Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA SEIGNEURIE DE CREHEREN EN PLOUVARA.

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Plouvara"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Si jamais vous longez par le nord la chaîne qui, comme un faîte, sépare, dans la presqu'île armoricaine, le versant de la Manche du versant de l'Océan, vous serez frappé de l'aspect du pays, surtout en traversant les contreforts qui accentuent à leur origine les bassins du Gouët, du Leff et du Trieux.

Sur cette terre, houleuse comme les flots de la mer, votre marche, montant et descendant toujours, ressemblera au tangage du navire. En quittant un vallon solitaire au fond duquel un petit ruisseau passe effaré, vous gravirez non sans peine un coteau où les moissons sont rares, mais que la bruyère colore de sa rouge floraison. A votre droite, la ceinture dorée de la Bretagne, avec ses plantureux vergers, ses épis dorés, ses éclatants ajoncs, ses champs de lin, passant d'un vert doux au bleu le plus joyeux. A gauche, c'est la lande immense, mélancolique, qui semble pleurer toujours ses forêts d'autrefois, mais que d'intelligentes mains commencent à ranimer par des semis de sapin. Votre regard ne s'arrêtera au loin qu'aux montagnes de Marc'hallac'h, de Fromentel et du Fumbusquet : pour leur teinte austère, le paysan les nomme le Pays brun.

Ce paysage, mi-parti richesse et pauvreté, ouvre sur trois évêchés : Saint-Brieuc, Cornouaille et Tréguier. Il marque la limite de deux langues, de deux civilisations : c'est là que finit le gallo et que commence le brezonnec. Voici longtemps, quatorze ou quinze siècles environ, que l'idiome franc s'attaque à cette digue qui le limite de ce côté : on ne voit pas que la Bretagne ait encore grandement perdu de son caractère propre, ni en hommes ni en choses. Les Templiers de la Ville-Blanche et les moines de Coatmalouen semblent encore là, sentinelles avancées, faire bonne garde autour de la Vieille Terre.

Et cependant l'industrie a fait de sérieuses tentatives par ici. De vieux chemins-chaussées, de larges voies abandonnées, des ruines sans nombre, attestent ces efforts du passé. Des restes d'usine, des prises d'eau sans objet, des digues renversées, des entassements de scories, disent seuls aujourd'hui où furent les mines de Châtelaudren et les forges de Kernier [Note : Ces forges avaient été établies, non dans la vallée, où il existe un cours d'eau, mais sur un plateau élevé, où l'œil découvre un panorama magnifique. Là, an bout d'une avenue largement taillée, s'élèvent deux confortables pavillons, destinés aux directeurs de l'usine].

Que fut donc ce Kernier où le laboureur montre avec respect des douves profondes, les ruines somptueuses d'un château, écroulé, dit-on, avant d'être entièrement terminé ; enfin, la Justice, qui indique une position élevée dans la hiérarchie féodale ?

Les propriétaires de tout cela étaient-ils, comme ils le prétendaient, les fondateurs de la paroisse ? Mais cette paroisse de Plouvara était revendiquée aussi par les seigneurs de Créheren et par les sires de Rieux. Et cependant l'église appartenait à Beauport, et le Chapitre de Vannes y avait ses regaires. Comment débrouiller un écheveau si mêlé ? Essayons toutefois.

Et d'abord qu'on veuille bien se rappeler que l'église de Plouvara comptait au nombre des six paroisses données par le comte de Goëllo aux moines de Beauport, en 1202. Elle appartenait donc au comte et non à un vassal.

Sous l'influence de Rome, le clergé réclamait alors contre cette possession des églises par des laïques. L'évêque de Saint-Brieuc, Josselin, eut à l'égard de Plouvara des démêlés avec le chef du Goëllo ; mais le don fait par celui-ci aux moines arrangea tout. Voilà les droits de Beauport nettement établis (Anc. Ev. IV, 46, 48, 53).

Quant à ceux du Chapitre de Vannes, nous les verrons naître plus tard ; mais revenons d'abord aux dernières années du XIIème siècle.

