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Alain ROBIN, prêtre guillotiné à Vannes
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284. — M. Alain ROBIN naquit à Pontivy le 16 novembre 1757, de Jean Robin et de Reine Jégouet. Tonsuré le 31 mars 1781, minoré le 16 mars 1782, sous-diacre titulo patrimonii le 21 septembre de cette année, diacre le 5 avril 1783, il fut ordonné prêtre à Vannes en l’église du Grand Séminaire, au Mené, le 20 septembre suivant. Puis dès 1788 il était vicaire d’Inzinzac, où, vers les débuts de 1791, il refusa le serment à la schismatique Constitution civile. Ce qui ne l’empêcha pas de continuer quelques mois encore ses fonctions « avec édification, zèle et activité », ainsi que l'attestait le 4 mai suivant la municipalité de cette paroisse.
Inzinzac ayant été dotée d’un curé constitutionnel nommé Even, celui-ci, gêné par l’heureuse influence de M. Robin, demanda et obtint son emprisonnement à Port-Louis au mois de juin de cette année. L’amnistie votée par l’Assemblée Constituante, à l’occasion de l'acceptation de la Constitution par le faible Louis XVI, lui rendit la liberté à la fin de septembre suivant. Le vicaire d’Inzinzac se garda d’obéir à la loi du 26 août 1792, puis à celle des 21-23 avril 1793 qui l’obligeaient à quitter la France. Afin de s’y rendre utile aux âmes, il se cacha dans divers endroits, cherchant asile ailleurs quand il était trop pourchassé ; tel, par exemple, quand la demeure de ses parents qui l’abritaient à Pontivy, fut l’objet, le même jour, de trois perquisitions successives.
285. — Après quelque temps d’une quiétude relative, qui régna du mois d’avril au mois d’août 1795, M. Robin se trouvait aux environs d’Hennebont, lorsque sa présence y fut signalée à un détachement de soldats dont la loi du 6 septembre 1795 avait dès aussitôt réveillé la haine féroce contre le clergé romain. Pénétrant donc dans la demeure où se tenait le vicaire d’Inzinzac, ils y découvrent le proscrit, emportent des ampoules à saintes huiles comme pièces à conviction et l’emmènent lui-même prisonnier à Hennebont, le 8 octobre 1795.
Le juge de paix de cette petite ville, le citoyen J. Le Fur, après avoir fait subir au captif un interrogatoire aujourd’hui disparu, ordonna ensuite son transfert à la maison d’arrêt de Vannes. Dans la lettre qu’il confia à son escorte, il accuse le prêtre réfractaire « de parcourir depuis plusieurs années les campagnes » (preuve évidente que M. Robin se dévouait à faire du ministère) et « de causer de grands maux », reproches dont les persécuteurs chargeaient habituellement les prêtres catholiques.
A Vannes, la justice ne fit preuve d’aucune hâte. Le général Hoche, par calcul, était opposé à la reprise de la persécution et sa puissance était grande dans le département. Aussi M. Robin languit-il pendant plus de deux mois et demi au fond d’une prison tellement humide que, racontait une de ses petites-nièces trépassée nonagénaire en 1892, l’eau pourrissait ses vêtements.
286. — Enfin, le 31 décembre 1795, M. Robin comparut devant le tribunal criminel du Morbihan. On l’interrogea sur les serments qu’il avait refusés, sur les personnes qui lui avaient donné asile, sur ses relations avec les insurgés, sur la loi du 7 vendémiaire an IV sur la police des cultes. Les réponses du serviteur de Dieu furent toujours précises, calmes et dignes d’un prêtre de J.-C. Il assura n’avoir jamais prêché « que la paix, la concorde et la justice » et n’avoir jamais figuré parmi les rassemblements royalistes. On s’en tint là pour l’instant, car les juges, tout iniques qu’ils étaient, ne pouvaient manquer de constater qu’on l’avait arrêté dès le 8 octobre ; par conséquent, la loi du 29 septembre précédent (dite du 7 vendémiaire an IV), n’ayant été promulguée dans le Morbihan que le 27 octobre de cette année, ne pouvait s’appliquer à sa personne, sinon d’une façon rétroactive, c’est-à-dire contraire aux principes du droit.
