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PROMENADE AU MANOIR DE PRATANROS
** COMMUNE DE PENHARS **

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Il ne reste aucune trace du manoir de Pratanros. Il a été détruit vers le milieu du XIXème siècle ; et (c'est la règle !) ses débris ont rervi à construire la maison de ferme et les bâtiments de service. J'ai eu, je le confesse, un moment d'embarras : malgré toutes mes recherches, je n'ai pu trouver que trois actes et de dates bien récentes, se rapportant directement à Pratanros ; les voici dans l'ordre chronologique :

Le marquis de Pont-Croix rendant aveu au roi, le 30 octobre 1730, donne de Pratanros la description suivante (Article 2199, f° 364 r°.) :

« Seigneurie de ligence sur le manoir de Pratanros, ses issues, largesses, appartenances et dépendances, à présent appartenant aux successeurs et ayant cause du sieur de Pratanros ».

Quels étaient les noms patronymiques du sieur de Pratanros et de ses successeurs ? Énigme que l'aveu nous laisse à deviner.

Comme on le voit, l'aveu ne mentionne ni « jardin, bosquet en décoration, bois de futaie, ni colombier et chapelle, » tous objets qui, selon l'usage ancien, établissaient la consistance d'un manoir chef-lieu d'une terre de quelque importance. Nous sommes en droit de conclure de là que Pratanros n'était, du moins au dernier siècle, qu'une de ces habitations modestes, comme il en reste tant dans nos campagnes, bien différentes de Pratanroux et de Pratanras.

Mais, à défaut de vastes possessions, le seigneur de Pratanros prétendait, à la fin du siècle dernier, à des prééminences et des droits honorifiques assez étendus dans l'église paroissiale de Penhars. L'énoncé qui suit m'a été fourni par un heureux hasard.

Le 26 septembre 1781, M. de Madec, à son retour du Mogol, avait acquis du duc et de la duchesse douairière d'Arenberg les seigneuries de Coatfao et Pratanras. Je recherchais un jour son appropriement, lorsque, à la suite des conclusions prises pour lui à l'audience des plaids généraux, le 14 février 1782, je lus [Note : Arch dép. B. 107. Supplément f° 7, v° à f° 10 v°] :

« Sur quoi la dame de Kerrollain, comme tutrice de ses enfants propriétaires de la terre de Pratanros, a déclaré s'opposer, en conservation des prééminences suivantes en l'église de Penhars, lesquelles consistent dans le droit de fondation de lad. église — une grande tombe au milieu du chœur élevée d'environ 4 pieds aux écussons de sept macles d'argent posées 3. 3. et 1. — droit de sépulture au chœur de lad. église prohibitif à tous autres, avec un escabeau entre icelui et la chapelle de Pratanros — les armoiries susdites en cinq soufflets aux lieux les plus éminents de la maîtresse vitre du côté de l'épître — la chapelle de Pratanros du côté de l'épitre avec plusieurs écussons dans les vitres d'icelle aux lieux les plus éminents — le droit de lizière et de ceinture funèbre tant au dedans du chœur et de la nef qu'au dehors de lad. église, aux murs desquels, notamment au pignon oriental, sont des écussons, des armoiries de lad. seigneurie en pierre avec relief ; — et en conservation des autres prééminences mentionnées dans les titres et les procés-verbaux qui les constatent ».

Le présidial prononce « l'appropriement envers et contre tous fors les opposants, au nombre desquels la dame de Kerrollain, donne acte des oppositions, et ordonne aux opposants de fournir moyens ».

Aux termes de l'article 278 de la coutume, l'opposition était périmée par un an. Je ne vois pas que la dame Kerollain ait fourni moyen dans ce délai fatal. La preuve, je le suppose, lui aurait été difficile à faire, du moins en ce qui concerne la fondation de l'église de Penhars.

