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LA CONJURATION DE PONTCALLEC DANS LE PAYS DE PLOERMEL

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LA CONJURATION DE PONTCALLEC dans le Pays de Ploërmel.

La Conjuration de Pontcallec ayant eu pour théâtre, presque exclusif, la sénéchaussée de Ploërmel, et pour acteurs principaux des habitants de ce pays, il m'a semblé qu'il était intéressant d'en rappeler succinctement les épisodes, dans la région même ou ils se produisirent.

Je ne referai pas l'histoire de cette conspiration, déjà écrite par des maîtres ; je me contenterai de rappeler les faits qui se sont passés dans le pays de Ploërmel.

Après la mort, en 1715, du roi Louis XIV, la Bretagne, qui, comme elle l'avait prouvé par les révoltes de 1675, n'avait qu'impatiemment supporté les atteintes portées par le pouvoir absolu à ses privilèges, voulut essayer de défendre ses droits et de s'affranchir d'une partie des impôts arbitraires dont elle était accablée.

Les Etats, réunis à Dinan, en octobre 1717, refusèrent de voter le « Don gratuit », qui s'élevait à un million et demi, et que le pouvoir royal avait, de fait, rendu obligatoire à partir de 1689, alors « qu'il ne devait émaner que du seul consentement spontané et volontaire des Etats de la province ». Ils ne faisaient en cela que défendre et revendiquer les privilèges et les franchises, qui avaient été solennellement proclamés lors de la réunion de la Bretagne à la France, et que les rois Charles IX, Henry IV et Louis XIII avaient toujours depuis reconnus et confirmés.

Le pouvoir royal était alors représenté en Bretagne par le Maréchal de Montesquiou (Pierre d'Artagnan), qui crut effrayer et soumettre les Etats, en ordonnant leur dissolution, en imposant les subsides réclamés, et en exilant par Lettres de cachet les principaux chefs du mouvement, entre autres le Marquis de Lambilly.

Pierre-Joseph, comte de Lambilly, marquis de Baud-Kerveno, baron de Kergrois, vicomte du Broutay, qui, sous le surnom de Maître Pierre, allait être l'âme de la Conjuration, était alors âgé de 37 ans, et habitait les châteaux de Lambilly et de Kergrois.

Il était né à Kergrois, en Remungol, le 15 octobre 1679, fils de Pierre, lieutenant des Maréchaux de France, et de Jeanne de Rollée ; et il appartenait à une illustre famille, qui a pour berceau la seigneurie de Lambilly, en Taupont, près de Ploërmel, où nous la trouvons dès le XIIème siècle, et qu'elle habite encore aujourd'hui. Il avait été admis comme page du roi, le 20 mars 1695 ; puis, ayant quitté l'épée pour la toge, il avait été nommé, le 12 mars 1707, conseiller au Parlement de Bretagne, et, en 1713, conseiller du Roi. Il avait épousé à Saint-Malo, le 8 mai 1701, Hélène-Céleste Magon de la Lande, née à Saint-Malo, le 15 juin 1678, fille de Jean, sgr de la Chipaudière, conseiller du Roi, et de Laurence Eon, dame de Longpré, et dont il avait cinq enfants. — « Homme actif, intelligent et influent, il réunissait, écrit le comte de Carné, dans son Histoire des Etats de Bretagne, l'énergie du magistrat à l'audace du mousquetaire ; et il fut la bête noire du Maréchal de Montesquiou, dès l'arrivée de celui-ci en Bretagne, en mars 1717. A chaque page de sa correspondance, Montesquiou le signale aux ministres comme un brandon de discorde ; un boutefeu, puissant dans sa compagnie par son activité et son influence ; un esprit dangereux, qui mettra toujours le trouble dans le Parlement ; et il réclame son exil ». Il l'obtint enfin, au mois de mars 1718, et Lambilly fut exilé, avec sa femme, et le président de Larlan de Kercadio, comte de Rochefort. Il reçut en janvier 1719 l'autorisation de revenir en Bretagne ; et, à l'occasion de son retour, il reçut une députation des Etats envoyée pour le complimenter.

