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LES CHAPELLES DE PLOUHA

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La Chapelle Sainte-Eugénie.

Tout près de Kerhardy, s'élève la chapelle de Madame Sainte-Eugénie, édifice du XVème siècle en forme de croix, dont le pignon ouest fut restauré en 1870 par les soins de l'impératrice Eugénie suivant l'inscription qui y figure. C'est, avec la chapelle de Corseul, l'une des rares, croyons-nous, dédiée en Bretagne à cette sainte [Note : Sainte Eugénie est encore honorée à la chapelle de Notre-Dame-du-Haut, en Trédaniel, prés de Moncontour ; une statue existe également, en 1927, à Couescrard, en Plénée-Jugon]. A l'extérieur, l'on voit au-dessus de la grande verrière qui éclaire le maître-autel, les armes en bosse des Quelennec, et plus bas, encastré dans la maçonnerie, comme le signale d'ailleurs le dernier aveu de Kerjolis, un second écusson aux mêmes armes. La jolie porte latérale qui donne accès du placitre au transept nord est surmontée d'un angelot soutenant les armes des Kernevenoy. Canonisé par les habitants sous le nom de saint Grimault, il a la réputation d'être d'humeur plutôt chatouilleuse. La gardienne raconte, avec un semblant d'effroi, qu'un dimanche, après de copieuses libations, un cultivateur apostropha ce saint, lui reprochant ses cheveux en broussaille et menaçant de les débrouiller avec son râteau qu'il portait en mains. A peine l'eut-il touché, que le malheureux fut transporté dans les airs et précipité sur les rochers de Padel où il s'écrasa. Légende évidemment, mais nous verrons cependant, tout à l'heure, que saint Grimault n'est pas uniquement le fruit de l'imagination bréhecaine. Dans le vallon, au sud de la chapelle, une petite fontaine avec la statue de la sainte sert aux pèlerins à se rafraîchir le jour du pardon.

A l'intérieur de la chapelle, des statues anciennes méritent l'attention : au-dessus du maître-autel, Notre-Dame de la Miséricorde et, de chaque côté, Sainte Eugénie avec une crosse et une autre sainte dont le socle porte, évidemment par erreur, le nom de Saint Clet [Note : Saint Clet, qui a donné son nom à une paroisse des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), n'est autre, que le pape martyr dont la fête est célébrée le 26 avril. Probablement, sa statue, comme il arriva souvent, fut remplacée par une autre sans que l'on ait changé le nom primitif sur le socle, et le peintre aura reproduit fidèlement l'inscription. Dans une chapelle voisine, le socle d'un saint Yves, en costume de clerc et portant le sac de procès, porte l'inscription saint Eloy. Des pèlerins lui ont mis un marteau moderne entre les mains. Inversement, il peut s'agir d'une statue de sainte Colette dont le nom aura été mal reproduit]. Dans le transept droit, Saint Eloy et Saint François encadrent l'autel, dans le transept gauche ce sont Sainte Eugénie et Saint Nicodème. Enfin, dans la nef est un vieux christ en bois très remarquable, d'une facture analogue à celui de Kermaria-Nisquit. Dans un coin, trois vieilles statues représentent saint Maudez et deux saintes, dont sainte Eugénie et une religieuse. Elles rappellent, comme facture, celles de la chapelle Sainte-Colombe, en Lanloup, et sont manifestement du XVIème siècle.

Que d'histoires fantaisistes ont été racontées sur la chapelle de Sainte-Eugénie et sa sainte patronne, et que de controverses se sont élevées, tout récemment encore, à son sujet ! Connue, en effet, également à Plouha sous le nom de chapelle de Santez Twina-ar-Mor, sur laquelle existe une poésie bretonne : « Buez Santez Ugen leshauvet, Santez Thouin ar Mor », Trevaux confond avec Saint Touinien, le savant abbé Duine rapproche ce nom de sainte Dwynn, patronne, en Galles, des vrais amants [Note : TRESVAUX : Vies des saints, I, p. LXX. — LUZEL : Légendes chrétiennes de Basse-Bretagne, t. II, p 64. — DUINE : Inventaire liturgique, p. 275] ; enfin, la tradition donne une explication toute autre. Elle indique qu'un certain M. Thouine ayant rapporté à Plouha, après la Révolution, des reliques de la sainte, les habitants, qui n'avaient qu'une médiocre dévotion pour celle-ci qu'ils ne trouvaient pas bretonne, ne la désignèrent plus que par « santez an antrou Thouine » et, par abrégé, « santez Thouine ».