Dans la charte de fondation de Saint-Rion, vers 1184, nous remarquons, parmi les biens aumônés à l'abbaye nouvelle, le molendinum Canum et le feodum Oreguen de Mazeriis, en Plouvara. Ces biens passèrent à Beauport, quand fut supprimée l'abbaye de l'île Guirvinil. En 1207, les chanoines réguliers cédèrent ce domaine à Guillaume Le Borgne et à sa postérité, moyennant une redevance annuelle de cinq rais et demi de froment (Anc. Ev. IV, 8, 45, 64).

Or, le Moulin-aux-Chiens existe encore à la porte de Kernier: voici donc un premier repère pour nous guider dans les brumes des lointains historiques.

En 1220, ce même Le Borgne donnait à Beauport la Ville-Tanguy et son moulin en Cohiniac [Note : Cette famille Tanguy a joué un rôle considérable dans la contrée. Elle avait sans doute construit le Castel-Tanguy, d'où sortit dans la suite le château de Perrien. Les Perrien, que nous retrouverons plusieurs fois, comptaient dans la haute noblesse de la châtellenie de Châtelaudren. Ils s'attachèrent et restèrent fidèles aux Clisson, aux Blois, aux Mercœur. Catholiques fervents, ils élevaient le riche château qui porte leur nom, quand les guerres de la Ligue vinrent arrêter l'œuvre. Elle n'a pas été reprise, et plusieurs de ses grandes salles, tristes et fières, montrent encore, sur la lande, leurs peintures presque effacées]. Il tenait ce domaine du fils du vicomte Suhart, « pro servitio suo » [Note : Anc. Ev. IV, 75, 224. — Cette donation amena des procès en 1237 et 1264. (Anc. Ev. IV, 103, 170)]. Il faisait cette aumône pour le salut de l'âme de son seigneur, le comte Alain, mort depuis sept ou huit ans : aujourd'hui on oublie plus vite.

Qu'était ce Guillaume Le Borgne, si attaché à son maitre ? C'était le fils du connétable ou chef des écuries du comte (Du Cange, Gloss., II, 997). Lui-même était sénéchal du Goëllo. Il avait une fortune considérable, comme le prouve son testament, qu'il fit peu après l'acte relaté ci-dessus. Qu'on nous permette de nous arrêter quelques instants sur cette pièce, dont la valeur historique est considérable, et sur laquelle nous aurons souvent à revenir [Note : Les Bénédictins ont commis une erreur en attribuant à ce document la date de 1215. (D. Mor. I, 828.) Saint Guillaume et Sylvestre ne montèrent sur leurs siéges qu'en 1220. (Anc. Ev. I, 11 ; — IV, 27). Cette pièce n'a pu être rédigée qu'en 1220 ou 1221].

Devant W. (saint Guillaume, récemment élu évêque de Saint-Brieuc), S. (Sylvestre, abbé de Beauport), et L. [Note : S. Lucus, Strabo, Coclés, sont les diverses manières par lesquelles les anciens actes latinisent ce nom ou surnom. Une tradition de famille rapporte qu'il fut donné, à la première croisade, à un chevalier qui perdit un œil à la suite d'une action d'éclat] (Luc, chanoine de Tréguier), frère du testateur, Guillaume Le Borgne traçait, ainsi ses dernières volontés :

Après quelques dispositions en faveur de sa femme, Téphanie Le Chien, de ses enfants et de son neveu ; après avoir donné à son frère sa terre de Plérin, terre qui lui venait de la famille Juhel, il règle de la sorte ses aumônes : 150 livres pour aider à la construction de l'abbaye de Beauport — elle n'était donc pas encore terminée, cette splendide construction, non plus que la cathédrale rebâtie par saint Guillaume, à laquelle il donnait 50 liv. ; — il en allouait 20 à celle de Tréguier ; 10 à l'église de Seignaux (sancti Siniani) ; 100 sous à la paroisse de Plouvara ; 40 livres aux ponts du Goëllo et à la léproserie de Châtelaudren [Note : Nouvelle preuve de ce que nous avons avancé ailleurs : jusqu'à la fin du XIVème siècle, nulle trace de mépris ou de haine contre les pauvres lépreux. Les caquins sont d'invention relativement moderne] ; 100 livres aux abbayes de Bretagne et à l'église des Sept-Saints ; 4 livres aux églises, aux ponts de Châtelaudren et à l'église de Saint-Corentin ; 20 livres au Hospitaliers de Ronchevaux (cette somme était une dette fixée par une disposition expresse du comte Alain, « de lege Alani comitis domini sui debebat »).

