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LE MONT SAINT-MICHEL INCONNU |
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Essais de Reconstitutions Historiques
Les cent mille touristes et pélerins qui, chaque année, visitent le Mont Saint-Michel se promènent ou plutôt sont guidés à travers une dizaine de salles, pour la plupart très habilement restaurées. Par malheur, elles sont vides ; le mobilier, l'ameublement, la décoration intérieure de l'abbaye-forteresse ont disparu depuis longtemps, leurs derniers débris ayant été dispersés au souffle de la tourmente révolutionnaire.
L'imagination peut évoquer les bénédictins faisant leurs ablutions au Lavatorium du cloître et il est encore aisé de se représenter les moines noirs priant sous les voûtes de l'Eglise ou de garnir de chevaliers et de gens d'armes les remparts, les tourelles et les échauguettes ; mais il est plus difficile de se figurer l'aménagement, le mobilier et la décoration de l'ancienne abbaye. Quelques vieux annalistes, deux ou trois bons chroniqueurs et surtout certains manuscrits de la bibliothèque d'Avranches permettraient de tenter une reconstitution.
Porte du Roi.
Une plaque de marbre pourrait y commémorer la détention subie au Mont Saint-Michel, vers le milieu du XVIème siècle, par plusieurs personnages d'Ecosse. En 1546, Norman Lesley, un des champions les plus distingués de la Réforme et quatre ou cinq autres partisans de Knox, entre autres Kirkcaldy of Grange et lord Pitmillie furent transférés du château écossais de St-André, puis écroués au Mont Saint-Michel, sur l'ordre du roi de France, Henri II. Le registre des Tabellions de Cherbourg pour l'année 1547 fait preuve de cette incarcération. Les historiens écossais racontent les circonstances dans lesquelles se produisit, le jour des rois 1547, l'évasion très dramatique de leurs compatriotes. Cet évènement, presqu'inconnu, serait utilement rappelé. Nul doute que la Société Franco-Ecossaise ne contribuerait pour une large part à la dépense, minime d'ailleurs, qu'occasionnerait la pose d'un marbre, rappelant un épisode curieux de l'histoire du Mont Saint-Michel, considéré dans ses rapports avec les pays étrangers [Note : JOHN KNOX, History of the Reformation in Scotland, by C. J. Guthrie, London, Adam 1904, pp. 94, 95, 97. — L. BARBÉ, Kirkcaldy of Grange, Edinburgh, O. Anderson, pp. 41, 42. — ETIENNE DUPONT, Les Prisonniers Ecossuis au Mont Saint-Michel, publiées par The Scottish Historical Review, Glasgow, July 1906, p. 506].
Belle-Chaise.
Dans la niche trifoliée, qui orne la porte d'entrée de Belle-Chaise, se trouvait, avant la Révolution, une statue de Saint Benoît. Elle a disparu Il serait à souhaiter qu'elle fut remplacée. Les statues du grand fondateur de l'Ordre sont de types nombreux ; mais la Cathédrale de St-Malo possède un Saint Benoît, dû au ciseau de Schiaffino Francesco, sculpteur génois du XVIIIème siècle. Une réduction de cette statue s'harmoniserait très bien avec le genre d'architecture de Belle-Chaise.
Une phototypie de cette statue a été publiée dans les Annales de la Société Historique et Archéologique de l'arrondissement de Saint-Malo, année 1908. p. 96. (Etude de M. Riéger).
Salle des Gardes.
D'après les règlements des Bénédictins, toute personne armée, pénétrant dans le monastère, devait, à moins de dispense spéciale accordée par le Prieur, déposer ses armes dans la Salle des Gardes. C'était une mesure de prudence édictée contre les faux pélerins. Geffroy de Servon avait obtenu ce privilége par Lettres-Patentes de Charles V, en 1365. Ne pourrait-on pas, en attendant la reconstitution d'un râtelier d'armes et d'une salle d'armures, faire graver en lettres du quatorzième siècle le texte suivant de cette curieuse prohibition, dont le texte nous est rapporté par Mabillon (Annales Bénédictines, tome IV) :
Adhœret huic portœ domus prima custodiarum, ubi ab ingressuris, si qua habeant arma, deponuntur, nisi ea retinere permittat monasterii prior qui arcis prorector est.
