Oeuvre du Barde Roc'h Allaz

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Le Nouvel An

Publié par le « journal de Lannion » (1er janvier 1836)

Amis, quel est ce bruit qui vient frapper les nues ?

Quoi ! même avant Phébus les cloches sont émues !

Ah c’est un nouvel an qui commence son cours.

Vite ma lyre,

Célébrons ces beaux jours ;

Corde, soupire

Les doux chants des amours.

 

A ! quel charmant enfant ! il embrasse son père ;

Avec quel air serein il aborde sa mère !

« O ciel ! tu vois mon cœur ; à mes parents chéris,

Sois favorable ;

Eloigne les soucis,

Dieu tout aimable,

De mes parents chéris ! »

 

Je vois un maître ici récompenser le zèle

Du pauvre serviteur qui lui resta fidèle :

Il tombe aux pieds du maître, et dans sa vive ardeur,

Sa voie s’écrie :

« O mon divin sauveur,

Je t’en supplie,

Qu’il vive de bonheur ! »

 

Muse, regarde ici, je t’en conjure, explique

Pour qui sont ces douceurs, ce présent magnifique ?

Ah ! je conçois : l’amant veut peindre mon amour.

Destin contraire,

Pourrai-je en ce beau jour,

A ma bergère

Peindre aussi mon amour ?

 

O C*** en secret tu règnes sur mon âme :

Oserai-je en ce jour te dévoiler ma flamme ?

Tes attraits enchanteurs acceptent-ils ma foi ?

Ah ! quel délire

J’éprouve auprès de toi !

Je ne désire

Que vivre sous ta loi.

 

 

 

Mais, hélas ! malheureux, trop d’étés sur ma tête

Se sont appesantis ; déjà l’hiver s’apprête,

Ainsi trêve d’amour : mais, Muse, il t’est permis,

Seule et captive,

De chanter ses beaux lys ;

Tremble, elle arrive ;

Tes sens sont éblouis.

 

Tout est joie en ce jour, et la douce nature ;

Tout est beau, tout renaît, pour nous quelles douceurs !

Non, tendre amie,

Voit la série

De ses nouveaux malheurs.

 

Sous le chaume orphelin règne un morne silence ;

Pour lui des longs malheurs la chaîne recommence :

Un squelette a paru : « Que d’argent vaniteux ! »

O père tendre,

Si le riche orgueilleux,

Daignait comprendre,

Nous serions plus heureux !

 

« Vaines frivolités épuisent ses richesses ;

Ses instants sont filés par la fade mollesse,

Et vide de bonheur il use ses moments,

Un juge auguste,

Bientôt, injuste,

Fixera tes tourments. »

 

« Qu’il descende en courroux ! » Oh ! non, j’entends la voix

D’un enfant qui, pour nous, doit mourir sur la croix :

« Chrétien, dès le berceau je verse un sang divin ;

En ma mémoire,

Soulage l’orphelin

Et dans ma gloire

Tu régnera sans fin.

RANNOU