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LES MOUTIERS-EN-RETZ |
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LE
MOUTIER SAINT-PIERRE
Dans les premiers siècles de notre ère, la citadelle du pays, le long de la Baie de Bretagne, fut incontestablement la « ville » de Prigny. Mais, sans retard, autour de cette citadelle, des agglomérations surgirent çà et là, au Collet, par exemple, et surtout aux Moutiers. Les pêcheurs trouvaient avantage à demeurer près des flots, quitte à courir les risques des inondations ou des bourrasques. Ainsi se forma peu à peu le groupement de huttes, puis de « bourrines » qui devait devenir le faubourg de Prigny, et bientôt, le bourg des Moutiers.
Deux monastères s'y établirent : celui des dames fut fondé en 1060, comme il sera dit par ailleurs. Celui des messieurs suivit de près, dans le même XIème siècle. Mais avant que fussent fondés ces deux établissements religieux, une église paroissiale existait déjà, dédiée à saint Pierre, patron des pêcheurs, car ce fut le recteur de cette église Saint-Pierre, le prêtre Even, qui permit l'érection du moutier des femmes et qui occasionna l'érection du moutier des hommes.
L'Église Primitive.
Ce prêtre Even, en effet, se fit bénédictin à l'abbaye Saint-Sauveur de Redon. Il donna, dans cette occasion, à cette riche abbaye son église Saint-Pierre de Prigny, avec le presbytère, le jardin, le cimetière, les salines qui en dépendaient. C'est alors, semble-t-il, que fut bâtie la première partie de l'église actuelle ; elle porte, en effet, les caractères des constructions du XIème siècle, spécialement dans ses contreforts massifs avec ressauts et avec glacis d'un seul rampant. Un prieuré dut être établi tout près de l'église : les érudits l'ont cherché au Sud, à l'Ouest et enfin à l'Est du monument actuel, sans pouvoir déterminer son emplacement. Ce moutier cessa d'être habité par des moines dès le Moyen âge : des prêtres séculiers assurèrent le service de l'église Saint-Pierre ; ils portèrent longtemps le qualificatif honorifique de prieur.
La première partie de l'église — celle qui avoisine le clocher actuel — semble n'avoir été voûtée de bois qu'assez tard, car, dans un inventaire de 1637, il sera question de « ciels » pour abriter les autels des détritus qui tombaient de la charpente et des saletés que laissaient choir les chats-huants. Une tribune y était élevée, à laquelle on accédait par l'escalier du clocher et par une porte ouverte près de l'autel Saint-Jean d'aujourd'hui. Le clocher, en effet, s'élevait sur le côté sud de la nef ; sa construction inférieure demeure encore et forme en ce moment, pour une part, la sacristie des prêtres.
Continuation de l'église.
La seconde partie de l'église Saint-Pierre — celle qui touche à la façade occidentale — ne dut pas tarder à être bâtie à son tour, puisqu'elle porte les mêmes caractères d'architecture romane. Il y a bien, sur une poutre de la charpente, la date inscrite : 1541. Faut-il retarder jusqu'à ce milieu du XVIème siècle la continuation du monument ? Cela paraît bien hasardeux, car rien n'y décèle l'influence de la Renaissance, et, dans les siècles passés, l'on bâtissait habituellement selon le goût du temps présent. La date 1541 marquerait seulement la reprise de la charpente, reprise qu'expliquent trop la fréquence et la violence des tempêtes sur le bord de la Baie de Bretagne.
Quoi qu'il en soit de la date, le monument a été repris à un moment : la marque s'en voit dans le mur qui, dans un endroit situé près de l'autel Saint-Jean, est sensiblement dévié. La nouvelle partie ne fut pas voûtée ; elle demeurerait ainsi, sous la belle charpente apparente, jusqu'en 1827. L'on transporta la tribune au fond de la nouvelle nef : on l'y voyait encore en 1867, année qui vit enfin sa disparition.
Un enfeu.
Comme toutes les églises d'antan, l'église Saint-Pierre devint en enfeu pour le clergé et pour les fidèles de quelque importance. En novembre 1630 y fut enterré vénérable et discret messire Jean Tardivel, chapelain du Saint-Esprit en l'église paroissiale. En 1639, c'est un chapelain de l'église Madame, puis une dame Lejau qui reçoivent sépulture dans la nef. Et la chose se continue pendant les XVIIème et XVIIIème siècles, au grand dommage de la santé publique et de l'utilisation du monument, bien que plusieurs recteurs aient donné le bon exemple en se faisant inhumer dans le cimetière.
La toiture.
Exposée au vent du large, la toiture de l'église des Moutiers donna toujours bien des soucis aux recteurs et aux maires de l'endroit. Quelques tempêtes, plus malfaisantes encore que les autres, ont laissé sur ce sujet de mauvais souvenirs. En 1752, la toiture se trouva tellement endommagée qu'il y avait péril à stationner dans l'église. La Fabrique paroissiale manquait de fonds. Heureusement, une âme généreuse intervint : Mme Boux de Bougon, châtelaine du Bois-des-Tréhans, s'offrit à payer la réparation ; en retour, elle obtint d'avoir son banc d'honneur dans l'église, près du sanctuaire, sur le côté épître. Elle devenait, par là, l'égale de Mme la Prieure qui avait son banc sur le côté évangile. Ces marques de puissance féodale disparurent en 1829, pendant l'actif rectorat de M. Olivier.
