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CREATION DU SEMINAIRE DE PLOUGUERNEVEL

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Les deux séminaires que possédait avant la Révolution le diocèse de Quimper, avaient pour fondateur le même personnage, M. Picot de Coëthual (ou Coathual). 

Le fondateur des séminaires de Cornouaille, c'est Maurice Picot, né à Vitré dans la Haute-Bretagne, vers le commencement du XVIIème siècle. Les mémoires que j'ai vus ne parlent presque pas de sa famille, quelques-uns cependant lui donnent la qualité de noble. On sait d'ailleurs qu'un de ses neveux épousa une demoiselle de Plouguernével qui avait la propriété de la terre de Coathual et que de ce mariage est issus les Coathual. 

Plusieurs des actes que je viens de citer donnent aussi à M. Picot le titre de bachelier en théologie, ils ne disent pas en quelle université il avait pris ce grade, mais il est à présumer que ce fut dans celle de Paris. 

Ces mêmes actes prouvent qu'il fut recteur de Plouguernével, et M. Moulin assure qu'il avait eu cette paroisse en cour de Rome et qu'il la gouverna quarante ans ; on peut conclure de là que M. Picot fit le voyage de Rome, tôt après qu'il eût reçu l'ordre de prêtrise. 

Le même M. Moulin rapporte une anecdote singulière au sujet de M. Picot, pendant qu'il était recteur de Plouguernével et avant qu'il fut devenu fondateur des séminaires du diocèse. Quoique cette anecdote soit un peu étrangère à mon but, je crois cependant devoir transcrire ici, en propres termes, ce qu'en dit M. Moulin. 

« On sait, dit cet ecclésiastique, que le bourg de Plouguernével n'est rien ; un honnête homme n'y trouverait pas de logement ; il n'y a point de cabaret dans le bourg, qu'un très-pauvre, qui, la plus part du temps, est sans vin. Des personnes de considération y descendirent, pour se rafraîchir, et donner de l'avoine à leurs chevaux. Le cabaretier n'ayant point de vin, courut au presbytère, et demanda deux bouteilles de vin à M. le recteur, qui les lui donna. Les maltôtiers arrivèrent, l'hôte fut pris en fraude et ils attaquèrent M. Picot, comme d'intelligence avec lui. M. Picot perdit son procès avec les maltôtiers à Vannes et à Rennes, mais il le gagna au privé conseil, où son innocence et sa bonne foi furent reconnues.

Il arriva encore à M. Picot, avant qu'il devint fondateur du séminaire, une autre affliction plus sérieuse à beaucoup d'égards que celle que lui occasionna le procès dont je viens de parler. C'est la perte d'un de ses yeux. J'ai appris ce fait, d'un des directeurs actuels du séminaire de Plouguernével ; voici ce qu'il m'en a dit dans une lettre qu'il m'a écrite le 8 juin 1785. On m'a assuré que M. Picot était borgne. Voici comme cet accident lui arriva. Il allait de nuit voir un malade dans cette paroisse, passant trop près d'un fossé, une branche d'épine lui donna dans le visage, et lui piqua un oeil qu'il ne tarda pas à perdre. Cet accident est antérieur à la fondation dans cette paroisse. On appelait communément M. Picot ar person born. Je n'ai que la tradition pour garantir ce que j'avance ».

Une troisième affliction incomparablement plus désolante que celles dont on vient de faire le récit fut l'assassinat de don neveu que nous avons déjà dit avoir épousé la dame de Coathual. Ce crime eut pour principal auteur un domestique, à qui M. Picot (le neveu) eut l'indiscrétion de dire, la veille, qu'il avait de l'argent à porter à Saint-Brieuc, et qu'il voulait partir le lendemain de grand matin pour cela. Le domestique qui était son jardinier devait être du voyage, et avait ordre de son maître de le réveiller de bonne heure. IL se servit du prétexte de cet ordre, pour entrer, pendant la nuit, dans la chambre de son maître, qui s'apercevant, en le voyant entrer, qu'il était venu trop tôt, le lui témoigna sans émotion, et sans paraître suspecter le moins du monde le dessein du jardinier. Mais il ne tarda pas à voir que ce jardinier était un malheureux traître, qui ne pensait qu'à le voler et à le faire périr ; car cet homme se jeta sur lui au moment même, et le perça de plusieurs coups dont il mourut. Non content d'assassiner si cruellement son maître, le meurtrier voulut aussi faire subir le même sort à sa maîtresse ; il lui porta plusieurs coups de couteau ou de poignard dans le sein, mais heureusement ses coups ne furent pas mortels. La dame en revint, malgré les efforts du meurtrier et le chagrin que lui occasionna la mort funeste de son mari. 

Des crimes si énormes ne devaient pas rester impunis, et ses complices furent découverts et appréhendés, et l'on assure que ce fut à l'instigation du recteur même. Peu de temps après ils furent condamnés au dernier supplice. 

Tandis que leur procès s'instruisait, Madame de Coathual, dont la convalescence était déjà avancée en ce moment, fut appelée en témoignage ; elle obéit à la justice. Mais son obéissance lui coûta cher, car on assure que la vue soit du juge, soit des coupables, fit sur elle une sensation si forte que ses plaies, dont les cicatrices étaient encore fraîche se rouvrirent toutes en même temps. Elle revint encore de ce nouvel accident : elle s'appliqua ensuite à l'éducation d'un fils, qui lui était resté de son mariage avec M. Picot. Cet enfant était pour ainsi dire à la mamelle, quand il perdit son père. Il couchait dans la chambre de ce dernier, quand il fut assassiné, mais quoiqu'il fut éveillé au moment où le meurtrier entra, ou du moins avant sa sortie de la chambre, il n'eut aucun mal. Le meurtrier eut apparemment un reste de pitié de son âge qui était de deux ou trois ans seulement, peut-être aussi fut-il sensible aux caresses que lui fit ce tendre enfant, qui, habitué à le voir souvent et à jouer avec lui, continua, quand il le vit, à lui faire des caresses, comme il avait eu coutume de faire jusques-là. 

