Région Bretagne : Web Internet de Voyage, Vacances, Location, Séjour, Immobilier, Hôtel, Camping, Boutique en Bretagne

Bienvenue ! 

Lutte des bretons contre les Anglo-Saxons au VIIème siècle

  Retour page d'accueil      Retour page Histoire des Bretons insulaires     Retour page Histoire de Bretagne  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Lutte des Bretons contre les Anglo-Saxons au VIIème siècle. Lutte entre Cadwallon, Cadwalar, Padon (les chefs des Bretons) et Ethelfrid, Edwin, Osric, Eanfrid, Oswald (les chefs des Anglo-Saxons).

Vous possédez des informations historiques sur les bretons insulaires, vous souhaitez les mettre sur le site infobretagne, contactez-moi par mail (voir page d'accueil)

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

La défaite de Caltraez porta aux Bretons du Nord un coup terrible, dont ils ne purent se relever. Refugiés dans les forêts, les marais et les montagnes, ils ne songèrent longtemps qu'à se pourvoir de retraites inaccessibles, abandonnant à leurs ennemis toute la partie ouverte de leur territoire. 

Pour comble de malheur, peu de temps après, en 593, un petit-fils d'Ida, Ethelfrid, réunit les deux royaumes de Déira et de Bernicie, et rassembla sous sa main tous les Anglo-Saxons du Northumbre, avec une puissance plus grande que celle d'aucun de ses prédécesseurs. Le premier usage qu'il fit de ces forces fut de poursuivre par tous les moyens la ruine des Bretons, dont il dévasta le pays avec une fureur qui surpassait celle d'Ida, lui-même ("Rex AEdilfrid, qui plus omnibus Anglorum primatibus gentem vastavit Brittonum", Bède, Hist. Eccl. Gentis Anglor., I, 34). Les Bretons avaient appelé Ida Flamzouen, le Brûleur ; ils surnommèrent son petit-fils Flesaur, le Ravageur (Genealog. Saxon., dans le Nennius de Stevenson, Hist. Brit. $$ 57 et 63, et dans M. H. B. p. 76). D'ailleurs, ils trouvèrent du secours, au plus fort de leur détresse, là même d'où leur était venu jadis le principe de tous leurs maux, je veux dire dans la nation des Scots. Les Scots et les Pictes, nous l'avons vu, avaient commencé par prêter appui aux Saxons et aux Angles contre les Bretons. A Caltraez nous avons retrouvé les Pictes dans cette alliance ; mais il semble que les Scots n'y fussent déjà plus. Maintenant, sortis vainqueurs de cette terrible mêlée, enivrés de leurs succès et de leur puissance plus grande que jamais, les Angles de Northumbrie menaçaient leurs anciens alliés, spécialement les Scots. Sous le coup de ces menaces, dont les effets ne se firent point attendre, ceux-ci furent naturellement amenés à se réunir aux Bretons contre l'ennemi commun. 

Le roi des Scots, Aédan,fils de Gabran, chef de la ligue, envahit la Bernicie, en l'an 603, à la tête d'une grande armée, et marcha résolument contre les Angles. Ethelfrid, de son côté, s'avançait avec des forces immenses. Il rencontra Aédan en un lieu appelé Degstane (Chron. Saxon., A 603 ; - Bède, Hist., I, 34), que les uns placent à Dawston près de Carlisle, dans le Cumberland, les autres à Dawston près de Jedbrough, dans la province écossaise de Teviotdale, tout près de la frontière actuelle de l'Angleterre et de l'Ecosse. La bataille fut acharnée et terrible. Théodebald, frère d'Ethelfrid, qui commandait une partie considérable des forces anglo-saxonnes, succomba, exterminé avec tout son corps d'armée. Mais Ethelfrid, rétablit le combat et finit par vaincre. L'armée britanno-scotique fut taillée en pièces, et Aédan prit la fuite avec une poignée d'hommes (Bède, Hist., I, 34). Il mourut quatre ans après, en 607 (Annales Cambriœ, dans les M. H. B., p. 831). 

Libre ainsi de tout souci du côté du nord, Ethelfrid se tourna vers le midi. Les Bretons de la Cambrie s'étaient émus des désastres de leurs frères septentrionaux. Emotion intéressée, ils craignaient pour eux-mêmes ; c'est cette crainte qui les poussa à venir enfin au secours de leurs malheureux compatriotes. Secours, hélas ! trop tardif, qui ne servit qu'à attirer sur la tête des Cambriens la foudre northumbrienne. Ethelfrid fondit sur eux comme un torrent, et les repoussa jusqu'à Cairlion, maintenant Chester sur la Dee. 