Il fallut pourtant reprendre l'oeuvre dès 1754. La charpente, secouée par les vents, s'était disloquée et affaissée. Le recteur de cette époque, M. Pierre Rivet, n'était pas homme à reculer devant la besogne : il fit se rejoindre les pièces de bois dont les chevilles avaient cédé, les fit renforcer par des crampons de fer ; les soixante-dix-neuf entraits, avec leurs flèches, reprirent ainsi leur aplomb ; il ne fut de même des entraits retroussés, des jambettes et des contre-flèches. L'immense carène à double pont fut assise de nouveau solidement sur les murs goutterots de la nef.
Moyennant des réparations périodiques, plus ou moins importantes, la toiture de l'église Saint-Pierre continua dès lors de protéger le vaisseau. Elle fut démesurément agrandie, au Sud, quand elle fut prolongée sur ce qui subsiste de l'ancien clocher. Sa carapace bleuâtre enveloppe chaudement la vaste nef longue d'environ trente-trois mètres et large de treize passés.
Le pavement.
Le carrelage de l'église s'est fait, lui aussi, lentement. En 1775, le recteur Pierre Rivet fit carreler de nouveau le sanctuaire en carreaux blancs et noirs. Un siècle plus tard, en 1867, ce fut la nef qui reçut son dallage de l'entreprenant recteur qu'était M. François Maillard. Les allées furent couvertes de dalles de granit sorties des carrières de Vigneux, et le reste reçut de simples carreaux d'argile cuite.
L'extérieur.
Telle qu'elle se présente, l'église Saint-Pierre des Moutiers forme un vaste rectangle dont la superficie atteint trois cent soixante-dix mètres carrés. Les murs latéraux ne dépassent pas onze mètres de hauteur : l'aspect est donc celui d'un édifice trapu, massif, capable de résister aux vents de l'océan. Douze contreforts épais soutiennent les murs de distance en distance ; les deux qui continuent le pignon oriental ont été placés de biais, selon la mode du Haut Moyen âge, et ils sont plus forts que les autres, comme aussi les deux qui étayent le pignon ouest. Entre ces contreforts, sur le côté nord, cinq fenêtres ont été percées : tracées en plein-cintre, elles sont géminées et surmontées d'un oculus. Toutefois, celle qui surmonte l'auvent de la porte des « Bernerins » est simple et plus courte que ses voisines. Deux portes s'ouvrent de ce côté, l'une, très modeste, est celle des Sablais ; l'autre, à deux vantaux, s'abrite sous un appentis que supportent deux poteaux de bois : c'est là que se faisaient jadis les publications civiles ; là aussi, le « général » de la paroisse — le conseil de fabrique — rendait publiquement ses comptes.
Sur le côté sud, le maître-maçon n'a ouvert qu'une seule fenêtre et aucune porte : il fallait se garder du vent de mer qui donne en plein sur ce mur. Mais la sacristie, aménagée dans les soubassements de l'ancien clocher, possède nécessairement quelques baies.
Le pignon ouest ne manque pas de grandeur, avec ses bandes lombardes qui le fortifient, avec ses deux grandes portes surmontées de deux étroites fenêtres [Note : L'une de ces portes, celle du Sud, avait jadis un auvent, comme l'indiquent les quatre supports encastrés dans la maçonnerie]. Les marches qui donnent accès à ces portes n'ont été placées qu'en 1782 par le recteur Pierre Rivet ; le terrain avoisinant était-il plus élevé que ne l'est la route actuelle ? ou bien un simple rampant de terre permettait-il d'arriver au seuil ? L'une et l'autre hypothèses sont possibles ; en tout cas, les emmarchements actuels sont trop importants pour les portes elles-mêmes.
A l'Est, le clocher nouveau s'élève, puissant dans sa base, svelte dans sa flèche, achevant agréablement l'édifice et lui donnant au loin son caractère religieux.
L'intérieur.
L'intérieur du monument est des plus simples comme construction : une vaste salle recouverte d'un immense « lambris », c'est-à-dire d'une voûte en bois qui s'élève, en son milieu, à quelque quatorze mètres. Deux des côtés sont quasi sans ouvertures et feraient bien nus s'ils n'étaient décorés. Mais la vue d'ensemble impressionne par sa grandeur et sa majesté : un millier de personne pourrait tenir facilement dans ce vaisseau. Aussi bien, pour faciliter la circulation, a-t-on aménagé deux allées entre les bancs qui meublent le parterre de l'église ; ces bancs sont l'oeuvre du recteur, M. François Maillard ; ils furent placés en 1867.
Le rétable.
Ce qui frappe tout de suite l'oeil du visiteur, dans l'église des Moutiers, c'est le grand retable des autels du fond. Très heureusement, l'artiste qui l'a conçu, au XVIIème siècle, a voulu surmonter à la fois les trois autels qui s'appuient sur le pignon de l'édifice : il a obtenu ainsi un effet prodigieux en couvrant d'un seul jet tout ce pignon.