Les mêmes lettres de Cachet, qui avaient frappé le marquis de Lambilly, avaient atteint d'autres gentilshommes du pays de Ploërmel : César, marquis de Coëtlogon, vicomte de Méjuseaume ; Pierre Picaud de Quéheon, sgr de Quéheon, de la Vieillecour, de Morgan, du Boisjosselin, en Ploërmel ; Jacques de Lopriac, sgr de la Haute-Touche, de la Ville-au-Voyer, près de Ploërmel, ex-capitaine de dragons, chevalier de Saint-Louis.

Ces mesures violentes ne firent qu'exaspérer les esprits et provoquer la résistance ; et, dès le mois d'août 1718, plus de cinq cents gentilshommes bretons tinrent des réunions à Jugon ; au château de Lourmais, en Nivillac, appartenant au comte de Talhouët, époux de Renée de Freslon ; et à Dinan ; et formèrent une Conjuration, dite « Union pour la défense des libertés de la Bretagne », et ayant pour but de fomenter une insurrection. Les conjurés « s'engageaient sur l'honneur à garder un secret inviolable ; à soutenir les droits et les privilèges de la Bretagne ; à défendre, même au péril de leur vie, ceux d'entre eux qui seraient poursuivis ; à les indemniser des pertes qu'ils pourraient subir ; enfin, à ne se dissoudre qu'après que le pouvoir royal aurait reconnu à nouveau les franchises de leur province, et accordé aux Etats la liberté de leurs votes et de leurs actes ».

C'était une déclaration de guerre ; mais que pouvaient quelques bretons isolés en face de la puissance et l’autorité du Régent !

Les conjurés sentirent bientôt le danger de leur situation, et ils cherchèrent un appui près de la Cour d'Espagne.

Le roi de ce pays, Philippe V, était le petit-fils de Louis XIV, et avait protesté contre le choix du duc d'Orléans, comme Régent du royaume de France, au détriment du duc du Maine, que Louis XIV avait désigné dans son testament. Il avait, par les soins de son ministre, le cardinal Alberoni, secondé par le duc de Cellamare, le duc du Maine et sa femme, la princesse de Condé, organisé un complot, connu sous le nom de « Conspiration de Cellamare », qui avait pour but d'enlever la régence au duc d'Orléans et d'en investir le duc du Maine, ou le roi d'Espagne lui-même. Plusieurs provinces étaient déjà entrées dans cette Conjuration, quand les bretons révoltés cherchèrent à intéresser à leur cause Philippe V.

Ils se réunirent à Questemberg, puis à Lanvaux, et décidèrent d'envoyer à Madrid, en décembre 1718, M. Hervieu de Mellac, ami et voisin de campagne du marquis de Lambilly, avec mission de savoir quelle serait l'attitude du gouvernement Espagnol en cas d'insurrection de la Bretagne.

Ce M. Hervieu de Mellac, que le Maréchal de Montesquiou, dans sa correspondance, dit « gentilhomme du pays de Ploërmel et bon officier », avait alors quarante ans. C'était Bonaventure-Olivier-Joseph-Hilarion Hervieu, sgr de Mellac, en Mohon, de Kerboclion, en Taupont, né en 1678 au manoir de Kerboclion qui appartenait à sa mère, Théréze Bruban, laquelle, veuve en premières noces de Gilles Cado, sgr de Kerboclion, avait épousé en la chapelle de cette gentilhommière, le 20 juillet 1669, Guillaume Hervieu, sgr de Montmény et de Mellac, veuf lui-même d'Anne Rabinard, dame de Tanhouët. La famille Hervieu était, originaire de Normandie, sous le resort de Coutances ; une de ses branches était venue se fixer, au commencement du XVème siècle, à la Chapelle-sous-Ploërmel. Elle s'armait : « d'azur au chef d'argent, chargé d'un lion léopardé de gueules ».

