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L'ORDRE ROYAL DE SAINT-MICHEL |
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L'Ordre royal de Saint Michel.
Saint Michel, « Premier Chevalier », avait protégé, sauvé la France médiévale. C'est « à honneur et révérence » de l'Archange que le roi, étant à Amboise, fonda, en l'année 1469, le Grand Ordre chevaleresque que le pays, enfin restitué à lui-même, méritait.
Pourquoi Louis XI, que la postérité a voulu ennemi de l'apparat et de la gloire vaine, désirait-il créer une de ces institutions jugées quelquefois avec une méprisante ironie par notre siècle, qui en use d'ailleurs avec une prolixité jamais égalée ? L'institution de Récompense fait appel à deux éléments constitutifs de la nature humaine : l'honneur et l'orgueil. La formule de l'Ordre de Chevalerie, issue des grandes confréries de moines combattants immortalisées par les Croisades, dont le souvenir fusionnait avec des légendes venues du fond des âges celtes ou germains (telle la fameuse Table Ronde) répondait particulièrement bien à ces aspirations.
En cette fin du Moyen Age, où les liens de vassalité se desserrent, où l'autorité centrale va remplacer la vieille foi féodale et la chevalerie devenir sujet de roman, chaque membre d'un Ordre peut s'imaginer en terrible Templier ou en parfait Lancelot, tandis que son Grand-Maître se voit en roi Arthur ou en Godefroy de Bouillon.
Constitués solidement à partir du XIVème s., surtout dans les Etats du Nord, certains, au milieu du XVème s., brillent d'un vif éclat : l'Eléphant de Danemark, les Séraphins de Suède, et surtout la Jarretière anglaise. Leurs règles sont sensiblement les mêmes : peu de membres, de haute noblesse et illustres par les armes, groupés en une assemblée présidée par leur suzerain ou leur souverain. Un serment de fidélité inaltérable, élément fondamental de l'institution, les lie à ce Grand-Maître, ainsi qu'à leur foi chrétienne et à l'observance de tous les devoirs du vrai chevalier. Une parfaite égalité, une fraternité efficace ne doivent cesser de régner au sein de l'Ordre. Toute félonie en exclut son auteur. Les Chevaliers porteront une marque distinctive, ancêtre de nos insignes. Leur réunion annuelle autour du Grand-Maître, le Chapitre, donnera lieu aux cérémonies les plus fastueuses. Ils revêtiront à cette occasion l'uniforme de l'Ordre, généralement somptueux.
Point n'est besoin d'insister sur l'attrait que présente une telle compagnie pour les vassaux, et même pour de hauts personnages étrangers (dont évidemment les engagements seront moins forts), ni sur leur désir d'y entrer. Les avantages qu'en peut retirer le suzerain, en provoquant un serment dont le manquement entraîne l'exclusion, sont aussi évidents.
Or, en 1469, Louis XI tentait de préserver l'unité française reconstituée après un siècle d'épreuves, et si gravement menacée par son vassal et cousin, le duc de Bourgogne. Il devait notamment compter avec une arme redoutable de son rival, l'Ordre de la Toison d'Or, créé en 1430 par le père du Téméraire, et dont le rayonnement éclipsait tous les autres. La plupart des grands seigneurs français — Guyenne, Bretagne, Bourbon, etc. — mécontents d'une autorité royale de plus en plus pesante, séduits par l'exemple de l'émancipation bourguignonne, l'avaient accepté. Là aussi, Louis devait faire pièce à Charles sur son propre terrain.
Or, il n'avait rien à lui opposer. Des premiers ordres fondés par ses prédécesseurs, aucun n'avait survécu à la guerre tant étrangère que civile. Celui de l'Etoile, créé par Jean le Bon en 1352, décimé quelques années plus tard, avait sombré avec la défaite royale. Charles VI donna sûrement celui de la Cosse de Genêt, mais quand, à qui ? Rien ne permet de le préciser.
Louis XI n'était donc tenu par aucune sujétion pour faire œuvre nouvelle et fonder à son tour un Ordre de Chevalerie, qu'il dédia au patron traditionnel de la France en danger, saint Michel.
Les statuts originels des Ordres de Saint-Michel et de la Toison d'Or sont, comme leurs Grands-Maîtres, cousins. Même préoccupation de regrouper en une prestigieuse assemblée une « super-élite » chevaleresque. Même faculté donnée à cette assemblée de se renouveler par cooptation, de procéder à sa propre discipline, à laquelle le Grand-Maître doit aussi se soumettre, et même de se transformer, le cas échéant, en véritable Conseil privé.
« L'Amyable Compaignye » de Saint-Michel, 36 gentilshommes de nom et d'armes, tiendrait son chapitre annuel le 30 septembre, fête du saint Archange, dans la salle des Chevaliers du Mont-Saint-Michel. D'où la devise qui ne fut, en fait, que tardivement attribuée à l'Ordre : « Immensi Tremor Oceani ».