Vers le temps où arriva le malheur dont je viens de faire le récit, ou tôt après, M. Picot eut encore une autre affliction à dévorer. Ce fut une espèce de diffamation publique, qui ne tendait à rien moins, qu'à le faire regarder comme un avare : reproche qui assurément est bien humiliant pour un prêtre. Il faut avouer que pendant plusieurs années, il donna prise sur lui de ce côté, en vivant très-mesquinement, en réservant ses blés pour les vendre dans le temps de la cherté ; et en employant une bonne partie de son revenu ecclésiastique à faire des acquisitions dans sa paroisse, où il acquit, entr'autres biens (Nota : On dit depuis que M. Picot, quand il venait à Quimper, portait avec lui de l'avoine pour son cheval, afin de n'être pas obligé d'en acheter pour lui dans les auberges), les terres ou métairies de Kerdeven, de Kerjacob, de Kerphilippe et de Kergall. Mais la suite fit voir, qu'en faisant des réserves ou des acquêts, il avait d'autres desseins que celui qu'on lui attribuait d'amasser de grands biens pour lui-même ou pour sa famille. 

Il avait en effet formé le projet d'établir dans le diocèse de Quimper un séminaire, conformément aux dispositions du Saint Concile de Trente, sessio 23, caput 18, De reformatione, adoptées par nos rois. Dès qu'il eût préparé les matériaux qu'il croyait nécessaires et suffisants pour commencer ce grand édifice, il fit le voyage de Quimper, pour faire part de son dessein à M. de Coëtlogon qui, après avoir été coadjuteur de M. du Louet, venait de lui succéder. M. de Coëtlogon qui vraisemblablement ne croyait pas M. Picot assez riche ou assez généreux, pour fonder un établissement si dispendieux, lui dit en plaisantant, après avoir entendu un exposé sommaire de son projet : Vous avez apparemment M. le recteur, un millier d'écus à m'offrir pour exécuter votre projet, mais, il faudrait vingt mille livres pour cela. Eh bien, Monseigneur, répliqua M. Picot sans hésiter : j'ai vingt quatre mille francs à vous donner. L'évêque, ayant paru content de cette réponse, M. Picot lui présenta le jour même, et vraisemblablement au même instant, une requête en forme, dont voici la teneur avec l'acceptation pure et simple qu'en fit l'évêque le même jour. 

A MONSEIGNEUR, etc. Remontre humblement à Votre Grandeur, Messire Maurice Picot, prêtre, bachelier en théologie et recteur de la paroisse de Plouguernével en votre diocèse, qu'ayant depuis longtemps dessein de contribuer à l'établissement d'un séminaire…. Supplie humblement ledit Picot, Votre Grandeur, d'agréer et de recevoir le don qu'il fait des biens tant en héritage qu'en deniers, jusques à la concurrence de vingt-quatre mille livres, en faveur des missionnaires qui seront par Votre Grandeur établis au bourg paroissial de Plouguernével et non ailleurs, lesquels missionnaires vous établirez sur la présentation que vous en fera ledit Picot, pendant sa vie seulement, et après son décès la communauté que vous aurez établie, tant pour les exercices des ordinands, missions et retraites, que pour former le clergé de votre diocèse, catéchiser et instruire les peuples. Lequel don, ledit Picot entend être employé à la construction et entretien d'un séminaire audit bourg de Plouguernével, où seront nourris et entretenus, à perpétuité, dix prêtres missionnaires pour travailler aux nécessités de votre diocèse, suivant l'emploi et mission que Votre Grandeur et ses successeurs à l'avenir leur désigneront. Lesquels missionnaires sauront l'idiome breton et vulgaire, et seront immédiatement dépendants des seigneurs évêques de Cornouaille, par eux institués et amovibles, et à eux comptables du temporel dudit séminaire. Ce considéré, vous plaise, mon dit Seigneur d'y pourvoir et recevoir ladite requête, à la gloire de Dieu et de votre église. Signé : Maurice PICOT

Au dessous on lit : Nous acceptons ladite requête suivant sa teneur. Fait dans notre palais épiscopal de Quimper-Corentin, le neuvième janvier mil six cent soixante-neuf. Signé : FRANÇOIS, évêque de Cornouaille, et plus bas Jan Callier, secrétaire, prêtre

M. Picot, après avoir obtenu cette acceptation générale, fit le même jour rédiger, par des notaires de la sénéchaussée de Quimper, l'acte de la donation, où il désigna, de la manière ordinaire, les biens particuliers qu'il destinait pour la bonne oeuvre. Lesquels biens étaient. -1° Tous les immeubles qu'il avait acquis dans la paroisse de Plouguernével, et entr'autres la maison noble de Kerphilippe, le moulin de Resmenguy, dépendant de le terre de Kerdeven, et la métairie de Kergall. Le donateur cependant réserve, en parlant de cette dernière, à lui et à ses héritiers, le droit de la racquitter pour une somme de 2,000 fr. une fois payée. -2° Une somme de 8,000 fr. en argent qu'il destinait pour la construction des bâtiments du séminaire, et qu'il. promettait de numérer à la Saint-Michel prochainement suivante. -3° Enfin, toute sa bibliothèque, ou ses livres avec ses presses faites pour les conserver, c'est-à-dire apparemment avec les armoires en forme de bibliothèques où ils étaient placés. 

