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PLEUBIAN ET SA PAROISSE DURANT LA REVOLUTION.

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De l'an 1546, je passe brusquement à la Révolution. Pourquoi cette lacune ? Les registres de Pleubihan (aujourd'hui Pleubian) sont, je l'avoue, fort intéressants de vers 1640 jusqu'à 1789. Oui, mais si un vicaire de campagne a parfois le temps de travailler, c'est dans sa chambre ; par ailleurs, placé sous la dépendance d'autrui, il n'a pas la liberté de s’absenter, même pour quelques jours de rang, à l'effet de compulser les archives de sa paroisse natale.

Quelque dix ans avant la Révolution de 1789, le recteur-prieur, présenté par Saint-Georges, avait été déclaré incapable par l'autorité diocésaine [Note : M. l’abbé L. M. Le Coguiec, curé-doyen de Pleumeur-Gaultier, m'a bien veillamment confié un travail très complet sur la situation religieuse de notre canton pondant la période révolutionnaire. J'emprunte souvent à ce savant confrère la date de naissance, les titres antérieurs et postérieurs, la date et le lieu de sépulture des ecclésiastiques dont il est ici question. Nous avons de commun les délibérations et arrêts du corps municipal, les serments des prêtres et autres actes de l'état civil que nous avons transcrit l’un et l'autre]. Il ne fut pas remplacé comme pasteur titulaire. En 1780, le curé d'office, missire Rouat, était remplacé par missire Penven. En 1786, missire Pierre Le Luyer remplit cette fonction jusqu'à la fin de l'année 1792. Ses collaborateurs ou vicaires étaient missires Jean-Marie du Réchou, François Lageat, et Yves Le Guen, ce dernier résidant à la trêve de Kerhorz (Abbé Le Coguiec).

Pierre LE LUYER naquit à Plouaret, le 30 décembre 1752, fit ses humanités au collège, ses études théologiques au séminaire de Tréguer, reçut la prêtrise en 1776 des mains de Mgr Jeau-Baptiste-Joseph de Lubersac [Note : Armes de Monseigneur de Lubersac. Origin., du Limousin : de gueules au loup d’or (V. Courcy, édit Plihon, tome 2, p. 209)]. Successivement vicaire de Plougonven et de Plougraz, il arrive à Pleubihan en 1786 (Abbé Le C.). En 1790 et 1791 il refuse le serment schismatique.

Il fut remplacé par élection des citoyens du district de Pontrieux, en septembre 1791, par un nommé JEAN LE BÉAU (en breton Iann ar Béo), né à Ploulec’h en 1750. Ce triste sire fut d'abord, en 1776, curé de la trêve de Loc-Quémau en Trédrez, puis, en 1788, curé ou vicaire de Goudelin. C'est là qu'il prêta serment à la constitution civile du clergé en 1791 (Abbé le C.) Ce premier pas dans la voie du schisme coûta-t-il au sieur Le Béau ? Il est probable que non, car depuis il prêta tous les serments qu’on exigea de lui, se soumit à toutes les obligations qu'on lui imposa, hormis de se marier et de livrer ses lettres de prêtrise sur l'autel de la patrie.

Dès l'arrivée de cet intrus à Pleubihan, missire Pierre Le Luyer protesta dignement et cria au loup ravisseur. « Instruit, dit-il, qu'un autre prend ma place dimanche prochain, je laisse entre vos mains les registres publics de la paroisse ». Ceci se faisait d'après réquisition et se passait le 30 novembre 1791.

Cette noble protestation du pasteur, « préposé par une autorité légitime au gouvernement spirituel de cette paroisse » (ce sont les termes de missire P. Le Luyer), appela de la part de Jean Le Béau l'odieuse dénonciation suivante :

« J’ay l’honneur de remontrer à Guillaume-Jean Le Quellec fils, que le sieur Le Luyer cy-devant curé d'office de Pleubian, ne voulant point se rendre utile aux habitants des lieux, qu'au contraire il n'assiste à aucun des offices, ce qui occasionnent un scandale parmi le peuple. Et que de plus il insinue aux âmes faibles une doctrine daugereuse et donnent à croire que les personnes qui assistent à ma messe sont séparée de la communion de notre mère la sainte Eglise comme participante au fonction d'un hérétique, schismatique et intrue, je vous prie M., comme prêtre de la commune pour le bien de la paix et pour le salut du peuple confié à mes soins que vous communiquiez ma requeste aux officiers municipaux pour qu'ils y fassent droits. A Pleubian, le 19 novembre 1791. Le Béau, curé de Pleubian ».