Près de cette ville, en 607, se livra une grande bataille, où les Bretons furent vaincus, tout en faisant éprouver de grandes pertes aux Anglo-Saxons. Parmi les chefs cambriens morts ce jour-là, on nomme entre autres Seysil, fils de Kénan, Jacob, fils de Béli, et un roi appelé Kétul (Annal. Cambriœ et Annal. Tigern. dans M. H. B., p. 832. Les Annales de Cambrie mettent cette bataille en 614, et celle de Tigernach en 613. La date do 607, donnée par la Chronique Saxonne, est préférable). Mais cette bataille est surtout restée célèbre par un épisode des plus touchants. 

Il y avait dans le nord de la Cambrie, au royaume de Gwéned, et sur le bord du détroit qui sépare encore maintenant le comte de Caernarvon de l'île d'Anglesey, une célèbre abbaye, appelée Bangôr, où plus de deux mille moines ne cessaient de servir Dieu et de prier pour la patrie bretonne. Bède raconte en effet que la population de ce monastère était divisée en sept catégories, fortes chacune de trois cents moines, tous vivant du travail de leurs mains. Quand les Cambriens se levèrent pour défendre leur pays contre Ethelfrid, une troupe de moines de Bangôr — les uns disent 200, les autres 1.200 — suivit l'armée nationale, afin de la soutenir par ses exhortations et ses prières. A l'approche de l'ennemi, les pieux moines jeûnèrent pendant trois jours ; puis, le matin de la bataille, on les vit se placer sur une colline, en avant de l'armée bretonne, et comme Moïse sur la montagne, élever incessamment vers Dieu leurs mains et leurs prières pour le triomphe du peuple chrétien. Au moment où la bataille allait s'engager, Ethelfrid les découvrit ; s'étant fait rendre compte de ce qu'ils faisaient là : « Mais alors, s'écria-t-il, s'ils invoquent leur Dieu contre nous, ils combattent contre nous, quoique désarmés, avec leurs prières ». Et il ordonna de commencer l'attaque par ce bataillon sacré. Une troupe de Bretons, aux ordres de Brocmaël, roi de Powys, avait été préposée à la garde des moines ; mais comme tout donnait lieu de croire que le premier effort des Saxons porterait ailleurs, ce corps était peu nombreux. Attaqué par toute l'armée d'Ethelfrid, il ne put tenir ; mais les moines ne bougèrent pas. Ils offrirent leur poitrine au fer de cette armée de sauvages, qui n'en épargna que cinquante. Aussi les Annales d'Irlande nomment-elles cette bataille la journée de Cairlion, « où les saints furent égorgés » (Annales de Tigernach, à l'an 606, dans M. H. B., p. 832 ; Bède, Hist. II, 2 ; et Chron. Saxon., A 607). 

D'ailleurs, malgré cette victoire, on ne voit point qu'Ethelfrid ait tenté de pénétrer dans la Cambrie. Il n'avait eu qu'un dessein : empêcher les Bretons de Galles de soutenir contre lui leurs frères du Nord. Ce but atteint, il retourna contre ceux-ci toutes ses forces. « Jamais aucun chef de guerre, jamais aucun roi, dit Bède, ne leur enleva plus de terres. Des tribus indigènes il extermina les unes et il occupa leurs territoires ; il dompta les autres et les força de lui payer tribut. Et, pour employer ici très-justement les paroles de l'Ecriture, c'était un loup ravissant ; le matin il dévorait sa proie, le soir il partageait les dépouille » (Bède, Hist., I, 34, et Genèse, XLIX, 27). Les Bretons eurent donc raison de l'appeler le Ravageur (Flesaur). C'est lui, en réalité, qui accomplit la conquête de la Northumbrie. Jusque-là les Angles n'y étaient, pour ainsi dire, que campés ; ils n'y possédaient que l'espace à portée de leurs traits ; leur domination y était chaque jour remise en question par les attaques formidables des indigènes. Désormais il en sera tout autrement. Sans doute, quoi qu'en dise Bède, plus d'une tribu bretonne a pu, dans les bois et les rochers, échapper tout à la fois au fer et au tribut d'Ethelfrid ; plus d'une autre qui paie le tribut, s'en affranchira ; il y aura plus d'un essai de résistance. Mais les rôles resteront intervertis ; ce qui sera mis en question désormais, ce n'est point la domination des Angles, c'est l'existence des derniers débris indépendants de la race bretonne. 