Cet acte fut insinué le 29 du même mois de janvier 1669 à Hennebont, sans doute parce que les biens y spécifiés étaient sous le ressort de la juridiction royale de cette ville. 

Quatre jours après, cette époque, le deux février, jour de la Purification de la Sainte Vierge, M. Picot fit, assembler les délibérants de sa paroisse, pour leur déclarer qu'il ne mettrait point à exécution une sentence sur défaut qu'il venait d'obtenir contre eux au siège de Hennebont, pour les obliger à réparer le presbytère et ses dépendances, si de leur côté ils voulaient s'engager à lui fournir dans le courant des deux années prochaines, à commencer de jour à autre, dix journées de charroi par chaque convenant, ou lieu noble de la paroisse et des trèves. Cette proposition ayant été acceptée unanimement, on en dressa acte le jour même. 

Le lendemain ou le surlendemain, M. Picot fit un second voyage à Quimper, où selon toutes les apparences, il était appelé par M. l'Evêque qui, tôt après avoir accepté purement et simplement ses premiers offres, s'était repenti, non pas sans doute d'avoir autorisé le projet de fondation en elle-même, mais de l'avoir autorisé avec toutes les clauses, qu'il contenait indistinctement. Depuis cette acceptation il avait pensé que Plouguernével étant à treize lieues de Quimper, il n'était pas possible qu'il allât faire des Ordinations à Plouguernével, ni qu'il fît venir les ordinands à Quimper pour recevoir les ordres ; que l'esprit de l'église était que le séminaire, ou du moins séminaire principal, fût sous les yeux de l'évêque ; que le vrai bien demandait d'ailleurs que la nomination des supérieurs et directeurs du séminaire appartînt absolument à l'évêque, que, etc. 

Ces considérations parurent à M. de Coëtlogon mériter une attention particulière ; et effectivement elles étaient bien judicieuses, quoiqu'un peu tardives. Le prélat crût devoir les communiquer au fondateur, qui plus jaloux de procurer le vrai bien, que de suivre avec obstination ses propres idées, sacrifia généreusement celles-ci pour favoriser celui-là. Il fit, pour constater ses intentions sur ce point, un acte par devant notaires où, dérogeant aux clauses ci-dessus, il consentit : -1° à ce qu'au lieu d'une seule maison, on en fit deux ; l'une à Plouguernével, l'autre à Quimper ou auprès de Quimper, entre lesquelles maisons seraient partagés les dix prêtres destinés pour l'exécution du premier projet, de même que tes revenus, de manière cependant que les deux dites maisons, dont celle de Quimper serait la principale, ne seraient censées faire qu'un seul et même séminaire. -2° A ce que l'évêque et ses successeurs auraient, à perpétuité, le droit exclusif de nommer les supérieurs et directeurs des deux maisons, de les congédier, quand ils le jugeraient convenable, ou de les transférer d'une des dites maisons à l'autre. L'acte ou M. Picot fait ses arrangements est du 6 février 1669, il fut insinué à Hennebont, le 1er mars suivant. 

Tout étant ainsi disposé pour l'érection du séminaire, M. de Coëtlogon en porta le décret authentiquement le 28 Août de la même année, d'après le plan, ci-dessus, en se réservant formellement à lui et à ses successeurs, le droit de choisir, qui ils voudraient pour diriger le séminaire même des ecclésiastiques extra-provincionaires, s'ils le jugeaient expédient. Par le même acte, l'évêque nomme pour premier supérieur dudit séminaire Messire Henry Abgrall, ancien recteur de Penhars, et lui enjoint, en le nommant, d'accepter de nouveau pour le séminaire les donations faites en sa faveur par M. Picot, et l'autorise a accepter de nouvelles donations pour le même séminaire, si l'occasion s'en présentait. A la fin du même acte, M. de Coëtlogon annonce qu'il s'occupera incessamment du soin de faire les règlements convenables, pour ledit séminaire, tant pour le gouvernement intérieur et pour l'exercice des Missions, que pour, etc … 

Neuf jours après ce décret, M. Abgrall, pour obéir aux ordres de sa grandeur, fit l'acte d'acceptation des donations faites par M. Picot, cet acte est du 7 septembre 1669. 

Tandis que les choses avançaient ainsi à Quimper, M. Picot pressait vivement à Plouguernével, les ouvrages qu'il avait fait commencer ; il y travailla avec tant d'activité, que dans le courant de l'année suivante, les bâtiments étaient en état de loger les prêtres pour lesquels ils étaient destinés, comme le suppose un des procès verbaux relatifs à l'union de la paroisse au séminaire dont nous parlerons bientôt. 

Il n'est pas croyable que M. Picot eût pu faire tant d'ouvrage, et en si peu de temps, avec la somme de 8,000 fr., qu'il avait promis en argent par l'acte du 9 janvier 1669. Il semble que l'oeuvre de main seule eût du coûter au-delà de cette somme, et delà il est naturel de conclure, ou qu'il eut par ailleurs des amis assez généreux pour contribuer à la bonne oeuvre, ou qu'il y eût suppléé de sa propre bourse, en donnant de ses propres deniers au-delà de la somme susdite de 8,000 fr. ; ce qu'il y a de certain, c'est que M. Moulin dit en termes formels, que le fondateur prit sur ses terres les bois et les pierres nécessaires pour la construction des édifices de Plouguernével, ce qui donne droit de penser, que s'il ne donna pas en espèces au-delà de 8,000 fr., il donna au moins en valeur beaucoup au-delà de cette somme. 