On pourrait aussi orner les murailles de cette salle nue et froide par des écussons qui remplaceraient ceux qui furent détruits, lors de la Révolution. Au milieu, l'écusson de Souvré : d'azur (et non de sable, comme certains héraldistes le prétendent), à cinq bandes d'or au chef de gueules, chargé d'une croix d'argent ; à gauche, l'écusson de Surtainville, d'azur à deux chevrons d'argent accompagnés de trois coquilles de même, deux en chef et une en pointe ; l'écusson de la Luzerne, d'azur à la croix d'or chargé de cinq coquilles de gueules avec un cordon de Saint Michel ; et, en bas, un grand Saint Michel, sous lequel est mis le chiffre 1612 ; à droite, l'écusson de Reviers, d'argent à six losanges de gueules posées trois, deux et un.
Transept.
Une peinture murale rappellerait heureusement les noms et reproduirait les armoiries des fameux défenseurs du Mont Saint-Michel, durant les sièges soutenus par la forteresse, dans le premier quart du XVIème siècle. De grossières erreurs, des altérations multiples, des substitutions bizarres se sont produites dans cette pancarte. Il convient tout d'abord de redresser une inexactitude. Ni les noms des chevaliers ni leurs armoiries ne figuraient dans la salle dite de Chevaliers. La pancarte se trouvait peinte sur la muraille du transept sud de l'église abbatiale, ainsi que le démontre l'extrait suivant du manuscrit français N° 18.950, de la Bibliothèque Nationale, à Paris : « Le tableau où les noms et les armes de ces chevaliers sont peints, subsiste encore sur la muraille, vis-à-vis de l'autel où est le Trésor. Mais ce tableau est si effacé qu’on n'y congnoist presque plus rien ». Il serait relativement facile de reconstituer cette pancarte, dont la description très complète est donnée par le manuscrit fonds latin N° 13.818, fol. 412-423 du numérotage général, Bibl. Nat. Paris. Les lacunes seraient complétées grâce aux études diverses qui ont été faites sur cette question. Au dessus du tableau devraient figurer les vers qui sont reproduits dans le manuscrit précité et dont les quatre premiers sont les suivants :
Ce champ d'armes icy fut faict L'an mil IIIIème vingt et sept, Où sont les armes et les noms D'aucuns vaillans et nobles homs [Note : Parmi les ouvrages utiles à consulter, citons : DUMOULIN, Histoire générale de la Normandie, catalogue, in fine. p. 51 — MASSEVILLE, Tome IV, p. 145. — D. LEROY, Curieuses Recherches, II, 476, 485. — DUBOSE, Guillaume Artur, p. 2. — DE TESSON, La Pancarte armoriée du Mont Saint-Michel.].
Réfectoire.
Au bout de la salle, à laplace d'honneur, dans le lambris, il conviendrait de placer le grand écusson de Lorraine, timbré d'une couronne ducale. Au dessous de la Chaire du Lecteur, au nord, on pourrait sculpter un écu de gueules à la levrette d'argent, surmonté d'un croissant d'or, au chef aussi de gueules, chargé d'une croix d'argent. Carreaux émaillés.
Cloître.
Cette pièce n'était pas, au moyen-âge, d'un aspect aussi froid qu'à présent. Ses arcades ogivales étaient garnies de vitraux peints. Il était orné d'une belle statue de Saint François d'Assise, cum habitu primigenio, et que Raoul de Villedieu avait fait placer sous le cloître, pour rappeler la date de sa construction :
S. Franc. Canonisatus fuit. an Dn. MCCCXXVIII,
Quo claustrum
illud perfectum fuit.