Là, revêtus de somptueux costumes de damas blanc, les chevaliers éliraient les nouveaux membres, prieraient pour les disparus, blâmeraient les défaillants, féliciteraient les plus braves et s'entretiendraient des affaires de l'Ordre. Ils jureraient à leur Grand-Maître le fameux serment et s'engageraient, bien sûr, à ne pas accepter ou conserver un collier concurrent.
Le roi allait pouvoir compter ses fidèles.
Les premières promotions eurent lieu dès août 1469. Quels noms relève-t-on ? Ceux du duc de Guyenne et du duc de Bourbon, qui renvoient à Charles de Bourgogne son collier ; du bâtard de Bourbon, amiral de France ; des Chabannes, du roi René, du duc d'Orléans, des rois de Danemark et d'Ecosse. Mais les ducs de Bretagne et de Gueldre refusent Saint-Michel. Ils ne veulent pas rendre la Toison.
La chute du Téméraire en 1477 sauva définitivement la France de l'anarchie féodale. Elle entraîna l'habituel cortège des volte-face, dans lequel les colliers jouèrent leur rôle : ainsi le Grand Sénéchal de Bourgogne, Philippe Pot, se vit, pour avoir abandonné la petite Marie, fille de Charles, exclu de la Toison et immédiatement nanti de Saint-Michel.
Les Grands-Maîtres suivants, moins menacés chez eux depuis l'effondrement du grand-duc d'Occident, réservèrent l'Ordre à leurs grands capitaines, encore que la nomination de César Borgia relevât davantage de la politique que de la consécration de vertus chevaleresques. François Ier y regroupa ses plus chers compagnons, les Gouffier, les Montmorency, les Chabot, Bayard, évidemment... aux côtés de Henri VIII et Charles Quint. Mais il ôta le collier à Saint-Vallier, traître à son pays.
Henri II y fait entrer Coligny, les Lorraine, Blaise de Montluc.
L'Ordre du Roi s'acheminait en pleine gloire vers son centenaire, lorsque les troubles religieux, rallumant d'effroyables guerres civiles, donnèrent à son prestige un coup qui faillit lui être fatal. Catherine de Médicis et ses fils, pressés de s'attacher des sympathies, ne tinrent plus compte des impératifs statutaires. Bientôt le nombre des Chevaliers, porté déjà en 1565 à 50, dépassa la centaine. Leur mérite, souvent, ne s'imposait pas. Et si les nominations de Brantôme ou de Montaigne par exemple — chevaliers à titre militaire d'ailleurs — font honneur à Charles IX, certaines, dont celle de Maurevert, décoré en qualité de « Tueur du Roi », achevaient de déconsidérer l'Ordre. Il devint bientôt le « collier à toutes bêtes ».
Aussi quand Henri III voulut à son tour renforcer la fidélité de plus en plus chancelante des chefs catholiques, se vit-il amené à créer, en 1578, l'Ordre du Saint-Esprit.
Celui de Saint-Michel, cependant, ne disparaissait pas. Il devint, avec une nouvelle réglementation, la seconde récompense royale.
Ses chapitres s'étaient toujours très irrégulièrement tenus, le premier peut-être au Mont-Saint-Michel. Henri II leur avait donné leur plus grand éclat. Celui qu'il tint à Lyon en 1548, et pour lequel il modifia, en l'enrichissant, le costume de Chevalier, est resté célèbre par sa magnificence. Charles IX avait sans doute présidé la dernière cérémonie, à Notre-Dame de Paris, en 1572.
L'administration de l'Ordre, bien négligée, fut réunie à celle du Saint-Esprit.
La Compagnie se composait maintenant de 100 membres, nobles et catholiques, non compris les 100 Chevaliers du Saint-Esprit, reçus obligatoirement Chevaliers de Saint-Michel et pour ce appelés « des Ordres du Roi ». Si les noms les plus illustres du royaume, à partir de cette époque, lui préférèrent donc le titre du Saint-Esprit, du moins le caractère essentiellement militaire et nobiliaire de Saint-Michel lui fut-il restitué, en même temps qu'une nouvelle sévérité dans le choix de ses Chevaliers lui rendait son prestige de très haute récompense royale.
Certaines nominations, pourtant, revinrent au milieu du XVIIème s. menacer ce prestige : preuves de noblesses douteuses, religion incertaine, services par trop minces.
Louis XIV, en 1661-1665, réforma définitivement l'Ordre, qui devait, cette fois, se maintenir intact jusqu'à la Révolution.
Militaire jusqu'au XVIIIème s. (les nominations de Le Nôtre, de Mansart, de Samuel Bernard sont vraiment des exceptions), il s'ouvrit alors à l'élite scientifique ou artistique, préalablement anoblie : Rigaud, Van Loo, de Troy, Gabriel, Soufflot, Pigalle, Rameau, quarante médecins... et deux littérateurs, Roy et Gresset, y joignent leurs noms à ceux de Dupleix ou Montgolfier.
