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CHATELLENIES ANNEXES DE MONTFORT

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Nous reprendrons brièvement l'histoire du comté de Montfort au point où nous l'avons laissée, à l'époque de sa réunion à la couronne de France ; mais auparavant il nous faut revenir aux châtellenies sorties du domaine de Montfort aux XIIIème et XIVème siècles : Houdan, Epernon, Gambais et Rochefort. Après quoi, nous aurons à parler d'une châtellenie entrée la dernière dans le domaine de Montfort et que nous avons nommée : Néaufle le Châtel.

Les quatre châtellenies distraites de Montfort ont eu des fortunes diverses : Epernon et Rochefort ne sont pas rentrés au domaine ; Gambais y est revenu pour en sortir encore ; Houdan y est rentré pour y rester jusqu'à la fin. Le lien féodal a été successivement rompu entre Montfort et Epernon, Rochefort, Gambais et Néaufle.

C'est ce que nous allons voir en étudiant chacune des seigneuries dans l'ordre ci-dessus.

 

1° Epernon.

Laure de Montfort, fille d'Amaury III, dame d'Epernon en 1249, épousa Ferrand de Ponthieu ou de Castille, fils de Ferdinand II, roi de Castille et de Jeanne, comtesse de Ponthieu. A sa mort, en 1270, elle laissa Epernon à son fils Jean, comte d'Aumale. Le fils et héritier de celui-ci Jean II laissa deux filles, Blanche, comtesse d'Aumale et Jeanne dame d'Epernon (Voir Comte de Dion : Fiefs de Montfort, p. 22, note 2).

Celle-ci épousa Jean VI de Vendôme, dont la fille, Catherine, devenue femme de Jean de Bourbon, comte de la Marche, porta Vendôme et Epernon dans la maison de Bourbon (1364). Epernon passa de proche en proche à leurs descendants, comtes puis ducs (1515) de Vendôme. Leur cinquième descendant fut Antoine, Roi de Navarre, qui mourut en 1562. Son fils, qui allait être le Roi Henri IV, hérita Epernon ; et, avant de monter sur le trône, le vendit à Jean-Louis de Nogaret, en faveur duquel Henri III l'érigea en duché-pairie (novembre 1581).

 

2° Rochefort.

Jeanne, soeur puînée de Béatrix, reçut en partage Rochefort (1317). Devenue comtesse de Roucy, elle mourut en 1370, laissant un tiers de la seigneurie à sa fille Béatrix femme d'Amaury III, seigneur de Craon. Cette partie relevait du Châtelet de Paris. Amaury mourut sans enfants, en 1415, apparemment donataire de sa femme. Marguerite dame d'Anneau, parente ou donataire d'Amaury, apporta ce tiers de Rochefort avec Anneau à son mari Bureau de la Rivière.

Leur fille, Perrette, restée seule héritière, fut mariée, en 1446, à Guy VI, seigneur de la Roche-Guyon, dont la petite fille, Marie, épousa en premières noces Michel d'Estouteville (1463) et en secondes noces Bertin de Silly ; les deux font hommage du tiers de Rochefort, notamment en juillet 1498 [Note : Comte de Dion. Fiefs de Montfort. p. 22, note 1].

Le 4 février suivant, leur fils Jacques de Silly, fit hommage pour la châtellenie de Rochefort tout entière. Après sa mort (1513) la seigneurie passa à son frère. En 1518, un partage eut lieu entre les fils de celui-ci. Le cadet fut seigneur de Rochefort et mourut en 1570 sans hoirs. Sa soeur Catherine, devenue héritière, épousa François de Rohan, seigneur de Gié. Leur fille et principale héritière, Eléonore épousa Louis VI de Rohan, prince de Guémené, comte de Montbazon. — En 1596, Hercule, duc de Montbazon, plus tard pair et grand veneur de France, fait hommage pour Rochefort, qu'il déclare « tenir de son père en avancement d'hoirie » [Note : Comte de Dion. Fiefs de Montfort, p. 52. Je corrige le nom de Roger donné au père d'Hercule de Rohan. Pas un Rohan n'a porté ce prénom]. Rochefort a ensuite passé dans la maison de La Rochefoucauld où la terre est aujourd'hui.

 

3° Gambais.

La châtellenie de Gambais fut formée, comme nous l'avons vu, d'une trentaine de fiefs détachés de Houdan, Montfort et Epernon, et donnée en partage (1249) à Marguerite de Montfort, fille de Amaury III (Voir Fiefs de Montfort, p. 4).