Le bruit des exploits d'Ethelfrid excita, on peut le croire, l'émulation des Saxons du Wessex. Depuis leur défaite de Wodnesburg, en 591, ils avaient gardé vis-à-vis des indigènes une prudente réserve. Toute la lutte entre les deux races, pendant vingt-trois ans, s'était bornée de ce côté à quelques escarmouches insignifiantes, et, suivant leur habitude, les Bretons de la Domnonée avaient employé ce long calme, non à se fortifier, mais à se diviser et s'endormir. La foudre en tombant les réveilla. Cette foudre, assurément plus terrible pour eux que le feu du ciel, était une armée saxonne, commandée par Cynegils, roi de Wessex, et son fils Cwichelm, qui, en l'an 614, se jetèrent à l'improviste sur le territoire breton et l'envahirent sans obstacle jusqu'à la rivière d'Ex, au point où elle sépare aujourd'hui encore les comtés de Devon et de Somerset. Là cependant une armée bretonne s'offrit pour disputer aux Saxons cette ligne de défense. La bataille se livra en un lieu appelé Beamdune, aujourd'hui Bampton , sur la rive gauche de l'Ex. L'armée bretonne, formée à la hâte, n'était guère qu'un amas d'hommes peu aguerris. Comme ces hommes aimaient passionnément leur patrie, ils firent pour elle tout ce qu'ils purent, et ne purent que se faire tuer. Le carnage fut grand : plus de deux mille Bretons restèrent sur le champ de bataille (Chron. Saxon., A 614 ; H. de Hunt., L. II, dans M. H. B. p 715). A dater de jour, le royaume de Wessex s'étendit jusqu'à la rivière d'Ex, et les Bretons de Domnonée ou du sud de la Saverne furent réduits au territoire des comtés actuels de Devon et de Cornwall. 

Cependant le terrible roi de Northumbrie, Ethelfrid le Rava­geur, périt en 617, dans une rencontre où il fut vaincu par Redwald, roi des Estangles. Tout aussitôt les Bretons de Réghed profitant de cette circonstance, se jetèrent sur le Déira ; et un de leurs chefs, appelé Carédic, s'avançant jusqu'aux environs de la ville de Leeds (sur la rivière d'Arc, dans le comté actuel d'York, West-Riding), au coeur même de ce royaume, s'empara d'un territoire assez considérable connu sous le nom d'Elmet. Grâce aux forêts qui couvraient ce pays, il s'y retrancha fortement et sut s'y maintenir assez longtemps pour que les chroniques lui donnent le titre de roi d'Elmet. Il en fut enfin chassé avec ses Bretons (vers 620 ?) après une résistance acharnée qui lui coûta la vie, par le successeur du roi Ethelfrid [Geneal. Saxon., dans Nennius, Hist Brit., $ 63, éd. St., et dans M. H. B. (éd. P.), p. 76]. Mais cette hardie expédition montre au moins combien les Bretons du Nord, dignes fils des soldats d'Urien, d'Owen et de Ménézoc, gardaient encore d'énergique audace après tant de revers. 

