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Le Mont Saint-Michel a-t-il été en Bretagne ?

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Durant de longs siècles, le Couesnon, dans son cours inférieur, a servi de limite à la Bretagne et à la Normandie. Si le Mont Saint-Michel se fut trouvé sur la rive gauche de ce petit fleuve, au lieu de se dresser à sa droite, il eut été en Bretagne ; mais, un changement dans le cours du Couesnon (dont l’endiguement est de date récente), à bien pu se produire et, par suite, donner naissance à ce dicton si connu vraisemblablement d’origine bretonne : "Le Couesnon, - par sa folie, - A mis le Mont - En Normandie". Dicton d’une forme un peu trop savante pour être de source populaire, variante légère de ce distique, formulé on ne sait par qui en langue quasi romane : "Le Couesnon a faict folye : - Sy est le Mont en Normandye".

Mais il est certain que la baie du Mont Saint-Michel, limitée par le cap de Granville (Cap Lihou) et la pointe de Cancale est plus bretonne que normande par l'étendue de ses côtes, la nature de ses falaises et sa configuration générale.

Les Normands eux-mêmes, si fiers de posséder sur leur terre-marine (le mot est de Wace), la huitième Merveille du Monde, ont reconnu, de vieille date, que la baie quelle domine appartient plus à la Bretagne qu’à leur propre province. Un article du curieux Registre de Thorigny appelle Baie de Bretagne la Baie du Mont Saint-Michel. On lit, en effet, à l'article où sont déterminés les droits sur le sel : « Valor proveniens de incremento et lucro salis grossi de la Bay de Bretagne » [Note : Cf. Journal des Savants de Normandie, n° 1. Le registre de Thorigny, on le voit par cette citation, est écrit en langue hybride].

Il nous paraît certain que, pendant quelques mois (deux textes incontestables nous permettront de préciser les dates,) le Mont Saint Michel se trouva sur le territoire de la Bretagne, le Couesnon ayant changé de cours.

Nous savons, tout d’abord, par les historiens de la célèbre abbaye que vers le mois de mai 1420, Jean d'Harcourt, comte d'Aumale, fut nommé capitaine du Mont et que les Anglais, l'année précédente (1419 par conséquent) avaient fortifié le rocher de Tombelaine, « à la faveur du fleuve de Couesnon, lequel changea durant plusieurs mois, son cours ordinaire ; passant au dessus de ce Mont allant joindre les fleuves de Scée et de Seleune [Note : La Sée est un fleuve côtier normand qui se jette dans la baie du Mont-Saint-Michel, rejoignant dans cette dernière la Sélune, autre fleuve du sud du département de la Manche] et, par après, passant ensemble entre ce Mont et le roc de Tombelaine tellement que ce grand cours d’eau empêchoit ceux du Mont d’aller donner l’assault à ceux qui à leur veue se fortifiaient pour les bastre, ainsi qu’ils s’efforcèrent de le faire, la rivière de Couesnon ayant repris son cours ordinaire ». [Note : D. Huysne ; ms. de la Bibliothéque d’Avranche : Voir aussi E. de Beaurepaire. Hist. G de l’Abbaye du M S. M. Tome II, p. 105].

Un autre texte celui du chroniqueur D. Le Roy confirme le fait : « L’an 1419, les Anglois estant les maistres presque par toutte la province de Normandie, vinrent se camper sur le rocher de Tombelaine et le fortifièrent très-fortement, y faisant les bastiment et la forteresse et les tours que nous y voyons encore, ce jourd’hui ; à cette fin que, de là, ils vinsent plus facilement attaquer le Mont St-Michel, ayant un lieu de refuge. Ce que ceux de dict Mont ne purent jamais empescher, à cause que le fleuve du Couesnon, ayant, l’espace de plusieurs mois, changé son cours ordinaire, passant au-dessus de ce Mont, allant joindre les fleuves de Genêts (Seloune et Sée) et, par après, passant ensemble entre ce Mont Saint-Michel et le roc de Tombelaine, tellement que ces rivières ainsy unies empechoient la garnison et les soldats de ce Mont d’aller donner l’assault à ceux qui à leur veûe se fortifiaient pour après aller les battre » [Note : Thomas Le Roy : ms. de Cherbourg et ms. de Caen. Voir aussi l’édition des Curieuses Recherches de D. L. R. par E. de Beaurepaire. Consulter également d’Argentré. Histoire de Bretagne, II, 26].

Bien que presque toutes les marées modifient dans leurs cours inférieurs, c’est-à-dire en pleines grèves, le lit des rivières de la baie de Mont, il n’est pas téméraire d’affirmer que le changement si considérable signalé par D. Huysne et D. Le Roy, se produisit à une marée d’équinoxe c’est-à-dire, aux mois de Mars ou de Septembre quand le courant, creusant de nouveaux lits, atteint son maximum d’intensité. C’est donc soit en Mars, soit en Septembre de l’année 1419 que le Mont Saint-Michel devint, pour quelques mois, accidentellement breton.

Naturellement, les auteurs ne sont pas d’accord sur la question. Desroches et Pigeon affirment que le Mont n’a jamais été en Bretagne. Girard prétend tout le contraire. Quant aux cartes diverses depuis la Tabula Topographica Antiqua jusqu’à celle de Manet, elles constituent des graphiques de fantaisie, dressés par leurs auteurs au gré de leurs désirs, pour la confirmation de leurs propres hypothèses. Ils ont voulu se créer des titres à eux-mêmes. [Note : Signalons que la Tapissserie de Bayeux, sous les légendes « Et hic transierunt flumen Cosnonis et hic Haroldus dux trahebat eos de arena » montre que l’armée de Guillaune passa, lors de l’expédition contre Conan, au nord-ouest du M. S. M. ].

M. de Chevremont dans son ouvrage beaucoup moins abondant mais infiniment plus scientifique que celui de M. de Potiche [Note : A. Chevremont : Les Mouvements du Sol : de Potiche. La Baie du Mont Saint-Michel et ses approches], dit que le Couesnon a coulé pour la dernière fois, à l’est du Mont en 1423, tandis que M. Siméon Luce soutient que longtemps le Couesnon passa entre les deux monts ; mais qu’il abandonna ce cours depuis 1420. Il est regrettable que ces écrivains n’aient pas fait connaître les sources où ils ont puisé ces renseigmements.

En résumé, si la question, d’un intérêt d’ailleurs relatif, n’est pas nettement résolue, on peut du moins affirmer en se basant sur les textes si précis de D. Huysne et de D. Le Roy, dérivant tous deux d’une même source, (la similitude des textes le démontre) qu’en Mars ou en Septembre 1419, le Mont Saint-Michel fut breton, pendant quelque temps.

Les Normands n’en souffriront pas trop dans leur orgueil et la vérité historique donnera une petite satisfaction à l’amour propre des Bretons.

(Etienne Dupont).

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