Pour garantie de ces aumônes, il offrait tous les revenus de l'église de Plouvara et une partie de ceux de Plouagat. Les premiers de ces revenus lui avaient été abandonnés temporairement pour acquitter une dette du comte Alain. Le reste de l'acte règle, de concert avec le jeune Henri d'Avaugour et avec son oncle et tuteur, « le seigneur Geslin », les emprunts faits au sénéchal par le fils de son bienfaiteur. Nous remarquons entre autres les revenus du bailliage de Quintin, que Henri lui abandonne (Act. de Bret., I, 828).

Guillaume Le Borgne ne jouissait que momentanément des revenus ecclésiastiques de l'église de Plouvara dont Alain avait disposé en faveur de Beauport. Mais son fief s'étendait sur toute cette paroisse et sur une partie de Plouagat, tant en raison de ce qu'il avait acheté de Beauport que de ce qu'il tenait des bienfaits du comte de Goëllo. Ce fief, qui n'est pas nommé dans cette charte, nous le retrouvons bientôt, constitué de la même manière et nommé Créheren ou Crec'heren. Les Le Borgne, dont les armes (d'argent au chef endanché de gueules à cinq pointes) sont restées celles de Créheren, pouvaient donc s'intituler avec raison seigneurs fondateurs de Plouvara, bien qu'ils n'eussent aucunement fondé cette église, probablement plus vieille qu'eux [Note : Cette église, remplacée par une toute neuve, gardait les caractères du roman primitif, fenêtres cintrées très-étroites, surmontées de l'œil-de-bœuf. Dans le cimetière, nous avons vu un ou deux lec’hs ou piliers marquant des sépultures d'une époque très-reculée. — Le cimetière de Plouagat possède aussi un de ces lec’hs ou ea'chs, sur lequel on croît lire : VORMUINI], mais parce que l'usage s'était établi de donner le titre de fondateur au principal propriétaire de la paroisse. Les Rieux, devenus fort, tard propriétaires dans Plouvara, n'avaient aucune raison sérieuse de leur disputer le titre de fondateurs.

Nous venons de montrer que le fief de Créheren existait avant que son nom ne fût apparu dans les chartes parvenues jusqu'à nous. Ce qui établit son ancienneté d'ailleurs, c'est qu'il était le chef-lieu de la grande dîmerie de Plouvara : on sait que la dîmerie était la plus ancienne des divisions paroissiales.

Outre ses prérogatives d'église, Créheren avait un autre signe de supériorité dans les redevances qui lui étaient payées par toute la noblesse de la paroisse, à commencer par les Le Cardinal de Kernier [Note : Les autres familles possédant des terres sous Créheren, aux XIVème et XVème siècles, étaient les Botterel de La Ville-Geffroy, les Le Vicomte de Keruzannou, les Collet de La Ville-Solon, les Gallois de Seigneaux, les Du Bourblanc de Beaurepaire, les Lestic de Kergario, les Faront de Kerniou, les Uzille, etc.]. Il avait, bien entendu, haute, moyenne et basse justice ; justice très-étendue, puisqu'elle connaissait « même des crimes de léze-majesté, de sortiléges et autres, requérant punition par le feu ». Elle ne relevait que de « la justice souveraine de Goëllo », laquelle devint ducale, puis royale. Elle avait son auditoire et ses pots patibulaires, non au bourg, mais à Saignaux. Cet état de choses n'existait vraisemblablement que depuis 1428, comme nous allons le voir.

Continuons de suivre ce fief de Créheren, dont nous croyons avoir établi la suprématie dans cette partie du Goëllo.