Marguerite épousa Jean III de Nesle, comte de Soissons (Moréri). Elle mourut en 1288. Il paraît que Gambais rentra dans le domaine de Montfort, car en 1294, par un acte daté du Château-du-Loir (26 novembre), Béatrix, comtesse de Montfort et de Dreux, du consentement de ses fils Jean et Robert, assigna à sa fille Yolande, reine d'Ecosse, « pour un manoir convenable pour son droit de frerage et la descendue de père et de mère, le manoir de Gambais » [Note : Renseignements de M. de Dion. Frérage, droit de cohéritier entre frères et soeurs ; Descendue, succession]. Au siècle suivant, nous retrouvons Gambais au domaine de Montfort (en 1377). Enfin il y était encore à la fin du XVème siècle.

On lit au dénombrement du comté de Montfort dont nous avons parlé : « A Gambais, il y a beau château clos de fossés …., belle chapelle à la collation du comte de Montfort... maladrerie.., etc. ».

Parmi les possesseurs successifs de Montfort, nous trouvons au XVIème siècle le duc d'Alençon, le dernier des fils de Henri II. En 1581, celui-ci détacha Gambais du domaine de Montfort et l'engagea. En 1620, Gambais rentra au domaine ; et, la même année, Louis XIII l'engagea une première fois ; puis une seconde fois en 1625. Enfin, en 1651, Gambais fut cédé en pleine propriété au duc de Bouillon en échange (pour partie) de Raucourt et Sedan. Le duc le vendit ; et il passa successivement à plusieurs maîtres.

En 1672, ces diverses cessions étaient résiliées, et il était de nouveau question d'une cession au duc de Bouillon, fils de celui dont nous venons de parler. L'expertise préalable à la cession évalue le revenu de la châtellenie à 2.789 livres et le capital à 69.745 livres ; elle énumère 61 fiefs [Note : 6 septembre 1672. Fiefs de Montfort. VII, p. 82]. Le duc de Bouillon s'empressa de vendre Gambais trop peu important pour lui ; et la seigneurie passa successivement aux mains de trois possesseurs dont le dernier (1767) fut M. de Laverdy, conseiller au parlement, ancien contrôleur général des finances et ministre d'Etat, qui prit le titre de marquis de Gambais, et qui devait mourir sur l'échafaud en novembre 1793. Sa fille, Mme de la Briffe, rentra en possession (en 1814), et transmit Gambais en héritage à son fils le marquis de Colbert.

 

4° Houdan.

Nous avons vu Houdan donné en partage à Alix en 1248, quand elle épousa Simon de Clermont, seigneur de Nesle, qui allait être régent de France pendant la croisade de saint Louis (1270), et dont le fils Raoul II allait être connétable de France (1285), et périr à Courtray (juillet 1302).

De la maison de Clermont, Houdan passa successivement dans celles de Flandre, de Luxembourg, et enfin de Joinville [Note : Voici les diverses transmissions de Houdan entre 1248 et 1574 (126 ans). 1248. — Houdan est la dot d'Alix de Montfort, qui épouse Simon de Clermont, sgr de Nesle ; leur fils Raoul connétable (1285) comme son aïeul maternel, épouse Alix de Dreux, vicomtesse de Châteaudun. Sa fille Alix, vicomtesse de Châteaudun, épouse Guy de Flandre, sgr de Richebourg ; — Guy de Flandre, leur fils, héritier ; — Alix de Flandre son unique héritière, épouse Jean de Luxembourg, sgr de Ligny ; Marie, leur fille héritière, épouse Henri, sire de Joinville, comte de Vaudemont, mort en 1374. — Note du comte de Dion]. C'est là que nous retrouvons Houdan, en 1374.

Cette année, Marguerite de Joinville, arrière-petite-fille de Jean, l'ami, le confident et l'historien de saint Louis, avait hérité d'Henri, son père, la seigneurie de Joinville, le comté de Vaudemont et la seigneurie de Houdan. En 1373, déjà deux fois veuve, elle épousa Ferri de Lorraine, fils puîné du duc ; et, l'année suivante, nous trouvons Houdan entre leurs mains (E, 156) [Note : Les indications E... qui suivent se rapportent aux Archives de la Loire-Inférieure].