Depuis quelle époque la famille de Kerollain était-elle propriétaire de Pratanros ? C'est ce que je ne dirai qu'approximativement. Cette terre fractionnée en plusieurs lots a été vendue par la nation, le 25 floréal an VII (12 mai 1799) « sur l'émigré Kerolin ». L'acte de vente renvoie à un acte d'acquêt dressé, en 1741, par Le Bris (Le Bour ?), notaire à Quimper. Mais, comme il arrive trop souvent, l'indication est absolument inexacte. J'ai pu vérifier les actes du notaire Le Bris ; pas un ne manque ; mais j'ai vainement cherché l'acte d'acquêt de Pratanros ; les recherches faites au bureau de l'enregistrement n'ont pas eu plus de succès.

Les propriétaires actuels n'ont d'autre titre que la vente nationale ; et la nation en retenant les titres anciens n'a pas su les conserver : il ne reste rien de Pratanros aux Archives départementales.

C'est donc ailleurs qu'il m'a fallu chercher les anciens possesseurs de ce manoir, que l'aveu de 1730 ne prend pas la peine de désigner par leur nom patronymique. J'ai retrouvé quelques-uns d'entr'eux à partir seulement du XVème siècle, mais encore aurai-je le regret de laisser plus d'une lacune à remplir.

Au commencement du XVème siècle, Pratanros avait pour seigneur une famille Le Saux ou Le Saulx. Cette famille portait d'azur à sept macles d'argent : ses armes se voient encore aux vitres de la cathédrale de Quimper, à la voûte de la quatrième travée de la nef [Note : Seulement on a mis mal à propos un champ de gueules au lien d'azur] et à l'église de Penhars.

Les Le Saulx avaient alliance avec les maisons les plus élevées du pays. C'est ainsi que le Nécrologe des Cordeliers mentionne, aux nones de mai 1424, le décès de Catherine Le Saulx, femme (ou veuve) de Guillaume de Tyvarlen.

En 1420, Riou Le Saulx, seigneur de Pratanros, obtint en mariage Éléonore de Rosmadec, fille puisée de Jean de Rosmadec, chambellan du duc, et de Alix de Tyvarlen et nièce de l'évêque Bertrand.

Riou Le Saulx figure comme noble homme à la réformation des fouages de Penhars, en 1426. Un autre Le Saulx, René, est mentionné comme exempt des fouages au manoir de Kercaradec, que nous trouverons plus tard.

Riou Le Saulx et Éléonore de Rosmadec eurent entre autres enfants, un fils nommé Riou comme son père, qui devint seigneur de Pratanros ; et une fille nommée Alix ou Adélice, qui fut donnée en mariage à Rolland de Lezongar (III du nom), bientôt seigneur de Pratanras.

Ce mariage se fit en 1440. Rolland de Lezongar est qualifié à cette époque seigneur de Kerespern : il devint seigneur de Kerangar à la mort de sa mère, Marie de Kerangar (1440), et seigneur de Pratanras à la mort de son père (1467) [Note : Nécrol. de Saint-François. 3 calend, Octobre 1440 et 12 calend. nov. 1467. Les deux époux ont été inhumés dans la même tombe au milieu du chœur de l'église]. En 1451, il figure à une montre comme écuyer du duc, et en 1467, à la réformation des fouages de Cléden-cap-Sizun ; enfin, en 1477, il est mentionné en qualité d'homme d'armes de la compagnie de Tanneguy du Chastel [Note : D. Morice, Preuves, t. II, col. 1604 II col. 325].

Une montre générala de Cornouaille est tenue à Carhaix en 1481, Rolland III n'y comparait pas en personne ; mais, son fils, Rolland le jeune, y figure pour son père et lui-même comme seigneur de Kerespern et du Hilguy « en équipage d'homme d'armes à trois chevaux et o (avec) lui-un coustilleur » [Note : D. Morice, Preuves, T. II., col. 871].

D'autre part, Riou Le Saulx, seigneur de Pratanros et Rolland de Legonzar, sans aucune qualification, figurent à un acte de garantie solidaire (100 s. monnoie) au profit du chapitre de Quimper en 1452 [Note : Fonds du chapitre G. 92. 11 août 1452. L'acte porte Riou Le Saulx, seigneur de Pratanroux. — La confusion se faisait déjà entre Pratanroux et Pratanros]. Il semble bien qu'il s'agit des deux beaux-frères, Riou II et Rolland époux d'Alice Le Saulx.