Le fils du sénéchal se nommait Guillaume, comme son père. Il assistait comme témoin à une aumône faite par Constance de Pont-château à l'abbaye de Blanche-Couronne, en 1236 (Act. de Bret., I, 902). Les Le Borgne tinrent Créheren jusque dans la seconde moitié du XIVème siècle, où une héritière de cette branche, Marguerite, épousa Geoffroy de La Lande, amiral de Bretagne [Note : Cette famille est ancienne en Bretagne. Un La Lande figure dans la fondation de la Madeleine du Pont de Dinan ; un autre dans une charte de Rillé, en 1163 ; un Maurice de La Lande scelle une pièce des Montrelais, au XIIIème siècle ; Guillaume de La Lande, chevalier, servait en France pour le roi, avec deux écuyers, en 1202. Les chartes de Beauport nous montrent Geoffroy de La Lande contractant un emprunt avec cette abbaye, en 1261 ; enfin, Guillaume de La Lande, écuyer du duc, paraît à ce titre au traité de Guérande, en 1265. (Act. de Bret., I, 651, 827, 1177, 1598 ; — Anc. Ev., IV, 161)].

Ce dernier était très-attaché aux Penthièvre, dont il partagea la mauvaise fortune. Créheren fut confisqué en 1420, et donné au fils de Pierre Eder, « Maistre d'Etat » et gouverneur des enfants du duc Jean V [Note : Nous avons parlé des Eder, par ailleurs. Pour le surplus, nous ne pouvons que renvoyer au travail étendu de l'érudit Bizeul (de Blain), publié dans la Biographie bretonne de M. Levot, I, 667 et suiv. Nous rectifierons toutefois une erreur que nous avons partagée, et qui, sur la foi de Chérin (Généalogie manuscrite des Quélen), nous avait laissé croire que Guillaume, le premier des Eder qui porta le titre de seigneur de Créheren, était père de Pierre, tandis qu'il était son fils. (Act. de Bret., II, 1130)]. Pierre, qui avait partagé la captivité du duc, fut un homme très-distingué ; il rendit à son maître de grands services, surtout dans la diplomatie. Son fils Guillaume se signala dans les armes et fut tué au siége de Saint-James de Beuvron. Il avait épousé Marguerite de La Lande au moment où cette dernière famille, rentrée en grâce, allait réclamer son bien.

Créheren ainsi reconstitué ne dura pas longtemps dans son intégrité aux mains des Eder, qui n'y habitaient pas. Dès 1428, ils prirent avec Jean V un arrangement qui permit à celui-ci de créer, au bourg de Plouvara, un regaire en faveur du chapitre de Saint-Pierre de Vannes : c'était, croit-on, un des vœux faits par le duc dans sa prison. Le regaire, emportant la haute justice, obligea sans doute Créheren à déplacer la sienne et à l'établir à Saignaux, entre ses deux domaines de Plouvara et de Plouagat [Note : Nous signalerons, en passant, de fines sculptures aux panneaux de la porte de cette église, et le beau panorama dont on jouit près de la fontaine Saint-Eutrope].

Ce dernier fut vendu en 1481, par Jehan, fils de Guillaume Eder, à Françoise d'Amboise, et donné par celle-ci aux religieuses de Nazareth, près de Nantes. Cette seigneurie était considérable, puisque très-anciennement les seigneurs de Perrien en étaient sergents féodés ; nous en avons trouvé la preuve aux vieilles liasses de la cour de Châtelaudren (Archives de Ruveret).

Ainsi réduit, Créheren fut, à la fin du XVème siècle, porté en mariage, par Perrine Eder, à Jacques de La Houssaye. L'héritière de ceux-ci épousa Raoul Hingant, seigneur du Hac, en 1525. Leur fille s'allia à un Tournemine, qui vendit Créheren à René Marec, seigneur de Montbarot. Le vieux fief passa encore dans plusieurs mains avant de venir aux Rohan, qui l'achetèrent en 1643.