Mellac avait longtemps servi en France comme capitaine d'infanterie ; puis, ayant dû, à cause de son peu de fortune, quitter l’armée, il avait combattu avec valeur en Hongrie. Rentré en Bretagne, il avait épousé à Bohal, en 1703, Gillonne Henry de Bohal, dame de l'Abbaye-Bourdin, et de la Villegros, en Sérent ; puis il avait vainement sollicité un grade dans l'armée Française. En 1718, il était père de quatre enfants, et il était fort aigri de l'insuccès de ses démarches pour rentrer dans l'armée, quand il fut entraîné par son voisin et ami, le marquis de Lambilly, à faire partie de la Conjuration, dont il devint l'un des principaux agents.

Mellac fut reçu à Madrid par le cardinal Alberoni, qui s'engagea à soutenir les bretons, à envoyer des troupes pour appuyer l'insurrection ; et qui lui remit, comme à-compte, une somme de 30.000 piastres d'or.

Porteur de cet argent et de ces promesses, Mellac revint en Bretagne. Il débarqua à Saint-Malo en février 1719, et il alla rendre compte du résultat de sa mission aux chefs de la Conjuration, réunis à cet effet au château de Lambilly, dans une des chambres du premier étage, qui a gardé depuis le nom de « Salle des Conjurés », et est ornée d'un grand portrait de Pierre de Lambilly.

Il fut décidé, dans ce conseil, qu'une assemblée générale aurait lieu le 8 avril suivant, dans la forêt de Lanvaux.

Une grande quantité de gentilshommes, la plupart des sénéchaussées de Ploërmel et de Guérande, se rendit à cette assemblée. Ils « entraient dans la forêt », déguisés au moyen de faux-nez ou de moustaches postiches, se faisant reconnaître en tirant deux coups de pistolet et en échangeant le mot de passe ; ils pénétraient alors dans le bois, laissant leurs valets à garder la lisière. Presque tous ces conjurés avaient en outre pris un nom de guerre, comme plus tard dans la chouannerie : ainsi, Lambilly était dit « Maître Pierre » ; Mellac, « le Calme » ; de Couëssin de la Béraye, « Cinqualier ».

A cette réunion de Lanvaux, Lambilly fut élu intendant et trésorier de l'association. On désigna le marquis de Guer de Pontcallec et le marquis de Talhouët de Boishorand, pour organiser l'insurrection dans le pays de Vannes ; le comte de Rohan-Pouldu, dans celui de Guérande, et le vicomte de Bec-de-Lièvre du Bouëxic, dans les marches du Poitou. Il fut également décidé dans cette assemblée, que des dépôts d'armes et de munitions seraient faits dans les châteaux de Kergrois, en Moustoir-Remungol ; de Loyat ; de Bodeuc et de Lourmais, en Nivillac et de Pontcallec, en Berné ; que tout allait être préparé pour l'insurrection ; et que M. de Mellac repartirait pour l'Espagne, porter l'acquiescement des conjurés aux offres du roi Philippe V, et hâter le départ des troupes promises.

Les principaux foyers de l'insurrection furent dans les pays de Ploërmel, de Pontivy et de Guérande.

Le chef de la Conjuration, dans la région de Pontivy et d'Hennebont, fut le marquis de Guer de Pontcallec, qui devait donner son nom à la Conjuration [Note : Clément-Chrysogone de Guer Malestroit, marquis de Pontcallec, est né le 24 novembre 1679 à Rennes et mort exécuté à Nantes le 26 mars 1720. Il fut l'un des principaux chefs de la Conspiration de Pontcallec, et surnommé le Robin des Bois breton].