O dive bouteille, que de fautes d'orthographe, que d'erreurs de doctrine on commet après t'avoir goûtée !

Au bas de ce réquisitoire est écrit :
« Vû le requeste ci-dessus, je requiers, MM., que vous ayez à prendre et à délibérer là-dessus. A Pleubihan, le 20 mois et ans que dessus. Guillaume-Jean Le Quellec fils ».

Conclusion :

« Vû la remontrance da l'autre part, nous, maire officiers municipaux et notables, vu que le sieur Le Luyer ne communique pas et n’assiste pas aux offices des dimanches et festes, qu'il ne dit pas sa messe à l'heure de la commodité du public, sommes unanimement d'avis qu'il plaise à Messieurs les administrateurs du directoire du district de nous donner un ordre de nottifier audit sieur Le Luyer de sortir de notre paroisse et avons signé, le vingt novembre mil sept cents quatre-vingt-onze.

Joseph Le Pommellec, maire. — Pierre Le Guillou — Jean Le Saux. — Louis Feutren. — Jean Rabé. — Yves Le Thomas. — Francois Berthou. — Guillaume Le Floch. — Lauret Thomas. — Mathieux Nédellec. — François Lucas [Note : J’ai l’honneur de faire remarquer une fois pour toutes qu’ancun de mes parents du côté paternel ne résidait à Pleubihan avant la Révolution. La berceau de ma famille était alors à Hengoat]. — Yves Le Berre — Yves Le Saux. — Ollivier Le Quellec. — Vincent Kerneau. — Yves Le Quellec ».

Chassé brutalement de son église, le bon prêtre devait célébrer la sainte messe dans les chapelles rurales ou dans les maisons de ses fidèles paroissiens. Il avait compté sans la bile de Le Béau qui a le vin méchant. « Du 3 mars 1792, en second lieu, sur la remontrance qu’a mis le sieur Jean Le Béau, curé constitutionnel de cette commune tendante à ce que deffenses soit fait à ce qu'aucun prêtre non assermenté n'ayent à dire la messe en aucune chapelle appartenant à cette paroisse sans une permission par écrit dudit sieur curé constitutionnel et que deffence soit égallement fait à tout prêtre non assermenté ni conformiste de sonner aucune cloche en cas qu'ils voudraient dire des messes aux chapelles domestiques. Requérant à ce que messieurs formant le corps municipal ayent à se dellibérer et au cas requis faire platfixer les portes conformément au décret de l'assemblée nasionnal ». A la fin de 1792, missire Le Luyer émigra à Jersey. Il est inscrit au Tableau des ecclésiastiques réfugiés dans cette île (V. Les Familles françaises à Jersey pendant la Révolution, p. 397). En 1793 il retourna en Basse-Bretagne où il évangélisa le littoral de Paimpol et de Tréguer. Il signe à Pleubihan divers actes de catholicité, émettant toujours le titre qu’il avait reçu de Mgr Le Mintier : « P. Le Luyer, cure d'office de Pleubian ». Il mourut à Tréguer le 19 mai 1802 victime de son dévouement à visiter les malades atteints d'une épidémie contagieuse. Son persécuteur, retiré de Pleubihan en 1805, Jean Le Béau mourut à Ploulec’h, dans sa famille, le 13 mai 1819, âgé de 69 ans (Abbé Le C.).

Disons un mot des vicaires légitimes.

1°. Missire Jean Marie DU RÉCHOU, naquit à Pontanézen [Note : Du Réchou, sieur de Pontanézen et de Kerancoq, par. de Pleubihan : d’argent à trois fasces de gueules, accompagnées de dix merlettes de mesme, 4,3,2 et 1] en Pleubihan, fut après sa prêtrise attaché au saint ministère dans sa paroisse natale refusa le serment et s’enfuit à Jersey en 1792. Il est assez difficile d'identifier ce nom avec « Durchon de Penanrun, prêtre de la paroisse de Pleubihan », inscrit au tableau des ecclésiastiques réfugiés à Jersey, pendant la Révolution (V. de l'Estourbeillon, p. 336).

En 1793, missire du Réchou revint braver la Terreur, vécut caché chez les religieuses Augustines de Tréguer où il mourut le 1er janvier 1800 (Abbé Le C. d'après note de M. le chanoine La Pivert).

