Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Paul-Gédéon RABEC, prêtre mis à mort en 1796 par les colonnes mobiles
dans le territoire du diocèse actuel de Saint-Brieuc.

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Mégrit"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

352. — Paul-Gédéon Rabec, né à Cerisy-la-Salle, diocèse de Coutances, le 21 mars 1738, du mariage de Pierre et de Catherine Cardin, fut baptisé le même jour dans l’église de sa paroisse. M. Rabec, qui appartenait à une famille considérée et dont l’un des oncles se trouvait directeur général de la Compagnie des Indes, fut envoyé faire ses études au collège de Sainte-Barbe, à Paris.

Suivant l’usage à cette époque, lorsqu’il s’agissait de sujets nantis de puissantes recommandations, dès le 21 juin 1758, et bien qu’il ne fût encore que clerc tonsuré, mais sur la présentation de M. le vicomte de Plédran, le jeune Rabec fut pourvu de la chapellenie de la Ville-Gaudu, canonicat de Saint-Guillaume en Saint-Brieuc, vacant par la démission de M. de la Noüe. (Arch. des C.-du-N., série G, Reg. d’insinuations de l’évêché de Saint-Brieuc).

Quatre ans plus tard, le 1er septembre 1762, Mgr de Coutances, son propre évêque, accordait au jeune chanoine un dimissoire pour recevoir la prêtrise à Paris. M. Rabec continuait en effet de résider dans la capitale, où il préparait ses grades en théologie. C’est dans cette ville, où il habitait rue des Fossés-Montmartre, paroisse Saint-Eustache, qu’il fut encore pourvu le 12 décembre 1765 d’une chapellenie sise en Langueux, sur la présentation de Robert de la Granville. Il fit prendre possession de celle-ci par procureur, le 28 décembre suivant, et nous trouvons son nom figurant à cette époque et les années suivantes, parmi les membres de la Société d'Agriculture de Bretagne. Sur les entrefaites, M. Rabec fut nommé curé de Neufmoutiers, à 5 kilomètres de Meaux. Il résigna cette cure le 1er juin 1768, et, peu après, son canonicat de Saint-Guillaume : de plus hautes destinées l’attendaient. Le 27 juillet 1768, cet ecclésiastique, qualifié licencié en théologie, obtint en effet la dignité d’archidiacre ainsi que celle de chanoine théologal de la cathédrale de Dol, dont il prit possession le 30 juillet suivant. Il conserva ces fonctions jusqu’au 21 janvier 1772, date à laquelle, le climat de Dol assez malsain à cette époque, ne convenant pas à sa santé, il permuta ses bénéfices avec M. Michel Toumin des Vauxponts, pour s’en aller occuper à son lieu et place la cure d’Aron, dans le canton actuel de Mayenne. Il en prit possession le 23 juillet 1772.

D’après le Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, publié par l’abbé Angot, III, p. 337, l’évêché du Mans nota M. Rabec « comme bon curé, zélé, charitable, mais de mauvaise santé ». Ces notes concordent du reste assez bien avec ce que ses plus anciens biographes écrivent à son sujet : ils assurent en effet « qu’il se fit remarquer dans son administration pastorale par ses libéralités excessives envers les pauvres, si bien que s’étant grevé de lourdes dettes, ce prêtre, afin de pouvoir les acquitter, dut résigner sa cure », qu’il quitta le 28 mai 1782, en se réservant toutefois une pension de 700 livres sur ses revenus. Grâce à la générosité d’un de ses oncles, M. Jacques Rabec, seigneur du Val en Planguenoual et directeur général de la Compagnie des Indes, l’abbé Rabec put cependant se libérer promptement de ses obligations, et s’en vint vers 1785 habiter la propriété du Val-Martel, en Mégrit, mise à sa disposition par un parent.

353. — Lors de la Révolution, M. Rabec se garda bien de prêter serment, obligation du reste à laquelle la loi, primitivement du moins, ne l’obligeait pas ; mais bien plus, d’après le Dictionnaire d'Angot précité « il revient exprès dans le pays de Mayenne pour y travailler contre les fauteurs du serment constitutionnel ». Selon l’abbé Carron, il ne borna pas là ses efforts et parcourut aussi le pays de Dol dont il avait été archidiacre, pour maintenir les ecclésiastiques de cette région dans les bons principes. Et comme l’un de ses amis l’engageait à se modérer, afin d’éviter « la lanterne » : « Ah ! répliqua-t-il, je ne crains pas cela, voilà mon cou, il est prêt à couper. Mourons s'il le faut ; mais mourons enfants soumis de l'Eglise, fidèles à notre Dieu. Vive notre sainte religion ! ».