Six colonnes corinthiennes, posées sur leurs dés rectangulaires, soutiennent l'entablement, entablement grec complet : architrave, frise et corniche. Cet entablement se soulève, au milieu, pour former un fronton, comme s'il était l'extrémité d'un toit. Au-dessus de ce bel ensemble architectural, l'architecte a placé trois niches, accostées de pilastres légers et de rampants en volutes, surmontées des traditionnels vases remplis de fleurs et des urnes flamboyantes. La niche du milieu, très large, encadre un relief assez plat surmonté d'une décoration florale : trois coeurs, cantonnés de quatre anges, y figurent la Trinité. Cette niche centrale se heurte malheureusement au plafond et n'est couronnée que d'un arc très surbaissé. Les niches latérales, plus complètes, abritent la statue de la Vierge-Mère et celle du pape saint Clément.
Entre les trois parties de ce large rétable, deux niches contiennent les statues de saint Pierre et de saint Paul. Celle-ci, en bois, est d'une noblesse remarquable : le glaive, qui fut l'instrument de son supplice, est aussi le symbole de son verbe tranchant et fulgurant : tout en lui annonce le génie éclairé de l'Esprit. L'image de saint Pierre, plus récente, en tuffeau, n'est que la statue traditionnelle du porte-clefs de l'Eglise. Des têtes d'anges forment consoles sous leurs pieds ; d'autres têtes angéliques surmontent leur niche.
Les tableaux.
Le motif principal de décoration, en ces fastueux rétables, est naturellement le tableau central. Sur la droite du spectateur, la toile représente saint Clément, pape de la fin du premier siècle et protecteur spécial des marins : dans un cartouche, en haut, l'on a dessiné l'ancre marine qui fut attachée au cou du pontife quand il fut précipité dans les flots. Le saint pape, dans le tableau, est représenté en chape : celle-ci, bien drapée, l'enveloppe noblement. Il tient la croix à trois traverses qui indique sa dignité, comme le fait aussi la tiare qu'on a posée sur sa tête. Ses pieds reposent dans une barque, la barque de Pierre.
Derrière l'autel majeur, c'est une dation des clefs à saint Pierre que représente le tableau, bonne copie d'une oeuvre de maître. Cette toile ne fut placée là qu'en 1832, par le recteur Julien Olivier. Elle en remplace une autre que l'on regrette de ne plus y voir : un paroissien des Moutiers, Jean le Jau, sieur de la Praudière, procureur fiscal du Bois-des-Tréhans, greffier de Madame la Prieure des Moutiers, notaire du duché de Retz, avait fait exécuter, au dire de M. Baconnais, un tableau représentant saint Pierre recevant les clefs. Il s'y était fait représenter en costume de procureur, portant sur sa poitrine un écusson sur lequel on voyait un coq, — un jau, comme on dit dans le pays. Ce tableau fut placé dans le rétable ; on l'y voyait encore en 1832 et M. le chanoine Rousteau, vicaire général du diocèse de Nantes et archéologue distingué, né à Bourgneuf en 1814, en avait gardé un souvenir charmé. Malheureusement, M. Olivier ne l'apprécia pas ainsi et le fit disparaître lors d'une réfection du rétable, en 1832.
Le tableau de l'autel de la Vierge n'a pas subi le même sort, grâce à Dieu : il représente la Très Sainte Vierge donnant le Rosaire à saint Dominique, tandis que l'Enfant-Dieu le confie à sainte Catherine de Sienne. Autour de la scène se déroulent les quinze mystères du Rosaire. Un cartouche porte la date de 1631. Il faut savoir que le recteur Julien Dudoit, curé des Moutiers de 1601 à 1629, érigea, selon les formes canoniques, la confrérie du Saint-Rosaire dans sa paroisse [Note : Le registre de cette confrérie a été conservé : il note que l'érection fut faite, dans la paroisse du Bourg-des-Moutiers, par le Révérend Frère Raymond Quiboux, bachelier, par commandement de Frère Gilles Damoux, docteur en théologie, maître général de la congrégation gallicane de l'Ordre des Frères Prêcheurs, sur autorisation de M. Blanchard, vicaire général du diocèse de Nantes, au temps de messire Julien Dudoit, recteur]. Celle-ci connut tout de suite un vrai succès : en 1633, elle comptait deux cent soixante associés. Il n'est pas étonnant, dès lors, que l'autel de Notre-Dame de Toutes-Joies soit devenu ici l'autel de Notre-Dame du Rosaire. Le tableau a-t-il été peint en 1631, comme l'indique le cartouche ? Ou bien, ayant été fait pour le rétable posé en 1674, y a-t-on marqué, vers ce temps, la date approximative de l'érection de la confrérie ? L'une et l'autre choses sont possibles.
Quoi qu'il en soit de ce débat, le tableau du Rosaire constitue l'un des trésors de l'église des Moutiers. Un connaisseur, M. Maxence, aimait à s'arrêter longuement devant cette toile, admirant le dessin soigné, le coloris agréable et très étudié, l'invention souvent heureuse des petites scènes du pourtour.
Les autels.
