Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA SEIGNEURIE DE QUINTIN SOUS LES GOUYON-LA MOUSSAYE.

  Retour page d'accueil       Retour page "Etude historique de la seigneurie de Quintin"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

La nouvelle que le duc de la Trémoille venait de vendre Quintin à son beau-frère Amaury Gouyon, Marquis de la Moussaye [Note : Amaury Gouyon avait épousé Henriette de la Tour d'Auvergne, sœur de la duchesse de la Trémoille], par acte du 30 août 1637, pour la somme ds 450,000 livres et 6,000 pour les perles, fut accueillie dans toute la seigneurie avec un profond désespoir.

Les gentilhommes vassaux de Quintin prièrent M. de la Trémoille que son fils aîné, le prince de Talmont, retirat le comté par prémesse et lui offrirent une somme de 100,000 livres à condition qu'à l'avenir ses descendants ne pourraient aliéner le comté sans perdre leur mouvance, leurs terres relèveraient alors prochement et ligement du roi.

Le duc de la Trémoille trouva ces dispositions si raisonnables qu'il passa procuration pour les accepter. De leur côté, les habitants de Quintin, ayant appris l'offre de la noblesse, s'assemblèrent en leur maison de ville le 5 décembre 1637 et décidèrent d'envoyer au duc leur procureur syndic pour le supplier de reprendre sa seigneurie.

Pendant ce temps, le fils aîné du sieur de Crenan s'étant rendu trouver le duc à son château de Vitré reçut de lui une réponse négative. On eut beau démontrer à M. de la Trémoille « l'importance du don gratuit qu'on lui faisait, qu'en renonçant à Quintin il perdait de son autorité et de son crédit en Bretagne où il ne posséderait plus que Vitré, qu'il donnait le moyen d'augmenter la religion protestante qui était presque éteinte dans la province, et c'était là le plus grand grief, qu'il faisait croire qu'il n'était pas entièrement converti puisqu'il favorisait des gens de cette religion, qu'enfin il s'attirait la haine des évêques, celle de tous les gens de bien et donnait sujet au roi de lui refuser des bénéfices pour ses enfants » [Note : Notes manuscrites (datant de la fin du XVIIème siècle) sur la vente de la seigneurie de Quintin par M. « DE LA TREMOILLE »]. Rien ne fit, et, par contrat passé le 13 janvier 1638 devant Guillaume Bidault, notaire de la sénéchaussée de Rennes établi à Vitré et François Gicquel, son collègue, « Très hault et illustre prince Monseigneur Henri duc de la Trémoille et de Thouars, pair de France, prince de Talmont, comte de Laval, Montfort, Quintin, etc..., et très haulte et illustre princesse Madame Marie de la Tour, duchesse de la Trémoille, étant de présent en leur château de Vitré » vendaient définitivement à « hault et puissant seigneur Amaury Gouyon, seigneur marquis de La Moussaye, comte de Plouer, vicomte de Pomment, etc..., et haulte et puissante dame Henriette-Catherine de la Tour, née princesse de Sedan, épouse dudit marquis » « le comté de Quintin l'une des anciennes baronnyes de la province et la seigneurie d'Avaugour » « le tout prochement et ligement tenu du roi en sa cour et barre de Saint-Brieuc et en juveigneurie du seigneur comte de Vertus suivant l'arrêt du Parlement de Paris », pour la somme de 470,000 livres de principal et 10,000 livres pour les perles [Note : Acte de vente de la seigneurie de Quintin. Archives d'Ille et-Vilaine, série F, fonds DE LA BORDERIE. Quintin].