Quoiqu'il en soit, dès que tout fut prêt peur recevoir les prêtres qui devaient, diriger le séminaire, M. Picot y fit venir du consentement de M. l'Evêque, et sans doute de concert avec M. Abgrall, un bon nombre d'ecclésiastiques qui tous ou presque tous, avaient demeuré à la Maison Blanche, entre la Tourbie et. Kerfeunteun, où ils vivaient en communauté. M. Moulin en nomme quatre de cette communauté : Yves Lahuec, Pierre Porellec, Jean Haouët, et N. Paul qui étaint natifs de Plouguernével. Les registres de cette paroisse font mention de quelques autres encore, dont le plus connu est Louis Richer du Coatsal, mais on ne sait s'ils avaient été tirés comme les précédents de la Maison Blanche. 

On ne sait pas non plus si tous ces prêtres furent choisis en même temps par M. Picot, pour coopérer avec lui à la direction du séminaire. Mais on sait avec certitude, que vers le temps où M. Picot s'associa ses premiers compagnons, il se démit de sa cure entre les mains de M. l'Evêque. L'acte de sa démission est du 2 septembre 1670. 

Dix jours après cette démission, M. Abgrall qui l'approuvait beaucoup, et qui peut-être l'avait conseillée au démettant, présenta une requête à M. l'Evêque, pour demander l'union de la cure de Plouguernével au séminaire, suivant l'autorité que les saints conciles en donnent à Nos Seigneurs les Evêques, et que les ordonnances de nos rois leur ont conservée. L'évêque répondit à cette supplique, par "un soi communiqué à notre promoteur", et 5 jours après (le 17 septembre), le promoteur, qui s'appelait Gallerne, requit qu'il fût informé de la commodité ou de l'incommodité de l'union demandée par le supérieur du séminaire

Sur cette réquisition on nomma un commissaire pour informer sur les lieux de commodo et incommodo, et ce commissaire fut Claude Rolland, licencié en droit et recteur de Bothoa, qui, s'étant transporté à Plouguernével, y entendit le 16 octobre, huit témoins, dont sept étaient ecclésiastiques du diocèse, et un du diocèse de Vannes. Celui-ci. s'appelait Yves Manio et était recteur de Plélauff qui confine avec la paroisse de Plouguernével. 

Huit jours après cette information qui fut bien favorable à l'union projetée, M. Picot qui se trouvait à Quimper s'arrangea à l'amiable avec Messieurs du chapitre qui faisaient difficulté de consentir à ladite union, à cause du droit d'annate, qu'ils prétendaient sur les paroisses du diocèse lors de leur vacance, et qu'ils craignaient de perdre sur celle de Plouguernével, en cas d'union des revenus de cette paroisse au séminaire. Il fut convenu entre les parties que le séminaire paierait annuellement à chaque synode, une somme de 20 fr. à la fabrice de Saint Corentin, comme une espèce d'indemnité pour la perte des avantages que pouvait procurer à la cathédrale le susdit droit d'annate qui allait cesser par l'union, si elle avait lieu. 

Le lendemain (25 novembre), il se fit à Quimper une seconde information de commodo et incommodo, par le ministère de M. Julien Jean Guesdon, chanoine de la cathédrale et vicaire général de l'évêché. Le procès-verbal contient six dépositions, qui sont toutes comme les précédentes en faveur de l'union. Le, promoteur, à qui elles furent servies le même jour, donna ses conclusions, et deux jours après, l'évêque porta son décret pour ladite union. 

L'évêque fit, après ce décret, les premières démarches pour obtenir du roi des lettres patentes confirmatives de l'union. Mais après ces démarches, son zèle parut se ralentir. M. Picot, qui s'en apercevait, en gémissait avec d'autant plus de chagrin, qu'il n'avait à la cour aucune protection, qui pût remédier efficacement au mal qui provenait de l'inaction de M. de Coëtlogon, et du crédit de ses ennemis, Il n'avait de relation à Paris qu'avec M. Paillart, docteur de Sorbonne, qui demeurait au séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet, où il enseignait actuellement la théologie, c’est-à-dire, qui y faisait des conférences de théologie. M. Moulin dit cependant que M. Picot avait encore un autre ami dans la capitale. M. Rannou qui y étudiait aussi alors à l’université, mais ce second est un peu douteux ; et ce qui me fait douter, c’est que j’ai sous les yeux l’attestation que donna en 1676 le recteur de l’université à M. Rannou, pour certifier qu’il avait fait son cours de philosophie au collège du Plessix. Cette attestation semble supposer que M. Rannou n’était pas encore à Paris en 1670, ni même en 1671. J’ai trouvé depuis peu les lettres de prêtrise de M. Rannou, datées de Paris du 10 mars 1674 ; on peut inférer de là que M. Rannou fit le voyage de Paris étant déjà dans les ordres sacrés en 1672 ou 1673. 

Quoiqu’il en soit, on comprend aisément que des amis tels que ceux dont il s’agit (quand même ils auraient réuni tous leurs efforts pour aider M. Picot), étaient pour lui une ressource bien faible, à prendre les choses humainement ; aussi M. Moulin remarque que, quoiqu’ils allassent quelquefois à la chancellerie solliciter l'expédition, de lettres patentes que M. Picot désirait si ardemment, leurs démarches étaient toujours inutiles.

La Providence se servit enfin d'un des ecclésiastiques susdits, pour procurer à M. Picot la satisfaction qu'il souhaitait ; et voici en abrégé l'histoire de ce fait qui a quelque chose de singulier. 

