|
Bienvenue ! |
LE SCRIPTORIUM DU MONT-SAINT-MICHEL |
Retour page d'accueil Retour "Mont-Saint-Michel"
Le Scriptorium.
Saint-Michel et le copiste présentant son ouvrage (début du XIème siècle).
Dès la fin du Xème siècle, après l'arrivée au Mont des premiers Bénédictins de l'Abbé Mainard, en 966. la Bibliothèque se reconstitue. Le renouveau des activités intellectuelles et artistiques se traduit dans la production des manuscrits. Le plus remarquable livre sorti de ce premier scriptorium est certainement le volume des Recognitiones de saint Clément, de la fin du Xème siècle, exposé ici (Avranches, ms. 50, cat. 178). La peinture pleine page s'efforce, selon M. F. Avril, d'imiter les modèles carolingiens. Mais ce retour aux sources traditionnelles laisse apparaître quelques incertitudes, qui s'expliquent sans doute par la dispersion des anciens ateliers carolingiens, du fait des invasions normandes. Le début du XIème siècle est une période de transition et de réadaptation. A ce moment, « les artistes et scribes du Mont copient le style et les écrits des manuscrits anglo-saxons importés, comme le Pontifical et le Sacramentaire, qui sont encore en Normandie à la Bibliothèque municipale de Rouen (143 A et 178 A) » (Dr Alexander). Détail à noter : l'un et l'autre sont signés ; deux noms de moines : Antoine et Hilduin.
La conquête de l'Angleterre, en 1066, constitue l'événement capital et déclenche l'épanouissement du scriptorium montois dans la seconde moitié du siècle. Les Normands ont pris contact avec l'art dit de Winchester, qui avait conservé d'ailleurs la tradition carolingienne. Une véritable osmose se produit. Le prestige des manuscrits insulaires importés en Normandie « se manifeste par la volonté évidente des artistes du duché d'imiter leur présentation somptueuse... » (F. Avril). On le sent dans les manuscrits de Fécamp et du Mont-Saint-Michel, dont le plus beau est le Sacramentaire (New York, Pierpont Morgan Lib., ms. 641). Tous sont profondément influencés par le style des manuscrits liturgiques anglais. Un ancien moine enlumineur du Mont, Scollandus, est devenu abbé de Saint-Augustin de Cantorbery. Il a joué peut-être un rôle important dans le resserrement des liens artistiques anglo-montois. Ce n'est qu'un aspect de l'unité du nouvel Etat anglo-normand.
Si les copistes Scollandus, Antoine et Hilduin sont bien identifiés, on a aussi retrouvé les signatures d'autres artistes du Mont. Giraud est l'auteur d'un groupe remarquable de sept recueils, dont les ms. 76 et 90 d'Avranches, ici présentés, à côté de la magnifique Bible de Bordeaux. Les noms de Gautier, Raoul, Fraomond, permettent de reconnaître les mains d'artistes originaux, capables d'imposer à leur tour leur style personnel. Par eux, la prépondérance du Mont parfois s'affirme avec force, car les interpénétrations jouent aussi en sa faveur de façon évidente. Il y a ici réciprocité ; le Dr Alexander l'admet volontiers, Les moines du scriptorium montois, après la conquête, envoient aux bibliothèques de leurs monastères d'Angleterre « les copies des ouvrages dont ils avaient précédemment enrichi leurs propres bibliothèques en Normandie. Il y avait surtout des oeuvres patristiques, mais le Mont-Saint-Michel possédait aussi des textes classiques et historiques (Juvénal, Statius, Parsius) ». Collaboration plus intime même : deux manuscrits de Cantorbery montrent des moines normands et anglo-saxons réunis copiant ensemble des oeuvres de la Bibliothèque du Mont. (Paulus Diaconus, Ado de Vienne, British Museum - Royal Mss. 13 A). Il ne peut y avoir de fusion plus étroite.
Des affinités analogues se constatent en Normandie à la fin du XIème siècle, entre la décoration du Mont-Saint-Michel et celle du scriptorium de Fécamp. Le Mont semble l'avoir inspirée directement. Les échanges entre les deux monastères sont fréquents. Les livres circulent (deux manuscrits du Mont se trouvent dans le fonds de la Bibliothèque de Fécamp). Les artistes circulent aussi facilement. Trois Abbés du Mont au Xle siècle viennent de Fécamp. Mais d'un autre côté, il n'y a « rien de commun entre le Mont-Saint-Michel et l'art contemporain tout proche de la Basse-Normandie, celui des ateliers de St-Evroult, Lyre, Le Croix-Saint-Lenfroy, Préaulx, Le Bec... », rappelle M. Porcher. C'est là où apparaît la singulière et complexe richesse d'une province au double visage, ouverte soit aux suggestions venues de la mer, soit à celle des terres voisines, Maine, Anjou, auxquelles les liens historiques des Plantagenêts donnent encore plus de force.
Cette brillante et féconde activité dure peu. Un brusque déclin touche le scriptorium du Mont au début du XIIème siècle. Il est dû aux troubles politiques, guerres civiles et dissensions intérieures de l'Abbaye. Un nouvel essor se manifeste dans la seconde moitié du XIIème siècle grâce à Robert de Torigni. Les deux plus beaux manuscrits de son temps (Avranches, mss. 159 et 210), la Chronique et le Cartulaire, sont en dépit de certaines différences techniques, probablement de la même main et d'un style plus marqué par l'Angleterre. (Cf. le Térence de St-Alban, Oxford, Bodleian Library, ms. auct. F 2, 13.) Sans aucun doute, l'élégance graphique de leurs miniatures constitue la plus noble conclusion de l'art du Mont-Saint-Michel à l'époque romane.
La guerre de 1204, la fin des Plantagenêts et l'annexion du Duché de Normandie au royaume de France allaient couper les liens entre les deux rives de la Manche. Désormais, c'est vers l'Ile-de-France que le scriptorium du Mont tourne ses regards. Le missel du XIIIème siècle exposé ici est un bel échantillon du style gothique de l'atelier des moines qui, au temps de Saint Louis, oeuvraient patiemment sous les voûtes de cette salle de la Merveille dite des Chevaliers, qui était en fait leur salle de travail. (F. E.).
© Copyright - Tous droits réservés.