« On y voyait aussi un petit jardin à fleurs », rapporte le manuscrit de Dom Huynes. Pourquoi ne pas rétablir cet hortulus ? On garnirait de caisses de fleurs ou de mottes gazonnées l'aire du cloître. Seulement, il faudrait prendre quelques précautions pour éviter des infiltrations dans la Salle des Chevaliers. Après avoir contemplé la flore des chapiteaux, c'est-à-dire l'acanthe, le chardon, le lierre et le houx, si finement ciselés dans la pierre tendre, ce serait un plaisir pour les yeux que de se reposer quelques instants sur une floraison naturelle, gaie et vive quoique discrète : ravenelles, giroflées, résédas, etc. ; un frais bouquet éclos au milieu des granits sévères du merveilleux et colossal édifice.
Chartrier.
De l'asile de recueillement, passons maintenant dans celui de travail, dans le Chartrier depuis de longues années, est fermé au public. Le chartrier se trouve à l'angle nord-ouest de la Merveille. Il est formé de trois petites salles superposées, communiquant entre elles par un escalier en spirale dit Vis de Saint Gilles. Il servait, au moyen-âge, de Bibliothèque. Des échelles mobiles, de légers marche-pieds, des tabourets élevés permettaient d'atteindre la partie supérieure des rayons. Dans chacune des pièces se trouvaient une table avec un écritoire, des ficelles pour liasser, de la cire, des feuilles d'épais parchemin ou des peaux destinées à servir de gardes et de reliure aux volumes. C'est là que nous placerions volontiers le Scriptorium. Pierre Leroy, 29ème abbé (1386-1410) mit le chartrier en ordre. Il classa les manuscrits précieux et en acheta de très importants. Il n'oublia pas les titres temporels : « Pour ne manquer, dit l'annaliste Dom Huynes, à l'intelligence des situations et limites des terres, il se transporta lui-même sur les lieux et là où il y avoit des différends : il les vuydoit avec ceux qui croyaient y avoir intérêt ; puis il reduisoit le tout d'un tel ordre qu'incontinent on en trouvoit dès aussitôt la solution dans les livres qu'il compiloit à cette occasion. Et afin que tous les originaux depuis la fondation de ce monastère demeurassent toujours sains et entiers, il les fit tous transcrire sur un gros livre de parchemin connu sous le nom de Livre Blanc ».
Aujourd'hui l'Abbaye ne possède plus aucun de ses manuscrits. A l'époque révolutionnaire, ceux qui ne furent pas détruits ou volés furent transportés au Collège d'Avranches et, plus tard, à la Bibliothèque de cette ville où ils sont encore. Certes, ce serait un grand attrait si ces manuscrits aux splendides enluminures pouvaient être exhibés, sous vitrines, dans une des salles de cette abbaye qui se glorifiait à juste titre d'être appelée la Cité des Livres. Les touristes et les pélerins pourraient y contempler une partie de cette splendide collection qui remonte au XIème siècle et dont le principal fondateur fut Robert de Torigni. On aimerait à examiner, au cœur même du monastère, les manuscrits que ses abbés achetèrent à grands frais et dont quelques-uns furent même confectionnés dans les cellules des savants bénédictins. Ce serait, n'est-il pas vrai, avec un sentiment de respect profond que l'on verrait ces vieux manuscrits, œuvre de science et de patience, grâce auxquels les trésors des antiquités grecque et latine sont parvenus jusquà nous, avec les dissertations prolixes et subtiles de la philosophie scolastique du moyen âge ? Ces volumes sont presque tous en parfait état de conservation : à peine l'encre a-t-elle pâli sur les feuillets un peu jaunis ; les ors ont toujours leur brillant et l'on admire, sur certains vélins surtout, un bleu d'une couleur intense que huit siècles n'ont pas altéré et dont la composition chimique est demeurée secrète pour les enlumineurs actuels. Sans doute, ce serait trop demander que de solliciter la réintégration de ces superbes ouvrages. La ville d'Avranches qui en a le dépôt (la propriété restant à l'Etat) protesterait énergiquement et elle ferait bien ; mais, à la place des originaux, il serait possible d'exhiber des facsimilés et des reproductions photographiques d'un certain nombre de feuillets appartenant aux manuscrits suivants [Note : Les numéros sont ceux du Catalogue général des Manuscrits des Bibliothéques Publiques des Départements. Tome IV. Imp. Nat. 1872. article : Avranches.] :
1-2. BIBLIA SACRA, in-folio sur parchemin : deux forts volumes ; première partie du XIIIème siècle. En tête de chaque livre, miniatures sur fond d'or ; scènes bibliques.