Alix de Pratanros mourut, le 3 des ides d'avril 1486 (11 avril) et, son mari, le 13 des calendes de juin (20 mai) de la même année. Alix fut inhumée dans une des trois tombes de la seigneurie de Pratanras, devant l'autel des Cordeliers ; et son mari dans la tombe du milieu du chœur, qui avait déjà reçu son père et sa mère et une fille aînée nommée Alice comme sa mère (Nécrologe de Saint-François). L'acte du Nécrologe donne à Rolland lll le titre de insignis vir et prudens scutifer (homme distingué et sage écuyer).

Rolland, fils de Alix de Pratanros, eut un fils de même nom et son petit-fils, encore du même nom, épousa, comme nous l'avons vu, Claude du Juch, dame de Pratanroux ; ainsi, son fils Rolland VI, dernier Legonzar seigneur de Pratanras, a eu pour ancêtres les seigneurs de Pratanroux et ceux de Pratanros.

L'année même où mouraient Rolland III et Alix, Pratanros avait pour seigneur Jean Le Saulx, probablement fils de Riou. Il était en même temps seigneur de Coatcanton (Melgven) et de Kercaradec, non loin de Pratanros, et chanoine de Quimper (Monogr. de la cathédrale, p. 127).

Vers le même temps, mourait Marie Le Saulx, femme de Me Guillaume Liziart « homme probe et sagace » dit le Nécrologe de Saint-François, seigneur de Trohannet (par. de Langolen), et sénéchal de Cornouaille [Note : Nécrologe des Cordeliers, 8 des calendes de décembre 1488. Comme seigneur de Kergonan (Ergué-Gabéric) Guillaume Liziart avait un enfeu à Saint-Corentin. On peut encore reconnaître ses armes (d'or à trois croissants de gueules) dans la chapelle Saint-Sauveur, où est figuré le miracle des trois gouttes de sang. Guillaume Liziart était sénéchal dès 1455. Cette année même, il fut chargé, par Pierre II, avec Bertrand de Coëtanezre, aumônier du duc, d'une importante affaire. Il s'agissait d'enquérir sur les Droits ducaux dans les diocèses de Cornouaille, de Vannes et de Léon, « Le roi trouvait mauvais que le duc prit le serment des évêques, et traitait cela d'entreprise nouvelle. ». Mais le duc établit victorieusement l'ancienneté de cet hommage, son titre de fondateur de toutes les églises et sa jouissante des droits régaliens. — Lobineau, p. 661, et Preuves, col. 1181. Guillaume Liziart signe un marché passé avec un charpentier pour le croisillon sud de Saint-Corentin, 25 avril 1477. M. Le Men, p. 282 Il est mort le 13 des calendes de novembre 1495. Nécrologe des Cordeliers].

La succession du chanoine Jean Le Saulx a dû passer à un collatéral ne portant pas ce nom ou à un acquéreur ; du moins, cinquante ans plus tard, la trouvons-nous toute entière aux mains de Adelice de Kerourangan, dame de Pratanros, Coatcanton, Kercaradec, Keraullen, Bottyliau (Réf. des fouages — 1536) (1536).

Enfin, cinquante ans après, cette terre est en la possession de la famille Le Baud à laquelle appartenait Guillaume Le Baud, sénéchal de Quimper au temps de la Ligue et seigneur de Créachmar ou Kernisy (Saint-Mathieu de Quimper).

Comment combler cette lacune d'un demi siècle ? Comment établir la transition entre les Le Saulx et les de Baud ?... Peut-être est-il permis de voir un descendant des Le Saulx de Pratanros dans François Le Saulx, chambellan du duc François II, auquel le Duc maria la fille de Michel Marion, marchand de Quimper ? Et peut-être François Le Saulx peut-il nous servir de trait d'union entre les anciens et les nouveaux posesseurs de Pratanros ?