Chrysogone-Clément de Guer-Malestroit, marquis de Pontcallec, en Berné, comte de la Porte-Neuve, en Riec, était né vers 1679, fils aîné de Charles-René, capitaine de cavalerie, et de Bonne-Louise Le Voyer. Déclaré majeur en 1698, il servit dans les mousquetaires du roi, et n'était pas marié, en 1718. Il fut décapité sur la place du Bouffay, à Nantes, le 26 mars 1720. Il compta dans sa région, parmi les principaux adeptes de la Conjuration : Messieurs Laurent Le Moyne de Talhouët, sgr de Barac'h, né en 1691, ex-capitaine au régiment de Senneterre, il fut décapité sur la place du Bouffay, à Nantes, le 26 mars 1720 ; Thomas-Siméon de Montlouis, sgr de Plascaër, né en 1682, petit-fils d'Anne Larcher du Bois-du-Loup, il fut décapité sur la place du Bouffay, à Nantes, le 26 mars 1720 ; sa fille épousa M. Joseph Louvard de Pontigny, et fut mère de madame le Doüarain de la Touraille et de Joseph Louvard de Pontigny, l'un des chefs de la chouannerie ; François du Couedic, né en 1764, ex-officier de dragons, décapité sur la place de Bouffay, à Nantes, le 26 mars 1720 ; Pierre-Hyacinthe de Kervazy et Yves-Aimé de Kermeno, mis. du Garo, sgr. de Kerguchennec, vicomte de Bignan, né en 1667 Messieurs le Bihan de Pennelé, de Gouvello, du Fou de Kerdaniel, le Mintier, de Kerpezdron, etc.

La région de Guérande et de Savenay fut soulevée par le comte et le chevalier de Rohan-Pouldu, et le comte de Talhouët ; elle compta parmi les conjurés des du Breil de Raiz, des Trévelec, des Couëssin, des Lesquen, des Sécillon, des La Houssaye, des la Morandaye, des Chomart.

Dans la région de Ploëmel, nous voyons à côté de Lambilly, de Mellac, Picaud de Quéheon, Lopriac de la Haute-Touche, René de Coëtlogon, vicomte de Loyat, sgr de la Gaudinaye ; Pierre Henry, sgr du Quengo en Rohan, de Hardouin en Augan ; René de Derval, sgr de Bellouan, én Ménéac ; Julien-Louis de Lantivy de Coscro, sgr des Aulnays, en Lanouée ; Jean de Couëssin, sgr de la Béraye, en Caden ; Jean de Bégasson, sgr de la Lardais, en Mauron ; François-René de Bégasson, sgr du Rox, en Concoret ; François d'Andigné, sgr de la Châtre, en Iffendic ; Jean-Sévère de Rieux, sgr du Gué-d'Isle, en Plumieux ; Jean de la Ville-Louays, sgr du Bodeuc, en Mohon ; Jean de Talhouët, sgr de Brignac, en Sérent ; François Rogier, comte de Crévy ; Messieurs Huchet de la Bédoyère ; de la Houssaye ; de Saint Père ; de la Landelle ; du Bot ; de Tréal ; de Troussier ; de Robinault ; de Trégouet, etc.

Le Sénéchal de Ploërmel était alors Jean-Hyacinte Desgrées du Loû ; l'alloué, François Bertault de la Poissonnière ; le syndic, Rodolphe Dumay des Aunays ; et le procureur royal, Sébastien le Goaëbe de Boyac ; ils semblent avoir été plutôt sympathiques aux conjurés, qui étaient tous leurs parents ou leurs alliés.

A la suite des assemblées, données dans la forêt de Lanvaux les 8 et 13 avril 1719, il y eut d'autres réunions des conjurés à Jugon, à Pontivy, au château de Kercabuz, en Guérande, en mai ; à Moncontour, à Questembert, en juin ; dans le bois de Kerlin, en Priziac, en août. Le 30 octobre, une nouvelle assemblée eut lieu au château de Pontcallec ; et enfin, le 6 novembre, dans la forêt de Lanouée. Dans cette dernière réunion, on rédigea une adresse au Régent et au Maréchal de Montesquiou, « réclamant le rétablissement des privilèges de la Province, anéantis par la tyrannie des gens d'affaires », adresse qui devait, d'abord, être présentée à l'approbation du Parlement de Bretagne par le marquis de Lambilly.

Cependant, ainsi qu'il avait été convenu à l'assemblée de Lanvaux, M. Mellac était retourné à Madrid en juin 1719, et il en était revenu, apportant une lettre signée du roi Philippe V, qui promettait l'envoi prochain de secours en hommes et en argent.