Le traité de Guérande avait promis au duc Jean IV, comte de Montfort, la restitution de terres du Réthelois et du Nivernais qui faisaient partie de l'héritage de sa mère. Trente ans plus tard, le duc attendait encore, et non sans impatience, la restitution garantie par Charles V [Note : Lobineau. Hist. 508-509. Il faut lire les démarches suivies pendant quarante ans par Jean IV pour obtenir l'exécution sur ce point du traité de Guérande, qui ne fut pas exécuté in terminis, puisque les ducs durent se contenter d'équivalents]. La paix faite, et, malgré sa bonne volonté, Charles VI ne pouvant restituer ces seigneuries offrit en échange au duc Courtenay dans le Gâtinais français [Note :  Gâtinais canton partagé par la Seine entre l'Ile-de-France et l'Orléanais. Le Gâtinais français, (Ile-de-France) avait pour chef-lieu Nemours ; le Gâtinais orléanais, Montargis] et Houdan.

Houdan fut ainsi de nouveau réuni au domaine de Montfort [Note : Jean V le dit expressément : « Houdan en nostre comté de Montfort ». Lettres n° 1436, 1513. 2241. etc.].

C'est au bailli de Montfort, Guillaume Louët [Note : Un nom breton, en français gris. De 9 familles nobles ont porté ce nom. La première a fourni Macé, conseiller du duc Jean IV en 1391] qu'au nom de Ferri de Lorraine le châtelain Jacquinot du Fay remit les clés du donjon ; et c'est Jean Rousselet, intendant du duc à Montfort, qui prit « l'investiture de la seigneurie » 9 juillet 1394 (E. 156).

Mais Courtenay et Houdan n'étaient pas, à ce qu'il semble, l'équivalent des terres réclamées par Jean IV, puisque, dix ans plus tard, le Roi donna, au même titre à Jean V « le comté du Gavre dans la sénéchaussée de Toulouse et la ville de Fleurance » 1404 [Note: Lobineau, Hist. p. 509. Fleurance aujourd'hui chef-lieu de canton du Gers " qui mérite son nom par la beauté de ses cultures ". Reclus. Géographie de la France, 154. Il y a trois seigneuries du nom de Gavre : 1- Celle dont nous parlons ; 2- Le Gavre (commune du Gavre, canton de Blain, arrondissement de Saint-Nazaire, Loire-Inférieure) ; 3- Le Gavre de Gand voisin de cette ville. Cette seigneurie qualifiée comté que Béatrix de Gavre apporta en mariage à Guy IX de Laval (en 1286 ou 1290) resta dans la maison de Laval. Le titre de comte de Gavre fut souvent donné à l'héritier présomptif de Laval].

Quelle était l'importance de la seigneurie de Houdan ? — C'était une châtellenie [Note : Le titre de châtellenie se trouve dans un acte dont nous allons parler] : c'est-à-dire que la seigneurie avait un château-fort et, selon toute apparence, la haute justice avec tous les droits qui en résultent, foires, marchés, poids et mesures, etc.

Au milieu du XIIIème siècle, Houdan avait deux châteaux : celui qui chef lieu de la châtellenie lui donnait son nom, et dont on peut encore admirer le donjon en 1897 [Note : Elisée Reclus. France, p. 739], et le château de Gambais, qui fut détaché de Houdan avec dix-neuf fiefs, comme nous l'avons vu, pour devenir le chef-lieu d'une châtellenie nouvelle.

C'est ainsi réduite que la châtellenie de Houdan allait rentrer, au milieu du XVème siècle, dans le domaine de Montfort. A cette époque, comme un siècle après (1553), elle devait comprendre cinq paroisses, qui formaient le ressort de son bailliage [Note : Etat des bailliages § V. dans Fiefs de Montfort, p. 66 et 67].

Quels étaient les revenus de la châtellenie ? — C'est ce que nous ne pouvons dire. Nous n'avons aucun acte qui en donne l'évaluation d'une manière certaine : nous verrons Houdan donné par le Roi pour un revenu de 600 livres ; mais cette évaluation toute de faveur est évidemment au-dessous de la vérité [Note : Ces évaluations faites dans des actes de libéralité n'ont aucune exactitude. En faut-il une preuve ? La seigneurie de Courtenay attribuée en paiement à Jean IV pour 2.032 livres de rente sera, quarante ans plus tard, donnée par Jean V à son frère Richard pour une rente de 600 livres. Voici une approximation peut-être un peu hasardeuse du revenu de Houdan : Le duc Jean IV réclamait au Roi : - 1) Du chef de sa mère Jeanne de Flandre. 3.000 livres de rente sur le Réthélois, 2.000 livres sur le Nivernais. - 2) 1.000 livres à lui assignées par le Roi sur le Languedoc. En tout 6.000 livres (au moins 240.000 francs de notre monnaie en 1897). Le Roi lui remet Courtenay évalué 2.032 livres de rente, et plus tard il remettra à Jean V Gavre et Fleurance pour autant. Soit en tout 2.464 livres. Il reste dû la différence : 1.936 livres. Houdan donné avec Courtenay fait-il cette différence ?... Lobineau dit que le Gâvre a été donné en place de Courtenay (p. 509). C'est, je crois une erreur. En effet nous allons trouver Courtenay aux mains du duc Jean V, après la remise du Gavre. Aux premières années du dernier siècle, les droits féodaux de 23 fiefs de Houdan (qui semble ainsi très réduit), sont évaluée 1.603 livres par an (Fief de Montfort, p. 95)].