Je lis dans la Monographie de la Cathédrale que Jean Marion habitant la ville close de Quimper en 1472, fonda avec sa femme une chapellenie dans la chapelle de Saint-Adrien aujourd'hui Saint-Corentin). Les patrons de cette chapellenie étaient en 1530, Jehan Marion, et en 1548, Andrée Le Baud, sa veuve, comme tutrice de son fils (Monogr., p. 161). Or, Jean Marion, le fondateur de la chapellenie eut entre autres enfants, Jehan, et Michel, dont la fille unique fut mariée à François Le Saulx, secrétaire du duc François II. Voilà donc une apparence de relation établie entre les Le Saulx et les Le Baud [Note : Il est difficile de croire que Jehan, l'aîné des deux fils du fondateur de la chapellenie, fût le patron de la chapellenie en 1530 et qu'il eût un enfant mineur en 1548 ; en effet, son frère puîné Michel avait une fille déjà nubile en 1487. — Je pense que Jean, le patron en 1530 et le père du mineur, patron en 1548, était le petit-fils du fondateur. La généalogie s'établirait ainsi : Jean Marion, fondateur. — 1472. Jean…….. Michel mort en 1487. Jehanne, sa fille, mariée à François le Saulx, 1488. Jean, patron, 1530, marié à Andrée Le Baud. Son fils mineur, patron en 1548. Ainsi Jeanne Marion aurait été la tante à la mode de Bretagne du fils mineur de Andrée Le Baud. Ce mineur au être son héritier et la succession de celui-ci a pu passer à la famille maternelle ; mais tout cela est hypothétique].

Pourquoi le mariage fait sous les auspices du duc ? Le voici :

Michel Marion s'était enrichi dans le commerce de mer. En 1483 et 1486, il avait pris la ferme des impôts de Cornouaille : La guerre éclata, en 1487, entre la France et la Bretagne ; et l'armée du roi Charles VIII vint assiéger le duc François à Nantes. Le parti français était puissant en Basse-Bretagne, où dominait l'influence du baron de Pont (l'Abbé) et de la maison de Rohan, qui possédait les fiefs de Quémenet et de Crozon. Michel dévoué aux intérêts bretons, malgre les menaces de mort et de pillage, rassembla une troupe de cent vingt hommes résolus, les instruisit, les équipa à ses frais, et arma en guerre un de ses navires amarré dans le port. Un jour, Quimper le voit traverser ses rues à la tête de sa compagnie « enseignes déployées et à son de trompe ». Il embarque son monde ; il fait voile vers l'embouchure de la Loire ; il entre dans le port de Nantes, et il est avec ses compagnons de toutes les sorties. Après deux mois les Français rebutés levèrent le siège. Presque tous les Cornouaillais étaient tombés devant l'ennemi : Le maître de la nef avait été tué à son bord ; le bâtiment avait été brûlé et coulé. Michel Marion lui-même allait succomber à ses blessures ; il mourait content puisqu'il avait vu la retraite des Français ; mais il mourait ruiné sans ressources. Le duc (et ce n'était que justice) prit la fille de Marion sous sa protection et la maria ; quelques années plus tard (1490) la duchesse Amie lui fit remise d'une somme considérable dont Marion était resté débiteur envers le trésor.

Nul doute que le mari de Jehanne Marion ne soit ce François Le Saulx, qui figure, en 1492, aux registres de la Cour des comptes, en qualité de conseiller auditeur [Note : M. De Fourmont. Histoire de la Cour des Comptes, p. 295].

Deux siècles après, le souvenir de Marion et de son gendre persistait à Quimper ; et l'évêque, dans son aveu au roi du 14 juillet de cette année, désigne ainsi une maison de la rue Kéréon « maison autrefois à Marion, et depuis à François Le Saulx ».