Il est à remarquer que le triple rétable se trouve placé non seulement derrière, mais aussi au-dessus des tables des autels, et ceci lui donne beaucoup d'élévation. Les autels eux-mêmes ont été changés en 1832 ; M. Baconnais, du moins, l'affirme nettement pour le maître-autel : « il était en maçonne, dit-il ; il fut remplacé par un tombeau en bois peint ». Comme les autels latéraux sont aussi en bois, maintenant, on peut soupçonner le même changement pour eux ; les pauvres motifs qui les décorent, d'ailleurs, laissent deviner l'indigence architecturale de 1830 : les initiales enlacées de l'Ave Maria, l'agneau sur le livre aux sept sceaux, sont toute la décoration des « tombeaux » des autels de la Vierge et de saint Clément. Sous le maître-autel, un triangle fulgurant, avec le nom de Jéhovah en lettres hébraïques et une demi-retombée de guirlande essaient d'enjoliver le devant de la table.
En retour, les tabernacles en bois doré, avec motifs délicats d'ornementation, les chandeliers, les gradins ornés de fleurs et de fruits, sont des plus agréables à regarder. La haute prédelle du maître-autel, surtout, forme un ensemble éblouissant, avec le tabernacle orné de l'Agneau et le dais d'exposition richement mouluré ; des niches y sont creusées où s'abritent les statuettes de saint Pierre et de saint Paul, de sainte Barbe et de saint Rémi.
Et tout cela se trouve abondamment décoré de chutes de feuillages et de fruits, de têtes d'angelots, de rubans flottants, de potiches garnies de fleurs ou flamboyantes : c'est la noble et splendide ornementation du XVIIème siècle finissant, qui fait sourire sa grâce sur l'imposante architecture de la grande époque française.
L'initiateur.
Quel est l'auteur de cette oeuvre ? Quel est le Mécène qui l'a financée ? Questions oiseuses, mais auxquelles on aimerait à donner des réponses tout de même. Des indices, du moins, permettent de faire des hypothèses vraisemblables.
Il est certain que le recteur des Moutiers, M. Charles Freschoux, curé de 1671 à 1693, posa la première pierre des trois autels du sanctuaire en 1674. L'acte de sépulture de ce recteur parle même de cinq autels. Il est probable qu'une oeuvre de cette envergure était commandée et commencée bien avant l'arrivée de M. Fleschoux aux Moutiers. Son prédécesseur, M. Olivier Ernaud, n'avait fait que passer, 1667-1670 : il n'a pu commencer pareille entreprise. Mais le recteur précédent, M. Julien Leray, a fait un long séjour aux Moutiers, de 1629 à 1666. Or, il est au moins possible, on l'a vu, qu'ait été brossé de son temps le tableau du Rosaire qui porte la date de 1631. On pouvait, entre 1629 et 1666, songer au fameux rétable, et déjà le préparer en faisant exécuter les tableaux qui y seraient incrustés.
Dans le même temps, on l'a dit, vivait aux Moutiers le sieur Jean le Jau, brave homme, un peu vaniteux, nous dit l'abbé Baconnais. Il n'avait pas d'héritiers et cherchait à subsister dans l'avenir : il voulait être enterré dans l'église ; il faisait poser une plaque commémorative, en cuivre, sur sa maison bâtie à neuf [Note : Voici le texte de cette inscription sur cuivre : « Honorables personnes, maytre Jean le Jau, syeur de la Praudyère, procureur fiscal du Boys-des-Tréhans, Vyellevygne et Machecoü, entre les deux chastüx, greffyer de Madame la Pryeure de ce lyeu, notayre du duché de Retz, nay du XII novembre 1569, et Antoynette Pothyer, sa femme et épouse, du XV janvyer 1595, naquye du XVIII aoust 1578, ont ce logyx faict bastyr et parachever le dernyer jour de juyllet, en l'an 1627, n'ayant poynt anffans procréés de leur chayre ». Ils étaient alors âgés respectivement de cinquante-huit et quarante-neuf ans. Cette maison subsiste, à l'est du clocher actuel : elle appartient à M. Bocandé à la fin du XIXème siècle] ; il se faisait peindre sur le tableau de Saint-Pierre recevant les clefs, tableau destiné au rétable apparemment. Ne serait-il pas le donateur du rétable et l'initiateur de l'oeuvre ? Tout porte à le faire croire. Jean le Jau ne vit pourtant pas en place le fastueux rétable, car il mourut entre l'an 1654 et l'an 1659, après avoir, d'ailleurs, fondé une messe annuelle de Requiem, au maître-autel, avec glas et comportant diacre et sous-diacre.
L'auteur.
Quel est l'auteur de ce grand rétable ? M. Giraud-Mangin, dans un article où il énumère les objets « classés » de la Loire-Inférieure, déclare que cette oeuvre « est due au Nantais Jean Boffrand, maître sculpteur et architecte, qui épousa la soeur du poète Quinauld, et qui fut le père du célèbre architecte Germain Boffrand ». (Bulletin de la Société Archéologique et Historique de Nantes, année 1938, p. 352). Rien ne s'oppose à cette paternité. Jean Boffrand, en effet, devint père de Germain en 1667. Son beau-frère Quinault naquit en 1635. Il pouvait donc, en 1674, quand l'oeuvre fut terminée, être dans la force de l'âge et dans la maturité de son talent.
Les réparations.
