre, tous les faits qu’on vient d’énoncer prouvent abondamment qu’il périt victime de son horreur pour le serment à la Constitution civile et pour tout ce qui, de près ou de loin, pouvait sembler une participation au schisme.

Le souvenir de ce prêtre est toujours conservé, du reste, dans les branches collatérales de sa famille, qui compte des dignitaires ecclésiastiques parmi elles. Tous le considèrent comme un martyr de la Foi. Il existe encore des objets lui ayant appartenu, entre autres ses lettres d’ordination, un morceau de son aube, un débris de son calice que l’on conserve précieusement.

BIBLIOGRAPHIE. — Tresvaux du Fraval, Histoire de lu Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit. (1845), II, p. 223. — R. P. Le Falher, Les Prêtres du Morbihan victimes de la Révolution, op. cit. (1921), p. 169-179. Cet auteur publie une partie des documents officiels de son procès. On trouvera les autres dans une étude très complète de M. Corgne : La Vie religieuse à Pontivy durant la Révolution. Julien Le Bècre, in-8°, Pontivy, impr. Anger, 1926.

(Sources : Arch. départ. du Morbihan, L 301, 1268, 1280, 1285, 1547 ; LZ 415, 459, 575, 615 ; Arch. municipales de Pontivy).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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