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LA CHAPELLE DU PENITY DE LOCRONAN

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Au sud de l'église de Locronan et orientée de même façon s'élève la chapelle du Pénity, abritant le tombeau de saint Ronan. Le plan en est très simple : un rectangle de trois través dont la deuxième et la troisième s'ouvrent sur le bas-côté de l'église principale, la première faisant, sur la place, une saillie à peu près égale à celle du porche voisin.

Cette chapelle qui succéda à un édifice roman du XIème siècle, occupe, selon toute vraisemblance, l'emplacement qui passait jadis pour avoir été celui de l'ermitage du saint. On en attribue généralement la construction à Renée de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Par malheur, aucun argument solide n'autorise cette attribution, que plusieurs excellentes raisons rendent impossible. D'abord, Renée, mariée à dix-huit ans, en 1528, à Hercule d'Este, marquis de Ferrare, peu curieuse d'art, surtout d'art religieux, devait fort peu s'intéresser à ce sanctuaire perdu dans les brumes armoricaines et qu'elle n'avait jamais visité. Bien plus, elle se trouvait en coquetterie avec le parti huguenot : on sait qu'elle reçut Marot et qu'elle protégea Calvin (E. Rodocanachi : Renée de France, duchesse de Ferrare, Paris, 1896, in-8°). Évidemment, le culte de saint Ronan ne pouvait lui faire l'effet que d'une superstition tout à fait méprisable. D'autre part, il existe aux archives du Finistére un document qu'il ne serait pas trop téméraire de qualifier de décisif [Note : Série et fonds indiqués supra. Ce procès-verbal est un cahier de 12 feuillets de papier en très mauvais état. Pol de Courcy ayant écrit dans son Itinéraire de Nantes et Brest, Paris, 1865, in-16, p. 289-290, que le Pénity « fut élevé en 1530 aux frais de Renée de France », cette opinion, avancée sans preuves, a été reproduite depuis à plusieurs reprises. G. Toscer, renchérissant encore, a affirmé bravement (Le Finistère pittoresque, Brest, 1908, t. II, p. 112-113) que la date était gravée sur la porte. Or, personne ne l'y a jamais vue, M. le chanoine Abgrall, grand collectionneur d'inscriptions bretonnes, déclare qu'il l'a « plus de vingt fois cherchée en vain ». Il en est de même de la date de 1483 que Toscer assigne, on ne sait pourquoi, à la tour de la grande église]. C'est le procès-verbal d'une enquête que le sénéchal et le procureur royal de Châteaulin firent, le 15 mai 1618, sur les droits et revenus du prieuré. Le prêtre chargé du service de l'église en qualité de vicaire perpétuel pour le prieur déclara, ainsi que le marguillier, après avoir signalé la dévotion de la reine Anne pour Locronan, que le Pénity avait été bâti sur l'ordre de « la dite dame rennee Anne de Bretagne » qui, pour l'entretien d'une fondation perpétuelle en cette chapelle, avait constitué une rente de cinq cents livres sur les devoirs du sel au pays de Guérande. Le mot « rennee » a trompé certains lecteurs, trop attentifs à une fantaisie graphique. En réalité, il n'est question dans les phrases précédentes que de la reine Anne. Renée, sa fille, n'est même nommée nulle part dans tout le texte du procès-verbal. Au surplus, comment la marquise d'Este eût-elle constituer une rente sur les devoirs du pays de Guérande ? Ce n'est pas à dire toutefois que le Pénity ne conserve en rien son souvenir. Il commémore peut-être sa naissance. Saint Ronan ou René était traditionnellement invoqué par les ducs et duchesses désireux de postérité. Nous avons le droit de supposer qu'Anne de Bretagne, lors de la venue au monde de sa fille, voulut témoigner sa reconnaissance au saint dont, aussi bien, elle lui donnait le nom. La naissance de Renée étant survenue en 1510 et la mort d'Anne en 1514, la construction du Pénity devrait donc être placée entre ces deux dates [Note : Anne était même peut-être venue à Locronan (Dom Plaine : Le tombeau monumental et le pèlerinage de saint Ronan, p. 10, d'après un procès-verbal de 1689, conservé au presbytère de Locronan). D'après le procès-verbal de l'enquête de 1618, elle aurait seulement fait visiter le sanctuaire par ses procureurs].

Locronan : chapelle du Pénity (Bretagne).

L'intérieur est voûté d'ogives avec liernes et tiercerons ; en outre, des écus aujourd'hui martelés décorent les clefs des croisées et des doubleaux. Le style est, dans l'ensemble, assez semblable à celui de l'église principale, avec, dans les remplages des fenêtres, une certaine mollesse de formes qui annonce l'art de la Renaissance. La seule particularité qu'il faille indiquer est la forme angulaire du formeret de l'ouest qui fait songer à l'architecture anglaise. Le portail en tiers-point, sans tympan, est encadré par des colonnettes, des moulures piriformes et par un rang de feuilles frisées : son gâble, rehaussé de crochets, s'appuie sur deux lions. La fenêtre occidentale a un remplage normand à deux divisions. Quant au clocher posé sur le pignon, il est, à très peu de chose près, l'exacte réplique de celui qui s'élève au centre de la grande église.

