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LES RELIGIEUSES DE SAINT-GEORGES DE PLEUBIAN DURANT LA REVOLUTION.

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Pour décrire d'un trait la situation du clergé fidèle et assermenté, nous avons laissé bien loin derrière nous le prieuré et les religieuses de Saint-Georges. Revenons pour pleurer sur des ruines et déplorer la dispersion de cet antique monastère.

Avant la Révolution le prieuré Saint-Georges de Pleubihan était habité par plusieurs religieuses sous la direction d'une prieure. Ces saintes femmes dont le noviciat et la maison principale étaient à Rennes formaient à Pleubihan une communauté importante. Naturellement toutes n'étaient pas du pays Bas-Breton et de nobles noms ornaient encore cette fondation ducale. Nous ne possédons pas la liste de ces religieuses au moment de la première expulsion dont il n'existe dans nos archives communales aucun procès-verbal.

Au début de la Révolution les séances du corps municipal se tenaient dans l'auditoire du prieuré Saint-Georges. Il y avait donc là une juridiction civile et criminelle. Voici le préambule des procès-verbaux du temps : « L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, ce jour vingt-un août, en l'auditoire du prieuré Saint-Georges de Pleubihan, lieu des assemblées de la municipalité de cette commune ..... ». La conclusion était ainsi libellée : « Fait en l'auditoire du prieuré du bourg de Pleubihan » et aussi « Arrêté en l'auditoire de Pleubihan ».

Après la dispersion du monastère, les religieuses étrangères à la paroisse regagnèrent sans doute le domicile de leurs parents ou émigrèrent dans les îles Anglo-Normandes. Les professes dont les parents habitaient la commune, et elles étaient au nombre de quatre, vivaient d'abord paisiblement chez elles lorsqu'elles furent brutalement arrêtées et conduites à la prison de Guingamp [Note : Il n'est pas question ici, et dans les délibérations suivantes, uniquement des religieuses du Prieuré Saint-Georges, mais des religieuses de tout ordre habitant la commune].

Le 21 thermidor, an II, la municipalité, sollicitée par les instances de parents et de compatriotes, rend un témoignage favorable aux bonnes sœurs et demande leur élargissement.

« Ce jour vingt-un thermidor, deuxième année républicaine, une et indivisible, de l'après-midi, nous soussignés, maire, officiers municipaux et membres du conseil général de cette commune de Pleubian, assemblés au lieu ordinaire des séances de ladite assemblée. Présent le citoyen Guillaume Costiou, agent national de ladite commune,

Lesquels délibérant ;
1° (Secours aux indigents.)
2° ( Récolte de grains.)
3° (Réquisition de cordonniers.)
4° (Souscription pour la construction d'an vaisseau de guerre :)
5°. — Quinto, considérant que la loi du neufviesme de nivôse a été exécutée envers les filles de cette commune ex-religieuses qui n'ont pas prêté le serment du 4 août 1792 (vieux style), que toutes et au nombre de quatre retirez chez leurs parents ont été conduites à la maison d'arrestation de Guingamp, — considérant que pendant leur séjour dans cette commune ces filles n'ont causé aucun trouble et ont concentré en elle-même leur opinion religieuse sans manifestation ni mécontentement, — considérant qu'elles travailloient dans leurs familles et aidoient de toutes leurs forces aux travaux de la campagne, — considérant qu'un décret de la Convention national du 21 messidor porte que les laboureurs des communes dont la population est au-dessous de 1200 âmes, détenus comme suspects, seront mis provisoirement en liberté, — considérant que les filles ci-devant religieuses de cette commune appartiennent à des familles patriotes dont la surveillance garantie de tout mouvement séditieux de la part de ces filles.

Le conseil général de la commune, ouï l'agent provisoire.

A délibéré de demander au représentant du peuple à Brest de faire remettre ces quatres filles ci-devant religieuses de cette commune en arrestation dans leur famille, sous leur surveillance et cautionnement, pour les aider pendant les travaux de la récolte. La présente délibération sera présentée à l'administration du district de Pontrieux pour avoir son avis et son approbation, (etc, etc, pour autres objets à l'ordre du jour).

Signé : Jean LE SAUX, officier municipal. — Ollivier LE QUELLEC, officier municipal. — Yves LE PIVAIGN, notable. — Jean-Baptiste ANDRÉ, notable. — Yves LE QUELLEC, notable. — François BERTHOU, officier municipal. — Pierre BARAT, notable. — Jean RABÉ, officier municipal. — Yves LE BÉVER, officier municipal. — Claude QUÉMAREC, notable. — François LE GRATIET, notable. — Yves OLLIVIER, officier municipal. — Joseph LE POMMELLEC, maire. — Yves GUILLOU, notable. — Joseph LE GUÉVEL. — Guillaume BÉNEC’H, officier municipal. — Guillaume COSTIOU, agent national provisoire. — Charles DURÉCHOU, notable ».