Peu d'années après la remise à Jean IV de Courtenay et Houdan, ces deux seigneuries avaient été cédées ou engagées à Jean de Malestroit, évêque de Saint-Brieuc, puis de Nantes, et chancelier de Bretagne (1406-1439).

En juin 1419, Jean V comprit ces deux seigneuries dans le projet d'apanage de son frère Richard. Le duc s'était sans doute assuré d'avance de l'assentiment de Jean de Malestroit, que celui-ci accorda, le 13 décembre suivant (Lobineau, Hist. p. 509). En exécution de cet acte, il donna mandement aux capitaines des villes et châteaux de livrer toutes les places » [Note : Nantes. E. 163. — De ces expressions villes, châteaux, toutes les places, ne peut-on conclure que chacune des seigneuries avait plus d'un château ou place ?].

Dès le 19 décembre, Jean V délivrait à son frère Richard des lettres d'apanage qui furent confirmées, les 29 septembre 1420, 9 décembre 1421, 26 novembre 1436 [Note : Lettres et mandements de Jean V. N°. 1385, 1436, 1513 et 2241. Voir aussi Nantes. E. 1 et 29]. Dans ces dernières lettres, le duc accorde à son frère un supplément d'apanage pour plusieurs motifs et surtout pour celui qu'il exprime ainsi : « pour ce que nostre dit frère dit ne pouvoir à présent jouir des dites terres et seigneuries de Courtenay et de Houdanc, obstant la guerre qui est en France, et que oncques n'en eut la possession »

Ainsi, seize ans après l'abandon des deux seigneuries par Jean de Malestroit, et le don solennel du duc à son frère, celui-ci n'avait pas obtenu la possession effective ! Les deux seigneuries étaient aux mains des Anglais, ou de Français devenus leurs amis.

Nous avons la certitude de ce fait pour Houdan.

La seigneurie était possédée par Simon Morhier, seigneur de Villiers-le-Morhier près de Nogent-le-Roi, qui fut prévôt de Paris pour les Anglais, c'est-à-dire entre 1420 et 1436.

Charles VII, redevenu maître de l'Ile-de-France, déposséda Morhier ; mais, au lieu de rendre Houdan au duc de Bretagne ou à Richard, il en gratifia Giraud de la Pallière son « écuyer d'écurie pour 600 livres de rente », 29 septembre 1433 (E. 225).

Toutefois, François Ier, successeur de Jean V, ne renonçait pas à l'espoir de recouvrer la possession de Houdan. En effet, le 1er février 1450 (n. s.), nous le voyons acquérir d'Arnault Guillaume de Bernade, bailli de Mantes. « tous les droits appartenant à celui-ci sur la seigneurie de Houdan ». Ces droits avaient quelque importance, puisque le prix fut fixé à 1.000 écus d'or (E. 163), dont la moitié fut payée le 20 février après l'entrée en possession (E. 245).

Le duc François Ier fut représenté à ce contrat par son gouverneur de Montfort, Tugdual de Kermoysan, connu par toute la France sous le nom de Le Bourgeois. Il est permis à un Breton de saluer au passage cet homme héroïque dont l'office semble avoir été de commander les assauts et de monter le premier sur la brèche, jusqu'à sa mort au siège de Cherbourg, en 1450.

Nous ne trouvons aucun acte de Pierre II et d'Arthur III, le connétable, relatif à Houdan [Note : Morice. Pr. II, 1399, 1544, 1732-37-62. On ne peut rien conclure avec certitude des hommages rendus au roi. Les procès-verbaux rédigés en latin avec quelques phrases en français portent quelquefois : « comté de Montfort, seigneurie de Néaufle et leurs appartenances ». Houdan était appartenance de Montfort] ; mais on ne peut douter que leur possession n'ait été plus paisible que celle de leur successeur François II.