Le successeur d'Ethelfrid sur le trône du Northumbre s'appelait Edwin. Il n'était point fils du Ravageur, mais bien de cet Ella, qui, après la mort d'Ida, avait pendant vingt-huit ans (560-588) régné sur les Angles du Déira, séparé de la Bernicie. Edwin, plus puissant que son père, régna sur la Northumbrie entière. Moins féroce que son prédécesseur, il semble avoir été aussi brave et, du moins pendant longtemps, aussi redoutable aux Bretons. Comme Ethelfrid, on le vit diriger ses coups vers la Cambrie, parce que, depuis leurs désastres, c'était là seulement que les Bretons du Nord pouvaient prendre un point d'appui pour lutter contre les Angles du Northumbre. Mais, moins heureux qu'Ethelfrid, Edwin y trouva devant lui un adversaire redoutable dans Cadwallon, roi de Gwéned (North-Wales) chef suprême de la audacieux qu'Ethelfrid, Edwin pénétra dans la Cambrie et la dévasta d'un bout à l'autre. Cadwallon lui résista, il est vrai, avec une opiniâtreté indomptable. Il défendit pied à pied chaque rivière et chaque poste fortifié [Note : l'Elégie bretonne de Cadwallon dans W. Owen, The heroïc elegies of Llyware Hen, Londres, 1792, in° 8, pp. 110-117. Non-seulement cette pièce n'est pas de Liwarc'h, comme on l'a cru, mais elle me semble même passablement postérieure à Cadwallon. C'est une sorte de liste de quinze batailles ou rencontres plus on moins heureuses, attribuées à ce prince, dont dix au moins ont pour théâtre la Cambrie. On n'y mentionne ni la grande victoire de Cadwallon à Meiken (voir ci-dessous) ni la bataille de Catscaul où il périt. C'est donc ou une pièce tronquée, ou un poème composé assez longtemps après la mort du héros, sur des souvenirs incomplets. Le seul fait certain qui en résulte, c'est que Cadwallon eut à défendre les diverses provinces de la Cambrie contre une terrible invasion d'Anglo-Saxons]. Plus d'une fois il battit, il arrêta l'ennemi. Mais malgré tous les prodiges d'une brillante vaillance, couronnée de succès partiels, devant le nombre toujours croissant de Saxons il fut contraint de reculer. Et à force de reculer, toujours combattant et se défendant, il fut enfin (en 629) acculé, enfermé avec ses troupes en un dernier refuge, la petite île de Glannauc (aujourd'hui Priestholme) située devant la pointe nord-ouest de la grande île cambrienne de Môn, qui est Anglesey (A. 629. Obsessio Catguollaun regis in insula Glannauc. Annal. Cambriœ, dans M. H. B., p. 832). Comme Urien avait jadis assiégé un roi anglais dans Medcaud, ainsi Edwin assiégea le roi breton dans Glannauc. Mais l'issue de ce siège est mal connue. On ne voit point toutefois qu'Edwin ait réussi à forcer la retraite suprême du chef cambrien. Il semble que la guerre finit par un traité, où le Breton s'engagea à reconnaître, au moins de nom, la suprématie du Northumbrien (Note : C'est du moins ce qu'on peut conclure du terme employé par Béde pour faire connaître la reprise des hostilités entre Edwin et Cadwallon en 633 : "Rebellavit adversus eum (Aeduinum) Caedualla rex Britonum". Hist. II, 20). 

Ce qui est sûr, c'est que Cadwallon sortit de Glannauc, plus ardent que jamais et tout altéré de vengeance. Jusqu'alors on l'avait vu déployer une bravoure héroïque, — vertu assez fréquente aux Bretons, et qui désormais ne suffisait plus contre un ennemi devenu écrasant par la supériorité du nombre. Mais, à ce moment, Cadwallon — chose cent fois plus rare alors que l'héroïsme — Cadwallon eut une idée politique. Si les Anglo-Saxons avaient triomphé, c'était grâce aux divisions des Bretons ; Cadwallon imagina de retourner contre eux cette arme terrible et de faire triompher les Bretons par la division des Anglo-Saxons. 

Il trouva son instrument sous sa main. Les frontières orientales de la Cambrie confinaient aux Angles de Mercie, dont le roi, appelé Penda, sorte de sauvage, ému de toutes les passions de la barbarie, jalousait depuis longtemps la fortune d'Edwin et la puissance du royaume northumbrien, supérieure à celle de sa nation. Depuis environ deux ans, cette envieuse antipathie s'était doublée d'une haine fanatique. En 627, Edwin avait reçu le baptême, ainsi que la plupart de sa nation ; Penda au contraire et tous les siens continuaient de servir avec ferveur les autels d'Odin : à leurs yeux Edwin est ses sujets étaient des apostats et des traîtres. Le christianisme des Bretons, qui eux du moins n'avaient pas trahi Odin pour le Christ, leur semblait moins haïssable ; et par une bizarre rencontre, les Bretons de leur côté n'étaient pas loin de trouver l'idolâtrie des Merciens moins coupable que le christianisme des Northumbriens. Les Bretons de ce siècle et du suivant tenaient en effet pour nulle la conversion des Anglo-Saxons, et refusaient absolument de les admettre dans leur communion. Tous les chroniqueurs de ce temps attestent le fait (Note : "Quippe cum usque hodie (écrit Bède vers 730) moris sit Brittonum fidem religionemque Anglorum pro nihilo habere, neque in aliquo eis magis communicare quam paganis", Bède, Hist., II, 20, cf. II, 4), et tous les auteurs du nôtre s'en étonnent ou en cherchent l'explication dans des hypothèses au moins suspectes. Rien de plus simple, pourtant, et de plus naturel. Voyant les Saxons garder, après leur conversion, la même cruauté et le même féroce acharnement entre les indigènes, légitimes possesseurs du sol breton, ceux-ci en concluaient aisément que le christianisme de leurs ennemis était feint ou altéré. On ne saurait donc s'étonner de les voir s'allier aux Angles païens de la Mercie contre les néophytes du Northumbre. 

