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Lutte contre les successeurs de CERDIC

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Sommaire

I. Maëlgoun, roi des Bretons (545-550) ; — les Saxons, vainqueurs à Salisbury (en 552), se jettent sur la Cambrie, et sont vaincus dans le pays d'Ergyng (vers 553-554). 

II. Les Saxons attaquent le pays de Powys (vers 554-555) ; résistance de Kendelann, roi de Powys. 

III. Kendelann succombe (vers 554), mais son fils Keranmaël bat les Saxons (vers 555). 

IV. Bataille indécise de Banbury (556) ; — victoire des Anglo-Saxons à Bedford (571) ; — fondation du royaume d'Estanglie (571 ou 572). 

V. Nouveaux ravages des Saxons dans la Cambrie ; résistance des Bretons du Glamorgan (571-575). 

VI. Teudric, roi de Glamorgan, bat les Saxons à Tindern (vers 575). 

VII. Victoires des Saxons dans le comté de Glocester, à Durham (en 577), et à Frethern (en 584) ; — fondation du royaume de Mercie (585). 

VIII. Grande victoire des Bretons à Wodnesburg (591).

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Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

I. Maëlgoun, roi des Bretons (545-550) ; — les Saxons, vainqueurs à Salisbury (en 552), se jettent sur la Cambrie, et sont vaincus dans le pays d'Ergyng (vers 553-554). 

A peine la main puissante qui l'avait fondée fut-elle glacée par la mort, la grande confédération bretonne se brisa en deux tronçons. Il y eut la ligue des Bretons du Nord, de la Dee à la Clyde, et celle des Bretons du Sud, comprenant tout à la fois les tribus indigènes de la Cambrie et celles qui se maintenaient encore indépendantes au midi de la Saverne. 

Nous reviendrons plus loin, avec détail, aux Bretons du Nord. Quant à ceux du Sud, ils élurent pour chef suprême, en place d'Arthur, un prince appelé Maëlgoun, qui régnait sur la Vénédotie ou pays de Gwéned (Note : les Gallois écrivent Gwynedh, mais ils prononcent Guëned), répondant à la partie septentrionale du pays de Galles actuel. 

Maëlgoun n'avait pas le génie d'Arthur, mais il avait sa bravoure. Telle était d'ailleurs la détresse où le grand héros breton avait réduit les Saxons, surtout dans le sud de l'île, qu'ils ne pouvaient de sitôt reprendre l'avantage. Aussi Maëlgoun sut-il repousser victorieusement leurs attaques pendant tout son règne, qui d'ailleurs ne fut pas long ; car ce prince mourut vers 550, sous les coups d'une maladie épidémique, appelée la peste jaune, qui désola la Bretagne pendant sept ans, et dont les vieux chroniqueurs nous ont laissé une description effroyable, mais encore plus fantastique (Gildas, De excidio Brit., Epistola, $ 33 éd. St., et dans M. H. B. (éd. P.) p. 18 ; — Annales Cambriœ, A. 547 et Annales Tigernacences, A. 550, dans M. H. B. p. 831 et note b ; — Geneal. Saxon., à la fin de Nennius, Hist. Brit. $ 62 éd. St., et dans M. H. B. (éd. P.) p. 75 ; — Vita S. Teliavi dans le Liber Landavensis, p. 101). 

On ne connaît point le successeur de Maëlgoun. Peut-être même, après sa mort, la ligue des Bretons du Sud se brisa-t-elle, en ce sens du moins que les tribus de la Domnonée et du midi de la Saverne auraient séparé leur cause de celle des Cambriens. Ce qui me porterait à le croire, c'est que, en 552, Cynric, roi de Wessex, fils et héritier de Cerdic, remporta une grande victoire sur les Bretons à Searobyrig, aujourd'hui Salisbury (Chron. Sax., A 552 ; H. de Hunt. Liv. II, dans M. H. B., p. 713). Le lieu même de cette bataille prouve que l'invasion saxonne n'avait pas fait de ce côté un seul pas en avant depuis Cerdic : Salisbury touche Charford. 