A la fin de juillet, le marquis de Lambilly partit à son tour pour l'Espagne, afin de hâter le départ des troupes promises. Il pressa l'armement et la mise à la voile des vaisseaux de transport ; et à la fin de septembre, une flotte, ou « Armada » (en Espagnol, armée navale), composée de sept navires, quitta la Corogne, amenant en Bretagne une troupe de 3.000 soldats. Mais, à la hauteur de l'Ile d'Oléron, ces bâtiments furent assaillis par une tempête, et un seul d'entre eux parvint à gagner la côte bretonne. Il aborda vers le 15 octobre et débarqua 300 soldats sur la presqu'ile de Quiberon, qui, quelques années plus tard, devait également être le tombeau d'une autre insurrection bretonne. Les Espagnols ne trouvant là personne pour les recevoir, et inquiets de se trouver en si petit nombre sur une plage inconnue et déserté, se rembarquèrent presque aussitôt, et regagnèrent l'Espagne, emportant avec eux l'avenir de la Conjuration.

Celle-ci d'ailleurs semblait déjà vouée à l'impuissance ; les paysans bretons, terrorisés par les nombreuses troupes envoyées par le Régent, et par le souvenir des terribles représailles de l'insurrection de 1675, n'ayant pas répondu à l'appel des conjurés.

Le départ des troupes espagnoles anéantissait tout espoir d'insurrection ; et ce complot, plutôt jusque-là d'opéra comique que de tragédie, mourait avant d'avoir vécu.

Beaucoup de gentilshommes, des plus compromis et frappés de lettres de cachet, durent se cacher ou s'enfuir à l'étranger. Ainsi messieurs de Lambilly, de Mellac, de Rohan-Pouldu, de Couëssin de la Béraye, de Talhouët de Bonamour, de Lantivy du Coscro, parvinrent à s'embarquer sur une Corvette espagnole, qui louvoyait en face de la presqu'île de Rhuys, et gagnèrent l'Espagne. M. de Talhouët-Boishorand passa en Suisse ; M. de Groësquer, en Hollande ; et M. de Kervasy dût pour rester en Bretagne, simuler son enterrement.

La victoire restait, sans comhat, au Maréchal de Montesquiou et au Régent : victoire fâcile et peu glorieuse, qui fut cependant suivie de représailles sanglantes et de rigueurs inutiles.

Montesquiou ordonna en effet à des détachements de dragons et de carabiniers, de battre tout le pays de Vannes, de Ploërmel, de Pontivy et de Savenay, pour assurer la perception régulière des impôts et pour s'emparer des conjurés. Les dragons, commandés par M. de Langey, colonel du régiment alors cantonné à Ploërmel, et par M. de Vianne commandant du château de Nantes, et les carabiniers du roi, commandés, par le marquis d'Ancezune et M. Blanchard, mirent à arrêter environ deux cents malheureux sans défense une ardeur sauvage et une férocité dont le souvenir n'a pas vieilli. Ce fut le cruel pendant des Dragonnades des Cévennes et des massacres de 1675.

On ne parvint à saisir que quatre des anciens chefs du complot ; et encore ils ne purent être arrêtés que par trahison.