Déclaré contraire au principe d'égalité, l'Ordre de Saint-Michel fut aboli par la Révolution et rétabli, dès 1814, par Louis XVIII. En 1816, le roi le destina officiellement « à ceux de ses sujets qui se seront distingués dans les lettres, les sciences et les arts, ou par des découvertes, des ouvrages et des entreprises utiles à l'État ». L'anoblissement préalable n'était plus nécessaire.
Louis XVIII et Charles X y nommèrent Gros, Carle Vernet, Gérard, Bosio, Peyre et Fontaine, Jussieu, Delambre, Cherubini, quelques écrivains, non de première grandeur, et 53 médecins.
Depuis 1578, les tenues de chapitres avaient pratiquement disparu. Il y en eut quelques-uns, simples et sans costume, présidé par un Chevalier du Saint-Esprit, à la fin du XVIIIème s. Et le dernier eut lieu en 1826.
Le vieil Ordre de Saint-Michel, âgé de 350 ans, devait définitivement disparaître, avec les autres grandes récompenses du roi, en 1830, pour laisser le champ libre à une institution dont ils étaient les ancêtres prestigieux mais démodés, la Légion d'honneur. (C. D.- R).
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Collier de l'Ordre de Saint-Michel, XVIIème s. Chaîne d'or composée de vingt-Pl. 22 trois coquilles reliées par des aiguillettes, avec un médaillon. Musée de la Légion d'Honneur.
L'insigne de l'Ordre de Saint-Michel fut, à l'origine, comme ceux de la plupart des grands Ordres médiévaux, un collier d'or. « Nous donnerons », dit le roi à l'article III des Statuts : « pour une fois a chacun desdictz chevaliers ung collier dor faict à cocquilles laxées lune avec lautre de ung double las assises sur chainettes ou mailles d'or. Au meilleur duquel sur ung rocq aura ung ymaige d'or de Monseigneur Sainct Michel qui reviendra pendant sur la poictrine. Lequel collier nous et nosdictz successeurs souverains et chacun desdictz chevaliers de l'ordre seront tenuz de porter chacun jour autour du col a descouvert, sur peyne de faire dire une messe et donner pour Dieu le tout jusques a la somme de sept sols six deniers tournoys. Laquelle chose se fera en conscience par les defaillans chacun jour quilz fauldront a le porter ».
Toutefois, le roi et les chevaliers pouvaient se dispenser de prendre ce collier au combat, à la chasse ou « en leurs maisons à privée mesgnée ». Il leur suffisait alors d'avoir le petit Ordre, c'est-à-dire « ledict ymaige sainct Michel pendant à une chesnette dor ou laxet de soye qui ainsi faire le vouldra ». Le lacet fut le plus souvent noir, qui devint la couleur de l'Ordre.
Les coquilles du collier sont de petites coquilles Saint-Jacques, insigne traditionnel des pèlerins, qu'on trouvait en grande quantité dans la baie du Mont-Saint-Michel. Un médaillon ovale, au centre duquel l'Archange, debout, transperce de sa lance le démon du Mal, forme le pendentif.
L'ensemble du bijou donna évidemment lieu à certaines différences d'interprétation, dont nous ne pouvons juger que sur documents iconographiques ou archéologiques, aucun insigne du XVème ou du XVIème s. n'étant parvenu jusqu'à nous. François Ier, remplaça les doubles lacs par une double cordelière d'or « à la mémoire de la reyne Anne de Bretagne, mère de la Reyne Claude, sa femme ».
Mais la marque de l'Ordre garda sans changement notable ses caractéristiques jusqu'au XVIIème s. C'est de la première moitié de ce siècle que datent les deux seuls colliers actuellement existant, à notre connaissance, l'un conservé au Rijksmuseum d'Amsterdam, l'autre au Musée de la Légion d'Honneur et des Ordres de Chevalerie, à Paris.
Croix de chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, deuxième moitié du XVIIIème s. Or émaillé. Diam. 5 2 cm. Musée de la Légion d'Honneur.
Les chroniques mentionnent, dès le XVIème s., une Croix de Saint-Michel, élément tout à fait nouveau que ne crée aucun texte officiel. Mais cet usage était assez établi en 1665 pour que Louis XIV, dans son ordonnance de réforme de l'Ordre, ne parle même pas du collier, mais décrive ainsi son insigne : « de la même forme et figure, et plus petite de la moitié que celle du Saint-Esprit, à l'exception de la colombe qui est au milieu, au lieu de laquelle sera représenté en émail l'image de saint Michel, laquelle sera portée en écharpe avec un ruban noir ». — C'est donc une croix de Malte émaillée de blanc, anglée de fleurs de lys, et portant au centre le motif de l'ancien médaillon.
Tel demeurera, sans changement, le bijou de l'Ordre jusqu'à sa disparition, en 1830. Contrairement à l'usage établi pour la plupart des grandes institutions chevaleresques, il n'y eut jamais de plaque de l'Ordre de Saint-Michel.
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