Si beau qu'il fût, le rétable, fait de pierre blanche et peint minutieusement, subit l'injure du temps, des hommes... et des oiseaux qui circulaient sous la charpente apparente. Il fallut, plus d'une fois, le réparer. Vers 1742, le Général de la paroisse fit venir un expert pour examiner les dégâts. Un projet fut dressé et un devis fixé : l'artiste demandait 4.030 livres. A ce prix, il ferait un tabernacle neuf ; il renouvellerait les gradins ; il rafraîchirait les grandes colonnes qui seraient repeintes à neuf ; il raccommoderait le bras droit de la statue de saint Pierre ; il retoucherait enfin une partie du rétable. Le marché fut passé et le travail exécuté. C'était sous le rectorat de M. Charles Duporteau qui fut curé de 1737 à 1753.
Vers 1807, un nouveau marché est passé avec un peintre décorateur nommé Gaudouin : celui-ci s'engage à dorer en or mâle toutes les surfaces et baguettes des sculptures du sanctuaire, tout ce qui concerne les trois autels. Les fonds seront peints en couleurs décoratives pour jouer avec la dorure. Les petites colonnes seront peintes en marbre blanc non luisant, les grandes en marbre noir non reluisant, les guirlandes et les supports en jaune, les fonds en blanc. Puis l'on parle de représenter un coeur enflammé, et un rideau avec glands. On menace même de rafraîchir les tableaux, et, naturellement, les pots qui se trouvent au-dessus des corniches seront peints en flammes ardentes. — On frémit devant pareil projet ; celui-ci fut pourtant exécuté selon toute vraisemblance. Le curé était alors M. Prosper Charbonnier qui dirigea la paroisse de 1804 à 1820.
On a vu comment le tableau central du maître-autel fut changé en 1832. Le recteur d'alors, M. Julen Olivier, fit d'ailleurs reprendre les peintures et dorures du rétable : « Les grandes colonnes furent peintes en couleur voyante imitant le demi carmin ; les potiches soutenant des gerbes de fleurs, de fruits, de flammes, reçurent également une teinte très gaie... ».
En 1872, la foudre endommagea le maître-autel : elle ternit beaucoup de dorures et noircit le tableau central. Un tuffeau fut jeté sur les gradins et la lampe du sanctuaire précipitée dans la nef. Une compagnie d'assurances fit réparer le tout, sous le rectorat de M. François Maillard.
Malgré tant de méfaits, le triple rétable demeure majestueux, rutilant de dorures et imposant par son immensité.
Les autels latéraux.
Bien que l'obituaire des Moutiers fait l'honneur de cinq autels au recteur Charles Fleschoux, il paraît impossible d'attribuer au XVIIème siècle les deux autels en pierre blanche qui s'élèvent dans la nef, à droite et à gauche de l'assistance. Leur facture, en effet, accuse nettement le XVIIIème siècle, avec ses lignes tourmentées, ses draperies tendues, sa joliesse un peu mièvre. Ils sont dédiés à sainte Anne et à saint Jean-Baptiste : c'est qu'aussi bien, en 1674, l'on avait fait disparaître les autels dédiés à ces deux saints pour en élever deux autres en l'honneur de la Vierge et de saint Clément. La piété paroissiale exigeait qu'on vît reparaître les monuments de sainte Anne et de saint Jean.
Ces deux nouveaux autels sont, eux aussi, surhaussés de beaux rétables, avec niches, guirlandes, potiches, colonnes, cartouches et tableau central. Les niches latérales sont capricieusement posées de biais par rapport à la table de l'autel ; elles contiennent, à l'autel Saint-Jean, les statues de sainte Geneviève et de saint Sébastien, et, à l'autel Sainte-Anne, celles de la Vierge et de saint Joseph. L'un et l'autre autels sont un peu écrasés sous la pesante croix de pierre qui surmonte chacun d'eux. Malgré cela, ils présentent un noble aspect : ce sont deux bijoux de sculpture et d'architecture qui mériteraient d'être « classés » comme les trois autels du grand rétable qu'ils avoisinent.
Dans chacun des deux, le tableau central semble avoir été exécuté seulement au siècle dernier : à l'autel, Saint-Jean l'on a représenté sainte Barbe accompagnée de sa tour ; sous la statue de sainte Anne, la toile représente saint Félix, évêque de Nantes, accompagné probablement de saint Martin, abbé de Vertou.
Sauvés de la ruine.
Sait-on que ces deux beaux autels, demeurés dans leur blancheur native, faillirent être détruits dans le cours du XIXème siècle ? Le Conseil municipal, en 1857, prétendit que ces autels étaient une « superfétation », qu'ils pourraient être détruits sans inconvénients..., qu'il n'y a donc pas lieu de les restaurer. M. le curé, l'abbé François Maillard, bondit d'indignation : allait-on faire disparaître deux des plus belles oeuvres de son église ? Il réunit son Conseil de Fabrique, rédigea une ferme protestation et alerta préfecture et évêché. Ces autorités supérieures le soutinrent heureusement, et, grâce à la générosité de l'Etat, plus encore à celle des paroissiens, il fit restaurer « à neuf » les autels Sainte-Anne et Saint-Jean.
Le même curé, en 1858, fit refaire la partie de la voûte qui couvre le sanctuaire et qui datait vraisemblablement, dit M. Baconnais, de la construction de l'église, bien qu'ailleurs il laisse soupçonner qu'elle lui est de beaucoup postérieure.