Le marquis de Pontcallec « si beau, si gai, si plein de cœur, qui aimait les Bretons, car il était né d’eux, car il était de bon sang et de bonne race ; qui voulait décharger un peu de leur fardeau ses pauvres compatriotes », comme le dit le beau chant breton, sur la mort de Pontcallec, publié dans le « Barzaz-Breiz », fut vendu par un Juif, « par un gueux de la ville qui mendiait son pain », digne coreligionnaire du Juif Deutz qui, un siècle plus tard, devait vendre la duchesse de Berry à un autre duc d'Orléans, et de tant d'autres juifs traîtres et vendus. — Pontcallec s'était enfermé en son château ; mais, avisé de l'arrivée des troupes du comte de Montesquiou, neveu du Maréchal, il s'était déguisé en paysan et caché dans la forêt de Langonnet. Quand les dragons envahirent le château de Pontcallec, ils n'y trouvèrent que la sœur du marquis, Françoise, et une de ses amies, mademoiselle de Kermainguy, qui toutes les deux furent internées à l'abbaye Saint-Georges à Rennes. Le 15 décembre, le marquis fut arrêté au presbytère de Lignol, où il dinait chez le recteur, messire Jean de Couëssin. Il se laissa enchaîner « à l'exemple de Dieu notre Sauveur », et on l'emmena vers Nantes. Comme il traversait le Bourg de Lignol, raconte le chant déjà cité, les pauvres paysans disaient ; ils disaient les habitants de Lignol « C'est un grand péché de garroter le marquis !... » Comme il passait près de Berné, il rencontra une bande d'enfants. « Bonjour, bonjour, monsieur le marquis, nous allons au bourg, au catéchisme ». — « Adieu, mes bons petits enfants, je ne vous verrai plus jamais. »« Où allez-vous donc, seigneur ? Est-ce que vous ne reviendrez pas bientôt ? »« Je n'en sais rien : Dieu seul le sait ; pauvres petits, je suis en danger… ». Il eût voulu les caresser, mais ses mains « étaient enchaînées…. Dur eût été le cœur qui ne se fût pas ému : les dragons eux-mêmes pleuraient ; et cependant les gens de guerre ont des cœurs durs dans leur poitrine. — Toi, qui l'as trahi, sois maudit ! Sois maudit, toi, qui l'as trahi, Sois maudit ! ».

En même temps que le marquis de Pontcallec, furent arrêtés Messieurs le Moyne de Talhouët, de Montlouis et du Couédic ; ils furent enfermés au Bouffay de Nantes. Ils furent « jugés non par leurs pairs, mais par des laquais, par des gens tombés de derrière des carosses », cour martiale, composée pour cette besogne d'étrangers choisis par le Régent. Condamnés à mort le lundi de la Semaine Sainte, 26 mars 1720, il furent décapités le lendemain sur la place du Bouffay, où un autre défenseur de la liberté, Charette, devait être fusillé par les Bleus en 1796. « — Le dimanche de Pâques, comme le recteur de Berné montait en chaire, on lui remit une lettre ; il ne pouvait la lire tant ses yeux se remplissaient de larmes. — Qu'est-il donc arrivé de nouveau que notre recteur pleure ainsi ? — Il pleure, mes enfants, pour une chose qui vous fera pleurer vous-même : Il est mort, chers pauvres, celui qui vous nourrissait qui vous vêtissait, qui vous soutenait ; il est mort, celui qui vous aimait, habitants de Berné, comme, je vous aime ; il est mort celui qui aimait son pays et qui l'a aimé jusqu'à mourir pour lui ; il est mort à quarante-deux ans, comme meurent les martyrs et les saints... Mon Dieu, ayez pitié de son âme !... Le seigneur est mort ; ma voix meurt... Toi qui l'as trahi, sois maudit ! Sois maudit, toi qui l'as trahi ! Sois maudit ! ».

Le marquis de Pontcallec était mort sans alliance ; une de ses sœurs avait épousé Hyacinthe de Cosnoual de Saint-Georges, sgr de Lieuzel, en Pleucadeuc ; son frère n'eut qu'un fils d'Angélique Le Voyer, Armand-Corentin de Guer, marquis de Pontcallec et de Marigny, mort sans postérité à Paris, le 29 octobre 1797, laissant sa fortune à son filleul, Armand-Corentin de Bruc, qui prit le nom de marquis de Guer-Malestroit.

Ces malheureux champions des libertés bretonnes étaient morts sans défaillance, en vrais bretons et en vrais chrétiens. Leurs corps furent inhumés dans la chapelle des Carmes de Nantes.