Cadwallon remua si bien les violentes passions de Penda qu'il le décida enfin à lui prêter secours contre Edwin. Une grosse armée bretonne s'assembla sur le territoire de la Mercie ; Penda y joignit la sienne, et, en l'an 633, au commencement de l'automne, les deux rois entrèrent en force dans le royaume de Déira par la frontière du sud-est que couvre la Trent, et qui sépare aujourd'hui le Yorkshire et le comté de Lincoln. Edwin, instruit de leurs desseins, s'était porté lui-même vers ce point avec une armée nombreuse, et les attendait de pied ferme dans une forte position, bien défendue d'un côté par la rivière de Dan, de l'autre par un des canaux, bordés de marécages, qui relient la Trent à l'Humber. Les Bretons appelaient ce lieu Meiken ou Meigen, les Anglo-Saxons Hethfeld ou Haethfeld ; on le nomme aujourd'hui Hatfield ; c'est un village et un bois situés à près de deux lieues et demie (environ 6 milles anglais de 1609 mètres) nord-est de la ville de Doncaster, Yorkshire. Une grande bataille s'y livra, le 12 octobre 633. Les Bretons et les Merciens se jetèrent avec furie sur l'armée northumbrienne, qui fut entièrement détruite. Edwin, qui la commandait avec ses deux fils, succomba dans la mêlée, après avoir vu périr le plus brave de ses deux fils, Osfrid. Pour éviter le même sort, l'autre appelé Edfrid, alla se remettre de lui-même aux mains de Penda, qui lui promit la vie sous serment. Malheureusement le vieux Mercien ne comptait plus avec ses parjures ; il laissa d'abord vivre le jeune prince ; mais au bout de quelques années, fatigué de ce prisonnier incommode, il le fit tuer un beau jour pour se délivrer de l'ennui de le garder [Bède, Hist., II, 20 ; Chron. Sax. A 633 ; Geneal. Saxon., dans le Nennius de Stev. $ 61 et dans M. H. B., p. 75 ; - Annales Cambriœ A 630 (date erronée) dans M. H. B., p. 832]. 

Aussitôt après la mort d'Edwin, la Northumbrie fut mise à feu et à sang par les vainqueurs. Ce fut une dévastation radicale, impitoyable. Et comment s'en étonner, dit Bède, « puisque l'un des rois vainqueurs était païen, et l'autre, quoique chrétien, plus barbare que le païen même, au point de n'épargner ni l'âge ni le sexe et de faire périr pêle-mêle hommes, femmes, enfants, dans les plus cruels supplices. Longtemps il courut par les provinces de la Northumbrie, se livrant à tous les excès de sa rage, et résolu d'extirper entièrement la race des Angles du sol de l'île de Bretagne » (Note : Multo tempore totas Nordanhymbrorum provincias debacchando pervagatus, ac totum genus Anglorum Britanniœ finibus erasurum se esse deliberans. Bède, Hist. II, 20. Il faut noter que Bède altère le nom breton de Cadwallon ou Cadwallaun en Cacdualla). 

Ces accusations sont visiblement exagérées. On y sent l'écho des haines de race et tout le ressentiment d'un Northumbrien (Bède l'était) contre le plus grand péril et l'ennemi le plus redoutable qui aient jamais menacé sa nation. Quand même on prendrait au pied de la lettre les imputations de Bède, les Bretons eussent-ils donc fait autre chose, en définitive, que rendre aux Anglo-Saxons les maux qu'ils en avaient reçus au centuple ? Ce n'est pas une justification, c'est une excuse. Qu'on se rappelle, en effet, ce féroce Ethelfrid, qui massacrait par centaines les moines désarmés, que Bède célèbre lui-même comme un loup ravisseur et dévorant, comme l'exterminateur des Bretons, et que les Bretons ont flétri du nom de Ravageur. Croit-on qu'il eût commis moins de violences que Cadwallon ? Pourtant Bède n'a que louange pour lui : il était anglo-saxon. 

D'ailleurs si Cadwallon permettait à son armée de cruelles représailles, — que personne, assurément, n'eût pu empêcher — son esprit ne s'arrêtait point aux basses délectations de la vengeance, et à travers ces massacres il poursuivait un plus haut dessein. C'est Bède lui-même qui l'affirme, on vient de le lire : « Il avait résolu de chasser de Bretagne les Anglo-Saxons ! ». Et ce qui fait l'originalité de son génie, c'est qu'il prend pour instruments de cette exécution les Anglo-Saxons eux-mêmes. Car on ne peut douter, après ce mot de Bède, que la Northumbrie ruinée, Cadwallon ne se fût lancé, avec Penda, contre les royaumes saxons du midi de l'île, sauf à se retourner enfin contre Penda lui-même qui, entièrement isolé, n'eût pu sans doute résister aux forces combinées de toute la Bretagne. 