Avant de sortir de l'église Saint-Pierre, il nous faut jeter un coup d'oeil sur son mobilier. Deux tableaux modernes, dans le sanctuaire, représentent le Sacré-Coeur de Jésus et le Saint-Coeur de Marie. Un autre, dans le fond, est une copie de la fameuse Transfiguration de Raphaël. Un quatrième est suspendu bien haut, sur le mur du pignon occidental : il exprime la mort de saint Joseph ; ce tableau vient de l'église de Prigny : c'était le tableau de la Bonne-Mort. M. Olivier, vers 1830, crut devoir l'enlever d'une église qui menaçait ruine, et l'apporta à Saint-Pierre des Moutiers.
Une sainte table fut placée à l'entrée du choeur quelques années avant les troubles de 1793 : c'est elle que l'on voit encore, semble-t-il. Le recteur Pierre Rivet faisait vraiment bien les choses.
Le mobilier.
Sur la droite du spectateur, la chaire s'accroche au mur, étroite et haute, et surmontée d'un dais qui révèle la grâce un peu maniérée du XVIIIème siècle. En face, un crucifix monumental est accolé à la muraille ; exécuté en bois, il intéresse les connaisseurs.
Les bancs qui garnissent le parterre sont de l'an 1867 : le recteur François Maillard, avant de les commander, s'enquit de ce qu'il y avait, dans les églises du voisinage, consulta beaucoup sur ce sujet, et finalement dota son église « de bancs simples, réguliers et commodes », comme les qualifie M. Baconnais. Ils coûtèrent la somme de 4.400 francs.
Un confessionnal neuf, le long du mur sud, est l'oeuvre d'un artisan du pays : elle lui fait vraiment honneur.
Le chemin de la Croix.
Mais ce qui meuble surtout les murs blancs d'une église, c'est le Chemin de la Croix. Aux Moutiers, les stations sont heureusement monumentales et décorent abondamment l'édifice. Peint sur toile, il offre, en général, de belles scènes, sans sortir de la tradition. Il fut mis en place en 1875, le 4 mai, sous le rectorat de M. Maillard ; Mgr. Fournier, évêque de Nantes, en vertu d'un indult obtenu du ministre général des Frères Prêcheurs, avait autorisé M. le curé de Bourgneuf à faire cette érection. L'allocution de circonstance fut prononcée par le curé de Saint-Hilaire-de-Chaléons : les confrères du voisinage s'étaient donc intéressés à l'oeuvre.
Ces stations du Chemin de la Croix en remplaçaient d'autres que le recteur, M. Coupry, avait fait placer en 1838, par l'abbé Lusson, ancien curé de Saint-Jacques, sur autorisation écrite de Mgr. de Hercé, lui-même autorisé par un indult de Rome de 1836. Selon le procès-verbal dressé par M. Coupry, il n'y avait pas de Chemin de la Croix aux Moutiers avant 1838.
Les fonts baptismaux.
Au bas de la nef, en 1867, furent dressés les fonts baptismaux, derrière une simple barrière en bois. Exécutés en grès bleu, ils sont simples, mais d'un dessin ferme qui semble accuser le XVIIème ou le XVIIIème siècle. Une figuration du Baptême de Jésus-Christ orne le mur du fond, selon la règle liturgique.
Un bateau à trois mâts, fort bien exécuté, est suspendu à la voûte, comme dans toutes les églises de la côte. Et ainsi se trouve convenablement meublée l'église tant de fois séculaire de Saint-Pierre des Moutiers.
Le vieux clocher.
La vieille église du prieuré Saint-Pierre, du XIème siècle, avait déjà son clocher : la cloche est l'un des instruments indispensables dans une communauté. Ce clocher a subsisté au travers des siècles, battu par les vents de tempêtes et cent fois recouvert de sa carapace de planches et d'ardoises. Il était placé sur le flanc sud de l'église ; peut-être était-il attenant aux bâtiments du monastère.
Quand l'église priorale devint paroissiale, il fallut l'agrandir : elle fut doublée, au moins, en superficie, comme on l'a vu. Le clocher demeura ce qu'il était. Les anciens l'ont connu : à peine arrivait-il à hausser son campanile au-dessus du toit de l'église. Aussi le son qui s'en échappait ne se répandait-il que faiblement sur le territoire paroissial, lequel s'étend précisément sur le flanc nord de l'église.
Les cloches.
Des cloches l'égayaient pourtant avant la Révolution : on a dit comment elles furent mises en pièces par les Chouans pour en priver le curé assermenté, le recteur Pierre Rivet ; les morceaux en furent emportés jusqu'à Sainte-Pazanne.
Quand le culte catholique fut rétabli, le premier desservant concordataire, M. Jean Clément, ne put se procurer qu'une clochette ; il revenait d'exil ; l'église des Moutiers était dévastée : en 1803, le pauvre curé demanda qu'on lui procurât un ornement « de toute couleur », pour dire la messe tous les jours avec cet ornement, quelle que fût la fête.
Son successeur, M. Prosper Charbonnier, put aller plus loin. Dès 1807, il put se procurer une véritable cloche. Pour la loger convenablement, il fit recouvrir la flèche du clocher et y fit ouvrir quatre lucarnes : ainsi pourrait s'épandre plus facilement la nouvelle voix de bronze.
