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LA JUSTICE (OFFICIERS ET FONCTIONNEMENT) DE LA SEIGNEURIE DE QUINTIN.

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Parmi les privilèges auxquels les seigneurs bretons étaient le plus attachés, se trouvait le droit de justice. Au moyen-âge c'était une source importante de revenus, mais les recettes avaient bien diminué depuis et au XVIIIème siècle, on trouve exprimée l'idée qu'il est une charge, sans profit pour le seigneur, et qu'en l'exerçant celui-ci fait un acte méritoire qui justifie suffisamment son privilège. Ceux qui à cette époque veulent le supprimer, l'affirment aussi, cependant ils proposent d'indemniser les seigneurs dépossédés. De leur côté, les posseseurs de justices tiennent énergiquement pour leurs droits [Note : A. GIFFARD, Les justices seigneuriales en Bretagne aux XVIIème et XVIIIème siècles].

En effet la justice seigneuriale rapporta jusqu'à la fin de l'ancien régime de menus profits. Dans les grandes seigneuries comme Quintin, la finance des offices, la ferme des greffes passaient au premier plan parmi les produits directs, et la justice était aussi d'un grand secours comme instrument d'exploitation féodale. Les magistrats tout dévoués à l'intérêt du seigneur s'efforçaient de maintenir l'intégrité de ses droits, de son territoire, de ses nombreuses redevances, et cela lui permettait de quitter sa seigneurie pour aller tenir rang à la cour de France.

Au XVIIIème siècle, Les Lorges et les Choiseul, retenus soit à l'armée, soit auprès du roi, résidaient peu dans leur terre de Quintin, et leur fidèle sénéchal Baron du Taya s'occupait activement de leurs intérêts.

§ Ier. — OFFICIERS DE LA JUSTICE DE QUINTIN.

Il y avait « d'antiquité et de temps immémorial » dit la déclaration du comté de Quintin de 1558, trois sénéchaux, un pour le plain, le second pour Botoha et le troisième pour la forêt c'est-à-dire pour chacune des divisions de la seigneurie [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, série F., fonds DE LA BORDERIE, Quintin]. Cependant à la fin du XVIème siècle le sénéchal de Quintin exerçait à lui seul ce triple office [Note : DE LA BORDERIE, Mélange d'histoire et d'archéologie bretonne, I, 253]. A cette même époque une juridiction spéciale pour les eaux et forêts existait également à Quintin. Le sénéchal était à la fois le juge principal, le chef de la police et le premier administrateur de la seigneurie. L'alloué et le lieutenant remplaçaient le sénéchal, mais ne jugeaient pas avec lui, car le principe était que le juge statuait seul, sauf dans les affaires criminelles pour lesquelles il se faisait entourer de deux assistants.

Le procureur fiscal était chargé de défendre les intérêts du public et ceux de son seigneur, c'est lui qui poursuivait le paiement des rentes et exigeait les aveux. Son nom de fiscal lui venait de ce qu'il devait veiller « à la conservation du fisc et poursuivre les droits et les profits pécuniaires appartenant au seigneur de la justice ».

Les autres officiers secondaires de la justice étaient les greffiers, les procureurs, les notaires et les sergents. Le greffe était affermé et le seigneur avait le droit de nommer « des notaires, procureurs, sergents, en nombre illimité ».

Les procureurs n'étaient pas à proprement parler des officiers seigneuriaux, mais plutôt des auxiliaires de la justice, ils assistaient les parties devant le juge sans que leur ministère fut obligatoire. En 1771, le corps des procureurs de Quintin sollicitait, auprès de l'Intendant de Bretagne, le droit d'assister, de prendre part aux assemblées de La communauté et d'y avoir voix délibérative [Notes manuscrites sur la communauté de Quintin (XVIIIème siècle)].

Outre les magistrats ordinaires chargés de rendre la justice, on trouve dans la plupart des grandes seigneuries bretonnes certains officiers héréditaires attachés à la possession d'un fief dont la jouissance constituait le salaire même de l'office. Le seigneur pouvait la lui retirer si le possesseur du fief manquait à son service. Les plus fréquentes de ces charges inféodées étaient celles de voyer, de prévôt et de sergent [Note : L'origine de ces offices remonte aux premiers âges de la féodalité et le titre s'en est maintenu jusqu'à la révolution. Ces charges inféodées étaient remplies en Bretagne par des personnes nobles].