Il y avait bien la loi du 25 octobre (3 brumaire an IV) qui, dans son article 10, rendait exécutoires dans les 24 heures, pour les prêtres sujets à la déportation ou à la réclusion, toutes les lois les plus redoutables de 1793 et 1794. Mais était-elle applicable dans l’occurrence ?
Le Tribunal fut fort embarrassé et jugea bon de remettre sa sentence à plus tard, pour en référer à Paris au ministre de la Justice. M. Robin retourna donc en prison.
286 bis. — Le mois de janvier 1796 passa, le mois de février aussi et, de Paris, pas de réponse. Alors l’accusateur public, Joseph-Marie Lucas-Bourgerel fils, brusqua soudainement les choses le 29 février et, s’appuyant sur une lettre des administrateurs du Morbihan du 26 précédent, sans attendre davantage la réponse du ministre de la Justice, il demanda la mise en jugement immédiat de M. Robin, prêtre réfractaire, sujet à la déportation, n’ayant pas quitté le territoire de la République.
L’audience pour condamner M. Robin fut fixée au 2 mars. Lucas-Bourgerel fils, toujours avide de verser le sang ecclésiastique, fit remarquer au tribunal que la consultation adressée au ministère de la Justice était sans objet, puisque le prêtre Robin n’avait jamais prêté aucun serment, pas même celui exigé par la loi du 7 vendémiaire an IV. Ainsi « sa résistance opiniâtre à la volonté nationale le mettait dans le cas de subir les peines portées contre les prêtres réfractaires ». En conséquence, Lucas réclamait l’application des lois contre les prêtres de cette catégorie, c’est-à-dire la mort.
L’interrogatoire du vicaire d’Inzinzac ne se prolongea guère ; le tribunal, s’en rapportant à celui du 31 décembre précédent, se contenta de lui demander s’il avait prêté la formule prescrite par la loi du 7 vendémiaire an IV : « Je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain, et je promets soumission et obéissance aux lois de la République ». A quoi M. Robin répondit « qu’il n’a ni fait, ni offert cette déclaration », ainsi qu’agissaient du reste la majorité des bons prêtres en Bretagne.
Puis, après avoir fait savoir « qu’il n’avait pas d’avocat (appelé alors défenseur officieux) et qu’il n’en avait pas besoin », les juges à l’unanimité le déclarèrent « prêtre réfractaire aux lois », lui donnèrent lecture de l’article 10 de la loi du 3 brumaire an IV, des articles le concernant de la loi du 30 vendémiaire an II et le condamnèrent à la peine de mort.
287. — Son exécution eut lieu le lendemain, 3 mars 1796, aux trois heures du soir, sur la place de la Liberté à Vannes. Il mourut en compagnie de M. Rogue, prêtre lazariste vannetais, dont la cause est déjà présentée à Rome. On assure qu’ils passèrent leur dernière nuit à s’entretenir du bonheur de donner leur vie pour la Foi et à parler de la béatitude éternelle dont ils espéraient bientôt jouir.
L’acte de décès de M. Robin figure sur les Actes de l’Etat-Civil de Vannes.
La famille de M. Robin existe toujours et l’on en connaît plusieurs branches collatérales. Tous le considèrent comme un saint et croient avoir en lui un intercesseur au Ciel.
BIBLIOGRAPHIE. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit. (1845), II, p. 223. — L. Bretaudeau, Pierre-René Rogue. Paris, Desclée, 1908, in-12, p. 140. — R. P. Le Falher, Les Prêtres du Morbihan victimes de la Révolution, op. cit. (1921), p. 161-169.
(Sources : Arch. dép. du Morbihan, L 1108 ; Z 459, 413).
(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).
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