Missire FRANÇOIS LAGEAT, né à Langoat au village de Lochrist le 4 mars 1763, était vicaire à Pleubihan quand éclata la Révolution. Résolu à ne point prêter le serment schismatique à la constitution civile du clergé. Lageat s'enfuit à Jersey avec ses confrères Le Luyer, du Réchou, etc, entre autres l’abbé André Le Gall, originaire de Pleudaniel et vicaire à Cavan. C'était sur la fin de 1792. Ceci est certain. Les auteurs des Anciens évêchés de Bretagne (tome II, p. 417) font erreur en écrivant : « M. Tresvaux dit qu'ils avaient passé à Jersey où ils apprirent que les fidèles du pays de Tréguier étaient dans un cruel état d'abandon, et qu'ils se crurent obligée de revenir à leurs postes. Si l'estimable auteur de l'Histoire de le Persécution de l'église en Bretagne avait lu le dossier de cette affaire, qui existe aux archives du tribunal de Saint-Brieuc, il aurait reconnu que ces prêtres n'avaient pas quitté le sol français ».

Si MM. J. Gestin de Bourgogne et A. de Barthélemy avaient pu eux-même lire l’ouvrage breton de M. l'abbé Durand, Ar Feiz, hag ar Vrô, s'ils avaient pu consulter le tableau plus récemment publié par M. de l’Estourbeillon, ils n'auraient pas si malmené M. Tresvaux. M. Le Gall figure dans Les familles françaises à Jersey, à la page 348 et M. Lageat à la page 385. Au plus fort de la Terreur, au milieu de l'année 1793, Lageat et Le Gall repassèrent en Bretagne, bravant la persécution pour porter à leurs compatriotes les secours de la religion. Ils allaient à la mort. Leur asile habituel était la maison Taupin, dans la rue Colvestre à Tréguer. M. Taupin, valet de chambre de Mgr Le Mintier [Note : La famille Le Mintier portait : De gueules à la croix engreslée d’argent ; Devise : Tout ou Rien. La devise épiscopale de Mgr La Mintier était : Deus meus… omnia sunt, devise qu’ils apliqua dans sa vie mieux encore que dans ses armes], avait suivi son maître en exil. Mme. Taupin, née Ursule Terrier, mère de trois enfants en bas âge, donnait chez elle refuge aux prêtres fidéles. Sa maison était surveillée nuit et jour, mais des cachettes y étaient adroitement ménagées. Durant son séjour chez cette femme digne de la primitive église, l'abbé Lageat se déguisait en marchand d’étoupes, en pillower, et jouait admirablement au Rochois dont le métier est le trafic de chiffons. C'était à s’y méprendre. Un jour d’octobre 1793, sous le prétexte d'exercer sa profession d'échangeur, Lageat se présente dans une ferme des environs da Tréguer. Il était midi. Des étrangers nombreux, des ouvriers suspects sont assis à table pour dîner. Avec l’accent et le sang-froid particuliers aux gens de son pays, notre Rochois déguisé demande le plus naturellement du monde si le maître de céans n’a pas de vieille ferraille à vendre, de grosse charpie céder. — « Si fait » — lui est-il répondu. — « Donne-toi la peine de monter au grenier pour examiner la marchandise et conclure le marché ». — Le marché était autre chose que des chiffons à vendre. Deux jeunes gens attendaient au grenier pour contracter mariage devant Dieu et en présence de son prêtre. Les ouvriers de la maison, les étrangers, les pauvres accueillis à la table de la ferme bretonne ne se doutèrent de rien et crurent toujours qu'ils avaient vu un Rochois véritable, du premier cru, un pauvre pillower gagnant péniblement sa vie. Les enfants ont peut-être plus de perspicacité. Il m'a été raconté que M. Lageat, déguisé en payans, allait un jour visiter ses anciens paroissiens de Pleubihan. En traversant le bourg de Pleumeur-Gaultier, un petit garçon, encore à bégayer ses premières paroles, montre du doigt à sa mère le voyageur qu'il ne connaissait nullement. — « Mère, dit-il, voilà un bon prêtre ! » — Quel éloge ! N'est-ce pas le cas ou jamais d'appliquer le texte de la sainte Ecriture : « Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des petits enfants » [Note : Ps, VIII, 3].

Missire François Lageat fut moins heureux au mois d'avril 1794 pour un autre mariage béni pourtant dans les mêmes conditions de sang-froid et d'adresse. « Un paysan révolutionnaire de Brélevenez questionna le jeune marié. Il eut l'adresse de lui faire avouer que son mariage avait été célébré par un prêtre catholique » [Note : Tresvaux, Hist. de la Persécution Révolutionaire, II, p. 34]. Cet Hérode aux petite pieds tint au nouveau marié ce discours suggestif : « Moi, aussi, jeune homme, j'ai trouvé une femme chrétienne et je voudrais comme toi bénir notre union devant Dieu et en face de la véritable Eglise. Révéle-moi où se cache le prêtre fidèle afin que j’aille aussi le trouver, lui faire l’aveu de mes fautes et recevoir le sacrement du mariage ».