Deux jours après, le conseil général de la commune se déjugeait par cette autre délibération :

« Ce jour tridi vingt-trois thermidor l'an deuxième républicaine, une et indivisible, quatre heures de l'après-midi. Nous soussignés, maire, officiers municipaux et membres du conseil général de la commune de Pleubian, assemblés au lieu ordinaire des séances de ladite municipalité,

Présent le citoyen Guillaume Costiou, agent national provisoire,

Lesquels délibérant au regard de la fête ordonnée par décret de la Convention nationale du 18 floréal, du 10 août (vieux style).

Considérant que le 10 août 1792 (vieux style), le dernier tyran des François avoit tenté par tous les moyens qu'il étoit en son pouvoir de réussir à massacrer le peuple de Paris pour se rétablir dans son ancienne puissance ;

Considérant que le tyran vit le même peuple déployer son courage et exterminer ces gardes et chevaliers du poignard ;

Considérant qu'il s'éleva le plus terrible combat pour assurer le règne de la liberté, que le tyran eu l'art et la lâcheté de se soustraire aux événements du combat, fut le même jour suspendu de tous ces pouvoirs et bientôt paya de sa tête sur l’échafaud le prix de ses forfaits ;

Considérant que le 10 août 1793 (vieux style) fut consacré par la Convention Nationale à la proclamation de la volonté du peuple françois de se gouverner à l'avenir d'après les principes établis dans une constitution républicaine ;

Considérant que, ce même jour, les députés des divers cantons de la République remplir le voeu sacré qu'ils avoient obtenu du peuple, d'aller jurer eu son nom sur l'autel de la patrie, à jamais, sa haine pour les tyrans et son attachement inviolable pour l'unité et l'indissolubilité de la République ;

Considérant enfin que cette fête mémorable étoit ce jour à célébrer et à réitérer le même serment ;

Nous, maire, officiers municipaux, agent national provisoire et membres du conseil général de cette commune, déclarons avoir ce jour vingt-trois thermidor, répondant au 10 août (vieux style), donné toute célébrité à cette fête et fait le serment de maintenir à jamais l'unité et l'indissolubilité de la République et de mourir en la défendant.

Par suite de la délibération, d'après et mûrement délibéré sur le cinquième chef de notre délibération du 21 courant, concernant quatre ex-religieuses de notre commune, mises en arrestation à Guingamp, en vertu de la loi du 9 nivôse, qui avoit pour objet d'obtenir l'assentiment de l'administration du district de Pontrieux, pour demander au représentant du peuple, séant à Brest, la mise en libération de ces quatre filles pour rentrer et sous le consentement de leurs familles pour les travaux de la récolte.

Considérant que c'est par erreur que nous avions peu réfléchi et balancé l'intérêt particulier à celui public ;

Considérant aussi que les administrations publiques ne doivent jamais admettre les acceptions particulières pour les balancer à l'intérêt général, que ce seroit même une opinion nuisible au gouvernement ;

Considérant que le patriotisme de leur famille, ce dont nous connoissons, ne garantiroit pas l'entraînement de leur langage pernicieux et fanatique dont elles peuvent faire usage dans toutes les occasions et même pendant leur vie, en leur en laissant cette liberté dangereuse ;

Considérant enfin qu'il est dans l'impossibilité d'avoir confiance dans des personnes qui refusent de reconnaître la souveraineté du peuple et d'obéir à ces lois ;

Le conseil général assemblés, ouï le requérant, l'agent national provisoire, déclare rapporter le cinquiesme chef de la délibération du vingt-un thermidor présent mois, en ce qu'il est nuisible au bien et salut public et contraire au gouvernement républicain, reconnoissant l'erreur où nous nous étions laissés entraîner et peu réfléchie.

En conséquence, délibérons et demandons continuation de mise en arrestation de ces quatre ex-religieuses, dont est cas, comme réfractaires aux lois ; qu'au surplus, extrait de la présente sera envoyé à l'administration du district de Pontrieux sous la signature du Sre greffier dans le plus court délai.

Délibéré en la maison commune lesdits jour, mois et an que devant.