Aussi préféra-t-il perdre sa pension de 700 livres plutôt que de prêter le serment de Liberté-Egalité décrété les 14 et 15 août 1792.

Atteint par l'arrêté du Directoire des Côtes-du-Nord du 1er décembre suivant, qui prescrivait, soit la déportation, soit l'entrée à la maison de réunion de Saint-Brieuc de tous les prêtres insermentés. M. Rabec, à cause de sa mauvaise santé, se décida pour ce dernier parti. Il fit donc viser pour s’y rendre le 12 de ce même mois un passeport par les autorités de Broons, sur lequel nous relevons son signalement, que voici : « taille 5 pieds et demi, cheveux et sourcils noirs, nez aquilin, grande bouche, teint jaune ». Le Directoire des Côtes-du-Nord, après avoir quelque peu hésité, décida le 15 décembre « que le genre de maladie dont le sieur Rabec est attaqué, donnant lieu de craindre pour sa vie durant la traversée, il est autorisé à s’enfermer à la maison de réunion de Saint-Brieuc » (Arch. C.-du-N., registre L 161, f. 134).

Transféré de la maison des Filles-de-la-Croix aux Carmélites de Guingamp, aux environs du 20 octobre 1793, M. Rabec ne fut rendu à la liberté que le 3 avril 1795, après avoir subi 27 mois et 18 jours de captivité pour la cause de la Religion.

354. — A son retour chez lui, ce prêtre trouva ses biens mis sous séquestre et sa maison au pillage. « On lui avait, écrit-il, enlevé ses meubles, dont une partie avait été vendue le 21 décembre 1794, son linge, sa pouaïlerie, ses tonneaux, ses ornements d’église ». Bref, il se trouvait absolument sans ressources le 13 juin 1795, faisait-il savoir aux administrateurs du département des Côtes-du-Nord, en priant ceux-ci de bien vouloir lever le séquestre de ses propriétés. Le 3 octobre suivant, des dispositions favorables venant d’être prises par la loi, il insistait encore pour la restitution de son mobilier. Il ne semble pas que ses requêtes aient obtenu grand succès. En tout cas, après ses biens, on ne devait pas tarder à lui ravir même la vie.

Bien que M. Rabec ne se mêlât point de politique, et que la déclaration qu’il signa le 9 juin 1795 et dont on a donné le texte ailleurs, prouve qu’il cherchait avant tout l'intérêt de la Religion, les fonctions du culte qu’exerçait ce prêtre dans la paroisse de Mégrit, avaient excité la haine des révolutionnaires broonais. C’est en vain que les amis de cet ecclésiastique l’avaient conjuré de chercher asile à Dinan après le terrible décret du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), qui remettait en vigueur toutes les lois de sang contre les prêtres réfractaires, il leur répondit, rapporte l'abbé Carron « que son devoir était de se sacrifier pour le salut des âmes ».

355. — Le 28 février 1796, une colonne mobile partie de Broons se présentait au domicile de M. Rabec au Val-Martel, au moment où ce prêtre achevait de célébrer sa messe. « Voilà donc le moment où je vais paraître devant vous, ô mon Dieu ! » s’écria-t-il à leur vue. Voici abrégé le récit très circonstancié que nous ont conservé de son trépas Carron et Guillon, d’après des témoignages contemporains :

« Après avoir fait manger et boire ses assassins, ceux-ci l’entraînèrent dans l’allée de son manoir, en le lardant de coups de baïonnettes, dont on compta après sa mort jusqu’à quatorze blessures sur son cadavre. En lui assénant ces coups si cruels, ses bourreaux lui disaient : « Offre encore cela à ton bon Dieu ». Mais pour toute réponse il s’écriait : « Seigneur, pardonnez-leur et faites-moi miséricorde ! ». Puis, comme on se disposait à le fusiller, le martyr ajouta : « Soldats qui devez me fusiller, venez m'embrasser, je vous pardonne ma mort ». Emu par tant de grandeur d’âme, un de ces soldats refusa de concourir à son exécution, mais les autres le tirèrent à bout portant ; puis, ayant complètement dépouillé leur victime et emporté ses vêtements, ils abandonnèrent son cadavre, qui fut inhumé le jour même par Marie Le Hoday, sa servante et ses fermiers dans le cimetière de Mégrit. Une croix indique encore dans cette paroisse le lieu de son trépas ».