Maintenant si l'on demande : est-ce par succession collatérale ou par acquêt que Pratanros a passé des Le Saux aux Le Baud, je répondrai : Je ne puis le dire avec certitude. Mais, il m'a paru permis de rappeler cet épisode de la vie de Quimper et de prendre l'occasion de saluer au passage le nom d'un patriote breton oublié depuis bientôt quatre siècles [Note : C'est à M. De la Borderie que Michel Marion doit la résurrection de son nom. Il a trouvé la glorieuse histoire de notre compatriote dans l'acte signé du 8 décembre 1490, par lequel Anne de Bretagne fait remise à Jeanne Marion de la somme restant due au trésor. — M. De la Borderie a écrit : « Sauf la poésie du nom, Marion ne le cède pas à Léonidas. Il a même sur ce dernier l'avantage de n'avoir été ni roi, ni prince, mais un simple bourgeois que rien n’obligeait… de n'avoir pas fait d'inscription ni visé à la gloire et d'être mort obscur, sans autre ambition que celle du devoir grandement et vaillamment accompli ». Mélanges d'hist. et d'archéol. Bret. 1855. T. I. p. 292 et suiv.].

Transportons-nous à la fin du siècle suivant. — En 1583, le sieur de Pratanros est Me Allain Le Baud, receveur des décimes de l'évêché, au moins depuis 1575 [Note : 11 juin, il signa une quittance en cette qualité. Fonds du chap. Arch. dép.] et qui 1583, céda cet office [Note : Il céda son office à Jean Le Métayer, sieur du Mouster. Arch. de l'évêché].

Allain Le Baud acquit, en 1581, de la dame de Coatcanton, les prééminences que cette seigneurie possédait, depuis deux siècles, dans la chapelle dite Saint-Jean-Baptiste (aujourd'hui Saint-Pierre) ; et fut inhumé dans un des deux enfeux voûtés creusés dans le mur [Note : C'est dans cette chapelle que repose Mgr Graveran. Les écussons des arcades tumulaires devaient porter les armes des Le Baud : d'argent à une quintefeuille de gueule. Monogr., p. 34].

C'est lui, ou son héritier de même nom, sieur de Pratanros, que le chanoine Moreau nous recommande, en 1594, comme « homme d'affaire et expérimenté, bien affectionné au duc de Mercœur ». C'est lui que l'assemblée de ville adjoignit aux députés qu'elle envoyait au maréchal d'Aumont pour traiter de la reddition de la ville, que lui-même avait désignés et au nombre desquels se trouvait le sénéchal Guillaume Le Baud. Allain Le Baud manqua payer cher la confiance des Quimpérois. Il parut devant le maréchal « ayant au col l'écharpe de couleur » de la Ligue, et pour cette raison le fougueux maréchal voulait le faire pendre présentement (Moreau, chap. XXX).

Le même ou son héritier de même nom était encore en possession de Pratanros, en 1622. Cette année même, cinq douzaines de chevron en châtaignier furent fournis par lui pour la reconstruction de l'hospice Sainte-Catherine [Note : Hospices de Quimper. Bulletin Arch. 1883, p. 371]. Quelques années plus tard, le seigneur de Pratanros était Jacques de Visdelou, second fils de Françoise du Quélenec et de Gilles de Visdelou, et petit-fils de la dernière des Lezongar de Pratanras [Note : V. par ailleurs Pratanroux].

Jacques est d'abord qualifié seigneur du Dellien [Note : On trouve seigneur d’Elliant, d'Ellien, du Dellien, des Liens. L’orthographe Elliant a l’inconvénient d'introduire une confusion avec la paroisse d'Elliant, dont les Visdelou n'ont jamais été seigneurs], du Hilguy (par. de Plogastel), seigneurie ayant haute justice et patibulaires, qui lui venait de sa mère ; le Delien, venait de la succession paternelle. Un peu plus tard, il prend le titre de seigneur du Pratanros. Voici, je crois, comment cette seigneurie était entre ses mains.

