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MOBILIER DU CHÂTEAU DE FRINODOUR AU XIVème siècle

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Le château de Frinodour, chef-lieu d'une seigneurie mouvante du comté de Goëllo, est situé au confluent du Trieu et du Leff, dans la paroisse de Quemper-Guézennec, aujourd'hui commune du département des Côtes-d’Armor, arrondissement de Guingamp, canton de Pontrieux. Ce château, dont il ne reste que des ruines, appartenait, sur la fin du XIVème siècle, à la maison de Montfort (Montfort-la-Canne, aujourd'hui Montfort-sur-Meu, dans le département d'Ille-et-Vilaine) : cette maison se fondit, au commencement du siècle suivant, dans celle de Laval, qui déjà possédait en Bretagne de grandes seigneuries, auxquelles elle joignit ainsi tous les domaines possédés par les Montfort, et entre autres Frinodour. C'est à Vitré, chef-lieu de la plus importante de ses possessions bretonnes, que la maison de Laval et celle de la Trémouille qui lui succéda, concentrèrent toutes les archives de leurs seigneuries de Bretagne. Aussi Lobineau, dans la préface du t. II de son Histoire de Bretagne, vante-t-il la richesse des archives du château de Vitré. Presque tous les titres de ce beau dépôt ont été détruits ; il n'en reste que quelques bribes, déposées à la bibliothèque de Vitré. J'y ai trouvé, entre autres documents, un inventaire daté du 11 mars 1399 (v. s.), contenant un état de tous les objets mobiliers existant alors dans le château de Frinodour, et dont le nouveau capitaine de cette place se trouvait chargé. Il est bon de prendre garde que ce château n'était point alors habité par ses maîtres, mais tenu seulement en état de place de guerre. Cela explique l'absence complète d'objets de luxe et de prix. Mais d'ailleurs ce document ne nous en fait que mieux connaître, peut-être, l'intérieur ordinaire des manoirs et des châteaux de moyenne importance, qui étaient, en définitive, la classe la plus nombreuse. Ces riches mobiliers de rois, de princes et de grands seigneurs, dont on a publié depuis quelque temps les inventaires, n'étaient point évidemment à l'usage des petits gentilshommes. La moyenne noblesse de Bretagne, moins fastueuse que guerrière, avait certainement, dans ses castels, plus de pièces d'armures que de pièces d'orfèvrerie, et l'arsenal y était mieux garni que la salle de gala. C'est aussi le cas du château de Frinodour, suivant notre inventaire, où le chapitre de la chambre de l'armaerie est le plus long de tous.

Cet inventaire, écrit sur un rouleau de parchemin et divisé en onze paragraphes séparés par des blancs assez larges, est d'ailleurs rédigé avec ordre et peut se partager en sept chapitres, savoir :

I. Draperies et tentures, décrites aux §§ 1 et 2.

II. Objets de literie, au § 3.

III. Lingerie, aux §§ 4 et 5.

IV. Mobilier d'écurie, objets de cuir et objets divers, au § 6.

V. Mobilier de la chapelle, au § 7.

VI. Armes et engins guerriers de toute nature, au § 8.

VII. Mobilier de la cuisine et du cellier, aux §§ 9 et 10.

VIII Gros meubles, au § 11.

Sans prétendre faire ni un commentaire ni une analyse complète de cet inventaire, je me bornerai à noter dans chacun de ces chapitres ce qui m'a frappé.

I. Draperies et tentures. — On mentionne dans ce chapitre jusqu'à 34 grandes pièces de serge, destinées sans aucun doute à tendre les appartements. Sur ce nombre, 16 étaient de la fabrique de Caen, 14 de celle de Dinan, 4 de Limoges. Quant aux couleurs, je trouve 15 serges de couleur perse, 2 de couleur perse semées de roses blanches, 10 vermeilles, 2 violettes. Deux des serges de Limoges sont dites « armoiées de France et de mailloz » ; les deux autres sont dites simplement « armoiées, » sans doute aux armes des seigneurs de Montfort, propriétaires de Frinodour. L'inventaire ajoute que l'on tendait ces deux dernières serges, qui étaient de grande taille, contre les cheminées, — peut-être comme nous y plaçons maintenant nos devants-de-cheminées ? On trouve encore mention de quatre pièces de serges disposées pour garnir des bancs, et que l'on nommait des banchiers ; elles étaient de couleurs vives et de dessins variés, l'une semée de papegauts ou perroquets, une autre de loriots, une troisième vermeille, la quatrième enfin, plus grande que les autres, servait au dais du seigneur dont elle portait les armes.

La plus belle des couvertures de lit était faite d'un drap d'or veil à estoiles doublé de boucacin ; on avait encore pour l'hiver, 6 couvertures de burel, dont 3 fourrées de chevreaux et 3 fourrées de connins. Mais les deux couvertures de burel simple et les deux de serge de Dinan, rayée sans fourrure, ne servaient sans doute qu'en été.

Peu de courtines ou rideaux de lit, neuf seulement, ce qui n'était que pour trois lits, chaque lit prenant trois courtines sans compter le ciel. Encore sur ces neuf courtines trois n'étaient que de bougran.