Mais cette victoire ouvrit de nouveau le champ aux barbares, qui marchant immédiatement vers le nord-ouest, vinrent de nouveau attaquer les Bretons de la Cambrie. Le passage de la Saverne ne paraît pas leur avoir été disputé. Ils ravagèrent sans obstacle le pays de Gwent et pénétrèrent dans le petit royaume d'Ergyng (Note : Prononcez Guënt et Erghing), situé au nord du premier, et dont le territoire répond au doyenné d'Archenfield dans le sud-ouest du comté actuel d'Hereford. Là, les Bretons, commandés par Gourvodu, roi d'Ergyng, firent éprouver aux Saxons une sanglante défaite sur les rives de la Wye, gros affluent de la Saverne. Le clergé, cette fois encore, seconda énergiquement la résistance nationale, et le vainqueur, en récompense, donna à l'église de Landaff le domaine de Bolgros (aujourd'hui Preston, sur la rive droite de la Wye), qui devait être dans le voisinage du champ de bataille [« Sciendum est sane omnibus in dextera parte Britanniœ habitantibus quod Gurvodius, rex Ercycg, habita sibi victoria in die belli super Saxonicam gentem, et gratias agens Deo et precibus Ubelwi episcopi et clericorum illius, dedit sibi in elemosyna... agrum nomine Bolgros super ripam Guy, eminus Mochros, id est, mensuram trium unciarum ». Liber Landavensis, p. 152. L'éditeur Rees ajoute (p. 406) que la situation de Bolgros répond à celle de Preston, village situé sur la Wye (Guy) à 8 milles, ouest, d'Hereford]. 

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

 II. Les Saxons attaquent le pays de Powys (vers 554-555) ; résistance de Kendelann, roi de Powys. 

Ainsi repoussés, les Anglo-Saxons remontèrent vers le nord en suivant la rive droite de la Saverne, et vinrent attaquer la région centrale de la Cambrie appelée pays de Powys, dont le territoire répondait à celui des comtés actuels de Shropshire, Montgomeryshire et Raduorshire. Penguern, dite aujourd'hui Shrewsbury, en était la capitale ; Kendelann en était le roi. Malgré sa bravoure il fut vaincu. Les Saxons brûlèrent Penguern, et mirent ensuite le siège devant Trenn, forte citadelle située au confluent de la rivière de Trenn (aujourd'hui Tern) avec la Saverne, tout près de l'ancienne ville romaine d'Uriconium (aujourd'hui Wroxeter). Kendelann s'y était enfermé et s'y défendit longtemps ; mais enfin le nombre l'emporta, la forteresse fut prise, Kendelann tué. Toutefois, malgré leur triomphe, les Saxons se virent bientôt inquiétés. Keranmaël, fils de Kendelann, réorganisa la résistance, ramena ses compatriotes au combat et parvint à délivrer le pays de ses féroces envahisseurs (vers 554-555). 

Le barde Liwarch-Hen nous a conservé le souvenir de ces événements dans une longue élégie, par lui consacrée au souvenir de Kendelann, et dont on nous permettra de citer quelques fragments. « Levez-vous, jeunes filles, s'écrie le barde, et regardez le pays de Kendelann ! Le palais de Penguern n'est-il pas en feu?... Kendelann ! le sanglier t'a transpercé la tête, à toi qui prodiguais la cervoise de Trenn. — Kendelann ! ton coeur était un feu de broussailles du printemps, quand tu te conjurais avec les hommes de la langue commune, quand tu défendais Trenn, ville maintenant détruite. — Kendelann ! colonne éclatante de la commune patrie, tu portais le collier d'honneur ; tu étais le chef le plus obstiné dans le combat ; tu défendis Trenn, la cité de ton père ; ....... tu défendis Trenn tant qu'elle exista ! — Kendelann, coeur de limier ! Quand tu descendais dans la mêlée, tu entassais les cadavres. — Kendelann, cœur de faucon ! Tu étais en vérité un chef indomptable, ô enfant de Kendrouen l'obstiné. — Kendelann, coeur de sanglier ! Quand tu descendais le premier dans la mêlée du combat, de deux coups tu faisais des cadavres ! — Keudelann, tant que le coeur allait à toi, il était en grande fête ; il allait comme à l'attaque dans le combat ! — Kendelann, tu étais la pourpre de Powys, le refuge des exilés ; ah ! qu'il vive immortel le fils de Kendrouen que l'on pleure !..... Kendelann, fortifie-toi sur le rocher ; les Logriens (Note : Les Anglo-Saxons, qui occupaient la partie orientale de la Grande-Bretagne, appelée Logres ou Loegyr par les indigènes) vont y venir aujourd'hui; mais la crainte n'est point faite pour un homme. — Kendelann, fortifie-toi sur tes hauteurs : les Logriens vont y venir par Trenn ; mais un arbre ne fait pas une forêt ! » (Villemarqué, Bardes bretons, pp. 70-77). 