Jacques avait épousé en premières noces Mauricette, fille de François du Châtel, seigneur ou marquis de Mesle, et de cette plaintive Marie de Keroulas, dont la ballade a immortalisé les malheureuses amours (1626) [Note : Mauricette était veuve de Maurice du Rusquec, depuis 1624. L'héritière de Keroullas, Revue hist. de l'Ouest, III, p. 5 et suiv.]. Mauricette mourut sans enfants, l'année suivante, et Jacques Visdelou épousa Marie de Lohéac, fille de Mathieu, procureur du roi sous la Ligue [Note : Moreau dit Mathieu (p. 165) ; on trouve ailleurs Mathurin] et de Marguerite Le Baud, fille ou nièce d'Allain Le Baud, dont nous venons de parler, seigneur de Pratanros. C'est par là, semble-t-il, que le titre de seigneur de Pratanros est venu à Jacques Visdelou.

Jacques Visdelou était commandant de l'arrière-ban et de la garde-côte de l'évêché de Cornouaille, et en outre lieutenant des maréchaux et juge du point d'honneur dans le diocèse. Jeune encore, en 1633, il eut l'honneur de recevoir le collier de Saint-Michel. En 1667, quand il comparut à la réformation, il exerçait encore ses fonctions ; il vivait en 1669.

Jacques avait eu trois fils de son second mariage, L'un d'eux nommé Sébastien eut pour parrain Sébastien de Rosmadec, gouverneur de Quimper.

L'aîné, Guy, fut conseiller du roi au Présidial, alloué, lieutenant criminel, puis conseiller au Parlement en 1661.

Dès 1658, il est qualifié seigneur du Hilguy, de Pratanros, venant de son père et de sa mère ; et de seigneur de Kervastar, de Coatforn, etc., dont il prenait le titre peut-être du chef de sa première femme. Françoise de Kerbloyson.

Guy comparut avec son père à la réformation de 1668 ; par arrêt du 31 décembre de cette année, sur le rapport de M. Descartes, le titre de chevalier leur fut confirmé.

L'aîné de ses fils, François, né le 3 octobre 1655, et baptisé à Saint-Ronan de Quimper, le 11 avril 1658, eut pour parrain son grand oncle l'évêque de Madaure. Le 22 février 1683 (La Chandeleur) il contracta mariage avec Suzanne-Claude de Plœuc, fille de Nicolas de Plœuc de Kerharo, veuve de Pierre de Lemo, et qui prend le titre de comtesse de Lémo. Lui-même est qualifié chevalier, seigneur du Hilguy, de Pratanros, Kervastar, Kergambadé, La Forêt, Costeforn (sans doute Coatforn), Le Cosquer, etc. François Visdelou habitait d'ordinaire son château du Hilguy, puisqu'il est dit paroissien de Plogastel-Saint-Germain ; mais les époux avaient un hôtel paroisse Saint-Rohan à Quimper ; et c'est là que sont nés leurs enfants.

Un fils, né le 2 février 1687 (Saint-Ronan), mourut le lendemain ; et une fille Marie-Françoise, née le 25 mars 1684, resta seule. Avant la fin de l'année 1701, elle était orpheline, et elle avait pour tuteur Julien Le Mauyc, sieur de Keranguen [Note : Titre de Kerlot. Arch. dép.].

Le 21 février 1708, elle fut mariée par Mgr François de Coetlogon, dans la chapelle de l'évêché, à Messire François-Roger Robert, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, intendant de justice, police et finances de la marine en Bretagne, et des armées navales de S. M. (Arch. dép. B. 36). L'acte de mariage (La Chandeleur) qualifie la mariée dame du Hilguy ou Hilliguit, du nom de sa principale seigneurie ; mais il n'est pas douteux qu'elle ne fût aussi dame de Pratanros. J'ai sous les yeux de nombreuses quittances données par Marie de Visdelou et son mari du fermage de cette terre et une baillée donnée par elle en 1741 (8 mars).

A cette époque, en effet, le régime de Pratanros changea. La dame Robert donne, pour neuf ans la baillée à domaine congéable, moyennant une rente égale au fermage (270 livres) « plus 50 livres de beurre » ; et elle vendit les droits réparatoires pour la somme de 1,200 livres [Note : Audouyn, notaire, Quimper. Enr. 17 mars 1741. — C'était un bail en premier détachement].