Nous avons parlé plus haut de Jeanne, fille naturelle de François Ier que le duc François II avait, par contrat du 12 juin 1458 (E. 113) mariée à Jean Morhier, seigneur de Villiers, fils du prévôt de Paris dont nous venons de parler (E. 245). Jeanne, que François II nomme sa cousine, et qui était la soeur naturelle de la duchesse Marguerite, fut très bien traitée par le duc.

Par le contrat de mariage de 1458, celui-ci avait promis à Jeanne une somme de 2.000 écus et une rente de cent livres sur le comté de Montfort et la terre de Nigeon. Cette dernière clause du contrat fut exécutée : mais le duc ne se pressa pas d'acquitter les 2.000 écus. Enfin ils furent versés et les époux en donnèrent quittance, le 21 janvier 1475 (E. 13).

Mais auparavant Jean Morhier avait soulevé une autre réclamation. Il prétendait « certains droit sur Houdan à cause de son père » (E. 245). On peut supposer qu'il s'agit d'améliorations ou de constructions faites par Simon pendant qu'il tenait Houdan. Le 14 novembre 1469, Jean Morhier présenta requête en paiement de la comme due « en récompense de la seigneurie de Houdan » (E. 185).

Le duc soumit l'affaire à son conseil qui fut d'avis, à ce qu'il paraît, de ne pas résister ; et, le 20 juin 1473, une transaction fut passée à Nantes, aux termes de laquelle le duc promit la somme de 2.500 livres tournois (environ 100.000 fr. de notre monnaie en 1897) : 1.000 livres furent payées comptant ; le reste fut payable par le receveur de Montfort en trois annuités égales, et Morhier se désista de toute réclamation (E. 245) [Note : Les notaires de Nantes revêtirent cette transaction des formes de la vente et si bien que tous ceux qui liront cet acte devront croire non seulement qu'il y a eu vente, mais que l'objet de la vente a été la seigneurie tout entière. Témoin D. Morice qui intitule l'acte « Houdan vendu au duc par Jean Morhier, seigneur de Villiers ». Pr. III, 263-264].

Après cet acte, Houdan resta sans conteste au comté de Montfort, et subit les mêmes péripéties. En 1487, il fut engagé avec Montfort en paiement d'une grosse somme, et fut l'objet d'un grave débat judiciaire avec une seigneurie voisine, Néaufle le Châtel, dont nous allons parler.

 

5° Néaufle-le-Châtel

(Note : Les renvois E... qui suivent se rapportent aux archives de la Loire-Inférieure).

Cette seigneurie, dite quelquefois baronnie, était contiguë au comté de Montfort. Elle était ancienne, avait eu des seigneurs particuliers

[Note : Anciens seigneurs de Néaufle d'après le comte de Dion. (Fiefs de Montfort, notes passim) ; le P. Anselme et Moréri (qui le copie).

1052. — Simon de Néaufle.

1128-1150. — Simon de Néaufle. (a)

1206. — Simon de Néaufle.

1228-1252. — Milon. (a)

1277. — Guy de Chevreuse.

1363. — Jean d'Aigreville.

1376-1385. — Jean d'Aigreville mineur, Jeanne Boulard (tutrice).

1391-1395. — Catherine d'Aigreville et son mari Guillaume de Bois-Nivard.

1402-1413. — Catherine veuve.

1446. — Pierre de Pornille et d'Esgreville.

1445-1492. — Ducs de Bretagne.

(a a). Le P. Anselme et Moréri disent « Simon avait fondé l'abbaye des Vaux de Cernay en 1128, il vivait encore en 1150. Il fut inhumé aux Vaux, et son épitaphe lui donne le titre de connétable ». Le P. Anselme et Moréri ajoutent qu'il eut pour fils et principal héritier Milon, bienfaiteur de l'abbaye des Vaux en 1218 et 1242. M. de Dion nomme Simon en 1206. Est-ce le même que celui de 1128 ? C'est bien douteux, et le titre du connétable ne l'est pas moins]

, et avait château dès 1283 (Aveu de 1283). — En 1367, le châtelain, c'est-à-dire le gardien du château, était Jean de Gréville, comte de Meulan (8 février 1367. Nantes E. 90), ce qui prouve l'importance du château.

Le 7 mai 1445, le duc François Ier acquit Néaufle pour 1.200 écus d'or ; et, le 4 juillet suivant, Pierre de Pornille écuyer, en son nom et au nom de ses frères et soeurs, lui donna quittance de cette somme (E. 163).