Il y avait, dans le diocèse de Paris, un curé dont nos anciens mémoires ne disent pas le nom : ils disent seulement qu'il était breton. M. Paillart, qui le connaissait beaucoup, allait de temps en temps le voir, et lui parla un jour, avec un air qui marquait sa peine et son chagrin, de ce qui se passait à Quimper au sujet de l'érection du séminaire. Le curé ayant paru prendre beaucoup d'intérêt à cette affaire, elle devint le sujet ordinaire de ses entretiens avec M. Paillart toutes les fois qu'ils se voyaient. 

Après bien des conversations sur cet objet, le curé crut pouvoir et peut-être devoir en parler au duc de Montausier, gouverneur du Dauphin. Le duc qui était un des plus honnêtes gens du royaume, et qui d'ailleurs aimait particulièrement son curé, écouta avec bonté le récit que lui fit celui-ci, et lui demanda dans le détail de la conversation, ce qui empêchait l'expédition des lettres patentes qu'on demandait. Le curé lui répondit avec franchise que c’étaient les jésuites (On verra ci-après que le père Maunoir, le plus célèbre des jésuites de ce temps en Bretagne, ne pensait pas là-dessus comme ses confrères, ou du moins quelques-uns d'entr'eux au moment de la fondation) qui s'y opposaient. C'est là le diable, répliqua avec plus de franchise le duc de Montausier. Ce mot du duc donne lieu de penser qu'il croyait l'obstacle difficile à surmonter ; mais il ne se rebuta pas pour cela ; il promit d'employer ses bons offices à la cour, pour faire réussir l'affaire au gré de son curé et de ses amis. Il tint parole et par la médiation du Dauphin, son élève, qui avait alors dix ans, il fit expédier par M. Séguier, lors chancelier, des lettres patentes plus favorables peut-être que M. Picot n'aurait osé l'espérer, car non seulement elles confirmaient l'établissement du séminaire, mais encore elles portaient une remise pleine et entière des droits dus au Roi, pour les biens sur lesquels le séminaire était ou devait être établi. Ces lettres patentes sont datées de Saint-Germain-en-Laye, au mois de mars 1671. 

Il semblait qu'après l’obtention de ces lettres, M. Picot devait s'attendre à voir cesser toutes les contradictions. Mais il n'en fut pas ainsi. Le parlement de Bretagne, prévenu vraisemblablement par les ennemis du séminaire naissant, à qui apparemment ses premiers commencements faisaient ombrage, n'enregistra les lettres patentes, qu'avec des modifications très-défavorables, dont une portait que l'établissement du séminaire serait seulement dans la paroisse de Plouguernével. 

M. de Coëtlogon fit contre cet arrêt, qui est du 4 septembre 1671, des remontrances au Roi. Mais soit négligence de sa part à poursuivre cette affaire, soit quelqu'autre cause que nous ne pouvons que soupçonner, les choses traînaient en longueur, lorsque M. Picot, ennuyé et fâché de ces retardements, écrivit à M. Paillart qui l'avait déjà si bien servi, pour le prier d'en conférer avec le curé susdit. M. Paillart fit ce que M. Picot lui avait prescrit, et il fut convenu entre lui et le curé son ami, qu'on implorerait une seconde fois la protection de M. le duc de Montausier ; ce qui fut fait avec tout le succès qu'on pouvait désirer. Le duc fit de nouveaux efforts à la cour, et obtint le 20 décembre 1673 des lettres de jussion pour Messieurs du Parlement de Bretagne. 

Voici la teneur de ces lettres : Nous vous mandons et très-expressément ordonnons par ces présentes signées de notre main, qui vous serviront de première, seconde et finale jussion, que sans attendre aucun plus exprès commandement, vous ayez à lever et ôter les susdites modifications et faire jouir l'exposant (l'évêque de Quimper) du contenu en nos dites lettres (patentes) sans vous arrêter à votre dit arrêt ni aux causes et motifs de celui-ci, lequel à cet égard demeurera comme non avenu, enjoignons, etc. 

Quelque précis que fussent les ordres du roi, la conclusion de l'affaire tarda encore beaucoup ; l'enregistrement tel que le voulait M. Picot ne fut fait que le 14 août 1674. Mais quand une fois cet enregistrement fut fait, tout finit par là, à bien dire. La chambre des comptes de Nantes ne fit aucune difficulté d'enregistrer les pièces qui lui furent présentées. Ce dernier enregistrement est dû 12 septembre. Onze jours après cela, M. Abgrall prit, au nom du séminaire, possession de la cure de Plouguernével. 

L'année suivante le père Maunoir fit à Plouguernével une mission célèbre, à la prière de M. de Coëtlogon qui voulait par là favoriser l'établissement du séminaire dans cette paroisse. Mais dans le temps où l'on se préparait à faire l'ouverture de cette mission, il survint contre les cinq prêtres dont le Père Maunoir voulait soutenir la maison, un orage extrêmement violent. Voici en peu de mots l’histoire de cet événement tel que le raconte, la Père Maunoir. 

Des paysans de la Basse-Bretagne s'étant mis en tête qu'on allait introduire la gabelle dans leur pays, s'étaient, révoltés. Les habitants de Plouguernével ne furent pas les derniers à prendre part dans la révolte, et s'imaginant dans ce moment d'effervescence, voir partout la gabelle dont vraisemblablement ils ne connaissaient que le nom, sans comprendre le vrai sens de ce mot, crurent que les cinq missionnaires que l’évêque avait envoyés à Plouguernével, pour gouverner le séminaire naissant, exigeraient de nouveaux droits sur les mariages, sur les baptêmes et sur les enterrements ; et choqués de cette prétendue gabelle, ils se rendirent en armes à l’église pour en chasser les missionnaires et pour s’opposer à la mission. 