Devenue veuve, Marie de Visdelou épousa le comte du Guay, dont elle ne paraît pas avoir eu d'enfants.

Le 18 février 1763, elle était marraine, à Saint-Mathieu de Quimper, de Nicolas-Marie Joseph de Plœuc, fils aîné du troisième mariage de son cousin, le marquis de Plœuc. Elle est morte vers 1767 [Note : Mais pas à Quimper, ni au Hilguy. Je n'ai pas vu l'acte de décès].

De son premier mariage elle avait eu trois enfants : il ne semble pas qu'un seul lui ait survécu. Un de ses fils, enseigne de vaisseau, était mort en 1740. Sa fille, Marie-Claude, femme de Vincent de Lantivy, seigneur de Talhoet, était morte avant 1763, sans postérité ; son fils aîné, qui avait été intendant de la marine à Toulon, ne figure pas au nombre de ses héritiers, et il semble que ceux-ci soient tous des collatéraux.

La liste nous en est donnée par une assignation notifiée en janvier 1768, au nom de François-Marie, écuyer, héritier de Marie-Françoise Robert, dame de Taihouet [Note : Suzanne de Plœuc avait marié sa fille Charlotte de Lémo (du 1er mariage) à Jacques-Charles de Cleuz, marquis du Gage, représenté en 1749, par son petit-fils Jacques-Claude de Cleuz, marquis du Gage, (B 68, f° 32). Je trouve B 87.45 r° à la date du 20 janvier 1768, la mention Suivante : Mre François-Marie Robert, écuyer, mousquetaire de la 1ère compagnie, héritier sous bénéfice d'inventaire de Marie-Françoise Robert, dame de Talhoët, demandeur, contre Marie-Perrine de Coetlogon, comtesse de Carné ; Mre Jean-Marie du Vergier, chevalier, seigneur de Kerorlay, mari et procureur de droit de dame Marie-Josephe du Couédic ; Mre Jacques-Claude de Cleuz chevalier, seigneur marquis du Gage ; Mre Jacques-François-Fortuné de Bahuno, seigneur de Kerollain ; Mre François de Penandreff, chevalier seigneur de Kerautret, tous héritiers de feue dame Marie-Françoise Visdelou, veuve en premières noces de feu sieur Robert et en secondes de feu comte du Guay].

Au nombre de ces héritiers figure Marie-Perrine de Coetlogon, comtesse de Carné et Jacques-François-Fortuné de Bahuno, chevalier, seigneur de Kerollain, Il n'est pas douteux que c'est comme héritiers et non comme acquéreurs que nous les voyons l'un et l'autre en possession d'une part de la succession de Marie de Visdelou : en 1768, Le Hilguy appartient à la dame de Carné [Note : 1768, 13 avril Procure donnée pour faire aveu en son nom. 1772, 13 décembre. Baillée des moulins du Hilguy], et, un peu après, nous voyons Pratanros aux mains de la famille de Bahuno.

Nous avons vu la dame Bahuno comparaître en justice, en 1785, comme tutrice de ses enfants mineurs, propriétaires de Pratanros [Note : 1781. Opposition à l'appropriement de M. de Madec. Voir ci-dessus. 1782, 12 janvier. Baillée à domaine]. Douze ans après, l’aîné de ces enfants, Annibal-Paul Bahuno de Kerolain était jugé émigré (29 septembre 1793) et ses biens étaient séquestrés. Il fut fait deux lots de Pratanros, savoir : le fond du convenant, comprenant 34 journaux de terres chaudes, 9 de terres froides et 7 de prairies, et les bois nommés bois de Pratanros, Coet-ar-Moign et de la Fontaine, comprenant 48 journaux.

Le 6 floréal an VI (25 avril 1798) les bois furent mis en vente sur le prix de 8,667 francs évaluation de l’expert ; la seizième bougie s'éteignit sur une enchère portant à 102,000 francs... mais 102,000 en assignats, c'est-à-dire moins du 10ème de la valeur nominale [Note : L'écart entre l'évaluation et le prix de vente s'explique par la dépréciation des assignats : personne n'ignore qu'un louis de 24 livres valait 8,000 francs en papier. — V. vente nation, vol. 14, n° 665 et vol. 18, n° 344].

