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L'Institut des Frères de Ploërmel |
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Nous raconterons en détail dans la suite l’histoire de l'Institut des Frères de l'Instruction chrétienne, qui fut pour la ville de Ploërmel le fait le plus important du XIXème siècle. Nous dirons seulement ici que ce fut en mars 1824 que Monsieur l’abbé Jean-Marie Robert de la Mennais afin d’y établir la Maison Mère des Frères de Bretagne, acheta d’un sieur Dollé, moyennant 18.000 francs, l’enclos de six à sept hectares de la communauté des Ursulines et ce qu’il possédait de ses anciens bâtiments.
Ces bâtiments étaient dans un triste état de délabrement. La maison conventuelle avait servi de prison pendant la Terreur ; les bureaux de la Mairie occupaient plusieurs des salles ; un boulanger entassait ses fagots dans la chapelle et le laboureur qui exploitait l’enclos avait transformé en étable pour ses vaches la partie du choeur réservée jadis aux religieuses. On nettoya, on déblaya et on appropria à la hâte : et, dès le 3 novembre 1824, l’abbé de La Mennais avec dix novices vint habiter la nouvelle communauté, qui, en 1825, comptait déjà cent trente-trois Frères.
L’année suivante, l’abbé de La Mennais acheta une partie de l’ancien Prieuré de Saint-Nicolas pour y établir une Ecole primaire, et le vieux manoir de Boyac [Note : La seigneurie de Boyac, à 3 kilomètres au nord de Ploërmel, appartenait dès le milieu du XVIIème siècle aux Le Goaësbe. Elle est au début du XXème siècle au marquis de la Boissière] pour servir de maison de campagne à l'Institut. Un peu plus tard, la ville de Ploërmel, comprenant tous les avantages qu’avait pour elle la propriété et le développement de l'Institut, lui abandonna, en échange de l’ancien prieuré de Saint-Nicolas, les bâtiments de l’ancien couvent des Ursulines où était installée la Mairie.
En 1847 fut construit le bâtiment principal qui est surmonté d’un clocher avec horloge ; puis, en 1853, la chapelle, qui coûta plus de 200.000 francs, où l’abbé La Mennais célébra la première messe le 8 septembre 1854, et qui fut consacrée le 10 septembre 1856 par Monseigneur Jacquemet, évêque de Nantes.
En 1850, dans le même enclos, l’abbé La Mennais fonda, près de la Maison de l'Institut, le Collège Saint-Stanislas pour l’instruction secondaire ; collège qui, comme nous l’avons dit, fut transféré en 1869 dans l’ancien Couvent des Carmes, et devint en 1879 Petit Séminaire diocésain.
Le pieux abbé de la Mennais avait accompli sa tâche ; l’institution qu’il avait créée était devenu le centre de l'Apostolat de l'Instruction chrétienne de l’enfance : Rome l’avait solennellement approuvée et bénie, et elle possédait comme Maison Mère un vaste et beau Monastère. Ce fut dans cette demeure élevée par lui que l’abbé de la Mennais mourut le 26 décembre 1860, âgé de 81 ans. Il fut inhumé dans l’enclos, dans le cimetière des Frères, d’où ses restes exhumés ont été déposés solennellement le 6 août 1900 dans la chapelle de l'Institut. La cause de sa béatification a été introduite en Cour de Rome en 1903.
Il fut remplacé comme supérieur général, le 24 janvier 1861, par le R. F. Cyprien [Note : R. F. Cyprien (Pierre Chevreau), né à Maure, le 7 août 1816. Chevalier de l’ordre de Malte et de l’ordre du Christ du Portugal], sous la direction duquel l’oeuvre fondée par l’abbé de la Mennais a vu s’accroître sa prospérité.
Le Révérend Frère Cyprien mourut à l'Institut le 14 juillet 1897, et il eut pour successeur comme supérieur général le R. F. Abel [Note : R. F. Abel, né à Plessé, le 1er juillet 1845, mort exilé en Angleterre le 11 février 1910], le 29 octobre 1897.
Acheté par l’abbé de la Mennais ; fondé, construit, entretenu par ses biens et par son argent, l'Institut des Frères de Ploërmel était bien réellement une propriété privée. La troisième République, continuatrice de la République de 1793, va cependant s’en emparer.
