Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LES NAUFRAGES DE BATEAUX PRÈS DE PLOZÉVET

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Plozévet"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

La côte de Plozévet donne sur la baie d'Audierne. Plus d'un naufrage a eu lieu dans cette fameuse baie chantée par Brizeux (Les Bretons, Chant VIII).

Les bâtiments qui vont de l'Iroise au golfe de Gascogne doivent, après avoir doublé le Raz-de-Sein, que nul ne franchit « sans peur ni malheur », s'élever au vent des « Etocs » de Penmarc'h. Des courants, au jeu capricieux, mal connu, qui varient avec le vent, l'heure et la force de la marée, règnent, même par beau temps, entre le Raz et la Pointe de Penmarc'h, et donnent à la mer un aspect singulier : creux énormes et subits en forme d'entonnoirs, déferlements inattendus, « appels » mystérieux d'en-dessous, mouvements compliqués, au milieu desquels le bateau glisse sans trouver d'assise.

Quand la tempête souffle de suroît, tous ces mouvements s'accentuent, et les grandes vagues qui roulent sans obstacle entre les deux mondes, venant à s'engouffrer dans la terrible mâchoire que forment les deux pointes, rendent la mer intenable. Gare alors au voilier surpris dans la baie ! Si le courant « porte » vers la côte, il faut qu'il soit robuste et bon marcheur pour vaincre courant, mer démontée, vent debout. Gare la « mauvaise avarie », la voie d'eau, le mât cassé ! Au nord, très loin de lui maintenant, le Raz lui barre la route ; au sud-est, les chiens des « Etocs » ruisselants, et montrant leurs dents aiguës, aboient dans les huées du vent. Derrière eux, c'est la terrible baie, avec d'autres brisants, au fond de laquelle les vagues vont le rouler...

Les houles immenses viennent, à intervalles réguliers, se déverser sur l'immensité déserte de la plage, soulevant dans leurs volutes des masses de galets qui, au recul des flots, roulent les uns sur les autres dans un épouvantable fracas. Ce bruit intermittent comme la houle qui le produit, semble, à quelque distance, comme un rugissement uniforme, d'une puissance inouïe, qui s'entend très loin... Ce bruit terrible retentit comme une menace de mort aux oreilles des marins infortunés pris dans la baie. Il leur rappelle de tragiques histoires. Chaque bord les en rapproche maintenant ; chaque rocher, chaque brisant leur crie son nom sinistre. Il tente de louvoyer encore, mais le courant perfide ne le lâche plus. La côte fumante se rapproche. Il est perdu !...

***

Le 23 octobre 1729 échoua à la côte la Marie-Thérèse de Roscoff, de 50 tonneaux, capitaine Pierre Le Maigre, sieur de Kerbalanec, venant de Terre-Neuve, chargée de morues. Dans sa déposition le capitaine déclara que lorsqu'il débarqua avec son équipage, de sa chaloupe où il s'était jeté pour se sauver, il fut tout à coup entouré par plus de trois cents personnes, qui se retirèrent à l'arrivée du recteur de Plozévet. La nuit suivante et le lendemain il fut poursuivi à coups de pierre par une infinité de personnes de Plouhinec qui emportèrent presque toute la cargaison de morues. René de Saint-Pezran, capitaine de la paroisse, avance qu'ayant atteint un des pilleurs et lui ayant donné quelques coups de canne, celui-ci répondait, à chaque coup qu'il recevait, en son langage breton, qu'il se souviendrait des coups qu'on lui donnerait et qu'en temps et lieu il aurait soin de les payer (Amirautés, III, p. 137).

Le 31 décembre 1736, dans l'après-midi, le navire de commerce l'Heureuse-Marie, de Saint-Malo, jaugeant 186 tonneaux, sombra sur la côte de Plozévet, en face de Kerbouran. Il était commandé par Adrien Vincent, sieur du Marais, canadien de naissance, et se rendait à Nantes et à Paimbœuf. De grosses liasses de reconnaissements montrent que son chargement consistait en savon, huiles, olives, anchois, séné, raisins, amandes et figues. Les premières opérations s'effectuèrent dans la soirée du 31 décembre et dans la journée du 1er janvier.