Le même arrêt qui les avait condamnés, avait prononcé la peine de mort et la confiscation des biens contre seize autres accusés, qu'on n'avait pu saisir, et qui furent décapités en effigie, le 27 mars, sur l'échafaud encore rouge du sang versé. Les condamnés par contumace étaient Messieurs de Lambilly, de Mellac, de Rohan-Pouldu, de Talhouët de Bonamour, de Couëssin de la Beraye, de Lantivy du Coscro, de Gouvello de Kérantré, de la Houssaye, de la Bouëssière, de Kerpezdron, de Trévelec, de la Villeglé, du Bourneuf ; la veuve de Montlouis fut internée au château de Caën.

La plupart des exilés vécurent et moururent misérablement, à l'étranger ; quelques-uns cependant, comme Messieurs de Rohan-Pouldu, de Talhouët, de Couëssin, de Mellac et de Lambilly, obtinrent en Espagne des positions honorables.

Le comte de Rohan-Pouldu devint brigadier des armées du roi Philippe V, et mourut dans le royaume de Parme, le 7 mars 1755.

Le comte de Talhouët-Bonamour fut capitaine des gardes du roi Philippe V, puis colonel d'un régiment espagnol de dragons. Il fut tué en Italie, en 1734, au combat de Bitanto, prés de Pise.

M. de Couëssin de la Béraye devint en Espagne Maréchal-de-camp.

M. Hervieu de Mellac, émigré en Espagne avec son fils, mourut vers 1726. Son fils, Jacques-Mathurin, fut Maréchal-de-camp des armées du roi des deux Siciles, et gouverneur de Port-Hercule en Toscane ; sa femme, Elisabeth Vérot de la Villeneuve, habitait à Josselin en 1749, et acheta le petit manoir de Sabrahan, près de Ploërmel. La fille unique de M. de Mellac avait épousé en 1720 le comte du Fou de Kerdaniel.

Le marquis de Lambilly, dont la femme avait été emprisonnée à Nantes, à la fin de décembre 1719, et relâchée faute de preuves de complicité, avait, lui aussi, gagné l'Espagne avec ses deux fils, qui devinrent pages de Philippe V, tandis que leur père était nommé gentilhomme de sa chambre. Il était pourvu d'une pension mal payée et végétait misérablement en pays étranger. Un instant, il put croire au relèvement de sa fortune, ayant été envoyé en mai 1726 fomenter, comme ambassadeur du roi d'Espagne, une insurrection en Hollande contre l'Angleterre. Cette insurrection ayant échoué, il dut revenir en Espagne, où il termina obscurément sa vie en 1731. Après sa mort, ses fils furent autorisés à rentrer en France. Le marquis de Lambilly avait perdu dans cette entreprise plus de 30.000 livres de rentes ; mais il avait combattu le bon combat pour la défense des libertés de son pays : et, si sa fortune avait diminué, son honneur avait grandi.

Telle fut en Bretagne l'épisode de la Conjuration de Pontcallec ; révolte sans base solide comme sans portée sérieuse ; rêve patriotique conçu par des cerveaux ardents, dont la répression inique et brutale ne fit qu'affirmer la faiblesse du pouvoir royal et devint ainsi la première escarmouche de la lutte des Etats et du Parlement Breton contre la Cour de France : lutte qui allait durer trois-quarts de siècle, et de laquelle devait sortir la Révolution.

La force et la violence avaient triomphé et tranché des têtes bretonnes pour faire taire les voix qui réclamaient les libertés, que des serments royaux avaient promises à la Bretagne ; la victoire restait à l'autorité ; mais cette victoire était plus fatale qu'une défaite : l'échafaud du Bouffay fut le précurseur de celui de la place Royale.

Il fallut tout le dévouement des Bretons à leurs princes pour leur faire pardonner les dragonnades et l'assassinat des victimes de 1720. Mais nous devons constater, à la gloire de notre pays, que rien ne put ébranler ni décourager la fidélité de nos pères ; et nous retrouverons sur les tables mortuaires de Quiberon et dans le Martyrologe des armées de la Chouannerie, les noms des familles des conjurés de 1720, dont les descendants versèrent, sans compter, toujours et malgré tout, leur sang et leur or pour la défense de la royauté.

(Marquis de Bellevüe, 1909).

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