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VISITE DE LA CHAPELLE KERMARIA-AN-ISKUIT |
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Comme beaucoup de chapelles construites en Bretagne au XIIIème siècle autour de leur village, la chapelle de Kermaria-an-Iskuit a vu son bâti se modifier au cours du temps. On attribue la construction de la partie la plus ancienne – les quatre premières travées de la nef – à Henry d'Avaugour, comte de Goëlo, remerciant la Vierge d’être revenu sain et sauf d'une croisade en Palestine. Au XVème siècle, grâce à la richesse de ses foires, seront adjoints la chapelle transversale et le porche, l'un des plus beau de Bretagne. Là, sur des bancs de pierre, se réunissait le conseil de fabrique qui réglait la vie de la paroisse. Chose plus rare l'ajout d'un étage où l'on conservait les archives de la seigneurie ceinturé d’un balcon où l'on rendait la justice. La chapelle doit sa célébrité à la danse macabre, farandole dans laquelle les morts entraînent les vivants et qui rappelle aux hommes du XVème siècle la brièveté de la vie et l'égalité devant la mort, toutes conditions sociales confondues.
Lorsqu'au XIXème siècle, le curé de Plouha (François Marie Perro) souhaite raser cette chapelle pour reconstruire l'église paroissiale au bourg, la population se soulève. Redécouverte sous un enduit en 1856, la fresque de la danse macabre sauvera définitivement la chapelle de la démolition. Jadis lieu d'importantes foires et de pèlerinages, la chapelle est dédiée au culte d'ITRON VARIA an ISKUIT que célèbre chaque année un pardon, organisé le troisième dimanche de septembre.
Les origines de la chapelle.
La chapelle serait l'oeuvre d'Henry d'Avaugour et d'autres seigneurs du Goëlo, qui voulait manifester leur reconnaissance à la Vierge Marie à leur retour de croisade en 1240, pour être revenus sains et saufs de Terre sainte.
Le premier édifice, datant du XIIIème siècle, comprenait les quatre premières travées de la nef et les collatéraux. Dès l'origine, la chapelle vouée au culte de Marie (Itron-Varia-an-Isquit, c'est-à-dire Madame Marie qui sort des situations difficiles, qui sauvegarde …) devint, sous l’impulsion des moines de l'abbaye de Beauport qui en avaient la charge, un lieu de pèlerinage considérable, qui allait, au cours des siècles, nécessiter des agrandissements.
Au XVème siècle, la nef fut agrandie des trois dernières travées, de la chapelle seigneuriale (transept droit) et d’un porche, au sud, surmonté d’une salle de justice, dont le perron fut construit au XVIème siècle, avec une balustrade finement sculptée.
Le XVIIIème siècle vit un nouvel agrandissement (le chœur avec son abside à trois pans), et la construction du clocher octogonal.
L’extérieur de la chapelle.
La tour de la chapelle, à l'extérieur, permet de percevoir les trois grandes étapes de son édification : on quitte le porche du XVème siècle, pour trouver au pignon ouest la porte principale de l'édifice en beau style gothique du XIIIème siècle, surmontée d’une verrière et du clocher édifiés au XVIIIème siècle, ensuite la façade nord souvent remaniée comportant des contreforts, les traces d’une ancienne ouverture et un décrochement, lieu de la jointure de la construction initiale avec l'agrandissement du XVème siècle, puis l'ajout du chœur au XVIIIème siècle avec ses proportions nouvelles et ses grandes ouvertures. De retour au sud, on découvre l'unique transept abritant la chapelle seigneuriale, bâtie au XVème siècle, avant de retrouver le calvaire et le porche. De part et d'autre du chevet, et sur la chapelle privative, des gargouilles du XVIème siècle sont finement sculptées.
Les gargouilles :
Le porche.
Le visiteur entre par un porche de forme ogivale orné de colonnettes. Au dessus du porche se trouve un petit édifice qui servait de secrétairerie, puis, une fois le perron bâti, d'auditoire, permettant au sénéchal de la juridiction de rendre la justice, après l'office du dimanche [Note : le seigneur de Lizandré-Kermaria y rendait la justice et recevait l'hommage de ses vassaux]. Rongées par les intempéries, les statues de bois de Saint Pierre et Saint Paul, qui occupaient les niches extérieures du porche, sont maintenant visibles dans le chœur.