Les habitants de Quintin avaient tout fait pour empêcher cette vente. Voyant que le duc de la Trémoille persistait dans ses intentions, ils présentèrent au conseil privé du roi une requête pour supplier sa Majesté de retirer le comté de Quintin des mains des nouveaux acquéreurs, et de l'unir au domaine de la couronne. Ils offraient toujours le don de 100,000 livres. Ce fut M. de Crenan que l'on députa à Paris et il lui était donné de nombreuses instructions. « Il devait aller voir le Père Joseph de Morlaix, l'évêque de Saint-Malo, M. de la Meilleraye, M. de Marbeuf et présenter au cardinal de Richelieu les lettres de Monseigneur de Saint-Brieuc. Si leurs offres étaient acceptées, il devait obtenir des lettres patentes pour lever la somme de 100,000 livres sur les vassaux. Le roi ne put donner complète satisfaction ; vu l'état présent de ses affaires, fut-il répondu, il lui était impossible d'exercer un retrait féodal, mais il donnait l'autorisation à son cousin le prince de Condé de retirer pour lui-même le comté de Quintin » (Notes manuscrites).

Le prince de Condé intenta action de retrait lignager aux requêtes de l'hôtel [Note : Le prince de Condé (Henri de Bourbon, prince de Condé (1588-1646) pouvait exercer un retrait lignager sur la seigneurie de Quintin comme fils de Louis et de Charlotte-Catherine de la Trémoille. Cette dernière était petite-fille de François de la Trémoille et d'Anne de Laval], et par exploit du 28 février 1639 il voulait faire condamner le marquis et la marquise de la Moussaye à délaisser le comté de Quintin. Mais ces derniers « afin d'empêcher l'effet de cette bonne volonté employèrent toutes les puissances de la religion prétendue réformée et même des princes étrangers » pour être maintenus dans leur acquisition. Le prince en présence de ces difficultés « se relacha, mais néanmoins voulut toujours conserver ce qui regardait l'église et la religion » [Note : Archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), E., 2,355, et VAURIGAUD, Histoire des églises réformées]. Un contrat solennel fut passé entre « Messire François-Théodore de Nesmond, conseiller du roi en ses conseils, et président en sa cour du parlement, surintendant des affaires de Monseigneur Henri de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, duc d'Enghien, Châteauroux et Montmorency » et Madame de la Moussaye. Il y était donné comme condition du désistement du prince : « que les dits sieur et dame de la Moussaye, leurs enfants, héritiers, successeurs, et ayant cause ne pourront, tant qu'ils feront profession de la religion prétendue réformée, faire aucun bâtiment, ni demeurer en ladite terre plus de quatre fois dans l'année et plus de quinze jours chaque fois ; qu'ils ne pourront faire ou souffrir qu'il soit fait exercice public ou particulier de la dite religion prétendue réformée ; qu'ils renonceront pour ce aux édits, articles secrets, brevets et autres concessions touchant cet article ; qu'ils ne troubleront directement ni indirectement les catholiques, qu'aucun office, ni charge, n'y sera exercé par provision, commission ou autrement, aucune ferme, maison, affeagernent, fiefs, métairie, terres ou bois ne seront donnés, ni accordés à ceux de la religion prétendue réformée ; que les dites conditions et autres seront accordées et s'il y est contrevenu, que les dits sieur et dame de la Moussaye consentent que le roi ou celui qui sera nommé par sa Majesté puisse retirer la dite terre de Quintin en la remboursant ». Cet accord autorisé par les lettres patentes du roi du 27 juin 1640 fut passé au Châtelet de Paris les 16 janvier et 8 février 1641.

— Dès le 27 février 1638, le marquis de la Moussaye faisait son entrée à Quintin. Après avoir passé au château, il était allé à l'audience du tribunal et avait fait la prise de possession, puis s'était rendu à l'église collégiale où les chanoines, après avoir entendu lecture de l'acte de vente, le conduisirent dans le chœur de l'église et dans les chapelles dont il prit également possession comme seigneur supérieur, fondateur et ayant droit de présenter aux bénéfices. Il s'était ensuite transporté dans les autres chapelles et au couvent des pères Carmes et était entré dans la Maison commune du général des habitants et communauté de Quintin, où il avait trouvé Charles de Begaignon, sieur de Cœtgoureden, sénéchal, Mathurin Le Coniac, sieur du Closroty, procureur fiscal, et Jacques Scelle, sieur du Penpollo, procureur syndic, qui lui avaient fait « offre de leurs très humbles services et fait foi et hommage, sans préjudicier à leurs privilèges et exemptions dont ils ont droit de possession ».