50. SANCTI CLEMENTI RECOGNITIONES. XIème siècle. Peinture représentant un moine offrant à Saint Michel le livre de Saint Clément.
76 S. AUGUSTINI SUPER PSALMOS PARS PRIMA ; grand in-folio sur parchemin. XIème siècle. En tête trois peintures : scènes montrant Saint Michel terrassant le Démon.
90. AUGUSTINUS CONTRA FAUSTUM : XIème ou commencement du XIIème siècle. Peinture représentant Saint Augustin argumentant contre Fauste.
139. DIGESTORUM LIB. XXXIX-L. XIVème siècle ; grand in-folio surparchemin : en tête du XXXIXème est une vignette curieuse : des pélerins demandent l'hospitalité à des moines placés au dessus d'une porte fermée et qui semblent s'excuser de ne pas les recevoir.
210. CHARTULARIUM MONASTERII MONTIS SANCTI MICHAELIS ; in-folio sur parchemin ; au verso du deuxième feuillet, dessin au trait avec dorures représentant la vision de Saint-Aubert ; au folio 13 commence le Cartulaire dans lequel on remarque plusieurs dessins à la plume, très intéressants pour l'histoire de l'abbaye : Donation de Gonnor, Donation de Robert, etc.
Enfin, il serait utile de photographier quelques feuillets du manuscrit N° 159, composé de 238 feuillets de parchemin 300mmx215mm et qui, selon toute vraisemblance [Note : Cf. Chronique de Robert de Torigni, Ed. L. Delisle. Rouen. 1872, p. XLV-LIII], est l'original de la Chronique que Robert de Torigny acheva de reviser en 1182 et qu'il offrit en 1184 au roi Henri II, dont il était le conseiller et l'ami. Cette reproduction rappellerait aux touristes anglais les trois visites faites au Mont Saint-Michel par leur souverain, dont les donations enrichirent souvent la glorieuse abbaye et qui s'assit, une fois, dans l'ancien réfectoire, à la table des moines.
Eglise Abbatiale.
Les anciennes chroniques permettront peut-être de reconstituer un jour les autels qui décoraient le splendide vaisseau éclairé par une lumière discrète, tamisée par les vitraux que l'abbé Bernard fit placer au XIIIème siècle « vitrinis aedem sacram illustravit ». Dans les chaires sculptées qu'un artiste incomparable ouvra en 1389, étaient assis les chevaliers, au long manteau de damas blanc brodé d'or et fourré d'hermines. Ils étaient réunis au pied de l'autel privilégié de Saint Michel en la Nef dont le rétable était enrichi de merveilleuses sculptures. Au dessus de cet autel était placé la statue lamée d'or que donna à l'abbaye le roi Charles VII. Le maître-autel datait de 1547. Il était entièrement revêtu d'argent massif, ainsi que le tabernacle.