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

III. Kendelann succombe (vers 554), mais son fils Keranmaël bat les Saxons (vers 555). 

Les envahisseurs arrivent en effet ; la catastrophe approche, les présages sinistres s'accumulent. « L'aigle de Penguern, au bec gris, pousse ses gémissements les plus perçants, avide de la chair de Kendelann.... — L'aigle de Penguern a appelé au loin cette nuit ; on le voit dans le sang des hommes. Trenn est trop bien nommée la cité déserte ! Trenn est trop bien nommée la cité incendiée ! » (Villemarqué, Bardes bretons, pp. 84-87).

Trenn ne tombera point pourtant sans coûter cher aux Saxons : « J'ai vu, dit Liwarch, j'ai vu sur le sol du champ de bataille de Togoui des guerriers aux prises, et j'ai entendu de grands cris : Kendelann était leur soutien » (Villemarqué, Bardes bretons, pp. 112-113). 

Mais le succès ne couronne pas cette énergique résistance. Voici Hélez, soeur de Kendelann, que le barde évoque dans ses vers. Elle gémit, elle se lamente, elle s'écrie : « Ils ont tous été tués en une fois, mes frères, Kénan, Kendelann, Kenvrez, en défendant Treun, la cité déserte !.... La très-merveilleuse forteresse, couchée sur le sol, n'est plus ! Pour nous désormais plus d'autre refuge que l'asile des bois épais, où le sanglier affamé déterre des racines sauvages. Mais (ajoute Hélez) la violence du brouillard se dissipera comme une fumée ; ils marcheront de nouveau, les guerriers, à la défense commune : dans la prairie se prépare un combat terrible » (Villemarqué, Bardes bretons, pp. 100-101 et 104-105). 

C'est que, malgré la mort de Kendelann, les Bretons ne se sont pas découragés. Au sein des bois leur dernière retraite, ils ont construit une nouvelle place forte, que la couleur de ses murs a fait baptiser du nom de Trev-Guenn ou Ville-Blanche. De cet asile ils s'élancent à chaque minute pour harceler les envahisseurs. 

« La Ville-Blanche, au sein des bois, depuis qu'on l'élevait, toujours a vu du sang sur ses herbes. — La Ville-Blanche, depuis le temps qu'on l'élevait, a vu sa verte enceinte dans le sang sous le pied de ses guerriers. — La Ville-Blanche de la vallée serait joyeuse à la suite d'un heureux combat ; mais ses habitants sont-ils revenus ?. — La Ville-Blanche, entre Trenn et Trodouez était plus habituée à voir le bouclier brisé revenant du combat que le boeuf au repos. — La Ville-Blanche, entre Trenn et Traval, était plus habituée à voir du sang sur ses herbes que ses jachères labourées » (Villemarqué, Bardes bretons, pp. 88-91). 

Cette résistance opiniâtre, organisée par Keranmaël, fils de Kendelann, mérita à la Ville-Blanche le surnom de Cité des Forts, et finit par triompher de la férocité saxonne. Liwarch nous l'apprend lui-même dans les vers suivants : « J'ai entendu le bruit du combat livré dans la prairie. Elle n'a point été opprimée par le bouclier la cité des Forts (dinas ë Kedern) : Keranmaël est le plus brave des hommes ! — Keranmaël, bonheur à toi ! Qu'il soit doux ton repos après le combat ! La balafre sied bien à la joue de celui qui a combattu. — Au combat elle était rapide la main généreuse du fils de Kendelann, la glorieuse main du dernier rejeton de Kendrouen, la main de Keranmaël — Keranmaël, à l'attaque rapide, le fils de Kendelann à la main glorieuse ! Ses coups n'étaient pas ceux d'un vieillard. — Lorsque Keranmaël avait revêtu l'habit de combat de Kendelann et qu'il brandissait sa lance de frêne, le Saxon (Note : Le texte breton porte Frank, le Franc, nom générique des guerriers de race germanique. Ibid., pp. 104-107) n'en obtenait point de quartier ! »

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

IV. Bataille indécise de Banbury (556) ; — victoire des Anglo-Saxons à Bedford (571) ; — fondation du royaume d'Estanglie (571 ou 572). 