En effet, les prêtres se disposant à chanter la grand’messe, le tumulte commença dans l’église, et nul de ceux qui devaient officier n’osa sortir de la sacristie, jusqu ‘à ce que M. Picot s’étant fait faire silence avec peine, déclara à toute la paroisse que les ecclésiastiques que M. l’évêque de Quimper avait envoyés, ne leur demanderaient que ce qu’ils avaient coutume de donner, sans prétendre aucun droit nouveau ; ce que les cinq missionnaires signèrent à l’heure même par devant notaires ; alors, le bruit ayant cessé, on commença la grand’messe qu’on acheva assez tranquillement. L’après-dîner le Père faisant chanter les cantiques dans l’église, plusieurs y entrèrent ; et les esprits, que la déclaration du matin avaient calmés, s’étant encore adoucis par cette sainte mélodie, personne s'opposa plus à la mission, et dès ce soir là même il l'ouvrit. Les exercices se firent comme en pleine paix, à cela près que trois ou quatre troupes de paysans projetèrent. l'une après l’autre de piller le séminaire et d'enlever les prétendus trésors de M. Picot ; mais tous changèrent de dessein sur le point de l’exécution, publiant que différents prodiges les avaient arrêtés, de manière que plusieurs de ces gens étant venus se confesser de leur faute, cela ne fit qu'augmenter la ferveur ; elle s'accrut encore beaucoup par le grand concours de ceux de l'évêché de Vannes ; ainsi tout le canton changeant d'objet, ne pensa plus qu'à faire la guerre à ses propres vices et ne s'occupa que de l'affaire de son salut. 

Le bruit de ces premiers succès alla jusqu'à M. le Duc de Chaulnes, qui était accouru pour éteindre le feu, s'il eût pu, dès son origine. Le sage gouverneur fit prier le Père Maunoir de seconder ses bonnes intentions, et d'essayer à ramener les esprits par la conscience, tandis qu'il emploierait d'autres motifs. 

Le Père, engagé par devoir et par inclination à faire ce qu'on souhaitait de lui, apprit que plusieurs paroisses assez éloignées de Plouguernével allaient être, entraînées, par le torrent ; mais … au lieu de se transporter dans ces paroisses., il jugea plus à propos d'en faire sortir les habitants, et de les attirer à la mission. Il avança pour cela de huit jours la procession de Plouguernével ; il la fit annoncer dans tous les endroits suspects, pour occuper les esprits d'un spectacle prochain et pour exciter la curiosité du peuple, espérant que la représentation d'un mystère où notre Seigneur fut obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix, leur inspirerait l'obéissance et les retiendrait dans le devoir. Et de fait, le moyen réussit. De toutes les paroisses dont la fidélité était chancelante, on vint à la procession qui fit sur ce peuple l’impression qu’on désirait. Car le Père ayant produit, à la fin de sa prédication, le prêtre qui avait représenté Jésus flagellé, demanda à ses auditeurs : Serez-vous aussi cruels que les Juifs ? Crierez-vous comme eux qu’on le crucifie : qu’on le crucifie ? que dis-je ? le crucifierez vous vous-même par la continuation de vos désordres ? — A ces paroles vives et animées on ne répondit que par des larmes et par des gémissements extraordinaires. La procession finie, chacun s'en retourna dans sa paroisse demandant pardon à Dieu et résolu de demeurer fidèle au Roi. Mais les résolutions de ces sortes de gens étaient sujettes à changer, si l’on ne prend soin de les affermir. Le Père avait averti, à la fin de son sermon, que la communion pour les morts se ferait le dimanche suivant. Cela les entretint dans des sentiments de piété et les obligea à se confesser. Ils vinrent communier pour leurs parents défunts, et cette communion acheva de les fixer dans l’obéissance. Il paraît que, vers le même temps, M. Picot cessa de prendre la qualité de recteur de Plouguernével dans ses signatures sur les registres de cette paroisse, et dans les autres actes publics. Il semble qu’il aurait pu le faire plus tôt, à savoir, depuis le moment de sa démission le 2 septembre 1670. Mais il ne le fit pas dès cette époque, et la raison qu’il avait d’en agir ainsi, c’est que cette démission n’ayant été faite que pour procurer l’union de son bénéfice au séminaire qu’il venait de fonder, la démission ci-dessus ne pouvait être censée le déposséder, que quand l’union serait commencée. 