Cependant, après la mort d'Edwin, deux princes s'offrirent à recueillir son héritage. L'un, appelé Osric, cousin d'Edwin (Note : Il était fils d'Elfric, et Elfric était lui-même frère d'Ela, premier roi de Déira et père d'Edwin), rallia autour de lui les Angles du Déira, pendant que ceux de Bernicie, revenant à la race glorieuse d'Ida et d'Ethelfrid, prenaient pour roi Eanfrid, fils de ce dernier. Ces deux rois étaient chrétiens. Osric avait reçu le baptême en 627, à l'exemple d'Edwin, ainsi que toute la nation northumbrienne. Et quant aux fils d'Ethelfrid, exilés après la mort de leur père au pays des Scots, ils y avaient rencontré les intrépides pionniers du christianisme, qui n'eurent pas de peine sans doute à faire accepter par ces proscrits la foi consolante de l'Evangile. Mais après la mort d'Edwin, il se fit en Northumbrie une réaction païenne. La terrible catastrophe de leur premier roi chrétien passa aux yeux des barbares pour une éclatante vengeance des dieux du Nord ; ce coup releva les autels d'Odin. Soit conviction, soit faiblesse, Eanfrid et Osric cédèrent eux-mêmes à la réaction et renièrent, leur baptême. 

Cette apostasie fut loin de leur porter bonheur. Dans l'été de l'année 634, Osric étant parvenu à rassembler une armée, se jeta à l'improviste sur les Bretons ; il eut même d'abord la chance de surprendre Cadwallon dans une ville qu'on ne nous nomme pas, et où il se crut assez fort pour l'assiéger. Mais tout à coup les Bretons firent une sortie, surprirent à leur tour les assaillants, tuèrent Osric, taillèrent son armée en pièces, et marchèrent ensuite contre Eanfrid. Après quelques mois de combats, celui-ci fut à son tour aux abois. Pour éviter le sort d'Osric, il résolut d'implorer la paix, et se rendit dans ce dessein au camp breton avec douze de ses guerriers. Il n'y trouva pas la paix, mais la mort, un an environ après celle d'Edwin, c'est-à-dire, apparemment en octobre ou novembre 634 (Bède, Hist., III, 1). 

Ce double coup atteignit profondément les Northumbres et reprit à leurs idoles tout le terrain reconquis pour elles par la catastrophe d'Hethfeld. Aussi, peu de temps après (en 635), vit-on tous les débris de cette nation se réunir, pour tenter un suprême effort, sous la conduite d'un jeune prince, frère d'Eanfrid, mais resté chrétien fervent. C'était Oswald. Il marcha hardiment à l'ennemi, et comme il était près de l'atteindre, voulant sans doute effacer par un acte solennel l'apostasie de ses deux prédécesseurs et d'une partie de sa nation, il fit faire une croix de bois, la tint debout de ses propres mains pendant que ses guerriers rejetaient la terre, pour la maintenir droite, dans le trou où il l'avait plantée, puis, parlant à son armée : « Tombons tous à genoux, leur cria-t-il, et tous ensemble prions le vrai Dieu, vivant et tout-puissant, de nous soutenir par sa miséricorde contre l'orgueil et la férocité de nos ennemis ; car il sait, ce vrai Dieu, que notre cause est juste, et que nous allons combattre pour le salut de la nation » (Bède, Hist. III, 2). 

Ce langage, assurément très-sincère dans la bouche d'Oswald, montre assez combien les rôles étaient alors renversés, combien les envahisseurs se sentaient menacés, et combien aussi ils oubliaient ou affectaient d'oublier le point de départ de la lutte, entièrement incompatible avec cette attitude de victimes. 