Touché par ces hypocrites paroles, le jeune époux trop naif et trop confiant, dénonce ingénûment missires François Lageat et André Le Gall et leur résidence habituelle chez Mme Taupin.

« Fort de cet aveu le misérable — que je ne veux pas nommer — s'empressa d'aller les dénoncer aux autorités de Lannion, qui dépêchèrent des agents du pouvoir pour saisir les deux ecclésiastiques. Ils les découvrirent effectivement chez la femme Taupin, et les y arrêtèrent ainsi qu’elle, le 30 avril. Comme ces deux ministres des autels étaient vêtus en séculiers, on conseilla à leur charitable hôtesse afin d'éviter le sort rigoureux qui la menacait, de dire qu'elle ne savait pas qu'ils fussent prêtres ; mais elle rejeta aussitôt ce conseil : A Dieu ne plaise, répondit-elle, que je conserve à mes enfants une mère qui leur donnerait l'exemple du mensonge ! Au contraire, elle dit aux militaires qui se trouvaient présents : Je connaissais ces messieurs pour de saints ecclésiastiques, et ma maison leur était ouverte, ainsi qu’à tous ceux qui leur ressemblent.

Il n'en fallait pas, tant pour la rendre coupable à leur yeux. Ils la conduisirent avec les deux prêtres devant la municipalité de Tréguier, qui leur fit subir à tous les trois un interrogatoire et les envoya ensuite à Lannion, où le tribunal criminel de Saint-Brieuc se transporta. Les juges condamnèrent à mort les trois prisonniers et ordonnèrent que les deux prêtres seraient exécutés à Lannion, mais que la femme Taupin subirait sa sentence à Tréguier. En conséquence de ce jugement inique MM. Lageat et Le Gall furent conduits à l'échafaud le 3 mai, jour de leur condamnation. En y allant, ils récitèrent le Miserere... Parvenus auprès de l'instrument de leur supplice, ils se donnérent réciproquement l’absolution » [Note : TRESVAUX, tome II, pp. 34, 36, 37, 38. V. aussi : Anciens Evêchés de Bretagne, tome II, p. 417. Martyrologe du clergé français, Paris 1840, p. 218, 219. Ar Feiz hag ar Vró, par l’abbé Durand, Vannes 1847 pp. 265, 266, 267. La Famille Taupin roman historique par Mme la comtesse de la Rochère]. Missire Lageat était âgé de 31 ans deux mois ; et missire Le Gall, de 35 ans et cinq mois.

Après leur triste besogne les patriotes reviennent à Tréguer conduisant sur une charrette la sinistre guillotine et Mme Taupin garrottée sur un cheval. La machine était toute rouge et fumante du sang des confesseurs de la foi. Les sans-culottes, toujours le gosier à sec, s'arrêtent à Lochrist-Langoat devant la maison paternelle de missire Lageat. Le vénérable père tenait pour vivre un débit de boissons. Les bourreaux pénètrent dans l'auberge au chant du Ça ira !... — « Tiens, mon vieux, disent ils au vieillard, tiens, voilà le sang de ton fils ! » — Cette pénible scène fit une si douloureuse impression sur l'esprit d'un frère du prêtre qu'il en perdit aussitôt la raison. — « Donne-nous à boire, citoyen, hurlent les meurtriers, sers-nous à boire ! » — Le père Lageat, habitué de son état à se mettre humblement à la disposition de tous, se dresse dans sa dignité : « — Prenez ce qu'il vous plaira puisque vous êtes les maîtres ici, je ne servirai jamais de mes mains les bourreaux de mon fils ! ». Une complainte bretonne a été composée dans le pays de Tréguer sur le martyre de MM. Lageat et Le Gall, et une autre sur le supplice de Mme Taupin. Ces gwerz sont encore populaires et ravivent dans l'esprit du peuple le souvenir de ces tempe si troublés.

« En 1853, M. l'abbé Onfroy-Kermoalquin, aumônier des Dames de la Retraite à Lannion, fit exhumer les restes des deux martyrs et les plaça dans un enfeu, au transept midi de la chapelle des Religieuses » (abbé Le C.). Custodit Dominus omnia ossa eorum ! (Ps. 33, 21).