Par décret du 18 mars 1903, le gouvernement républicain, esclave de la franc-maçonnerie, ordonna la suppression et la confiscation de toutes les associations chrétiennes enseignantes, condamnant à la dispersion, à la mendicité et à l’exil, plus de 20.000 instituteurs, et dès le 6 avril 1903, le sieur Oury, commissaire de police de Ploërmel, notifia officiellement au Supérieur général la dissolution de l'Institut. Le 6 février 1904, il ne restait plus à la Maison Mère que quelques Frères âgés, infirmes ou malades, recueillis dans un petit bâtiment, loué à l’état spoliateur par MM. les docteurs Guillois et Lorieux.
Afin de conserver l'Ecole secondaire, son directeur, M. Hamonno avait loué un bâtiment joignant au midi la Maison Mère, qu’il avait appelé pensionnat La Mennais et qui donnait l’éducation à plus de quatre-cents enfants. Le gouvernement ordonna également sa fermeture le 3 février 1904 ; mais, fort de son droit, le directeur, M. Hamonno résolut de ne céder, cette fois, qu’à la violence.
Le vendredi, 12 février 1904, dès cinq heures du matin, une bande de voleurs et de crocheteurs, protégés par douze brigades de gendarmerie, trois batteries du 28ème et 35ème d’artillerie de Vannes, un bataillon du 116ème de ligne, de Vannes ; un bataillon du 62ème de ligne, de Lorient, et deux compagnies du 19ème de ligne de Brest, soit en tout 1.800 hommes, débarquaient à la gare de Ploërmel. On remit aux officiers l’ordre de réquisition ; mais cet ordre étant rédigé de façon illégale, cinq d’entre eux refusèrent de s’y soumettre.
Honneur et respect à jamais à ces braves qui mirent leur conscience au-dessus de toute considération matérielle et qui considérèrent que l’armée française n’avait pas pour mission d’opprimer des innocents sans défense, de crocheter des propriétés privées et de protéger le vol et l’effraction !
Voici les noms de ces officiers : MM. les capitaines de Beaudrap et Morel ; MM. les lieutenants Boux de Casson, de Torquat et Boulay de la Meurthe [Note : Ces cinq officiers furent Jugés par le Conseil de guerre à Tours et acquittés. Mais le Ministre de la guerre les mit en non activité par retrait d’emploi. N’ayant que peu de fortune, ils durent chercher un gagne-pain. 1°- Le capitaine Roger de Beaudrap était né dans la Manche en 1857; il avait épousé à Rennes, en 1885, Mlle Jeanne de Cacqueray, morte en 1900, laissant six enfants. Il était chevalier de la Légion d’honneur. Il dut émigrer au Canada, puis en Suisse, où il est mort le 6 décembre 1908. – 2° Le capitaine Morel, comptait vingt-trois ans de service ; il épousa à Rennes Mlle. Guillemot. Il réussit à obtenir sa réintégration après la déclaration de la guerre, et il a fait toute la campagne comme capitaine au 48ème bataillon de chasseurs à pied. - 3° Le lieutenant Guy Boux de Casson, né à Nantes en 1869, devint, après sa mise en non-activité, inspecteur de la Compagnie d’assurances, « la Nationale », et il épousa en 1907 Mlle Lévêque du Rostu. Il parvint à reprendre du service au moment de la mobilisation, en août 1904, et il a été tué dans la bataille de la Marne comme capitaine d’infanterie. - 4° Le lieutenant François de Torquat de la Coulerie, né en 1879, gagna le Canada avec le capitaine de Beaudrap, dont il épousa une des filles en 1910. Il reprit volontairement l’uniforme, sitôt après la déclaration de la guerre ; d’abord sergent au 75ème de ligne, il devint lieutenant, puis capitaine au 48ème, et fut tué dans les combats, près d'Arras, le 9 mai 1915. – 5° Le lieutenant Boulay de la Meurthe épousa Mlle de Lauriston ; et finit, après bien des instances, par obtenir de reprendre du service comme officier d’infanterie, lors de la Mobilisation].
