Oeuvre du Barde Roc'h Allaz

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La Femme du marin

(sur un ton triste) 

La mer est rude, la nuit est sombre,

Nulle étoile ne brille au ciel,

Et le vent tourné du mauvais côté

Met la guerre dans les nuages.

 

Isa, ma fille chérie, mon amour,

Prête-moi ton bras pour me fortifier !

Si tu ne prends pitié de moi,

Mon cœur va défaillir.

 

Viens ma fille, oh ! allons sur le rocher !

Envoyons avec nous des lumières !

Ton pauvre père courant sur son vaisseau

Peut-être alors nous apercevra.

 

Grands Dieux cachés dans les bois,

Druides et Druidesses,

Venez me fortifier ; voyez mes larmes,

Eloignez tout malheur de mon mari ! ! !

 

Car le vent se met à augmenter,

Il souffle terriblement du pays de l’étain !

Comment pourront les marins

Triompher des rochers de la mer profonde ?...

 

Allumons notre feu, et hâtons-nous promptement !

J’ai entendu un hurlement,

Un hurlement qui était si affreux

Que mon cœur en est épouvanté !

 

Entends, ma fille, entends le vent plus rude !

Il souffle effroyablement vers les rochers !

Entends la mer se briser contre le Roc’h

Et broyer le Dreuzec.

 

Vaisseaux ! hâchés par ce coup de temps,

Serez-vous assez forts

Pour courir avant ce vent ?...

Pour connaître votre route dans la nuit noire ?..

 

Regardez, regardez ! mon feu est allumé !...

Cher marin, prends courage !...

Le Roc’h-Vraz n’est plus caché,

Et au loin on le voit sur la mer profonde !..

 

Tandis que parle la femme hors d’elle-même,

Il vient, du côté du nord,

Un coup plus affreux, si épouvantable

Que les vieillards eux-mêmes s’en effrayaient.

 

La Mère, la Fille ont perdu connaissance ;

Elles sont tombées auprés de leur feu !

Jusqu’au matin elles y sont restées.

Alors le temps était redevenu doux.

 

Lorsqu’elles reprennent connaissance, ô douleur cruelle !

Au pied du rocher, sur le sable,

Des corps morts , des bois, des ferrailles, des cordages,

Elles voient éparpillés tout du long.

 

Elles descendent du Roc’h-Vraz,

Sur le sable elles sont arrivées.

Là aussitôt la femme reconnaît son mari,

La Fille reconnaît son père.

 

La mére-femme en gémissant : Hélas !

Est morte sur le corps de son mari,

Et le grand rocher est Roc’h-Allaz

Depuis ce temps-là nommé.

 

Les corps vomis par la mer

Sont ensevelis par Isa

Au-dessus d’eux elle élève un monticule de mottes

Que l’on nomme monticule de Lamota.

 

Arrivé au lieu de la sépulture,

Tout le monde versait des larmes,

Personne n’en versait autant qu’Isa ;

Elle ressemblait à une morte.

 

Ote, ô donc ! ôte de devant mes yeux,

Toi, Dusique, mon futur époux,

Ote le corps de ma mère, et ôte le corps de mon père,

Ou je serai ensevelie avec eux.

 

Il y a passant dix-neuf cent ans

Que ces choses sont arrivées,

Par les gens de Roc’h-Allaz, les gens de Lamota

Cela peut-être était oublié.

 

Ces vieilles choses sont découvertes

Par un Breton Trécorois,

Lequel les a écrites de nouveau

Pour être transmises aux pays français.

 

RANNOU