Missire Yves LE GUEN naquit à Pleubihan en 1739. En 1772 il était vicaire succursal de la trêve de Kerborz (abbé Le C.). Avec ses confrères Le Luyer, du Réchou et Lageat, il refusa le serment. Il en fut récompensé, comme son chef hiérarchique, P. Le Luyer, par la haine de Jean Le Béau, comme indiqué dans les pièces suivantes :

« L’an mil sept cent quatre-vingt-douze, ce jour trente un may, en la chambre de la communauté de Pleubian, suivant l’assignation pronalle donnée dimanche vingt-sept de ce mois à Messieurs le maire et officiers municipaux de s'assembler ce jour au huit heures du matin ....

Ledit Le Quellec procureur de la commune… Secondement il a requis que Messieurs le Maire et officiers municipaux ayent à se dellibérer sur la petition lui présentée par timbre par le sieur Jean Le Béau curé constitutionnel de cette communauté de Pleubian, du jour d'hier, conçue en ces termes : « Je soussigné Jean Le Béau curé de la paroisse de Pleubian remontre au sieur Lequellec procureur de la commune qu’il veuille présenter au conseil municipal ma requeste tendente à ce que M. Leguen vicaire été de Kerbors soit expulsé de la trève de Kerbors comme perturbateur du repos public et enseignant une doctrine contraire à la tranquillité publique et par le fait contraire à l'esprit de l'Église qui selon laquelle a recu de son cheff ne prêche que paix et union. A Pleubihan le 30 may 1792. Signé : LE BÉAU, curé de Pleubian ».

« En conséquence il requière pour le bien de la paix à ce que je dellibere et a signer et laissé laditte pétition du texte au présent. Gme Jn LE QUELLEC, pr. cl. ».

Le Béau allait plus vite en besogue que les révolutionnaires de l’endrait qui prirent cette décision en faveur du prêtre de Kerborz. On est indulgent pour un compatriote.

« Nous maire et officiers municipaux soussignés, ayant entendue lecture de la remontrance du sieur Le Quellec, procureur de la commune cy dessus et des autres et prisse lecture par nous même le jour étant délibéré sur le premier chef de la remontrance...... Comme aussy nous étant dellibéré sur le second chef relatif à la pétition du sieur Jean Le Béau notre curé constitutionnel somme d’avis attendue que les faits portée en la pétition ne sont pas prouvé à ce qu'il se pourvoit vers monsieur le juge de paix de notre canton de Lézardrieux pour faire administrer ladite preuve, après icelle être par lui jugé estre statué suivant la loi ordinaire, que copie par extraits soient déllivrés audit sieur Le Béau par notre secrétaire greffier pour faire ses delligence.

Arrêté en la chambre de la commune. A Pleubian lesdits jours et an que devant.

Joseph Le Pommellec, maire. — Jean Rabé. — Jean Le Saux. — François Berthou. — Mathieu Nédellec. — Ollivier Le Quellec ».

Cependant, la vie devint impossible à missive Yves Le Guen. Il émigra à Jersey où nous le trouvons inscrit au tableau des ecclésiastiques publié par le marquis Régis de l’Estourbeillon, p. 363.

« Guen N. (Le), curé de le paroisse de Kerborz, au diocèse de Tréguier », rentra en France au plus tard avec le Concordat, fut nommé en 1804 recteur de Lanmodez où il mourut le 20 octobre 1825 à l’âge de 86 ans.

Donc le clergé légitimement installé à Pleubihan-Kerborz avant la Révolution resta fidèle tout entier, et nous pouvons fièrement graver sur l'airain et le marbre les noms vénérables de missires Pierre-Marie Luyer, curé d’office ; Jean-Marie du Réchou, Francois Lageat et Yves Le Guen, vicaires, fidèles à Dieu et au Pape.

 

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Après avoir donné la biographie succincte de ces bons prêtres, passons aux dignes acolytes de l’intrus Jean Le Béau.

PIERRE LE PIVAING. — Missire Le Guen fut remplacé à Kerborz par un nommé Pierre Le Pivaing, qui, né à Pleubihan le 8 janvier 1766, reçut la prêtrise des mains de Jacob, fut d'abord vicaire à Penvénan en 1792 où il prêta le serment en 1793 (abbé. Le C.). Ce ne fut pas sa seule défection. Le 9 floréal an II, Pierre-Marie Le Pivaing déclare devant la municipalité de Penvénan renoncer à toutes fonctions en qualité de prêtre. Il n'était que trop temps.

Le 8 pluviôse an III, le malheureux présente à la municipalité de Pleubihan le permis de résidence :

LIBERTÉ. — ÉGALITÉ. — FRATERNITÉ.