Le lendemain matin, Oswald rencontra les bandes de Cadwallon au pied du mur de Sévère, du côté du nord, en un lieu appelé par les Saxons Denisesburn et peu éloigné d'Eexham, mais dont on ignore d'ailleurs la situation précise [Note : C'est proprement du lieu où Oswald planta sa croix la veille du combat, que Bède (Hist. III,2) dit qu'il était situé au nord du mur de Sévère et à peu de distance d'Hexham (Hagulstadensis ecclesia) ; mais puisque le combat se livra dés le lendemain matin, il est clair que le champ de bataille devait être fort rapproché de la croix d'Oswald]. L'armée bretonne, au rapport de Bède, était beaucoup plus nombreuse que celle des Angles. Mais, Cadwallon ayant été tué dans l'action, le désordre se mit parmi les siens, puis se changea en déroute, et Oswald remporta une victoire complète, dans les premiers mois de l'année 635 (Bède, Hist. III, 1, 2). Les Bretons appellent cette bataille Catscaul, c'est-à-dire Combat sous le Mur [Note : Généalogie saxonne, dans Nennius, Hist. Brit., $ 64, éd. St. et dans H. H. B. (éd. P.), p. 76 ; — Annales Gambriœ A 631 (erreur de date) dans M. H. B., p. 832. — Catscaul est la contraction de Cat-is-Gaul, littéralement Bellum sub Vallo. Le mur de Sévère est effectivement appelé souvent en breton Gaul, calque du latin Vallum]. Ce fut pour eux un désastre, qui força bientôt les Cambriens d'évacuer la Northumbrie pour aller se mettre à couvert derrière leur barrière de la Saverne. Mais ce fleuve les protégea mal, et l'année suivante (636), ses rives virent une nouvelle victoire des Angles, une nouvelle défaite des Bretons, et le massacre du roi Judris qui les commandait (Note : Annales Cambriœ, A. 632 dans M. H. B., p. 832. Ces Annales, dont la chronologie avant le VIIIème siècle laisse beaucoup à désirer, mettent la bataille de Catscaul en 631. Cf. Annales de Tigernach, même page, note h).

Mais Oswald, en se rapprochant de la Saverne, envahit forcément la Mercie et réveilla le vieux Penda, qui, rentré dans l'inaction depuis la mort d'Edwin, avait laissé sans débat Cadwallon occuper le premier rôle. A la vue des haches northumbriennes insultant son territoire, il frémit, commença par immoler, sans doute sur l'autel d'Odin, ce prisonnier chrétien — Edfrid, fils d'Edwin — qui lui restait de la victoire d'Hethfeld ; puis renouant avec les Bretons son antique alliance, il unit ses forces aux leurs contre les Northumbriens. Il paraît que Cadwalar, fils de Cadwallon, s'était vu après son père reconnu pour chef de la confédération bretonne. Mais c'est à Penda que fut remise la direction suprême de la guerre. Cette nouvelle lutte, énergiquement soutenue de part et d'autre, dura encore six années. Elle finit par la défaite et la mort du roi Oswald, tué le 5 août 642, dans une grande bataille, où périt aussi le frère de Penda, Eoba [Note : Bède, Hist. III, 9 ; — Annal. Cambr. A 644 (date erronée) dans M. H. B., p. 832 ; Geneal. Sax. dans le Nennius de Stev. $ 65, et dans M. H. B., p. 76] . 

Ce combat se donna en un lieu appelé Cocboy par les Bretons, Maserfelth par les Anglo-Saxons, et qui est probablement le village actuel de Maserfield, dans le sud du comté de Lancastre, près du gros bourg de Winwick (Note : Un peu au nord de la ville de Warlington. Plusieurs auteurs mettent cette bataille à Oswestre, anciennement Oswaldtre, Crux Oswaldi, dans le Shropshire, au N.-0. de Shrewsburg ; mais il n'y a nulle preuve certaine qu'Oswestre se soit jamais appelé ou Maserfeld ou Cocboy), sur la frontière même qui séparait la Northumbrie de la Mercie. La place même de ce champ de bataille montre avec quelle énergie Oswald avait su se défendre contre les forces combinées de Penda et de Cadwalar. Aussi, malgré sa courte carrière, le vainqueur de Cadwallon doit être mis au rang des plus redoutables ennemis de la race bretonne. Notons toutefois, à son avantage, qu'il fut loin de la cruauté de ses prédécesseurs. Des Bretons même le reconnurent ; ils avaient nommé Ida l'Incendiaire, Ethelfrid le Ravageur, ils appelèrent Oswald Lamn-guen, c'est-à-dire l'Epée brillante (« Ipse est Oswald Lamnguin », Geneal. Sax., dans le Nennius de Stev., $ 64 ; dans M. H. B., p. 76 et note c). L'Eglise l'honore aujourd'hui sous le nom de saint Oswald. 