En 1840, c'est une cloche énorme, de 646 kilogrammes, que fait suspendre dans le clocher le curé d'alors, M. Julien Coupry ; la paroisse de la Bernerie venait d'être fondée : il fallait appeler énergiquement les fidèles à leur vieux clocher. Une pieuse veuve de la Bernerie, Mme Boutet, avant de dire adieu à l'église de son baptême, voulut lui faire cadeau de cette cloche ; elle en serait la marraine, tandis que le président de la Fabrique, M. Jacques-Romain Paumier, en serait le parrain. La cloche avait été fondue dans les ateliers Voruz, sur la Prairie-au-Duc, à Nantes. Le baptême en fut célébré le 12 août par M. Douet, desservant de Saint-Même. On voulut donner à la nouvelle née les noms de Perrine-Constantine-Rosalie. Le prédicateur de la fête avait été le R. P. Lehuédé, missionnaire diocésain, qui devait, un jour, fonder la paroisse Sainte-Anne de Nantes.
Le clocher neuf.
Tout ceci n'était pourtant que du provisoire : en 1848 fut nommé curé des Moutiers M. François Maillard, qui allait régir la paroisse pendant trente années. L'une de ses grandes oeuvres allait être la construction d'un nouveau clocher. L'ancien lui paraissait à la fois bien laid, trop bas et surtout vieilli au point de menacer ruine. Avec l'architecte, M. Renou, de Pornic, il décida crânement de détruire le vieux campanile et d'en construire un autre au chevet de l'église. Là se trouvait la sacristie ? N'importe : on ferait deux sacristies nouvelles, à droite et à gauche du clocher neuf. Le tout devait coûter 7.350 francs. C'était beaucoup pour la paroisse. Mais Mgr. Jaquemet obtint quelques subsides du gouvernement et l'on se mit à l'oeuvre.
Le clocher s'élève désormais, élégant et solide à la fois.
Butté par le pignon même de l'église, il est étayé, sur l'autre face, par deux puissants contreforts, placés de biais, et qui vont s'amenuisant par des retraits successifs jusqu'à la chambre des cloches. Celle-ci, très simple, a l'avantage d'ouvrir ses quatre baies au-dessus du toit ; une corniche la couronne, au-dessus de laquelle pointe vers le ciel la flèche aiguë couverte d'ardoises. La croix et le coq traditionnel terminent le tout, dans les nuages, à quarante-cinq mètres de hauteur.
En façade, ce clocher s'ajoure d'une large porte, en bas, d'un œil-de-boeuf au rez-de-chaussée, et d'une double fenêtre à l'étage. La baie du campanile continue avec goût ces ouvertures proportionnées au mur sans cesse rétréci. La tour se cantonne enfin de quatre tourelles qui enserrent la base de la flèche.
Auprès du clocher, comme il était convenu, l'architecte établit deux modestes sacristies qui flanquent élégamment la tour. Ainsi se trouve meublée l'immense façade du pignon de l'église qui, sans ces adjonctions, eût paru bien nue.
Les nouvelles cloches.
Dans ce beau clocher, la cloche de 1840 allait-elle rester seule ? M. Maillard jugea bon de lui donner des compagnes. L'année même où le clocher fut terminé, en 1853, furent bénites trois cloches neuves : Jeanne, et Marie-Séraphie-Henriette, et Marie-Joséphine-Emmanuelle. Il semble que la cloche suspendue par M. Coupry dut être refondue avec les deux autres, dans les ateliers de M. Voruz. Par chance inouïe, l'on avait trouvé, dans un champ des Moutiers, les débris de deux cloches brisées en 1792 : leurs détenteurs, pour dégager leur conscience, les y avaient apportés pendant la nuit. On pouvait lire encore, sur les morceaux, les noms de M. Rivet, recteur, et de M. et Mme Boux de Bougon, seigneurs du Bois-des-Tréhans, parrain et marraine... Et le 28 avril eut lieu le triple baptême : M. Henri Baconnais, qui devait garder et transmettre tant de souvenirs paroissiaux, chanta la messe ; M. François Bernard, vicaire à Chauvé, prononça l'allocution ; et M. Poëlasne, curé de Bourgneuf, muni des délégations nécessaires, procéda solennellement à la cérémonie.
Les parrains et marraines, choisis judicieusement, furent, pour les deux grosses cloches, MM. Jean et Henri Baconnais, père et fils, celui-ci étant vicaire à Donges, et Mmes Tardiff et Charruau, nées Aglaé Bocandé et Séraphie Paumier. La troisième cloche fut parrainée par les associés de la Sainte-Enfance, représentés par leur maîtresse, Jeanne Sauvin, dame Leray, et par Jean Leroux, trésorier de la Fabrique.
La foudre.
En 1872, il faillit arriver malheur aux cloches et au clocher : la foudre frappa la haute flèche, le 14 juillet ; la croix, le coq, les ardoises eurent à en souffrir. Les murailles elles-mêmes furent endommagées. Mais les cloches furent épargnées. Tous les dégâts, couverts par une assurance, furent réparés au prix de 6.000 francs. Toutefois, une lésion d'un mur, devenue apparente, plus tard, dut être obturée moyennant de nouveaux frais supportés par la paroisse.