Les Saxons, déconcertés par cette force de résistance que les indigènes semblaient puiser dans leurs défaites mêmes, reculèrent vers le sud. Les Bretons les suivirent dans leur retraite, et, en 556, une grande bataille se livra à Beranbyrig aujourd'hui Banburye, petite ville de l'Oxfordshire. L'armée bretonne montra en cette circonstance une habileté stratégique qui lui faisait trop souvent défaut. On rapporte qu'elle se partagea en trois corps — avant-garde, corps de bataille et réserve composés chacun de trois escadrons et protégés sur leurs ailes par des troupes d'archers, de gens de trait et de cavaliers, disposés selon la méthode romaine. Quant aux saxons, ils ne formaient qu'une seule masse, en tête de laquelle marchaient leurs chefs, Cynric, roi de Wessex, et Céaulin son fils. Cette masse se rua avec furie sur les lignes bretonnes. La mêlée devint générale et les Saxons firent appel à leurs formidables glaives. Mais la bonne ordonnance des Bretons leur permit de résister avec avantage. La bataille dura tout le jour, et quand la nuit vint enfin séparer les deux armées, la victoire était encore indécise (Chron. Sax., A. 556 ; - H. de Hunt, liv. II, dans M. H. B. p. 713). 

Mais les Saxons sentirent bien qu'une telle issue était pour eux un échec. Quand on n'a pour droit que la force, quand on attente violemment à l'existence d'une nation, quand on se pose en conquérant, il faut vaincre, et même vaincre avec éclat ; sans quoi le prestige s'évanouit, le peuple opprimé se relève, et le vainqueur ne tarde pas d'être vaincu. Les Saxons, pour éviter cette fortune, rentrèrent dans le territoire conquis par Cerdic, et y restèrent tranquilles pendant une quinzaine d'années sans inquiéter les Bretons.

Ceux-ci, en repos de ce côté, tournèrent tous leurs efforts coutre les Angles de Mercie. On ignore le détail de la lutte ; mais le résultat fut tel que, pour échapper à la destruction, les Angles durent implorer le secours des Saxons de Wessex. Céaulin, roi de ce pays depuis la mort de Cynric en 560, leur expédia une armée conduite par son frère Cutha (Note : On l'appelle aussi Cuthwin et Cuthwulf). Les forces combinées des Angles et des Saxons rencontrèrent les Bretons à Bedicanford, qui est la ville actuelle de Bedford. Par la situation de ce lieu, l'on peut juger combien les envahisseurs se trouvaient alors encore refoulés vers l'est. Les Bretons acceptèrent bravement le combat, mais ils furent vaincus, et leur armée dispersée laissa le vainqueur occuper en maître tout un vaste territoire, dont l'étendue est marquée par les quatre villes de Lygeanburh, AEgelesbury, Bennington et Egonesham, qui tombèrent immédiatement après cette victoire aux mains des Anglo-Saxons [Chron. Sax., A. 571. — Ces quatre villes sont aujourd'hui Leighton dans le Bedforshire, Ailesbury (Buckingamshire), Bensington et Enesham (Oxfordshire). Cf. H. de Hunt, liv. II, dans H. H. B., p. 714]. 

Cette grande victoire affermit définitivement l'établissement des Angles sur la côte orientale de la Bretagne, où ils fondèrent en ce temps le royaume d'Estanglie (Note : Répondant aux comtés actuels de Norfolk, Suffolk et Cambridge – Voyez H. de Hunt, liv. II dans M. H. B., p. 714), dont Uffa fut le premier roi. 

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

V. Nouveaux ravages des Saxons dans la Cambrie ; résistance des Bretons du Glamorgan (571-575). 

Quant aux Saxons, se retournant vers l'ouest, ils se jetèrent plus furieux que jamais sur la Cambrie, dont ils ravagèrent horriblement les frontières, surtout les pays d'Ergyng, de Gwent, et même une partie du Glamorgan (Lib. Landav., p. 126). Le roi de Glamorgan, Mouric, le plus puissant des petits chefs qui régnaient sur ces contrées, essaya d'organiser la résistance. Ses efforts n'aboutirent qu'à des défaites, et il dut laisser le champ libre aux courses des Saxons qui, après de cruels ravages, rentrèrent un moment chez eux, mettre leur butin en sûreté, mais pour reparaître bientôt en plus grand nombre. 