Voici reproduit textuellement tout ce que les registres de l’état civil de Mégrit ont conservé de la mort de ce bon prêtre : « Polle Gédéon de Rabec, cy devant prestre, décédé au Valle-Martel, le vingt huite de feuvrier, vieux style, a été ynumé le même jour, ager danvironts cinquante huit ans en présence de Jan Lemetayer et de Jan Simon et autre qui ne signe » (sic). Signé : Jan Simon ; Jan Métayer ; François Hervelin, officier public.

356. — Chose bien rare dans nos diocèses, on a conservé pieusement dans le cimetière de Mégrit la tombe de M. Rabec. Elle se trouve dans le coin formé par la sacristie et le chevet de l’église, « côté midi ». Une dalle funéraire très vétuste, d’environ 2 mètres de long sur 0 m. 60 de large, recouvre les restes du martyr. On peut y lire encore ces mots : « Cy-Git Mr Paul Rabbec, prêtre théologal, né le 21 mars 1738, mort 28 Fr 1796 » ; au-dessus un calice est gravé dans la pierre. A une époque plus récente, en tout cas postérieure à 1869, on a exhaussé cette pierre tombale au moyen de quatre piliers en granit et l’on a placé à sa tête une croix, aussi en granit, portant gravée cette inscription : « A la mémoire de l'abbé de Rabec, décédé au Val-Martel en Mégrit (C.-du-N.), le 28 février 1796 (9 ventôse an IV). Martyr de la Foi ».

357. — Malgré l’absence des pièces officielles contemporaines signalant la mort violente de M. Rabec et les circonstances dramatiques dans lesquelles elle se produisit, absence toute naturelle, les assassins ne tenant pas à nous instruire de leurs crimes, nous croyons qu’il est impossible d’en révoquer l’authenticité. Marie Le Hoday, la fidèle servante de M. Rabec, que nous voyons s’en aller à Saint-Brieuc, au cours du mois d’octobre 1793, porter des secours à son maître emprisonné (Arch. C.-du-N., L m 5, 73), survécut de longues années à celui qu’elle avait entouré de tant de dévouement. Elle avait été témoin de son trépas, les assassins la forcèrent de s’agenouiller près des restes de son maître pour recevoir le coup de la mort. C’est elle qui a renseigné l’abbé Carron ainsi que l’abbé Guillon, les premiers historiographes du confesseur de la Foi. Rédigées seulement 24 ans après son trépas par des personnes dignes de foi, leurs relations présentent tous les caractères d'authenticité désirables et l’on ne peut qu’engager à se reporter spécialement à celle de M. Carron, qui contient une foule de détails édifiants que nous laissons aux témoins le soin de rapporter.

Dix ans après ces auteurs, Perrin, dans ses Martyrs du Maine, édités en 1830, inscrit M. Rabec en sa qualité d’ancien curé d’Aron sur son martyrologe. En 1859, Ropartz lui accordait une place, comme ayant succombé pour la Foi, dans ses Récits bretons. Enfin, les auteurs des Conférences ecclésiastiques imprimées en 1894 par les soins de l’évêché de Saint-Brieuc, n’ont pas manqué de consigner dans leurs pages le récit de la mort de M. Rabec, établissant ainsi jusqu’à nos jours la continuité de la croyance au martyre de cet admirable prêtre. Plusieurs familles existent encore, qui se font gloire d’avoir des liens de parenté avec M. Rabec et croient à son martyre. Dans l’une d’elles, on conserve pieusement son portrait. A Mégrit même, on n’a pas perdu le souvenir qu’un prêtre a péri pour la Foi aux environs du bourg de cette localité.

BIBLIOGRAPHIE. — Carron, Les Confesseurs de la Foi, op. cit., IV, p. 7 à 15. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, op. cit., IV, p. 394-398. — Théodore Perrin, Les Martyrs du Maine, in-12. Le Mans, 1830. p. 211-213. — Tresvaux, Histoire de la Persécution Révolutionnaire, op. cit., II, p 213-217. — Ropartz, Récits Bretons, Saint-Brieuc, in-16, 1859. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, op. cit., p. 146 à 154.

(Archives des Côtes-du-Nord, séries G, L et Q).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

© Copyright - Tous droits réservés.