Après sa mort, tout comme après celle d'Edwin, mais cette fois pendant treize ans au lieu de deux (de 642 à 655). la Northumbrie demeura ouverte à tous les ravages de l'ennemi. Penda, toujours uni aux Bretons, ne cessa pendant tout ce temps de la dévaster d'une mer à l'autre et de l'Humber au Forth. Un jour (de 642 à 651) il assiégea Bebbanburh et faillit livrer aux flammes ce berceau de la dynastie northumbrienne (Bède, Hist. III, 16). Quelque temps après, il poussa plus loin encore, jusqu'à l'île de Judeu, aujourd'hui Inchkeith, au sein du golfe de Forth, où le roi northumbrien Oswi ou Oswin, frère et successeur d'Oswald, s'était caché avec ses trésors derrière les murs d'une grosse citadelle. Penda, débarqué dans l'île avec ses fidèles alliés, pressa tellement la forteresse, qu'Oswi, pour se tirer de leurs griffes, fut contraint de leur livrer toutes ses richesses, dont le roi mercien fit le partage entre tous les rois bretons, et de là ceux-ci appelèrent cette expédition Atbret Judeu, c'est-à-dire la Rançon de Judeu (Geneal. Sax. dans le Nennius de Stev., $ 64-65, dans M. H . B. p. 76 et notes g et h). 

Au lieu d'apaiser Penda et ses alliés, ce riche butin ne fit qu'exciter leurs passions et c'est en renouvelant de plus belle leurs dévastations qu'on les vit bientôt après redescendre vers le midi. Oswi, au lieu de combattre, offrit de nouveau des trésors à ses ennemis. Il en offrit, nous dit Bède, une quantité incroyable pour être délivré de Penda et de ses fâcheux acolytes. Mais ce roi cruel, ajoute Bède, avait juré de détruire jusqu'au dernier des Northumbriens : il refusa. C'est alors qu'Oswi, réduit aux extrémités du désespoir, résolut, quoique fort inférieur en nombre, de tenter encore une fois le sort des armes, Comme Oswald vingt ans plus tôt, il se rendit le ciel propice par des voeux et des prières, et comme lui il triompha. 

La bataille se livra au centre du pays de Déira, non loin de la ville actuelle de Leeds (Yorkshire), en un lieu nommé par les Bretons Gai-Camp ou la plaine de Gai (Gaii Campus), et que les Anglo-Saxons appelaient Winwidfeld , du nom du fleuve Winvaed — aujourd'hui l'Are (Note : Cette rivière passe à Leeds ; certains auteurs anglais l'appellent Aire et d'autres Broad Are. Winwid-feld et dans l'orthographe actuelle Winwidfield, c'est le champ feld ou field) de Winwid on Winvaed. Voir sur cette bataille Béde, Hist. III, 24 ; Geneal. Sax. dans le Nennius de Stev. $$ 64 et 65 dans M. H. B., p. 76 ; — Annal. Cambr. A, 656, 657 (dates erronées), dans M. H. B. p, 832 ; — Chron. Sax., A. 655) —   qui débornait vers Midi le théâtre du combat.

Penda, outre ses Merciens, avait sous ses ordres une grosse armée d'alliés, où l'on distinguait jusqu'à trente chefs honorés du titre de roi. De là vint la tradition, certainement hyperbolique, recueillie au siècle suivant par Bède, qu'Oswi avait eu en tête un ennemi trente fois plus nombreux. Tous ces alliés de Penda étaient des Bretons, sauf un corps venu d'Estanglie, commandé par Edilhère, frère du roi de ce pays. 

Hyperbole à part, Penda avait pour lui le nombre. Néanmoins il fut vaincu, probablement par surprise, peut-être par trahison ; car à lire toutes les chroniques, sa défaite semble un carnage plus qu'un combat. Une circonstance imprévue accrut ce désastre : les vaincus, dans leur déroute, trouvèrent le Winvaed débordé ; n'ayant que cette voie pour fuir, ils la tentèrent ; les eaux du fleuve achevèrent l'oeuvre des guerriers d'Oswi  et même il y eut, suivant Bède, bien plus de noyés que de tués. Tous les Bretons périrent, sauf un seul du pays de Gwéned, qui s'était échappé du camp avec sa troupe, dans la nuit qui précéda la bataille, d'où il rapporta le surnom honteux de Catguommed « Qui refuse le combat ». Penda se fit tuer bravement dans la mêlée ; quant à Cadwalar, il ne se trouvait pas alors avec Penda et ne mourut que neuf ans plus tard, en 664.

(M. Arthur de La Borderie - 1881)  

 © Copyright - Tous droits réservés.