« Conformément à l’arrêté des représentants du peuple, Guerno et Guermeur, datté de l'Orient du 24 nivôse, il est permis au citoyen Pierre Le Pivaign de se retirer dans la commune de Pleubian, sous la surveillance de la municipalité. — Tréguier, le 7 pluviôse, 3e année. Signé en l'original : Pierre LE PIVAIGN, LE MERDY, officier municipal, ALLANET, notable, et PARTENAY, pour le secrétaire greffier ».

« Du 8 pluviôse, l'an 3 républicaine. Dûment collationné : DELAUNAY, Secrétaire greffier ».

Le 9 frimaire an IV, il prête avec ses copains le serment suivant (30 novembre 1795) :

« Ce jour neuf frimaire l’an IV de la République française une et indivisible, nous maire et officiers municipaux et conseil général assemblé au lieu ordinaire de nos séance, présent le procureur de la commune. En vertu de la loi du sept vendémiaire quatrième année de la République sur l'exercice de la police extérieure du culte, se sont présentés : le citoyen Jean Le Béau, curé constitutionnel de cette commune, et les citoyens Jacques Le Bastard, François Berthou et Pierre Le Pivaing prêtres de laditte commune lesquels en notre présence se sont soumis à la loi comme il suit, article six du tittre de la susdit loi.

Le neuf frimaires devant nous maire officiers municipaux et membres du conseil général de cette commune, ont comparu Jean Le Béau curé, Jacques Le Bastard, François Berthou et Pierre Le Pivaing babitant de cette commune lesquels ont fait la déclaration dont la teneur suit : Je reconnois que l’universalitez des citoyens français est le souverain, et je promets soummission et obéissance aux lois de la République et ont signé JEAN Le BÉAU, curé de Pleubihan. — F. BERTHOU, prêtre. — J. LE BASTARD, prêtre. — Pierre Le PIVAIGN, prêtre.

De tout quoi nous, susdits maire, officiers municipaux, membres du conseil général, et d'après avoir ouï le procureur de la commune.

Arrêtons que avis de la présente soumission est décernée auxdits citoyens Le Béau, curé, Berthou, Le Bastard et le Pivaign prêtres et le requérant le procureur de la commune laditte soumission sera luë, publiée et affichée dimanche prochain quinze du présent au prône de la grand’messe de cette commune, pour que personne n'en puisse prendre cause d'ignorance.

Arrêté en la maison commune les jour, mois et an que devant. Joseph LE POMMELEC, maire. — Jean LE SAUX, officier municipal. — François Le GRATIET, notable. — Jean RABÉ, officier municipal. — Ollivier LE QUELLEC, officier municipal. — Yves LE QUELLEC, notable. — Charles DURÉCHOU, notable. — Yves CORLOUER, notable. — Guillaume LE QUELLEC, officier municipal. — François BERTHOU, officier municipal. — Pierre MOREAU, notable. — Guillaume COSTIOU, procureur de le commune ».

Fort de cette avance faite au pouvoir, Pierre Le Pivaing exerca son ministère sacrilège tant bien que mal sous la direction de Jean Le Béau. Ce pauvre prêtre fut maintenu au vicariat succursal de Kerborz par la pitié de Mgr Caffarelli. Il mourut à ce poste le 14 mai 1809. (Abbé Le C., ancien recteur de Kerborz).

FRANÇOIS BERTHOU. — Le curé jureur Le Béau avait encore pour satellite François Berthou, né à Pleubihan en 1765, ordonné prêtre par Jacob. D'abord vicaire à Pleumeur-Gaultier, puis à Plougrescant, Barthou rentre en 1795 dans sa famille à Pleubihan [Note : Abbé Le Coguiec, manuscrit] où nous l’avons vu prêter et signer le serment du 9 frimaire an IV (30 novembre 1795). Le onze fructidor an V, 4 août 1797, il se rétracta très religieusement comme il appert du procès-verbal ci-aprés :

« Ce primidi onze fructidor an cinq de la République française une et indivisible, en la chambre commune de Pleubihan s’est présenté le citoyen François Berthou, prêtre de cette commune, lequel a fait en se bureau le dépot de sa déclaration de serment prêté et répété en vertu de la constitution civile du clergé, commencé par ces mots : Déclaration et rétractation de François Berthou, prêtre de Pleubihan. Depuis longtemps déchiré par les remords les plus cuisans, etc., et fini par ces mots : — Et je me soumets absolument a la pleine et entierre autorité de votre église sainte de lui signée en datte du 4 aoust 1797. De quel dépot ledit Berthou requiert de nous agent et adjoint municipaux de cette commune acte et extrait du présent et signe avec nous.