Le convenant mis en vente le 25 floréal an VII (14 mai 1799) fat acquis par les domaniers au prix de 3,209 francs [Note : M. de Bahuno revenu de l'émigration recouvra quelques biens non aliénés, car on le voit, en 1840, faire des baux de ces biens en Pluguffan. — Avant l'émigration, comme depuis, il avait domicile à Hennebont. Enreg. 24 novembre 1810].

Reprenons maintenant la route de Quimper ; mais gardons nous de passer par le même chemin. Pour aller à Pratanroux et à Pratanros, nous avons suivi la vieille route qu'ont foulée autrefois les seigneurs du Juch et les Le Saulx ; pour en revenir, prenons une route qu'ils n'ont pas soupçonnée, je veux dire la voie ferrée elle longe la cour de Pratanros. L'itinéraire de ce point à Quimper n'est pas sans intérêt.

A notre droite, voilà le vaste enclos du Séminaire, auparavant couvent du Calvaire et plus anciennement manoir de la Palue.

Nous voici sous l'ancienne route de Douarnenez, à la montagne de la justice. Le gibet de Quémenet s'élevait à peu de distance à droite du pont sous lequel nous passons.

Nous descendons ensuite vers Kernisy ou Créac'hmarch. — Kernisy autrefois manoir, devenu en 1793, prison pour les personnes suspectes, puis redevenu maison d'habitation, est vers 1887 un asile ouvert au repentir. En traversant son avenue faut-il rappeler (je ne dis pas saluer) la mémoire du sénéchal Le Baud ? Il fut seigneur de Kernisy, il s'y retira en 1594, après sa révocation.

Plus loin, nous traversons à niveau la route nouvelle de Douarnenez, puis celle de Locronan sur un viaduc ; enfin nous arrivons au pont sous lequel coulent les eaux limpides du Stéir.

Arrêtons nous un moment : si vous regardez en amont, voilà, à quelque distance, perdu dans les peupliers et les saules, le manoir des Salles ; auprès de vous, sur la rive gauche de le rivière, cette maison enguirlandée de lierre, qui porte le cachet du XVIème siècle, c'est le manoir du Parc.

Vous auriez vu autrefois, à une cinquantaine de mètres en aval du chemin de fer, un vieux pont fort utile, puisqu'il mettait en communication cette partie de Kerfeunteun avec la rue de la Providence et les routes de Locronan et de Douarnenez. Ce pont empruntait son nom de pont Saint-Yves à l'hôpital voisin placé sous ce vocable.

En continuant notre route, nous pouvons visiter le site de l'hôpital Saint-Yves. Cette ruelle pavée et encore nommée ruelle Saint-Yves donnait accès au pont. Il ne reste du vieil hôpital que les murs de son enclos, et, dit-on, une petite chapelle, servant vers 1887 de buanderie [Note : Ce point mérite confirmation, ce petit édifice étant séparé de l'enclos par le chemin public]. Sortant du chemin que le remblais du chemin de fer a transformé en impasse et reprenant la route communale, nous cotoyons à droite les dépendances d'une ancienne chapellenie dite de Poulhaou ; enfin nous rentrons en ville.

Les Salles et le Parc, que je viens de nommer, ont leur histoire. Si vous le permettez, je vous la dirai un jour, et en même temps celle de Troheïr et de Kerpaën (aujourd'hui Kerben); deux manoirs situés un peu plus haut, sur les bords du Stéïr.

Cette histoire offrira, je l'espère, un peu plus d’intérêt que celle de Pratanros. A Troheïr, à Kerpaën, nous suivons de curieux débats de droit féodal. Aux Salles, nous-rencontrerons un seigneur qui enflamma la colère du roi Louis XI, et manqua de susciter une guerre à la Bretagne.

(J. Trévédy).

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