C'est la quatrième partie du manuscrit de Dom Huynes qui nous donnerait les détails les plus précis sur l'ornementation religieuse et le Trésor du Mont Saint-Michel [Note : ETIENNE DUPONT : Le Trésor et les Reliquaires du Mont Saint-Michel]. Le bénédictin signale notamment « une châsse fort riche et bien travaillée, du poids de 88 marcs d'argent » (f° 192, ms. 209). Elle contenait le corps de Saint Aubert. Dans un autre reliquaire était renfermé « le chef du même saint auquel on voit le trou que lui fist l'archange le troisième jour qu'il lui apparut l'an 708 ». Ce reliquaire avec dôme d'argent avait été offert par Bernard, abbé du Mont. Il fut fondu lors de la Révolution et le corps de l'évêque Aubert dispersé. Seule, la tête du Saint fut conservée et elle se trouve, aujourd'hui, à la basilique St-Gervais d'Avranches, dans un reliquaire rappelant un peu celui de Bernard. Une photographie de ce reliquaire, ainsi que de plusieurs pièces d'orfèvrerie possédées par l'église principale d'Avranches et provenant de l'abbaye du Mont Saint-Michel rappellerait la richesse de son ancien Trésor [Note : Cf. E. DE BEAUREPAIRE, Rapport sur l'ancien trésor de l’abbaye du Mont Saint-Michel, publié dans les mémoires de la Société d'Archéologie d'Avranches, T. II. p. 535. D. HOUSSARD : Etude anatomique de la tête de Saint Aubert Semaine de Coutances. Mai 1865].
A plus de cent cinquante-six mètres au-dessus du niveau de la mer brille, depuis le mois d'août 1897, au sommet du Mont Saint-Michel, la statue de l'Archange, par Frémiet. On s'est demandé souvent si, aux siècles précédents, s'élevait au sommet de l'édifice une statue de l'archange et si la reconstruction du clocher, surmonté d'une statue, était la restauration exacte de l'état ancien de la basilique extérieure. On sait que les multiples incendies, (on en compte onze au moins de 992 à 1834), endommagèrent presque tout le clocher qui en 1594 était, d'après Dom Huynes, « la plus haute pyramide du royaume ». Ce fut vers 1609 que fut reconstruite pour la dernière fois la tour romaine carrée ; elle remplaçait une flèche aigüe, ajourée et fleurie, à la pointe de laquelle resplendissait, a-t-on prétendu, une statue dorée de Saint-Michel ! Qui donc a vu cette statue ?... Nous n'avons sur ce point que les affirmations un peu enthousiastes de Jacques-Auguste de Thou ; il raconte, dans ses Histoires, que l'abbaye du Mont Saint-Michel était surmontée d'une tour très élevée au sommet de laquelle brillait la statue dorée de l'archange : « aurata species ad solis radios rutilans ». Mme de Créquy, dont les mémoires, on le sait, sont apocryphes, parle aussi, à l'étourdie, de cette statue. Enfin, Charles Nodier broché sur le tout : « C’était, dit-il, une girouette, puisqu'elle indiquait la direction des vents ! ».
Il ne suffit pas, croyons-nous, de faire la part de l'exagération à tous ces détails merveilleux ; il faut être plus radical encore et nier l'existence de cette prétendue statue. Ni chroniqueurs, ni annalistes n'en font mention et si vraiment un pape ou tout autre donateur eut offert aux moines, comme l'affirment des écrivains à l'imagination puissante, une statue aussi remarquable, le don figurerait certainement dans les manuscrits 214 et 355 de la Bibliothèque d'Avranches et provenant du Mont Saint-Michel. Les auteurs ont, sans doute, fait une confusion. Il s'agit, trés probablement, d'une image de Saint Michel soutenue par une chaîne d'or et que Louis XI offrit au monastère, ou bien encore de la statue de Saint Michel lamée d'or qui se trouvait sur l'autel Saint Michel en la Nef.
Iconographie.