DELAUNAY, adjoint. — François BERTHOU, prêtre de Pleubian. — C. QUÉMAREC, agt. municipal ».

Devant ce texte est collée une feuille volante. « Reçu au bureau de l’admistration du canton de Lézardrieux une pièce contenant la déclaration et rétractation de François Berthou, prêtre de Pleubihan, en date du quatre août mil sept cent quatre-vingt-dix-sept (vieux style). Signé F. Berthou, prêtre de Pleubian.

A Lézardrieux, le dix-sept fructidor an V de la République française, une et indivisible. FOURNIER, secrétaire général ».

Après sa couversion, missire François Berthou célébrait la sainte messe dans la chapelle Saint-Antoine. La présence de ce prêtre repentant excita la colère de Jean Le Béau qui fit défendre « au citoyen Berthou de faire, ni exercer aucun culte, que dans l'édifice à ce destiné ». — En 1803 il fut placé à Langoat, où il mourut le 21 avril 1804 (M. Le C.).

JACQUES LA BASTARD naquit à Pleubihan vers 1760. Diacre en 1792, il reçut la prêtrise des mains de Jacob en septembre 1792 (Abbe Le C.). Un mois après, il s'empressa d'apposer sa signature et son titre usurpé à la suite du premier serment que prêta Le Béau à Pleubihan.

« Ce jour sept octobre mil sept cents quatre-vingt douze, première de la République ......

Le sieur Jean Le Béau, curé constitutionnel de cette paroisse qui a fait devant nous le serment : d'être fidelle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en la deffendant. Et aussi présenté le sieur Jacques Le Bastard, vicaire de cette paroisse, lequel a fait le même serment d'être fidelle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en la deffendant, de tous quois nous avons redigé le présent procès verbal pour valoir et servir ce que de raison, et ont signé leur serment le même jour, mois et an que dessus. J. Le Béau, curé de Pleubian. — J. Le Bastard, vicaire de Pleubian ».

En 1794, il refusa de livrer ses lettres de prêtrise et fut incarcéré à Pontrieux. Le 4 pluviôse an III, il arrive à Pleubihan muni d'un sauf conduit en bonne et due forme :

LIBERTÉ — ÉGALITÉ — FRATERNITÉ.

MUNICIPALITÉ DE TRÉGUIER.

« En vertu d'un arrêté du comité révolutionnaire du district de pontrieux du premier pluviose troisième année républicaine permis au citoyen Jacques Bastard prêtre de se retirer dans la commune de Pleubian sous la surveillance de ladite municipalité. Tréguier le trois pluviose l’an trois de la République française une et indivisible. Signé en l'original : J. Le Bastard.

F. LE POMMELLEC, officier municipal. — GUILLOU le jeune, agent national. — PARTENAYE, secrétaire greffier.

Fidellement collationné à l’original duement signé ce quatridi 4 pluviôse l’an 3 de la République une et indivisible. DELAUNAY, secrétaire greffier ».

Nous avons vu Le Bastard signer le serment du neuf frimaire an IV, 30 novembre 1795. En 1805, il fut nommé vicaire de Pleudaniel. Il ne put s’y maintenir et mourut, frappé d'interdit, sur la trève de Kerborz en 1826 (abbé Le C, ancien recteur de Kerborz).

On peut, d'un trait donner le cachet de cette physionomie : Plus disciple de Bacchus que prêtre de Jésus-Christ. Son excuse est qu'il fut ordonné, par Jacob et n’eut pas la préparation suffisante à la vocation. L’auberge était le séminaire de Jacob.

Plusieurs prêtres originaires de Pleubihan, chassés de leurs paroisses. vinrent chercher un refuge au sein de leurs familles, antre autres :

Missire JOSEPH LE QUELLEC, né à Pleubihan [Note : M. Joseph Le Quellec a laissé une relation manuscrite de sa vie où il dit lui-même être natif de Trédarzec. Il avait sept mois quand ses parents vinrent habiter Pleubihan], vicaire succursal de la trêve de Loguivi-Plougraz, se fait autoriser, dès le 2 août 1791, à résider chez ses père et mère :

« Du 2 aout 1791. — Au secrétariat de ce greffe a comparu M. Joseph Le Quellec, prêtre, natif de cette paroisse, lequel a déclaré s'estre retiré chez ses père et mère de sa trève de Loguivi où il exerçoit les fonction de curé, pour obéir aux lois de la nation, déclarant fixer son domicile chez sesdits parents, et ce signé et requis copie. Joseph Le QUELLEC, prêtre ».