Déjà ils avaient franchi la Saverne, ils étaient presque rendus aux bords de la Wye, grosse rivière qui forme de ce côté la seconde défense de la Cambrie et couvre immédiatement le pays de Gwent (Note : La Wye sépare aujourd'hui le Monmouthshire du Glocestershire). Cette nouvelle incursion s'annonçait comme plus terrible encore que la précédente ; on craignait même qu'elle n'eût pour résultat, d'une part la spoliation complète des indigènes, de l'autre l'établissement définitif des Saxons dans ces parages. Aussi Mouric avait fait un dernier effort, et à la tête d'une nouvelle armée il marchait de son côté vers la Wye, pour en disputer le passage aux envahisseurs. Mais ce n'est pas à lui que Dieu gardait la victoire. 

Sur les bords même de la Wye, parmi des rochers sauvages et solitaires, vivait le vieux roi Teudric, père de Mouric, qui, quelques années plus tôt ayant remis sa couronne à son fils, était venu en ce désert se préparer à la mort par toutes les austérités de la pénitence. Ce Teudric avait le renom d'invincible, et il paraît en effet que, dans tous les combats livrés par lui pendant la durée de son règne, il était toujours resté vainqueur, si bien qu'à la fin ses ennemis, attérés par sa constante fortune, avaient pris le parti de fuir sitôt qu'ils venaient à le reconnaître. Or, comme Mouric s'approchait de la Wye avec ses troupes, ce cliquetis belliqueux d'une armée en marche, roulant d'écho en écho par les campagnes, vint troubler la pénitence de l'ermite-roi. Sous le cilice du pénitent le sang du héros frémit. La nuit suivante, pendant son sommeil, il crut voir paraître un ange qui lui dit : « Demain tu iras prêter aide au peuple de Dieu contre les ennemis du Christ, et refouler les barbares jusqu'à Poull Brochwail. Pour cela il te suffira de rester sur le champ de bataille en costume de guerre : dès que les Saxons verront ton visage, qui ne leur est que trop connu, ils s'enfuiront, selon leur usage, et n'oseront d'ici trente ans revenir attaquer le royaume de ton fils. Ainsi tes compatriotes goûteront trente années d'une paix profonde. Quant à toi, tu seras blessé au gué de Tindern pendant la bataille, et tu mourras tranquillement trois jours après » (Liber Landavensis, pp. 133-134). 

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

VI. Teudric, roi de Glamorgan, bat les Saxons à Tindern (vers 575). 

Teudric s'en fut donc, la joie au coeur, dès le lendemain matin, rejoindre l'armée de Mouric, qui alla précisément se poster sur la rive droite de la Wye en face du gué de Tindern [Note : Tindern ou Tintern est un village à 4 milles 1/2 (anglais) au nord de Chepstow (Monmouthshire) où l'on voit encore les ruines d'une célèbre abbaye. Voir Liber Landavensis, p. 383], par où les Saxons devaient venir tenter le passage du fleuve. — Ceux-ci arrivent en effet, et traversant la rivière, tombent sur les Bretons avec l'audacieuse confiance de gens qui tiennent pour certaine l'infériorité de leurs ennemis. Mais tout à coup, en tête de l'armée bretonne apparaît le vieux roi, armé de toutes pièces, monté sur son cheval de guerre, et dardant sur les Saxons ce regard héroïque, dont l'éclair tant de fois déjà les a foudroyés. Cette apparition inattendue produit un effet plus prompt encore que de coutume, et ces grands vainqueurs, saisis de panique, tournent le dos. Mouric à son tour se jette sur eux, les poursuit, les taille en pièces, et revient chargé de butin. A son retour, il trouve son père baigné de son sang. Un Saxon, tout en fuyant, avait lancé son javelot sur les rangs de l'armée bretonne, et le trait s'était enfoncé dans le flanc de Teudric. Mais le héros n'eût pas donné sa blessure pour toutes les richesses enlevées aux Saxons. La mort, à ce vieux chrétien semblait une délivrance ; il l'attendait, la désirait depuis longtemps, et par comble de bonheur, il avait la joie de tomber pour le salut de son pays. Il mourut effectivement trois jours plus tard, dans une grande prairie où il s'était fait porter, située à deux lieues du champ de bataille, au confluent de la Saverne et de la Wye, là où s'élève aujourd'hui le village de Mathern (Note : J'ai tiré tout cet épisode presque textuellement des vieilles chartes de l'église de Landaff ; voir Liber Landavensis pp. 133-134. — Mathern est à une très-petite distance et à l'ouest de Chepstow, Monmouthshire. Cf. Liv. Landav., p. 384). 

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

VII. Victoires des Saxons dans le comté de Glocester, à Durham (en 577), et à Frethern (en 584) ; — fondation du royaume de Mercie (585). 