On remarque aussi que M. Yves Floch, qui avait été curé de Plouguernével avant cette époque, continua à jouir de cette qualité plusieurs années après que M. Picot avait quitté celle de recteur ; de manière que les prêtres de la paroisse, qui étaient en grand nombre, se disaient délégués, dudit M. Floch dans les actes qui demandaient juridiction, tandis que les prêtres du séminaire, sans parler de délégation, signaient simplement : prêtres du séminaire. On peut conclure de là, ce me semble, que les prêtres de la communauté étaient dès lors censés, en cette seule qualité, avoir juridiction suffisante pour agir dans la paroisse, et que M. Abgrall par une suite de confiance pour M. Floch, par respect pour son âge, par reconnaissance pour ses anciens services, et par considération, pour son mérite personnel, lui laissa, le titre, les droits et les honneurs dont il avait joui jusque là. M. Abgrall était d'ailleurs obligé d'avoir sur les lieux un substitut, car il ne résidait pas à Plouguernével habituellement, il n'y paraissait que très rarement et toujours pour très-peu de temps. Il était depuis longtemps directeur des Dames du Calvaire et cette direction exigeait de une résidence habituelle auprès de cette communauté, qui étant alors dans son berceau demandait de lui par cette raison là même ; un soin plus particulier. D'ailleurs comme il avait été ordonné par le décret même de l'érection du séminaire, dont il avait été nommé premier supérieur, qu'on bâtirait à Quimper où auprès de Quimper une seconde maison qui serait, à proprement parler, le séminaire épiscopal, il était essentiel qu'il ne s'éloignât pas de Quimper, où sa présence était absolument nécessaire, pour qu'il pût profiter des circonstances que la Providence ferait naître, pour acquérir un emplacement favorable pour cette seconde maison, et en commencer la construction. Pendant qu'il s'occupait de ce vaste projet, il crut devoir assurer à son séminaire, par une prise de possession légale, la propriété des biens autres que le bénéfice même de Plouguernével, qui lui avaient été donnés : il fit cet acte le 24 Septembre 1676, avec toutes les formalités prescrites par les lois. Huit mois après cette époque arriva le terme heureux après lequel il soupirait depuis longtemps de se procurer un terrain commode pour la maison qu'il voulait bâtir, pour servir de séminaire épiscopal. Cc terrain était le manoir de Crech-Euzen, avec quelques-unes de ses dépendances, dont la situation à l'extrémité d'un des faubourgs de Quimper un peu au-dessus de Saint-Primel, qui était alors une église paroissiale (Note : J’ai entendu dire que ce fait n’est pas certain, je vois cependant dans l’acte d’acquisition de Crech-Euzen que ce manoir est dit situé dans la paroisse de Saint-Primel) était la plus belle qu'on pût désirer pour un séminaire. Il avait appartenu peu de temps auparavant au sieur de Kerlocguen, mais ce gentilhomme étant venu à mourir sans enfants, il était passé par droit de succession à Roberde de Kerlocguen, dame de Crécholain, qui voulut le vendre pour payer les dettes de feu son père, que son frère et elle n'avaient pas encore acquittées, au moins en totalité. 

Le fondateur, le supérieur et le procureur du séminaire voulant profiter de cette occasion, en parlèrent à M. de Coëtlogon qui approuva leur projet. Ils firent là-dessus à la dame de Crécholain des propositions qu'elle agréa. On convint du prix qui fut une somme de neuf mille livres, et il fut stipulé : - 1° que les acquéreurs retiendraient sur cette somme le fonds de différentes petites rentes qui étaient dues sur le bien en question, qui formaient un total de 40 livres tout au plus. - 2° Que sur ce qui resterait, après cette première déduction ils retiendraient 4,800 livres en nature de constitut perpétuel, à la charge de payer cent écus de rente, annuelle à une religieuse du Calvaire, qui était tante paternelle de la dame de Crécholain, laquelle serait payée à celle-ci après le décès de la religieuse. - 3° Enfin que ce qui resterait des 9,000 livres après ces déductions, serait payé par les acquéreurs aux créanciers du père de la dame de Crécholain, suivant la désignation qu'elle en ferait, quinzaine après l'appropriement qui serait fait aux prochains plaids généraux des réguaires. ou du présidial. 

Les conventions étant ainsi réglées, le contrat, fut passé par devant notaires le 24 Mais 1677, et signé par M. de Coëtlogon, par M. Picot qui est dit dans l'acte s'être volontairement constitué plêge et cauption pour les acquéreurs, par les acquéreurs eux-mêmes autorisés de l'évêque, et par la dame venderesse qui se dit autorisée de justice à la suite de ses droits. 

Le lendemain de la passation de ce contrat il fut insinué à Quimper, et le même jour, M. Porellet, faisant tant pour lui que pour le supérieur du Séminaire, prit possession des biens qui en faisaient l'objet. Le 20 Décembre suivant, l'appropriement s'en fit dans les formes prescrites aux plaids généraux de la juridiction des Reguaires. Par là, le séminaire devint propriétaire incommutable des biens qui faisaient l'objet de l'acquêt. 

Il paraît que Madame de Crécholain, en consentant à cette vente, eut une intention très-formelle de favoriser l'établissement du séminaire sur un terrain qui lui appartenait. Le dispositif du contrat l’insinue assez clairement. On voit d'ailleurs que les conventions avec les acquéreurs étaient bien favorables pour ceux-ci, en ce sens qu'elle leur donnait à très-bon marché le bien sur lequel ils contractaient. J'ai entendu dire à quelqu'un de nos anciens, que les bois qui se trouvaient sur le terrain, en question, y compris sans doute ceux qui étaient dans l'endroit qu'on appelle aujourd'hui le placitre, valaient seuls 9,000 livres. 

Quoique au reste ces conventions fussent déjà bien avantageuses pour le Séminaire, Madame de Crécholain voulut encore les rendre plus avantageuses ; et elle le fit effectivement le jour même de la passation du contrat, en donnant à Messieurs du séminaire une permission par écrit de lui rembourser, quand bon leur semblerait, en deux termes différents, la somme de 4,800 livres, qui leur était laissée à constitut, à savoir 2,400 livres à chaque terme, et en promettant de diminuer les intérêts après le premier paiement à proportion de ce paiement (Note : Cette vente conventionnelle fut convertie en judicielle par le Présidial de Quimper. Le Présidial en conséquence se crut seul compétent pour connaître de cette affaire au moins pour ce qui concernait le paiement des sommes qui n'avaient pas été soldées lors de l’appropriement. Ce conflit de juridiction entre le Présidial de Quimper et le siége des Reguaires occasionna des sentences, des significations, etc., où M. Abgrall est toujours nommé. Je ne conçois pas trop comment il pouvait alors entrer dans ces discussions ; car la plupart arrivèrent dans le mois de Janvier 1678, temps de la maladie de M. Abgrall ; je doute même que M. Abgrall eut aucune connaissance de ces tracasseries, et j'en doute avec d'autant plus de fondement que les dames du Calvaire en étaient en partie causes, pour la conservation de leurs droits. Il n'est pas croyable que ces dames qui étaient pleines d'estime, d'affection et de reconnaissance pour M. Abgrall, leur père spirituel, eussent voulu augmenter son mal en lui parlant ou en lui faisant parler des sujets des brouilleries dont il s'agit). 