Missire Joseph Le Quellec s’embarque le 3 septembre 1792 pour Jersey où nous le trouvons au Tableau des ecclésiastiques sous cette mention fautive : « Le Quilliec, N. — curé de Loguivy-Plougras, au diocèse de Tréguier » (p. 402). Le 11 novembre suivant il part pour l'Espagne où il reste neuf ans, rentre au Concordat, est nommé recteur de Lohuec en 1802 et de Loguivi-Plougraz en 1803 où il meurt le 2 avril 1842. (Abbé Le C.).

Missire CHARLES ROVERC’H, né à Pleubihan en 1728, recteur de Trédrez en 1772, émigra à Jersey en 1792 [Note : V. Familles françaises à Jersey par le marquis de l’Estourbeillon, p. 460], rentra à Pleubihan au Concordat, y mourut le 4 septembre 1806.

3° Missire PIERRE-MARIE LE MÉRER DE KERBOL se retira d'abord chez M. Le Luyer, à Pleubihan.

« Du trente juillet mil sept cent quatre-vingt-onze.

Au greffe de la municipalité de Pleubian a comparu missire Pierre-Marie Le Merrer de Kerbol cy-devant directeur de la Congrégation de Lannion lequel nous a déclarée s'être retiré de laditte ville de Lannion jusques et sur l'étendue de cette communauté et fixer son domicilie chez le sieur Pierre Le Luyer cy-devant curé d'office de cette paroisse, le tout pour obéir à l'arretté de messieurs du directoire du département des Côtes-du-Nord du vingt-huit juin dernier, laquelle déclaration il a signée et requis copie. P.-M. LE MÉRER DE KERBOL, prêtre. LE GUILLOUX, secrétaire greffier ».

Voici son acte de décès avec les lieu de naissance, âge et qualité :

« Missire Pierre-Marie Le Mérer de Kerbol, natif de la paroisse de Tonquédec, évêché de Tréguier, en Basse-Bretagne, âgé de 34 ans, prêtre, vicaire de la paroisse de Saint-Jean-du-Baly, de la ville de Lannion, audit évêché de Tréguier, est décédé le 6 juillet 1793, et a été inhumé le 7 dudit mois, dans le cimetière de le paroisse de Saint-Hélier. (Reg. de la par. protestante de Saint-Hélier).

La famille Le Mérer, originaire de Bretagne, au pays de Tréguier, porte : D'azur à trois gerbes de blé d’or » [Note : V. Familles françaises à Jersey].

Missire MAURICE LE COLLEN, vicaire à Pleudaniel en 1772, plus tard curé de Gurunuhel (Gurunhuel) où il prête le serment restrictif (Abbé Le C.). Nous relevons à son sujet la preuve suivante de son séjour à Pleubihan :

« Ce quintidi quinze thermidor, l’an trois de la République française une et indivisible est comparu en la maison commune le citoyen Morice Le Collen, prêtre, curé de Gurunuel [Note : aujourd'hui Gurunhuel], lequel désirent et entend comme natif de cette commune y résider chez le citoyen François Le Collen, son frère, demeurant au Pellazou en cette ditte commune, réservant et déclarant que le huit vendémiaire prochain venir résider en ce bourg pour y faire et exercer les fonctions de prêtre et son culte ordinaire en la mère église de cette commune seulement, déclarant se soumettre aux lois de la République à cette effet et faire son culte sous la surveillance de la municipalité et a signé pour soumission à icelle. M. LE COLLEN, prêtre.
Guillaume Costiou, procureur de la commune. — Jean Le Saux, officier municipal. — Jean Rabé, officier municipal. — Guillaume Bénec’h, officier municipal. — Guillaume Le Quellec, officier municipal »
.

C'était donner trop de garanties à un ordre de choses réprouvé par Rome et tous les vrais catholiques de France. Maurice Le Collen disparaît de Pleubihan, déchiré par les remords de sa conscience. Il revient à la paix finir ses jours sur sa paroisse natale où il meurt de chagrin le 5 août 1806.

5° Nous trouvons dans les Familles françaises à Jersey le nom de missire « KERMEL-KERNISAN, recteur de la paroisse de Quemper-Guézennec, au diocèse de Tréguier » (p. 384).

« La famille de Kermel, originaire de la paroisse de Pleubihan, évêché de Tréguier, porte pour armes : De gueules à la fasce d’argent, accomp. de deux léopards d’or. Devise : Audacibus audax ».

(Yves-Marie Lucas).

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