A l'intérieur du porche, on trouve les statues des apôtres avec leurs attributs :
A gauche ; Saint Pierre et sa clé, Saint André et sa croix, Saint Jacques avec un bâton de pèlerin, Saint Jean avec un calice, Saint Barthélémy avec un couteau, Saint Philippe avec un livre et un bâton.
A droite : Saint Simon avec une scie, Saint Matthieu avec une hache, Saint Jacques le mineur avec une croix, à l’envers, Saint Jude avec un bâton et un livre, Saint Thomas avec une équerre et une tour, et un absent, Saint Luc, dont la statue a été volée en 1907.
La porte, qui donne accès à la chapelle est surmontée par une statue de la Vierge-Mère polychromée et des voûtes peintes.
L’intérieur.
Quand on entre dans la chapelle, on se trouve dans la partie la plus ancienne de l'édifice. En se tournant vers le chœur, on distingue bien les trois étapes de la construction.
Les piliers des arcs du XIIIème siècle sont trapus et massifs, sans ornementation. Les piliers des trois travées du XVème siècle, qui leur font suite, sont octogonaux et plus élancés. Le chœur, bien que construit au XVIIIème siècle a le mérite d'agrandir le vaisseau et de lui fournir grâce à ses cinq baies vitrées un excellent éclairage. La chapelle seigneuriale du transept sud, construite au XVème siècle, bien éclairée par deux grandes fenêtres, complète l'ensemble. La nef a une voûte en bois de la forme d'une coque de bateau renversée et des poutres sculptées aux extrémités.
La danse macabre.
La danse macabre visible sur les murs de la nef a été réalisée entre 1483 et 1501. Badigeonnée de chaux au XVIIIème siècle, elle a été retrouvée au milieu du XIXème siècle par Charles de Taillard, l'un des descendants des seigneurs qui possédèrent Kermaria au XVIème siècle [Note : En 1747, la chapelle qui appartenait aux La Feillée, seigneurs de Langarzeau, passe dans les mains de la famille Taillart. Un enfeu, sans inscription, sépulture d'un Taillart, seigneur de Lézobré, se trouve sous la fenêtre du bras sud du transept]. Cette danse s'inspire de la danse macabre peinte à Paris en 1425 sous les arcades du cloître du Charnier des Innocents, dont les reproductions circulèrent dans toute l'Europe.
Les figures, qui se tiennent par la main, représentent des personnages vivants, de tous âges et de toutes conditions sociales, séparés par des cadavres décharnés qui rythment la farandole. La danse commence au sud (côté chapelle seigneuriale) et se termine sur la face nord. Elle se compose d’une trentaine de personnages de 1,30 mètres de haut, qui apparaissent selon un ordre social décroissant.
L'acteur, l'auteur chargé de rédiger les sentences inscrites sous chaque personnage, mène traditionnellement la sarabande, mais son image a disparu ainsi que celles du pape et de l'empereur. Sont visibles le cardinal, le roi, le patriarche, le connétable, l'archevêque, le chevalier et l'évêque (écuyer, l'abbé, le bailli et l’astrologue, qu'on aurait dû trouver de chaque côté du vitrail, ont également disparu). La danse reprend avec le bourgeois, le chartreux, le sergent. Viennent ensuite quatre personnages qui ne sont pas séparés par des squelettes : le médecin avec sa fiole de médicament et la femme qui s'accroche au bras de ses deux voisins, le mendiant et l'usurier. L'alternance reprend avec l'amoureux en pourpoint, le ménestrel avec son biniou, le laboureur avec sa serpe et son hoyau, et enfin le cordelier (l'image de l'enfant ayant également disparu).
On peut voir des traces de sentences (huitrains) sous les personnages du Roi, du Patriarche et du Connétable.
Cette danse macabre rappelle un peu celle de Bernt Notke :
D'autres peintures sont encore visibles dans la chapelle, notamment une série de prophètes, David, Isaïe, Zacharie et Elie (sous la danse des morts de la façade sud), ainsi que le Dit des trois morts et des trois vifs (dans le bas côté nord).