Les jours suivants, il continuait à visiter sa terre, le mardi 2 mars 1638, à 11 heures du matin, il se rendait à l'auditoire de Quintin où se trouvaient le sénéchal, écuyer Jean de la Rivière, sieur de Grenieux, alloué, le procureur fiscal, François Colliou, greffier ; Noël Rouault, sieur du Tertre ; Michel Docos, sieur de la Touche ; François Keremar, sieur de la Garenne ; Robert Duadal, sieur du Chesnoblanc ; Jean Merault et Pierre Ruellan, avocats postulants. Le seigneur de Quintin avait pris place dans la chaise du sénéchal, et Damar, notaire, avait fait lecture du contrat de vente.

La terre d'Avaugour était réunie à celle de Quintin, mais conservait son administration séparée.

Le marquis de la Moussaye va visiter la chapelle de Notre-Dame d'Avaugour, trêve de Saint-Pever, paroisse de Plessidy « proche laquelle est la masse du château d'Avaugour où il se remarque encore quelques mazières en ruines ». François Chatton, ec. Sr de le Touche, sénéchal ; Christophe Jégou ec. Sr de Kerverry, procureur fiscal, et noble homme Pierre Le Coniac, sieur de Trincoët, greffier, viennent lui prêter serment de fidélité.

Une fois tranquilles possesseurs du comté de Quintin, M. et Mme de la Moussaye « donnèrent carrière à leur zèle religieux et à leur esprit de prosélytisme ».

Le clergé et les habitants de Quintin écrivent une plainte à l'évêque de Saint-Brieuc au moment de la grande députation des Etats à Paris. « Les nouveaux seigneurs observent bien encore la clause de leurs séjours d'une quinzaine, mais, pendant ce temps, tyranisent et persécutent ».

Bientôt les la Moussaye arrivent définitivement s'installer à Quintin, Henriette de la Tour d'Auvergne tient chaque semaine un prêche dans le château qu'elle vient de faire commencer à bâtir, et elle y a fait venir un pasteur protestant du nom de Vincent. L'évêque de Saint-Brieuc, Denis de la Barde [Note : Denis de la Barbe, docteur en Sorbonne, prédicateur ordinaire de Louis XIV, et chanoine de Notre-Dame de Paris, évêque de Saint-Brieuc de 1642 à 1675] réussit à faire fermer le prêche et obtient un ordre du roi portant défense d'achever le château dont un seul pavillon était terminé. La marquise voulut alors établir un autre prêche à l'Hermitage dans un coin de la forêt de Quintin.

Dans une assemblée de 1660, le clergé breton expose ses griefs contre la famille de la Moussaye : « Le 27 juillet, Monseigneur l'évêque de Léon dit que M. le vicaire général de Monseigneur l'évêque de Rennes lui avait écrit que M. le marquis de la Moussaye s'était pourvu au parlement de Rennes pour demander des commissaires, afin de lui donner un lieu pour l'établissement d'un nouveau prêche, qu'il prétendait faire dans la terre de l'Hermitage dépendant de celle de Quintin ».

Le 21 coût 1660, l'évêque de Saint-Brieuc s'exprime en ces termes : Il est arrivé beaucoup de troubles et de désordres dans son diocèse depuis la vente de la terre de Quintin en 1638. Les droits et biens de l'église ont été attaqués, les rentes de chauffage appartenant au chapitre, par fondations des anciens comtes ont été retenues, d'autres redevances leur ont été contestées, quelques-uns des chanoines ont reçu mille outrages, le doyen a été injurié par le procureur fiscal Antoine Gaisneau ; en même temps, un honnête gentilhomme catholique, sénéchal et premier magistrat du comté a été maltraité par le sieur de la Moussaye, en telle sorte qu'il l'a obligé à lui remettre sa charge, de laquelle il a pourvu un nommé Uzille [Note : Jean Uzille, écuyer, sieur de Kerveller, appartenait à une famille protestante originaire de Flandre, venue à Quintin avec la duchesse de la Trémoille, née de Brabant-Nassau. Ropartz l'appelle le « favori de la Moussaye ». Il assiste au contrat de mariage fait à Ducey le 19 mai 1662 du comte de Quintin et de Suzanne de Montgommery], de la religion prétendue réformée.