L'iconographie du Mont Saint-Michel serait des plus intéressante à reconstituer et la reproduction des anciennes images, vignettes, miniatures, dessins relatifs à l'abbaye-forteresse seraient examinés attentivement par tous les visiteurs. Une suite de dessins représentant le Mont Saint-Michel serait très attrayante. Elle pourrait commencer par la reproduction fragmentaire de la Tapisserie de Bayeux, dite encore Broderie de la reine Mathilde, et dans laquelle figurent le saxon Harold et le normand Guillaume traversant les grèves du Mont Saint-Michel avant d'entrer en Bretagne pour y guerroyer contre Conan (1065) [Note : La date à laquelle se place le voyage de Harold en Normandie et par conséquent l’expédition de Bretagne a été le sujet de nombreuses dissertations, fort bien résumées par FREEMAN, Norman Conquest, t. III, p. 677. Pour intéresser les touristes anglo-saxons, on pourrait exposer quelques reproductions du Domesday-Book dans les passages ayant trait aux possessions anglaises du Mont Saint-Michel : Exchequer Dom. F°s 43, 85, 88 etc.]. Dans ce dessin, le Mont apparaît, massif et déjà colossal, avec ses arcades romaines : c'est une des premières pages de son histoire.
Signalons encore, (il est bien entendu que notre proposition est simplement indicative et non restrictive), les dessins suivants qui pourraient être exposés en reproduction :
LE MIRACLE DE LA VIERGE AU MONT SAINT-MICHEL, peinture en camaïeu des Miracles de Notre-Dame. Paris, Bibl. Nat. ms, du XVème siècle. N° 9.199.
SAINT MICHEL. TERRASSANT LE DÉMON, avec une vue du Mont Saint-Michel au commencement du XVème siècle : miniature du Livre d'Heures de Pierre II, duc de Bretagne. Ms. N° 1.159 de la Bibliothèque Nationale à Paris.
LE MONT SAINT-MICHEL, de G. Merian, d'après la gravure de G. Peeters, 1657.
LE MONT-MICHEL au XVIIème siècle, d'après la gravure de C. Chastillon.
LE MONT SAINT-MICHEL EN 1772, d'après un tableau de l'église de Camembert (Orne), représentant un curieux pélerinage de cette paroisse.
ISLE, ROCHER, VILLE, CHATEAU ET ABBAYE DU MONT SAINT-MICHEL, par N. de Fer. Paris, 1705.
Pourquoi n'exposerait-on pas aussi des vues photographiques des abbayes, prieurés qui étaient au moyen-âge en union avec le Mont Saint-Michel ou qui dépendaient de lui ? par exemple, le Mont Saint-Michel de la Cornouaille anglaise qui est presque par sa forme et sa position géographique le frère jumeau du nôtre. A côté de sa photographie actuelle, (il existe d'excellentes épreuves), on exposerait :
ST. MICHAEL'S MOUNT : The South-West Prospect, by S. and N. Buck, 1739.
ST. MICHAEL'S MOUNT, about 1770, by D. Jenkins.
On devrait exposer également quelques vues des ruines de l'abbaye de Lucerne (canton de la Haye-Pesnel) dont l'histoire est liée avec celle du Mont Saint-Michel, depuis l'an 1146 (convention de Tescelin avec Bernard, Arch. de la Manche, Cartul. de la Luzerne) ; de l'abbaye de Savigny (canton de St-Hilaire-du-Harcouët) et où Henri II se rencontra avec les légats du pape, à l'occasion de l'expiation du meurtre de Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry ; de l'abbaye de Montmorel (commune de Poilley, canton de Ducey) etc. Enfin deux ou trois vues représentant le château de Brion (près des Genêts) et le manoir de Loisellière en Saint-Planchers rappelleraient les maisons de campagne où les abbés du Mont Saint-Michel venaient se reposer des fatigues de leur charge et de leur ministère. Enfin on donnerait un souvenir à un poète du XVIème siècle, Jean de Vitel, qui chanta l'abbaye-forteresse dans un curieux poème, la Prinse du Mont Saint-Michel [Note : La Prinse du Mont Saint-Michel, de Jan DE VITEL, poète avranchois, publiée avec une introduction et des notes par E. de Robillard et Beaurepaire. Avranches, Anfray, 1861], en produisant une vue de son manoir de Lentilles en Poilley, joli logis aux ouvertures cintrées, caché dans un nid de verdure et entouré de sources murmurantes qui accompagnèrent les premières rêveries du poète dont les vers ont célébré la gloire de notre vieux et impérissable Géant des Grèves.
(Etienne Dupont).
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