L'état des frais de « sauvetage, magasinage et gardages » des effets sauvés dès la première heure indique qu'il fut payé « au sieur de Saint-Pezran capitaine garde côte de la paroisse de Plozévet pour trois jours et deux nuits et pour tout : 400 livres ; au sieur de Boisangat, lieutenant, pour deux jours et deux nuits : 18 livres ; au recteur 20 livres ; aux huissier, brigadier, commis au tabac, matelots de la paroisse, à l'archer de la maréchaussée, pour deux nuits, chacun 6 livres ; aux buandières, « attendu l'inconstance de la saison », chacune 5 sols par jour ».

A la requête des armateurs, les officiers de l'Amirauté ouvrirent une procédure contre ceux qui s'étaient rendus coupables de pillage. Dès la première comparution, le 28 janvier 1737, le capitaine chargea les habitants du littoral d'une accusation globale de pillage et de « volerie ». Il déclare « qu'il s'est commis par les habitants de la côte un grand pillage de savon..., qu'il a vu lui-même grand nombre de particuliers emporter des savons dans leurs poches, sur leurs épaules, que même François Baron, un de ses matelots de confiance, lui a dit que la nuit du mardi au mercredi l'un des gardiens le prit à la gorge parce qu'il voulait l'empêcher de prendre six flacons d'huile que ledit gardien emporta malgré lui » (Inventaire sommaire... Amirautés, III, p. 139-140).

Le même jour intervint une requête de Me Alain de Quernaflen de Quergoz, conseiller du Roi pour obtenir monitoire [Note : Le monitoire était une lettre d'un prélat ou d'un officiel pour obliger, sous des peines ecclésiastiques, tous ceux qui avaient quelque connaissance d'un crime ou de tout autre fait dont on recherchait l'éclaircissement, à le révéler]. Ce monitoire ne tarda pas à être fulminé par Mgr Hyacinthe de Ploeuc.

Presque partout, dans le ressort marqué par la requête, le monitoire fut publié les 3, 10 et 17 février, et les réagraves le dimanche après, soit à Pont-l'Abbé, Loctudy, Plobannalec, Lambour, Audierne, Pont-Croix, Plouhinec, Plovan, Pouldreuzic, la cathédrale de Quimper, Saint-Mathieu, Loc-Maria, Locronan [Note : Le réagrave était la dernière monition canonique, et donc plus grave que les précédentes].

Le certificat de publications du recteur de Plozévet, M. de la Lande de Calan n'enregistre aucune déclaration ; au 28 avril, sur réagraves, il relève les noms de quelque dix témoins qui se sont présentés prêts à déposer. Le 28 avril M. de Calan écrivait à M. de Kergoz, procureur du Roi : « Je n'ay tant tardé à vous envoyer les monitoires et réagraves que dans l'espérance que la quinzaine de Pâque jointe au réagrave auroient mieux concouru à les engager à déclarer, mais j'ay été trompé dans mon espérance ».

De fort nombreux témoins furent entendus du mois d'avril au mois de juillet 1737 : Thérèse Balnois, femme de Laennec, marchand à Quimper, déclare qu'elle a connaissance qu'il a été vendu du savon dans la rue Neuve ; Charlotte Dondal, dame du Marchallach dit que l'on en a vendu à Plovan ; René Porcaro, écuyer, a vu des « briques » de savon dans l'hôtellerie de la Croix-Blanche à Quimper ; Joseph Marigo, sieur de Guermeur, a refusé d'acheter du savon dont il soupçonnait l'origine suspecte, quoi qu'on le vendît sur la place de Quimper. D'autres dépositions fort curieuses apprennent que d'énormes quantités de savon avaient été jetées sur le rivage et vendues presque publiquement, non seulement dans les paroisses voisines mais jusqu'à Carhaix, Gourin, Hanvec, localités situées jusqu'à douze à quinze lieues de la côte.

Un registre fut ouvert pour inscrire les restitutions et quelques individus suspects furent interrogés, puis le procureur du Roi laissa sommeiller l'affaire pendant deux ans. En ce qui touche Plozévet l'Amirauté étudia quelque temps les moyens de faire payer aux armateurs une indemnité par le général de cette paroisse, puis il oublia l'affaire.

Les magistrats de Quimper, qui avaient négligé de continuer l'instruction criminelle après 1739, la reprirent brusquement en 1746. Ils constatèrent d'abord que dix-huit des paysans incriminés en 1737 étaient morts ; d'autres avaient disparu du pays ; les survivants protestèrent de leur innocence, et les témoins déclarèrent qu'ils avaient tout oublié. Il semble que l'affaire fut abandonnée après le 17 mars 1768 (Amirautés, III, p. CXXXVI. — Bulletin de la Soc. Arch. du Finistère, 1900, p. 386 ssq.).