Sur le lambris on trouvait une fresque, le Triomphes des Vertus et des Vices, aujourd'hui déposée, dont on peut voir la photographie au fond de la chapelle.
Le statuaire.
A la richesse de ses peintures, s'ajoute la richesse de la statuaire. Elle se compose de trente-trois statues en bois polychrome.
Dans la nef : un grand Crucifix du XVème siècle et la statue de Saint Jean.
Dans le bas côté nord : statues de Notre Dame du Bon Secours et de saint Maudez.
Dans le collatéral sud : Saint Eloi et saint Rion.
Dans le chœur : les statues de Saint Pierre et de Saint Paul, extraites du porche, Saint-Michel terrassant le dragon (en granit, XVème siècle) et sainte Berthe, à l'angle.
Dans la chapelle seigneuriale : sur l'autel, une Vierge du XVIème siècle, chaussée de curieuses chaussures, présentant le sein à l'enfant Jésus, qui le refuse.
Puis sur les murs : une Vierge assise, tenant un sceptre, réalisée au XIIIème siècle, qui est sans doute la plus ancienne image de Marie vénérée à Kermaria. Lui succèdent les statues de Sainte Barbe, Sainte Catherine et Saint Joseph.
Sur le mur opposé, les statues de Saint Dominique, Nicodème, Sainte Anne avec Marie et Jésus, Saint Claude et Saint Fiacre.
Dans le chœur, on peut voir également les Retables d'albâtre du XVème siècle et d'origine anglaise (Annonciation, Couronnement de la Vierge, Adoration des mages, l'Assomption, ..) une boîte à crâne (crâne du seigneur de Lêzobré " Les Aubrays"), un lutrin (XVIIème siècle), le début d'un escalier de pierre qui donnait accès à une chambre, mise à la disposition des pèlerins de passage.
La boîte à crânes contient deux crânes qui proviennent d'un tombeau
qu'abritait la chapelle et qui fut détruit à la révolution. Il s'agit du crâne
du baron de Les Aubrays (en breton Lezobré), mort en 1651, et celui de sa fille découverts en 1850 au
moment où l'on parlait de démolir la chapelle. Une femme pieuse aurait
recueilli ces reliques dans cette fameuse boîte à crânes sur laquelle elle
aurait dû indiquer : " Chef de les Aubrays ". Jean de Lannion, seigneur de la Noë Verte et de Lisandré était lieutenant
de la maréchaussée et capitaine des garde-côtes de l'évêché de Tréguier.
Nommé par Louis XIII capitaine des Gardes-côtes, des ports et des havres de l'évêché
de Tréguier, Jean de Lannion, dit " Lezodré ", s'illustre par
de hauts faits d’armes. Il rétablit l'ordre dans les campagnes du Trégor et
du Goëlo ravagées par des bandes de pillards. La légende raconte que Lezodré
montait dans sa chambre accompagné de " Marmouz ", son fidèle
cheval. La chapelle lui doit son embellissement : sur son testament, Jean de Lannion lui
lègue une rente annuelle de 36 boisseaux de froment. Un vestige du tombeau de Jean de Lannion : son blason entouré d'un collier
de l'ordre de Saint Michel a été réutilisé dans la maison voisine.
Note : Jean des Aubrays ou Les Aubrais, en breton Lezobré, mort en 1651, a été l'objet de plusieurs chants bretons publiés aux Guersiou de Luzel. M. Luzel pense qu'il s'agit de Jean de Lannion châtelain des Aubrays, en Machecoul, et de Lisandré, en Plouha. A ne pas confondre avec la famille des Aubrays qui est une famille de l'évêché de Nantes portant de gueules aux 3 croisses d’or, citée au Nobiliaire de Courcy et dans le dictionnaire héraldique de Bretagne.
Sculptures du XVème siècle :
La chapelle est également le lieu de nombreuses sépultures, dont les plus anciennes sont des pierres tombales des XIVème et XVème siècles encastrées dans le dallage.
Une trappe en bois, permettant d'emprunter le souterrain reliant la chapelle au château Noë-Verte en Lanloup
Nota : les photos réalisées par Roger Frey sont la propriété du site infobretagne.com.
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