Nombreux furent les officiers qui, à l’exemple des cinq de Ploërmel, refusèrent de participer aux opérations spoliatrices et sacrilèges des expulsions et des inventaires ; ils ont, comme eux, bien mérité de l'Armée et de la Patrie en rendant plus difficile dans l’avenir l’emploi de soldats français à des besognes honteuses et coupables. Tous ces officiers étaient une élite. Tous avaient été l’exemple de leurs camarades et ils justifièrent par leur courageuse conduite la vérité de cette phrase de Pie X : « Si le Catholicisme était l’ennemi de la Patrie, il ne serait pas une religion divine » ; et cette autre pensée de M. Paul Bourget : « Travailler contre l'Eglise, c’est, tôt ou tard, mais toujours, travailler contre la France ».
L’acte accompli à Ploërmel le 12 février 1904 par ces cinq officiers ne fut que la première marche de leur calvaire, lequel se termina, après huit mois de captivité, par la plus brutale des condamnations. La République, esclave de la Franc-Maçonnerie, et initiatrice de la plus coupable des guerres civiles, celle des consciences, les avait injustement frappés ; mais au-dessus d’elle il y a la France ; et, dès que retentit l’appel aux armes, le 2 août 1914, les quatre survivants des victimes de l’expulsion des Frères de Ploërmel obtinrent, à force de démarches et de supplications, d’être autorisés à se dévouer encore pour la défense de la Patrie ; et deux d’entre eux, MM. Boux de Casson et de Torquat, sont morts pour elle en héros et en martyrs.
En même temps que le Gouvernement brisait tant de vaillantes épées, tous les pauvres Frères, dépouillés et expulsés, se dispersaient à tous les vents du ciel. Mais aussitôt qu’ils apprirent la déclaration de la guerre et l’invasion allemande, oubliant les persécutions, les spoliations, les souffrances et l’exil, ils accoururent, prêts à mourir pour la défense de la France …. Les Protestants, eux, qui étaient réellement des révoltés, restèrent, après leur expulsion à la suite de la Révocation de l'Edit de Nantes, les ennemis acharnés de leur Patrie …
Ne pourrait-on pas rechercher, comme contre-partie aux actes généreux des victimes, ce qu’ont fait et ce que sont devenus leurs bourreaux, spoliateurs, cambrioleurs, crocheteurs et leurs complices ? …. La Justice divine n’attend pas toujours l'Eternité pour commencer à châtier les coupables.
Après que les officiers, dont nous avons donné les noms, eurent cru devoir refuser d’obéir à un ordre qu’ils considéraient comme injuste et illégal, le lieutenant-colonel Ducasse passa outre ; et, sur les injonctions du liquidateur Surty, il ordonna de donner l’assaut aux murailles qui abritaient les quelques vieillards restés à l’asile et les petits enfants du pensionnat la Mennais. Aux côtés de Surty se tenaient le commissaire de police Oury, le crocheteur Romagné, le garde-champêtre Gardahaut, le sous-préfet Le Ségrétain, le Procureur de la République Astié, le juge de paix Fers, et le Maire de Ploërmel, le docteur Goupil.
Au son lugubre du tocsin, au milieu des protestations indignées de la presque totalité de la population de Ploërmel, parmi laquelle on remarquait M. Hamono, le directeur de l'Ecole La Mennais, MM. de Lambilly, de Busnel, du Boisbaudry, de l'Espinay, Zudaire, Houal, Berthelot de la Glétais, on enfonça les portes et Surty, accomplissant son ignoble besogne, put procéder à l’expulsion brutale d’une cinquantaine d’enfants, de vieillards et d’infirmes et de six soeurs garde-malades. Il était alors six heures du soir. Ce glorieux fait d’armes avait duré plus de dix heures ; la force avait triomphé du droit. La République était victorieuse !
Le soir de cette lâche spoliation, M. le Sous-Préfet de Ploërmel, Le Ségrétain, un ancien élève du collège Saint-Vincent de Rennes, donnait un bal à la sous-préfecture ; mais la population indignée mit fin à ce scandale, qui ne rapporta à son auteur que du mépris.
Pour achever l’oeuvre de spoliation, le gouvernement fit en 1907 descendre les cloches de la chapelle et de la Maison de l'Institut, données en 1851 par l’abbé de la Mennais, et les envoya à la fonderie.
En 1908, l’enclos et une partie des bâtiments de l’ancien Institut furent achetés par un Anglais avec l’assentiment du Supérieur général, et on y a établi une école libre d’agriculture (M. de Bellevue).
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