Madame de Crécholain ne fut pas la seule qui, cette année, voulut favoriser le séminaire. Françoise Perret ou Pérault, veuve de Monsieur Fénice, docteur-médecin et mère du fameux M. Fénice, mort en odeur de sainteté, fit aussi le 15 Décembre une donation au séminaire, pour aider à y entretenir un ecclésiastique à la nomination du supérieur. Cette donation avait pour objet la terre de Kerrogon, en la paroisse de Ploaré. 

Tous ces succès devaient procurer à M. Abgrall, une satisfaction bien douce. Mais il n'en jouit pas longtemps. Il mourut le 18 Janvier 1678 et fut enterré dans l'église des dames du Calvaire, qu'il avait dirigées pendant près de 40 ans, quoiqu'il eût été recteur de Penhars pendant quelques années, dans cet intervalle. 

Seize jours avant sa mort il avait fait venir des notaires pour rapporter son testament où j'ai remarqué entr'autres choses qu'il n'y prend ni la qualité d'ancien recteur de Penhars, ni celle de supérieur du séminaire, quoique certainement il avait alors ces deux qualités ; qu'il légua aux dames Calvairiennes cinquante écus, avec prière de lui accorder une sépulture dans leur église ; et qu'il donna à la congrégation des ecclésiastiques qui se tenaient chez les pères Jésuites une petite somme de dix-huit livres, et au séminaire cent livres avec toute sa bibliothèque. Il demeurait habituellement près de le Calvaire dans la maison ou demeurent successivement les directeurs de cette maison, et à laquelle on m'a dit qu'il avait annexé quelqu'un des petits terrains adjacents. Mais il mourut dans un des parloirs de la communauté : c'est du moins dans ce parloir que fut rapporté son testament, et il était alors si malade, que, ne pouvant signer lui-même cet acte, il fit prier M. Lahuëc l'un des prêtres de son séminaire, qui était là présent, de le signer pour lui, ce qui fut fait. 

Dans le mois d'Avril suivant, il se tint à Quimper un synode ou M. l'Evêque exhorta publiquement son clergé à seconder son zèle pour l'établissement du séminaire ; après quoi il vint processionnellement à Crech-Euzen avec le chapître et les recteurs qui se trouvaient au synode. La procession étant arrivée au terme, M. l'Evêque posa la première pierre de la chapelle qu'il y voulait faire bâtir, le clergé plaça la seconde, et le doyen des recteurs la troisième. Cette cérémonie se fit le 21 du susdit mois. 

On travailla tout l'été à la construction des premiers bâtiments du séminaire, et sans doute on le fit avec beaucoup d'activité. On ne put cependant pas en aussi peu de temps exécuter en entier le projet qu'on avait formé, mais on trouva moyen de faire avant l'hiver un oratoire dans le pavillon (Note : C'est vraisemblablement dans l'endroit qui se trouve au bas de la petite chapelle, au-dessous de la salle des exercices. Les peintures et les sentences qu'on voit encore au XIXème siècle sur les murs de cette salle semblent une preuve efficace) contre lequel se trouve, au XIXème siècle (vers 1863), la porte du bois du midi. Le 21 Novembre jour de la présentation de la Sainte Vierge, M. l'Evêque vint en personne bénir cet oratoire, y célébra la sainte messe, reçut ensuite la rénovation à la cléricature des prêtres du séminaire, et enfin bénit les chambres de la maison. 

Au mois de Mai de l'année suivante 1679, la chapelle du séminaire s'étant trouvée en état, M. l'Evêque y donna la confirmation aux Quatre-Temps de la Sainte Trinité ; il était assisté de M. de la Rive, archidiacre, de M. Callier, vicaire généra, de M. Amice, chanoine de la Cathédrale, de M. Deshayeux, official, et de M. Hardouin, promoteur. 

Le 8 Avril de l'année suivante, M. de. Coëtlogon donna au fondateur un mandement de supérieur du séminaire, et la seule chose qui m'étonne en cela, c'est que M. l'Evêque ne lui ait donné cette marque de confiance que trois ans après la mort de M. Algrall. Je ne sais comment expliquer cette énigme. 

Comme cependant nos anciens mémoires ne font aucun reproche là-dessus à M. de Coëtlogon, nous avons droit de présumer ou que M. Picot fut nommé verbalement supérieur tôt après la mort de son prédécesseur, et que dès lors il en exerça toutes les fonctions, quoiqu'il ne fut pas authentiquement bullé ; ou que s'il ne fut pas plutôt bullé, c'est que son humilité s'y opposait. Cette dernière explication est la plus conforme à la tradition qui nous apprend que M. .Picot était si humble, que quand on lui offrait la première ou la seconde place à Plouguernével, il menaçait de quitter la maison, si on lui refusait la dernière place dans cette maison. Quoiqu'il en soit, le clergé dut bien applaudir au choix que l'Evêque avait fait de lui pour le mettre à la tête de son séminaire, et se féliciter de le voir enfin accepter cette place. Mais il ne l'occupa pas longtemps. Il mourut à Plouguernével le 7 Janvier 1681, à huit heures du soir. Son corps fut inhumé le surlendemain dans le cimetière de cette paroisse.  

(G. D. M.)

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