Un aveu de Louis VII de Rohan, duc de Montbazon, montre qu'à cette époque il restait à peine quelques traces du vieux château, près duquel subsistaient cependant les très-anciennes chapelles de la Madeleine et de « Monsieur saint Anthoine » [Note : Les vestiges s'en voient encore, à l'entrée du bois de Créheren, derrière l’habitation moderne de La Madeleine. La tradition y place un couvent de moines rouges. Etait-ce donc des hospitaliers qui desservaient l'établissement charitable fondé par les premiers propriétaires de Créheren à la porte de leur demeure ? Ceci a-t-il quelque rapport avec les hospitaliers de Ronchevau, dont parle le testament de Guillaume Le Borgne ?...]. Déjà depuis longtemps l'auditoire avait croulé, les quatre patibulaires armoriés étaient étendus sur le sol ; la haute justice de Créheren n'était plus qu'un souvenir. L'absentéisme avait tout ravagé [Note : Ajoutons en deux mots que, en 1787, le baron d'Avaugour fit vendre Créheren ; il fut acheté par un Beauvoir, et repris en retrait lignager par les La Lande de Calan, descendants de Geoffroy de La Lande].

Mais tandis que la branche aînée des Le Borgne et son fief disparaissaient de la sorte, une branche cadette s'alliait à une famille jusque là peu connue, et qui allait, par son travail et son honorabilité, se placer à la tête de la noblesse de ce pays. Vers 1464, Marguerite Le Borgne avait épousé Guillaume Le Cardinal. Tout semble indiquer que ce fut vers cette époque, entre les guerres du XIVème et celles du XVIème siècle, que Kernier prit de l'importance, surtout par un grand établissement métallurgique.

En devenant riches, les Le Cardinal réunirent ce qu'ils purent des épaves du vieux Créheren, et se posèrent comme les représentants des anciens Le Borgne et Le Chien. Ils traitèrent avec Beauport pour les fiefs que nous avons vus passer, au commencement du XIIIème siècle, du comte Alain à l'abbaye, et de celle-ci aux Le Borgne. Ils revendiquèrent alors la haute justice, dont ils établirent les piliers sur la colline, non loin de leurs forges. Ce fut au contraire dans la vallée, tout près de l'étang du Moulin-aux-Chiens, qu'ils bâtirent leur château [Note : On en voit encore les derniers débris, style Médicis, près de l'ancienne route de Plouvara à Bocqueho].

Cette seigneurie de Kernier a cela de particulier que, presque seule en Bretagne, elle ne s'est pas formée par les armes. Elle est née et s'est développée par l'agriculture, par l'industrie, par le travail opiniâtre de plusieurs générations. Pendant que les propriétaires de Créheren s'en allaient gaspillant leurs revenus à la cour ou ailleurs, ceux de Kernier grandissaient en autorité et en considération au milieu de la population qu'ils faisaient vivre.

Aujourd'hui encore, tout le monde dans la contrée prononce avec respect le nom des seigneurs de Kernier, et nul ne se souvient de ceux de Créheren.

Nous terminerons ce court historique de Plouvara par un épisode qui porte aussi son enseignement. Cette paroisse avait eu beaucoup à souffrir de ses prêtres constitutionnels, pendant la Révolution. Voici ce qui arriva au dernier d'entre eux. C'était, si nous ne nous trompons, au milieu de l'année 1796. Vers midi, trois chouans traversèrent le bourg, le fusil sur l'épaule. Ils se rendirent droit au presbytère et demandèrent le curé jureur. Celui-ci se présente : ils lui reprochent de les avoir dénoncés et le somment de les suivre, malgré les prières et les cris de sa femme. Ils le conduisent sur le cimetière, au milieu du bourg, et lui annoncent qu'il va mourir. Le malheureux demande trois quarts d'heure pour se réconcilier avec Dieu. Ils lui donnent une heure, montre en main ; puis trois coups de feu annoncent que le malheureux apostat a cessé de vivre. Après quoi, les trois chouans se retirent, sans que nul ne songe à les inquiéter.

(J. Geslin de Bourgogne).

© Copyright - Tous droits réservés.