Il semble que la possession du duc Pierre ne fut pas sans trouble, puisque, en 1453-1457, nous le voyons payer 343 livres « pour fournir la composition faite avec le sire d'Esgreville, à cause de la terre de Néauphle » (Voir Compte de trésorerie de 1453-1455. Lobineau, Pr. 1190).

A partir de l'acquêt de François Ier, nous voyons tous nos ducs rendre hommage lige pour Néaufle en même temps que pour le comté de Montfort [Note : Le premier hommage au Roi à propos de Néaufle est rendu par François Ier (Chinon, 14 mars 1446). Lobineau, Hist. p. 626].

Il existe une déclaration faite au Roi de la terre de Néaufle aux dernières années du XVème siècle : elle nomme Néaufle ancienne baronnie, et décrit l'ancien château clos de murailles, fossés et pont-levis ; elle évalue les droits féodaux à 400 livres parisis avec le droit de rachapt, marc d'argent et cheval de service, etc. ; elle donne une liste de 72 fiefs [Note : Cette déclaration publiée par le comte de Dion. (Fief de Montfort § VI) n'est qu'un fragment (unique malheureusement en ce qui concerne les fiefs) d'un Etat du comté de Montfort rédigé sous les derniers ducs de Bretagne ou aux premières années du XVIème siècle].

Par malheur la déclaration n'indique le revenu que de vingt-six d'entre eux, sans doute les principaux : l'un d'eux rapporte 2.000 livres, un autre 1.500 : le revenu des vingt-six fiefs est de 10.113 livres tournois.

Enfin la déclaration énumère neuf justices dites bailliages, prévôtés ou mairies, ressortissantes par appel devant le bailli de Néaufle.

Disons tout de suite que l'état des bailliages de Montfort dressé au XVIème siècle (1553) quand Montfort était comté royal, ne nomme plus que six justices ressortissantes à Néaufle annexé à Montfort. Cet état nous apprend que ces six justices (dont cinq non royales) ont pour ressort douze paroisses entières et la moitié de deux autres paroisses.

Au temps de l'acquêt fait par le duc François Ier, Néaufle ressortissait au comté de Meulan, qui était du domaine royal sous le bailliage de Mantes. Le duc devait tendre à réunir son acquisition nouvelle à son comté de Montfort ; il employa un singulier moyen : nous allons le voir arguer de sa faute pour obtenir une faveur.

Néaufle n'avait pas de prison, et les officiers avaient pris l'habitude de faire conduire les délinquants aux prisons de Montfort pour les faire juger par ce siège. Mais des accusés réclamèrent leurs juges naturels, comme c'était leur droit, « et cela créa des ennuis au duc et à ses officiers » [Note : Il faut lire ce curieux exposé dans Morice. Pr. III. 23 et 24]. Tel est, en résumé, l'exposé que le duc François II fit faire au Roi Louis XI, en 1462, au début de son règne.

Il faut dire que l'absence de prison était une faute puisque tous les hauts justiciers devaient en entretenir une [Note : Et la prison devait être hors du château « sur peine de la vie ». « Celui qui ferait de sa maison une prison violerait la majesté du prince » Ferrière, V° Prisons].  En tout cas l'absence de prison, si facilement réparable, était un prétexte — et un mauvais prétexte, — mis en avant pour demander « l'union de Néaufle au comté de Montfort et l'exemption d'obéissance et de juridiction au comté de Meulan ». Le duc ajoutait que la concession sollicitée par lui serait « une grâce qui ne revient à dommage au Roi ni à nul autre ».

La vérité est que soustraire Néaufle à Meulan, surtout si Néaufle avait quelque importance et était baronnie (ce qui ne paraît pas), c'était diminuer d'autant le comté de Meulan. Le Roi pouvait n'y pas tenir ; mais il allait faire don de Meulan et le nouveau seigneur devait tenir à ce que Néaufle « suivît sa cour de justice ». C'est ce que nous allons voir.

Louis XI accorde la demande. Vingt ans passent. Le Roi est mort ; et le duc de Bretagne n'a pas encore obtenu du parlement l'entérinement des lettres royales. Au mois de mars 1483, il supplie Charles VIII de confirmer l'union accordée par son père et d'ordonner au parlement d'entériner [Note : Morice, Pr. III. 453].