Notez encore : Six carreaux de Dinan armoriés, — un tresdos (dossier de lit) de Caen pers, — une paire de chausses de drap de Malines doublées de toile, — un épervier de camelot vermeil. Cet épervier, comme je l'ai appris de M. Douet-d'Arcq (comptes de l'argenterie des rois de France), cet épervier était une sorte de pavillon qui pouvait se placer sur une baignoire et aussi sur un lit. Mais qu'était-ce que des pavioz ? Je l'ignore. Il n'y en avait pas moins à Frinodour quatre pavioz de Dinan de petite valeur.

II. Objets de literie. — Soit 26 couettes, 8 traversins, 9 petits oreillers, tout compté tant bon que mauvais.

III. Lingerie. — Soit 14 doublets, dont 6 fins et 8 gros ; 15 touaillons ; 28 touailles dont 15 en triste état ; 33 serviettes ; 55 linceuls ou draps de lit dont 24 en loques ; 6 souilles, d'oreiller seulement, encore elles étaient vieilles.

IV. Mobilier d'écurie, objets de cuir, objets divers. — Dans l'écurie, je ne trouve à noter que six licous vermeils pour les chevaux du char et deux vieilles selles à malles. Dans les objets de cuir et objets divers : 3 chapeaux de biévre et un de paille, une pièce de cuir vermeil pour faire colliers à levriers. N'oublions pas non plus deux petites poches de toile pleines de vieux souliers et d'escafignons, ni surtout la défroque d'un coureur de tournois, jetée avec les vieux souliers en une huge de l'allée du portail, savoir : « un veil pennon à peinture, » une cotte de samit portant en devise la lettre L, pour jouster, un cor, un L eu broderie et autre mesmes pièces de broderie, enfin un jeu d'eschecs noirs, etc.

V. Mobilier de la chapelle. — Il semble assez complet, riche en livres d'office et de chant, mais je n'y vois rien à noter.

VI. Arsenal. — Il n'en est pas de même de l'arsenal, ou, comme dit notre inventaire, de la chambre de l’armaerie. Je trouve là plusieurs termes que je n'entends guère. On y voit les vieilles armes et les vieilles armures, par exemple : unes veilles plates et un veil camail et un pan et unes guides de manches par plates, et encore trois tabliers de Pruce ouvrez en leur custode et quatre tabliers de Bretaigne plains (unie) ; et à côté l’on rencontre la poudre, le canon, toute l'artillerie moderne qui va dans quelque temps rendre inutiles ces lourdes armures défensives et mettre hors d'usage tabliers de Prusse, tabliers de Bretagne, plates, guides, pans et camails. Voici déjà dans ce petit castel de Frinodour six canons, savoir : dous canons de couevre, trois gros canons de fer et un petit de mesme, plus cinq touchefeuz, deux pochées de poudre de canon ; voici une rondelle où a grand nombre de bondes de canon, … — et aussi y a en icelle chambre grant nombre de pierres de canon : ce sont les boulets du temps ; voici enfin de quoi enclouer l'artillerie ennemie, à savoir ; quatre grandes chevilles de fer pour asauter les canons.

Comme la chasse est un exercice semi-guerrier, on n'est point fort étonné de trouver dans la chambre de l’armaerie trente bouries de corde pour bestes.

VII. Cuisine et cellier. — La cuisine est mal montée ; les Bretons, à ce qu'il paraît, n'étaient pas du tempérament des soldats anglais, qui ne peuvent bien se battre que l'estomac plein. Le cellier semble un peu mieux garni ; on y trouve trois pipes de vin de la Rochelle, c'est-à-dire, je pense, de vin de Bordeaux, et une pipe de vin d'Anjou, mais cette dernière plus d'à moitié vide. Le capitaine sortant de charge et qui rendait l'inventaire, Alain Cozo, donne une singulière raison de ce déficit : « Disoit, ledit Cozo, que les rats avoient percé le fond de cette pipe et que le sourplus dudit vin estoit gasté, et y paroissoit », ajoutent les commissaires, lesquels apparemment pillèrent le vin. Voilà des rats bien terribles, mais qui d'ailleurs n'avaient point bu sans manger ; même ils avaient mangé des vases d'étain, c'est l'inventaire qui le dit : « Item six quartes et sept petites pintes d'estain carrées, de quoi le plus estoient decouvertes et partie rompues et mangées de rats ». Après un pareil repas, on comprend la soif de ces rongeurs et qu'ils aient vidé la pipe.

VII. Gros meubles. — Il n'y a pas moins de vingt-deux huges ou grands coffres, sans compter le coffre des archives, qui est, dit l'inventaire, « une grande arche ouvrée où sont les lettres de Monseigneur ». Ces huges étaient-elles pleines ou vides ? Je serais assez porté à croire qu'elles pouvaient contenir des objets à l'usage particulier du seigneur, et dont le capitaine ne se chargeait point par détail, s'obligeant seulement à rendre les huges en l'état où il les recevait. Ce n'est là qu'une conjecture arbitraire.

Notre inventaire est signé dans l'original par les commissaires qui l'ont dressé, à savoir : un gentilhomme Loys de Saint-Briouc ; un prêtre, dom Raoul Boschier ; et un Gilet Gantier, qui peut bien être un notaire. On voit par l'intitulé que le capitaine qui succédait à Alain Cozo se nomme Phelipot de la Lande. (A. L. B.).

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