Le chartrier de sainte Eugénie, conservé à Kerhardy, vient heureusement éclaircir complètement l'histoire de cette humble maison de prières dont les prééminences furent si jalousement disputées. Nous n'avons trouvé dans tous ces actes que les deux graphies, sainte Eugénie et sainte Ujane, et, à notre grand étonnement, aucune mention de santez Thouine.

Un acte du 20 juillet 1517, relatif aux droits respectifs d'Alain de Kernevenoy, sr. de Kerhardy, et de Jean du Quelennec, sr. de Kerjolis, rappelle que la chapelle fut édifiée grâce aux aumônes des paroissiens de Bréhec, au début du XVème siècle, et qu'elle n'était alors dotée d'aucune rente. Par testament du 6 juillet 1463, un pieux homme du village, Yvon Grimault, dont nous avons vu tout à l'heure comment le souvenir s'est perpétué, abandonna tous ses biens pour que soit célébrée à perpétuité une messe chaque dimanche, et il institua les seigneurs de Kerhardy présentateurs du chapelain. Plus tard, par acte du 1er avril après Pâques 1535, Dom Philippe de Kernevenoy fonda une messe à sainte Eugénie tous les mardis, moyennant 9 boisseaux froment de rente, puis, le 16 avril 1537, 6 messes nouvelles dans cette chapelle où il demandait à être inhumé, fondation approuvée par Jean de Rieux, évêque de Saint-Brieuc.

Bien que présentateurs de la chapellenie du Grimault et possesseurs du placitre, les seigneurs de Kerhardy n'étaient pas supérieurs de Sainte-Eugénie, le terrain sur lequel elle était bâtie appartenant aux seigneurs de Kerjolis.

Tant que ces derniers résidèrent dans leur manoir, ils surent faire respecter leurs droits prééminenciers, comme le montrent maints actes, notamment des 20 juillet 1517 et 24 septembre 1518 ; mais, à la fin du XVIème siècle, Jean du Quellenec habitant Kergoet, Jacques de Kernevenoy crut le moment propice pour substituer les armoiries de Kerhardy à celles de Kerjolis au bout du pignon de la chapelle et les apposer, en outre, sur la porte latérale du transept. Noble Louis de Kerlouet, sr. de Keruseau, cet ennemi acharné du sr. de Kerhardy, profita de sa mort pour tâcher d'usurper à son tour, le 16 mai 1604, à la sortie de la messe matinale, les droits de coutumes et havages, soi-disant comme procureur de Jeanne du Quelenec. Marguerite Bizien, douairière de Kerhardy, qui possédait ces droits, protesta devant Jean de Rosmar, procureur de Pierre de Rohan, sr. de Plouha, qui fit remarquer qu'aucune inféodation du droit de havage n'était faite ; aussi, comme les deux plaideurs de la fable, les seigneurs de Kerjolis et de Kerhardy en furent déboutés.

Le débat avait fait état des prééminences et le procès-verbal dressé à cette occasion le 20 juin 1606 mentionne, en haut de la grande vitre, un écusson aux armes des Quellenec ; au-dessous, du côté de l'évangile, un écusson mi-parti Quellenec et du Pou, et, du côté de l'épître, les armes des Kernevenoy avec lambel d'azur.

L'année suivante, le sr. de Kerhardy ayant fait rompre les écussons de Kerjolis, le procès recommença de plus belle le 7 juin 1607 et ne fut terminé que le 1er septembre 1655 par une transaction suivant laquelle la dame de Kerjolis était autorisée à enlever l'écusson aux armes de Kerhardy qui était au maître pignon et à y faire remettre les siennes, ainsi qu'au-dessus de l'entrée principale. Quant au sr. de Kerhardy, il conservait l'écusson au-dessus de la porte du transept, côté évangile, et celui de la croix du placitre. Il lui était donné, en outre, le droit de placer un banc à queue et à accoudoirs, armoyé de ses armes, en tel endroit qu'il le désirerait.