***

Le 25 février 1773 échoua à la côte la Fortune, de Copenhague, 194 tonneaux. Le capitaine Simonsen et les douze hommes d'équipage furent noyés. Le navire fut mis au pillage. M. Legendre, recteur de Plozévet, fit à cette occasion la déclaration suivante : « Je pense qu'en vendant le bois et autre chose, on ne s'est pas bien expliqué, car on m'a assuré que l'on y avait trouvé de l'étain de glace, des pièces de toile, des ancres... Tout cela ne nous donnera que de l'embarras pour la Pâque qui approche. Il y a des gens de Quimper et d'ailleurs qui courent tous les villages pour acheter des couvertures et autres choses » (Amirautés, III, p. CXXXVI. — Bulletin de la Soc. Arch. du Finistère, 1900, p. 154).

Le 17 janvier 1774 vient à son tour sombrer à Plozévet le bateau Les Deux-Sœurs, de Nantes, 120 tonneaux. Le capitaine J. Poireau fut noyé ainsi que les membres de son équipage.

Le 24 septembre 1780 c'est le naufrage du Jeune-Jacob, de Saint-Pétersbourg, commandé par Christian Law. Les frais de sauvetage se montèrent à 4376 livres 15 sols (Amirautés, III, p. 155-156).

Le 22 septembre 1783, à l'occasion du naufrage de la Demoiselle Frédérique, de Brême, le général et la paroisse de Plozévet furent condamnés à 4000 livres de restitution, « n'ayant rien fait pour prévenir le pillage et faciliter la position des coupables ».

Grâce au clergé, et aux représentants locaux de l'Amirauté, le sauvetage s'organise régulièrement et le pillage est souvent écarté. Au cours de la Révolution, le clergé n'est plus là pour brider les instincts populaires, et Cambry écrira en 1794 : « Cette année même, au moment d'un naufrage, les habitants de Plozévet et de Plovan obligèrent la troupe à gagner ses casernes ; alors, ivres d'avidité, mus par le démon du pillage, ils s'élancèrent sur les débris du bâtiment... ». Plus tard, le 24 Nivôse an VII (13 janvier 1799), les communes de Plovan, Pouldreuzic, Lababan, Tréogat, Tréguennec et Plozévet furent frappées d'une contribution de 24.889 livres et d'une amende égale, à cause du pillage commis dans la nuit du 28 au 29 Brumaire (18-19 novembre 1798), à bord de quatre navires chargés pour le compte de la République (Arch. dép. Série L. Tribunal de Quimper, affiches et placards. Liasses 114, 348, 402).

***

Si les habitants du pays sont facilement tentés de se livrer au pillage sur la côte, il faut dire à leur décharge qu'il leur vient parfois des témoignages élogieux de la part des naufragés. En 1768 par exemple, un matelot français, rescapé d'un navire qui venait de sombrer déclara que les habitants de la côte l'avaient bien accueilli et lui avaient fait beaucoup de bien. Lors de la perte des Deux-Frères de Rouen le capitaine Olivier Rivet se félicita de la protection que lui avait accordée le recteur de Plozévet, M. Le Lande de Calan (Amirautés, III, p. CXXXIX).

Les riverains, du reste, collaboraient parfois au sauvetage, et encore devaient-ils se contenter de salaires très faibles, alloués par l'Amirauté. Lors du naufrage du Jeune-Jacob, en 1780, les gardiens reçurent seulement 20 sols par jour et par nuit, les travailleurs 18 sols par marée, les tonneliers et les charretiers 2 et 5 livres par jour (Amirautés, III, p. CXLII).

Le clergé réprouve nettement le pillage. Certains paroissiens croyant avoir droit au tiers des marchandises sauvées du naufrage, le recteur M. de Calan déclare du haut de la chaire qu'il interdit de se réserver tout tiers et de l'accorder à qui que ce soit. Sa haine du pillage porta un jour ce digne recteur à dépasser la mesure et à signaler à l'Amirauté six de ses paroissiens qu'il considérait comme coupables.

(H. Pérennès).

© Copyright - Tous droits réservés.