Le prêche de l'Hermitage aussitôt établi fut fermé par ordre du roi sur l'initiative de l'évêque. La marquise de la Moussaye appelait comme abus d'une sentence de l'officialité qui lui intimait, en même temps, défense d'avoir chez elle des domestiques qui n'allassent pas à la messe, quand, sur le perron du palais, elle rencontra Monseigneur Denis de la Barde ; elle vomit contre lui un torrent d'injures et s'oublia jusqu'à essayer de lui donner un souffet. Cette affaire fit du bruit dans la province, les évêques de Bretagne adressèrent une plainte au roi, mais celui de Saint-Brieuc ayant retiré la sienne, il n'y fut pas donné de suite. Sensible à la noblesse de ce procédé, Henriette de la Tour d'Auvergne vint saluer l'évêque au moment d'une visite pastorale qu'il fit à Quintin; elle lui déclara qu'elle était fâchée du passé et le pria de l'oublier « Madame à n'y jamais penser, répondit l'évêque » et il alla ensuite rendre la visite de la marquise.

Le marquis de la Moussaye décéda en novembre 1663, d'après la déclaration et dénombrement du comté de Quintin, fournie au roi, le 31 mai 1664, par son fils Henri.

Cet Henri Gouyon déjà connu à la cour de France sous le nom de Comte de Quintin, était marié, depuis 1652, à Suzanne de Montgomery [Note : La marquise de Sévigné parle, dans plusieurs de ses lettres à sa fille, de Suzanne de Montgomery : « Cette Madame de Quintin, que nous vous disions qui vous ressemblait à Paris pour vous faire enrager, est comme paralytique ; elle ne se soutient pas ; demandez lui pourquoi : elle a vingt ans. Elle est passée ce matin devant cette porte et a demandé à boire un petit coup de vin : on lui en a porté, elle a bu sa chopine, et puis s'en est allée au Pertre consulter une espèce de médecin qu'on estime en ce pays. Que dites-vous de cette manière bretonne familière et galante. ? Elle sortait de Vitré, elle ne pouvait avoir soif ; de sorte que j'ai compris que tout celà était un air pour me faire savoir qu'elle a un équipage de Jean de Paris ». (Les Rochers 22 juillet 1671). Dans une autre : « Madame de Quintin est à Dinan, son style est enflé comme sa personne ; ceux qui sont destinés à faire des harangues puisent là toutes leurs grandes périodes ; c'est une chose bien dangereuse qu'une provinciale de qualité et qui a pris, à ce qu'elle croit, l'air de la cour » (27 novembre 1675)].

En 1680, Hevin fait mention de la question du partage entre les enfants du marquis de la Moussaye, possesseurs de Quintin, qui s'en remettaient à un arbitrage composé de cinq conseillers de la grand'chambre et de quatre avocats au parlement [Note : HEVIN, Questions et observations concernant les matières féodales].

L'année suivante le comte de Quintin cédait sa seigneurie à son cousin le comte de Lorges [Note : Le comte de Lorges était le fils de Guy Aldonce de Durfort, marquis de Duras, et d'Élisabeth de la Tour d'Auvergne, sœur de Marie, duchesse de la Trémoille et d'Henriette, marquise de la Moussaye. Il avait épousé, en 1680, Geneviève Fremont, fille de Nicolas, seigneur d'Auneuil, garde du trésor royal].

(René Chassin du Guerny).

© Copyright - Tous droits réservés.