La lanterne des morts.
Près de l'église Saint-Pierre, on remarque une élégante tourelle : c'est la Lanterne des Morts. On y allume, en effet, une flamme commémorative la nuit des Trépassés et toutes les fois qu'il y a deuil dans la paroisse.
La tour, haute de sept mètres, mesure au total 1 m. 50 de diamètre ; elle se termine par une calotte sphérique surmontée d'une croix. Dans sa partie supérieure, trois fenêtres permettent à la lumière placée à l'intérieur de se répandre au dehors ; chacune de ces petites fenêtres mesure 0 m. 75 de hauteur et 0 m. 30 de largeur. Dans le bas, une porte est ouverte, qui n'a que cent vingt-cinq centimètres de haut et quarante-six de large. A l'intérieur, un escalier de huit marches permet d'accéder à la console sur laquelle repose la lampe.
Sur le côté ouest, un autel est accolé à la tour ; une niche surmonte cet autel, où une statuette de saint Joseph a été placée récemment. Deux emmarchements forment une base circulaire à la tour et à l'autel.
Tout ceci, jadis, était construit en simple tuffeau ; aussi bien, ce matériau tendre étant rongé par l'air marin, la lanterne menaçait de s'écrouler d'un moment à l'autre. En 1887, heureusement, M. l'abbé Baconnais la fit reconstruire en pierre de Saint-Savinien, en copiant exactement le monument ancien. Il subsiste donc ; mais il n'a plus de sens, à moins qu'on ne se rappelle que là s'étendait autrefois le cimetière paroissial.
Les sépultures.
Tout le terrain compris, en effet, entre l'église Saint-Pierre, au midi, et l'église Madame, au nord, n'était qu'une nécropole dans les siècles passés. Là, pendant plus de mille ans, furent enterrés prêtres et fidèles, sauf pendant les temps où l'on s'acharnait à se faire inhumer dans les églises mêmes. Tout près de la Lanterne, du côté du couchant, fut déposé le vénérable recteur Charles Fleschoux, qui avait posé dans l'église les autels monumentaux. C'était en l'année 1693. Son successeur, Pierre Fleschoux, y fut enterré de même en 1713. Et il en fut ainsi du recteur suivant, messire Pierre Aubin, en 1732. Le clergé, donc, à ce moment, donnait l'exemple aux fidèles pour cette question de sépultures ; mais il n'était guère suivi.
Quelques inhumations sont demeurées dans la mémoire du peuple. Telle la sépulture de ces cinq personnes noyées ensemble lors d'une grande marée d'équinoxe : le canot qui les ramenait, après la pêche faite sur les rochers, chavira soudain et les précipita dans les flots ; trois d'entre les noyés, Pierre, François et Julien Dudoit étaient frères. C'était sous le rectorat de M. Aubin.
En 1777, pareille catastrophe arriva, dans les mêmes circonstances : neuf personnes, accrochées les unes aux autres, furent englouties ; toutes étaient des jeunes de l'un ou de l'autre sexe.
Malgré le culte fervent dont on entourait alors les tombes, le cimetière ne paraît pas avoir été bien entretenu, car, chaque année, l'on affermait l'herbe du champ des morts, et même le regain du foin coupé.
L'ossuaire.
Au surplus, les tombes, trop rapidement renouvelées, rendaient des ossements non consumés. Aussi, dans le cours du XVIIIème siècle, un vicaire-général du diocèse, M. Blanchard, ordonna-t-il de construire un ossuaire pour recevoir ces ossements. L'ossuaire fut construit près de l'église, au Nord-Est de la sacristie d'alors. Mais les maçons, par une grossière facétie, incrustèrent, dans la paroi des murs, des crânes humains qui faisaient horreur aux personnes sensibles. Aussi bien, quand on construisit le nouveau clocher, en 1853, fit-on disparaître ce monument qui, d'ailleurs, n'avait plus sa raison d'être. Un nouveau cimetière, en effet, allait être créé, à l'entrée du bourg, en 1869, sous le rectorat de M. Maillard. L'ancien cimetière est devenu un terrain vague, le long de l'église ; du moins demeure-t-il toujours entouré d'une murette et donc encore terrain sacré.
Des verrières.
En ce moment, l'église des Moutiers s'enrichit de magnifiques verrières dues au talent de maître Uzureau de Nantes.
Ces verrières sont naturellement traitées selon la technique moderne : intense coloris, riche gamme de bleus, de rouges, de jaunes, de verts, de violets. Chaque vitrail est une tapisserie couverte de rubis, de topazes, d'améthistes, d'émeraudes... où le soleil se joue, produisant mille feux divers.
L'atmosphère de l'église s'en trouve réchauffée, et les oeuvres d'art qu'elle contient sont désormais encadrées d'or et de braise ardente.
Le sujet de chaque verrière est facile à lire, puisqu'il s'agit ici de scènes évangéliques. Au fond de l'église, saint Judicaël et sainte Adénor rappellent les fondateurs du moutier Notre-Dame.
Quand les fonts baptismaux auront refait leur carrelage, et qu'ils seront surmontés de leur ciborium monumental, tout sera terminé, semble-t-il, dans la belle église des Moutiers-en-Retz.
J. - B.
RUSSON (1946)
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