Et pourquoi l'entérinement s'est-il fait si longtemps attendre ? Parce que le seigneur de Meulan et le procureur du Roi s'y opposent. Quel est donc ce seigneur de Meulan ?... C'est Olivier Le Dain, le barbier et compère de Louis XI ! Ne peut-on pas supposer que, s'il tient ainsi en échec l'apparente bonne volonté du Roi, c'est avec l'approbation secrète de celui-ci ?

Charles VIII confirme les lettres de 1462 ; sur son ordre le parlement les entérine ; la faveur d'Olivier est morte avec son vieux maître (30 août 1483) ; lui-même n'est plus : il a été pendu, le 20 mai 1484 ; et pourtant, aux derniers jours de décembre 1486, le duc fait savoir au Roi que l'union des deux seigneuries n'est pas encore accomplie ! Bien plus, il se plaint que la seigneurie de Néaufle soit saisie par les officiers royaux ! Et pourquoi ? « Messieurs de la cour des Comptes refusent d'entériner les lettres » entérinées par le parlement [Note : Morice, Pr. III, 533].

Qu'advint-il de cette nouvelle réclamation du duc ? Assurément elle resta sans suites. Reconnaissons que pour demander et obtenir une grâce, le duc avait mal pris son temps. A ce moment même, il entrait dans les intrigues du duc d'Orléans ; le 13 janvier 1487, il lui donnait asile, et aux premiers jours de mars, l'armée française entrait en Bretagne.

A quelle époque s'est faite la réunion de Néaufle à Montfort ? C'est ce que nous ne pouvons dire d'une manière certaine.

Tout ce que nous savons, c'est que Néaufle est compris dans l'Etat du comté le Montfort dressé au commencement du XVIème siècle, c'est-à-dire quand la comtesse de Montfort, dame de Néaufle et duchesse de Bretagne était reine de France. On peut croire que c'est à ce moment seulement que la réunion au comté s'est réellement effectuée.

L'acquêt de Néaufle avait arrondi les possessions du duc de Bretagne aux alentours de Montfort et augmentait d'autant ses revenus de ce côté. Ce n'est pas sans étonnement que l'on voit, en 1487, François II donner à un créancier la jouissance de Montfort. Houdan et Néaufle pour une rente de 1.500 livres. Cet engagement ne fut pas seulement un acte de mauvaise administration : il fut pour Anne de Bretagne une cause de graves ennuis.

Anne eut à plaider à propos de Néaufle avant son premier mariage et pendant sa seconde union.

Le vicomte de Rohan avait épousé Marie de Bretagne, fille du duc François Ier et d'Isabeau d'Ecosse, et soeur de Marguerite, première femme de François II. Il prétendait que sa femme, plus proche en degré de François Ier que le duc François II, était héritière du duché ; mais il n'avait réussi ni à faire triompher ses prétentions par les armes avec l'aide des Français, ni à marier son fils à la jeune duchesse, alliance qui eût confondu leurs droits rivaux. Il imagina alors de faire à la duchesse une guerre judiciaire, pour en obtenir, à défaut du duché, de l'argent et des seigneuries.

Néaufle-le-Châtel fut l'objet d'un premier procès. En 1487, le duc François II avait donné la jouissance des seigneuries de Montfort avec Houdan et Néaufle au comte de Laval ; et Laval s'était mis en possession. Rohan et Laval s'entendirent pour assigner en même temps la duchesse. Rohan demanda la restitution de Néaufle au nom de sa femme « héritière du duché ». Laval, au cas que Rohan gagnât sa cause, prétendait exercer son recours en garantie contre la duchesse héritière de François II [Note : Lobineau. Hist. p. 809. — Son exposé n'est pas clair. Pour que Laval eût recours sur la duchesse il fallait que Néaufle fût avec Houdan compris dans le gage. C'est pourquoi j'ajoute Neaufle à Houdan. Guy XV, comte de Laval, (depuis 1486) avait pris parti pour le Roi, avec Rohan. La comtesse de Laval, Françoise de Dinan, seconde femme de Guy XIV, gouvernante d'Anne de Bretagne, prétendait la marier à son frère utérin, Alain d'Albret, et Anne de Bretagne l'avait renvoyée].