Cette victoire de Tindern, remportée environ l'an 575, rendit courage aux Bretons. La confédération cambrienne resserra ses liens trop détendus, et pour éviter de nouvelles insultes à son territoire, elle porta résolument le théâtre de la guerre sur la rive gauche de la Saverne. En 577, une grande armée bretonne livra bataille aux Saxons à Deorham, qui est aujourd'hui Durham, bourgade du Glocestershire, à l'extrémité sud de ce comté, vers le point où la limite rencontre à la fois celle du Wiltshire et celle du Somersetshire. L'armée saxonne, fort nombreuse aussi, était commandée par Céaulin, roi de Wessex, et son frère Cutha. Les Bretons furent battus ; trois de leurs rois, — Conmaël, Condidan, Farinmaël, — restèrent sur le champ de bataille, et trois de leurs places les plus importantes — Glocester, Cirencester et Bath — tombèrent en la possession des vainqueurs (Chron. Sax., A 577 ; H. de Hunt, Liv. II dans M. H. B., p. 714). 

Les Bretons ne se découragèrent pas ; ils mirent promptement sur pied une nouvelle armée ; et sept ans plus tard nous les voyons, dans le même comté de Glocester, mais plus au nord et tout contre la Saverne, livrer de nouveau à Cutha et à Céaulin une grande bataille, en un lieu appelé Fethanleag, ou Frethenleag, qui est aujourd'hui le village de Frethern. Cette affaire fut des plus sanglantes. Les Bretons se battirent avec un acharnement extraordinaire ; ils parvinrent à tuer Cutha et tailler en pièces son corps d'armée. Mais Céaulin rétablit le combat et finit par mettre ses ennemis en pleine déroute (H. de Hunt., ibid). Il prit quantité de villes et de butin, dévasta même de nouveau les frontières de la Cambrie du côté d'Ergyng (Chron. Sax., A 584 ; - H. de Hunt., ibid). Toutefois après tant de succès, on le vit enfin rentrer dans son ancien territoire, ne se croyant pas assez fort pour conserver ses nouvelles conquêtes. 

Il est vrai que, peu de temps après cette bataille de Frethern, et par une conséquence naturelle de la défaite des Bretons, les Angles qui occupaient déjà depuis longtemps, mais non pas sans résistance, un grand nombre de cantons de la région centrale de l'île entre la Tamise et l'Humber, crurent désormais leur établissement assez solide pour décerner à leur chef le titre royal ; et ainsi commença, en 584 ou 585, le royaume anglais de Mercie , dont Crida fut le premier roi (Lib. Landav., pp. 182-183). 

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

VIII. Grande victoire des Bretons à Wodnesburg (591).

Cependant, malgré tant de revers, l'énergie des indigènes était loin d'être brisée. Ils se relevaient au contraire après chaque défaite, plus résolus que jamais à soutenir leur résistance jusqu'au bout. Il semble qu'après la journée de Frethern les Bretons de la Cambrie et ceux de la Domnonée aient renoué plus solidement le lien de leur confédération patriotique, ce qui les mit en état de reprendre la lutte assez promptement. 

En 591, ils envahirent à leur tour le territoire de Wessex et vinrent livrer bataille au roi Céaulin en un lieu que les Saxons avaient nommé Wodnesbeorge, et qui est maintenant Wodnesburg dans le Wiltshire. Les Bretons avaient à leur tête des chefs habiles, qui retenaient encore quelques principes de la stratégie romaine et s'efforçaient d'en user pour contenir, diriger, sauver de ses propres excès, la fougue indisciplinée de leurs compatriotes. Les Saxons, tout au contraire, devenus présomptueux, imprévoyants, par l'habitude même de la victoire, chargèrent les Bretons avec l'audace qui leur était habituelle, mais sans aucun ordre. Les Bretons, que leur excellente ordonnance mettait à lieu de profiter de toutes les fautes de leurs ennemis, ne laissèrent point échapper une telle occasion et tirent des Anglo-Saxons un carnage horrible. L'armée de Céaulin resta presque tout entière sur le champ de bataille ; et ce désastre amena même, peu de temps après, l'expulsion de ce roi, que ses sujets remplacèrent par Céobric (Chron. Sax., A 591 ; H. de Hunt., ibid). 

La victoire de Wodnesburg mil pour longtemps les Bretons à l'abri des attaques des Saxons de Wessex. Quand la Cambrie fut menacée de nouveau, le péril lui vint du nord. C'est du nord que nous allons nous occuper.

(M. Arthur de La Borderie - 1881)  

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