Ce qui fait le principal et grand intérêt de cette chapelle, c'est le mobilier qu'elle renferme. Il n'y a rien à dire des fragments trop mutilés de vitraux qui subsistent dans la fenêtre du chevet. L'attention est accaparée tout de suite par la sculpture. A l'angle nord-est, adossée au pilier, une statue de bois représente le Christ attendant le supplice. Ce motif iconographique, étudié par M. Mâle, a été très en faveur auprès des sculpteurs sur bois de la campagne bretonne. L'exemplaire de Locronan est un des plus beaux que nous connaissions. A côté, dans la chapelle même, une Mise au tombeau de pierre se distingue, en dépit de la gaucherie des formes, par une réelle beauté dans l'expression pathétique des visages. Un vieillard, aux pieds du Christ, tient une couronne ; un autre, à la tête, étale un suaire pour y recevoir le précieux corps du Supplicié. Celui-ci n'est pas couché, mais assis, le haut du torse légèrement incliné en arrière, la tête retombant sur les épaules ave un air d'indicible douleur. Au centre, la Vierge se penche vers lui, entourée de saint Jean et de la Madeleine. Il est impossible d'assigner une date précise à cette Mise au tombeau qui paraît avoir été exécutée lors de la construction de la chapelle [Note : Les deux petits bas-reliefs mal rapportés au soubassement représentent la scène des pèlerins d'Emmaüs et celle du « Noli me tangere » (Le Christ pris par sainte Madeleine pour un jardinier)]. On doit en dire autant de la grande statue de saint Michel placée entre les deux arcades. Elle montre l'archange nu-tête, vêtu d'un long manteau jeté sur son armure ; de la main droite, il tient son épée dont la pointe pénètre dans le corps d'un dragon ; à la main gauche se suspend une balance dont les plateaux contiennent de petites figures humaines. Au point de vue de l'art, l'œuvre est médiocre, mais elle rappelle une antique dévotion subsistant en Basse-Bretagne. Saint Michel est, balanceur d'âmes « balancer an eneou ». Durant les veillées mortuaires, les paysans l’invoquent : ils lui demandent que dans ses mains la balance penche du côté droit en faveur de la pauvre âme du trépassé [Note : Chanoine Peyron : Recherches sur le culte de saint Michel au diocèse de Quimper et de Léon, Rennes, 1900, in-8°, 30 p].

Locronan : chapelle du Pénity (Bretagne).

Cependant, dès l'entrée dans la chapelle, le tombeau de saint Ronan s'est imposé aux yeux [Note : Il est vide. Des restes humains, considérés comme reliques du saint, sont conservés à Locronan même, d'autres à la cathédrale de Quimper]. Placé au centre de l'édifice, il en est à lui seul toute la raison d'être. L'unique but auquel aspire l'âme ardente et passionnée des pieux pèlerins, n'est-ce pas de venir s'agenouiller près de ce bloc de pierre et, après en avoir fait trois fois le tour, de poser leurs lèvres sur la face rigide du saint ? Six anges aux ailes massives soutiennent une dalle funéraire où Ronan, revêtu de ses ornements, repose couché. Sa tête est coiffée de la mitre, souvenir des fonctions épiscopales qu'avant de passer en Bretagne Armorique il exerçait sur la terre d'Irlande. De la main gauche, il tient une crosse ; la main droite esquisse le signe de la bénédiction. L'extrémité inférieure de la crosse s'enfonce dans la gueule d'un lion allongé et qui tient dans ses griffes un écu. Onze autres écus se trouvent répartis en divers points du tombeau, dont six sur les bras des anges.

Locronan : chapelle du Pénity, tombeau de saint Ronan (Bretagne).

L'aspect de l'ensemble est rude et massif ; le sculpteur n'a pas su animer sa matière, ce granit de Kersanton qui pourtant se prêtait mieux qu'aucune autre pierre bretonne aux fantaisies du ciseau. Le visage aplati de saint Ronan, le parallélisme maladroitet monôtone des plis, la raideur du modelé donnent au tombeau un caractère archaïque qui, au premier abord, étonne l'observateur, le déroute. Toutefois, il n'y a pas de doute possible. Nous sommes là en présence d'une œuvre du début du XVIème siècle. Un double, courant d'idées s'y reconnaît. Le saint a les yeux ouverts, conformément à la noble tradition de la pensé médiévale : il n'est mort qu'en apparence ; soustrait aux agitations de ce monde qui passe, s'il ne contemple plus les choses vaines de la terre, c'est que ses yeux se sont ouverts à une clarté nouvelle et plus pure : il participle déjà à la vie éternelle. D'autre part, la disposition des anges placés en manière de cariatides sous la dalle témoigne d'un esprit jusqu'alors inconnu dans la région, d'une influence italienne. Rien n'empêche donc de considérer ce tombeau comme contemporain de la chapelle. La reine Anne qui entretenait des relations suivies avec les artistes d'Italie exprima sans doute le désir de voir les humbles artisans cornouaillais s'inspirer de leurs principes. La chapelle du Pénity de Locronan posséderait donc l'œuvre où se serait pour la première fois manifesté en Basse-Bretagne l’art de la Renaissance [Note : Ce tombeau a été étudié avec force détails et comparaisons de toute espèce par M. Conrad Escher : (Le tombeau de saint Rouan à Locronan, dans le Bull. de la Soc. archéol. du Finistère, t. XXXIX, 1912, p. 123-154, traduction de l'allemand par M. l'abbé Philippon). Le baron de Névet, qui en 1644 écrivit l'histoire de sa famille, attribue bien, lui aussi, le tombeau à la munificence reconnaissante de « ladite duchesse et reine » (Bull. de la Soc. archéol. du Finistère, t. XV, 1888, p. 351)].

(Par M. H. WAQUET).

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