Entre temps, un troisième larron avait tenté d'intervenir, d'une façon plutôt violente, si nous en croyons le procès-verbal de François de Quelen, sr. de Kerson, daté du 21 février 1634. Le 14 février, est-il rapporté, Alain Boulais, sr. de Kerlivio, animé de haine contre le sr. de Kerhardy et sans aucun respect et considération du lieu, avait, pendant le saint sacrifice de la messe, rompu et brisé avec un long bâton les armes de la vitre de la chapelle, du côté de l'épître ; puis, non content de cela, il s'était approché du grand autel, où le prêtre officiait, et avait rompu les armes de Kerhardy dans la maîtresse vitre.

Ce procès-verbal indique que, dans la vitre de la chapelle du côté de l'épître, il y avait, au sommet, un écusson plein de Kernevenoy à un lambel d'azur à trois pendants et, deux écussons mi-parti de ces armes. Les armes pleines se voyaient également répétées 3 fois dans la carrée de bois au-dessus de l'autel qui était dédié à saint Maudé et en trois autres lieux de la voûte et des lambris du côté de l'épître.

Quoique le sr. de Kerlivio prétexta qu'il n'avait fait que rendre la pareille au sr. de Kerhardy qui avait brisé les armes du Kerdreux placées à l'une des arcades du choeur, il fut condamné à payer, pour la rupture des écussons, six vingt livres le 1er septembre 1634.

Toutes ces discordes, conséquences de la ligue, n'avaient pas peu contribué à ruiner la chapelle ; aussi, le 27 novembre 1642, Jean de Kernevenoy écrivit-il à l'évêque de Saint-Brieuc pour lui signaler que la chapelle était indigente de réparations, l'autel mal placé, et qu'il était indispensable, pour exécuter les travaux nécessaires, de l'exhausser de deux ou trois pieds, ce qu'il n'osait faire sans son autorisation, l'autel ayant été béni et n'étant pas portatif. Ne doutant pas avec raison de l'obtenir, le sr. de Kerhardy avait d'ailleurs, dès le 16 septembre précédent, passé marché avec noble homme Claude Courson, sr. de Kerdaniel, pour construire de neuf une clôture de balustre de trois pieds de hauteur, moyennant trente livres pour la main d'oeuvre, payables le tiers le jour du marché, un autre tiers à my-oeuvre et le surplus à la fin du marché, Jean de Kernevenoy fournissant le bois. Claude Courson devait être habile ébéniste, car le travail fut achevé dès le 10 décembre, à la satisfaction des parties. Après 1655, il n'est plus guère fait mention de Sainte-Eugénie jusqu'à la Révolution dans les annales de Plouha. Quelques fondations y furent faites par les seigneurs de Breteuil, qui firent notamment don à la chapelle, en 1714, d'une cloche nommée Claudine, pesant 90 livres. La dévotion à sainte Eugénie n'était pas très fervente, comme nous l'avons expliqué ; aussi les revenus de la fabrique étaient-ils fort modestes en 1766 : cinq livres cinq sols en argent, 2 boisseaux froment mesure marchande de Goëlo, 3 boisseaux de seigle mesure comble de Goëlo. Souhaitons que les pèlerins soient plus généreux envers Santez Twina ar Mor !

Sous la Révolution, la chapelle fut achetée par Alain Dieupart, procureur à Lanloup, puis directeur du district de Pontrieux, qui la céda, le 11 germinal an XIII, à Jean le Poula, que nous avons déjà vu acquérir Kermaria-Nisquit. Ce dernier rétrocéda ces deux chapelles, le 25 septembre 1806, pour le prix de 1.200 francs, se réservant un banc dans le choeur de Kermaria et une place à Sainte-Eugénie quand il y aurait des offices. La chapelle fut rachetée par la fabrique et rendue au culte à la fin de l'Empire. 

(René Couffon, 1927).

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