Ceci se passait en 1490, avant le mariage d'Anne de Bretagne. Devenue reine, elle vit le vicomte de Rohan renouveler ses procédures, en 1501. Au nom de sa femme, aujourd'hui seule héritière de François Ier, Pierre II et Arthur II, et héritière unique de sa soeur Marguerite femme de François II, il réclamait Fougères, Chantocé, Ingrandes [Note : Fougères, baronnie acquise par Jean V (1428) de son neveu François duc d'Alençon, pris à la bataille de Verneuil (17 août 1424) et qui devait employer au paiement de sa rançon le prix payé par le duc. Chantocé et Ingrandes, en Anjou, acquis par Jean V, en 1434, du maréchal Gilles de Retz pour 100.000 vieux écus d'or (d'Argentré, p. 606). Ces seigneuries saisies sur le duc François II, en 1479, sous le plus vain prétexte, furent rendues seulement en 1484.  Lobineau. Hist. 734], Néaufle-le-Chatel, etc., parce que ces terres étaient des acquêts de Jean V et de François Ier. Il demandait en outre les meubles de François Ier, qu'il évaluait deux millions d'or, ceux d'Isabeau d'Ecosse, et enfin la moitié de ceux de François II dus à Marguerite de Bretagne et, après elle, à sa soeur la vicomtesse de Rohan.

Il fut répondu au vicomte qu'il s'y prenait bien tard, après cinquante ans passés depuis la mort de François Ier et trente-deux depuis celle de Marguerite [Note : François Ier était mort en juillet 1450 ; et la duchesse Marguerite, sa fille, en septembre 1469], et que, à défaut d'autre moyen, la prescription était depuis longtemps acquise en ce qui concernait les terres. Des arbitres condamnèrent la reine à rendre la moitié des meubles communs entre François II et Marguerite de Bretagne ou leur évaluation ; 100.000 écus d'or furent payés, les procès finirent, et  Néaufle resta à la Reine [Note : Lobineau. Hist. p. 327. Pr. 1567-1568].

NDLR : Rattachement de la baronnie de Neauphle-le-Châtel au comté de Montfort (1478) : « Loys, par la grâce de Dieu, roy de France ; sçavoir faisons à tous presens et advenir nous avoir receu l'umble supplication de nostre très-cher et très-amé neveu et cousin le duc de Bretagne, contenant qu'il est seigneur de la terre, seigneurie et baronie de Neaufe-Chasel, qui est située et assise auprès de sa terre, comté et seigneurie de Montfort, qu'il tient de nous, ressortissant au siege et jurisdiction de Meulant au bailliage de Mante, laquelle seigneurie et baronie de Neaufle-Chastel, pour l'augmentation de sondit comté et seigneurie de Montfort qu'il tient de nous, il desiroit fort estre unie et jointe avec ledit comté de Montfort, et qu'elle ressortist nuement en nostre cour de parlement, se nostre plaisir estoit faire ladite union, et distraire et séparer icelle seigneurie de Neaufle-Chastel du ressort, siège et jurisdiction dudit lieu de Meulant, et à cette cause nous a fait supplier et requerir nostre grace luy estre sur ce impartie. Pourquoy nous, ce considere, inclinans liberalement à la supplication et requeste de nostredit neveu et cousin, icelle terre, seigneurie et baronie de Neaufle-Chastel avons, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, unie, jointe, annexée, et par la teneur de ces presentes, de grace especialc, plaine puissance et autorité royale, unissons joignons et annexons audit comté de Montfort, pour l'avoir et tenir par nostredit neveu et cousin, ses hoirs, successeurs et ayans cause audit comté, ensemble et avec iceluy comté à une seule foy et hommage, et en tous droits, ressort, préeminences, libertés et franchises appartenans audit comté, et, en ce faisant, avons icelle terre, seigneurie et baronie de Neaufle-Chastel desunie, separée et distraite, desunissons, separons et distrayons par ces presentes, des siege, ressort et hommage dudit lieu de Meulant, sans ce que d'ores en avant les subjects, manans et habitans d'icelle terre, seigneurie et baronie de Neaufle-Chastel ressortissent aucunement par appel ne autrement audit siege de Moulant, mais en nostredicte cour de parlement comme font et ont accoutumé de faire ceux dudit comté de Montfort. Si le donnons en mandement par ces mesmes presentes à nos amés et féaux conseillers les gens tenans et qui tiendront notre cour de parlement les gens de nos comptes et tresoriers, au bailly de Mante et à tous nos autre officiers ou à leurs lieutenans, presens et advenir, et à chacun d’eux si comme à lui appartiendra, sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Arras, au mois d'avril, l'an de grace mil quatre cent soixante-dix-huit, et de notre regne le dix-septième. Sic signatum supra plicam : Par le roy, Vous, te protonotaire de Cluny et autres presens. J. MESMES ». (Chartes de la Chambre des Comptes, n° 1014).

(J. Trévédy) 

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