Signé : LE QUELLEC, officier municipal. — Olivier LE QUELLEC, officier municipal. — Yves CORLOUER, notable. — Y. LE COQ, notable. — Yves GUILLOU, notable. — François BERTHOU, officier municipal. — Guillaume BÉNEC'H, officier municipal. — Joseph LE GUÉVEL. — Jean-Baptiste ANDRÉ, notable. — Pierre BARAT, notable. — Jean LE SAUX, officier municipal. — François LE GRATIET, notable. — Joseph LE POMMELLEC, maire. — Yves OLLIVIER, officier municipal. — Claude QUÉMAREC, notable. — Yves LE QUELLEC, notable. — Yves LE BÉVER, officier municipal. — Yves LE PIVAIGN, notable. — Jean RABÉ, officier municipal ».

Ces bons municipaux signent sans sourciller ce que le gouvernement demande de leur complaisance. Ils ont signé tous les actes de la République libérale et terroriste, l'adhésion au Consulat, l'hérédité de la famille Bonaparte à l'Empire, la chute de Napoléon, le rappel des Bourbons, l'usurpation de Louis-Philippe, etc. Leurs petits-fils n'agissent pas autrement.

Nous ne pensons pas que les religieuses du prieuré furent condamnées à mort. Nous trouvons, dans les registres publics de la commune, quelques traces de religieuses.

1° Françoise LE GALL. — La délibération municipale du 6 fructidor an III mentionne une ex-religieuse Françoise LE GALL. Cette bonne sœur, dont la famille habite toujours Pleubihan, devait, à notre avis, appartenir au prieuré Saint-Georges.

2° Louise PARANTHOËN. — la fille de Guillaume Paranthoën, le dernier sénéchal du prieuré. « Ce tridi 13 fructidor l'an III de la R. F. une et indivisible. En l'endroit s'est présentée Louise Paranthoën, ex-religieuse, laquelle a déclaré prendre sa résidence sur cette commune et loger chez Jean Corlouër, de Ty-Glas, section de l'Armor ». Nul doute que Louise Paranthoën appartint au prieuré Saint-Georges.

3° Jeanne ALLAIN. — Après le Concordat, les ex-religieuses viennent souscrire la Constitution de l'an VIII. « Du trois thermidor, an 10 de la République française une et indivisible. S'est présentée au bureau de la Mairerie de Pleubian la citoyenne Jeanne Allain, originaire et domiciliaire de cette commune, ex-religieuse de la Croix de Tréguier, laquelle voulant se conformer à la loi du vingt-et-un nivôse an huit de la République a fait la déclaration suivante : "Je promet d'être fidelle à la Constitution". De laquelle déclaration elle a requis acte et a signé avec nous sur le registre. Signé : Jeanne ALLAIN. — L'OLLIVIER, 1er adjoint. — C. QUÉMAREC, maire. — DELAUNAY, secrétaire ».

4° Françoise TANGUY. — « Le 21 thermidor, an dix de la République française une et indivisible. S'est présentée au bureau de la mairerie de Pleubihan la citoyenne Françoise Tanguy, originaire de la commune Saint-Louis de Brest, et domicilaire de celle de Pleubihan, ex-religieuse mère de cœur de la communauté de Saint-Paul de Tréguier, laquelle voulant se conformer à la loi du vingt-un nivôse an huit de la République, a fait la déclaration suivante : "Je promet d'être fidelle à la Constitution". De laquelle déclaration elle a requis acte que nous lui avons décerné et a signé avec nous. Françoise TANGUY. DELAUNAY, secrétaire. — C. QUÉMAREC, maire ».

Voilà donc quatre religieuses fidèles dont les noms nous sont parvenus. Les noms de nos prêtres, de nos religieuses qui ont bravé la persécution et souffert pour la justice, la prison, l'exil et la mort ; ces noms vénérables, dis-je, devraient être inscrits en lettres d'or sur le marbre, et ce marbre a sa place marquée sur un des piliers de l'église de Pleubihan.

Les délibérations de la municipalité traitaient, pendant la période révolutionnaire, de la coupe du goëmon, des subsistances, des réquisitions de toute nature, de la police du marché, des douanes nationales, des appels sous les drapeaux de soldats et de marins, de fêtes publiques, etc. Quand les loisirs de la retraite me ramèneront au berceau de ma naissance, je compléterai, s'il plaît à Dieu, l'histoire de mon pays.

Notons bien que nos registres sont d'une calligraphie admirable. Si Delaunay, le maître d'école et secrétaire greffier du conseil, commet de grosses fautes de grammaire, remarquons qu'il écrit beaucoup et vite, obligé qu'il est de sténographier les idées du tribun Costiou. Nos édiles de 1789 ont une signature dont la distinction n'a jamais été atteinte par leurs successeurs. Tous les notables savaient alors lire et écrire. Rarement les nouveaux époux et leurs témoins déclaraient ne savoir signer. Preuve que l'ancien régime n'était pas privé d'instruction publique.

(Yves-Marie Lucas).

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