La sergenterie féodée de Quintin était attachée à la terre de Forges, qui devait être en l'Hermitage. Le possesseur en 1555 se nommait François Moro. La première obligation de ce sergent féodé consistait à faire la cueillette de la moitié des taux et amendes adjugées par la cour de Quintin, tant en la juridiction du plain de Quintin, qu'en celle de Botoha ; pour sa peine il prenait le huitième de ces taux. S'il ne voulait remplir cette charge lui-même, il était tenu de présenter un sergent pour le remplacer, et s'il manquait à faire son service par soi ou par autre, le seigneur avait le droit de saisir son héritage.

Quand il y avait des criminels condamnés à mort ou à autre peine afflictive par la cour de Quintin, le sieur de Forges devait fournir de bourreau pour les exécuter et payer « une moitié de salaire et de la perquisition et voiage du dit exécuteur » [Note : DE LA BORDERIE, Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonne, I, 254, et archives d'Ille-et-Vilaine, série F., fonds DE LA BORDERIE. Quintin. Aveu de la seigneurie de Quintin de 1558].

Le sergent féodé avait encore outre ses obligations judiciaires des devoirs d'une autre sorte : Le veille de la mi-août à la fin des vêpres, il devait se présenter à l'entrée du chœur de l'église de Notre-Dame de Quintin, au devant du comte de Quintin, « tenant le dit sergent en sa main un grand cierge en manière de torteix allumé ». Précédé de cette torche ardente, le Seigneur se rendait à son château et en tout autre lieu de la ville où il faisait sa résidence ; le sergent l'y suivait ou plutôt l'y précédait encore avec son cierge et là soit que le comte s'installât « en salle ou en chambre, » le sergent dit l'aveu « doit avoir une grande poignée de chandelles de cire et icelles allumer et attacher tant à l'environ de la dite salle ou chambre où est le dit sieur comte. Lequel voulant boire, Moro doit avoir et tenir en son autre main un cierge de cire allumé, en manière de torteix, et tenir les dits deux cierges en ses mains allumés pendant que le comte boit, et le (comte) ayant bu, peut le dit Moro boire, si bon lui semble, et oultre doit celui Moro bailler aux varlets de chambre du comte une autre poignée de chandelles de cire de demi pied de long, cela fait celui Moro peut s'en aller et porter avec lui le demeurant des dicts deux cierges et chandelles allumées, ce qu'il en pourra retrouver si faire le veult. Et à tout ce faire sont obligées les terres, héritages et rentes du dit Moro en sa dicte pièce et seigneurie de Forges » à laquelle était attachée la sergenterie féodée de Quintin [Note : DE LA BORDERIE, Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonne, I, 254. Archives d'Ille-et-Vilaine, série F., fonds DE LA BORDERIE, Quintin].

Les officiers de justice étaient choisis par le seigneur de Quintin dans des conditions déterminées par la loi et la jurisprudence, qui le plus souvent se trouvaient énumérées dans l'acte de nomination, Ils devaient être majeurs de 25 ans, toutefois des dispenses d'âge s'obtenaient facilement, catholiques, « de bonne vie et mœurs », « licencié-ès-lois » et déjà reçus avocats. Ils étaient pourvus à titre onéreux et pouvaient transmettre leur office à leurs héritiers. Le seigneur de Quintin cède la charge de procureur fiscal et d'office de sa juridiction par acte du 14 décembre 1677 moyennant la somme de 6.000 livres ; et Guy de Durfort au lieu de rembourser cette somme au fils de ce titulaire décédé, lui laisse la charge par acte du 13 septembre 1706, dans lequel il stipule que les descendants pourront conserver l'office après sa mort mais à condition de payer la somme de 1.500 livres pour le « quart denier de la finance ».

Le procureur fiscal, est-il dit dans ces actes, devait percevoir les droits, profils et émolument « et au moyen des gages de 15 livres par an, faire toutes les poursuites et diligences nécessaires, qui devront être faites dans les procédures criminelles de la seigneurie de Quintin, et où le procureur fiscal doit agir de son office et est seul partie et aussi dans les matières civiles féodales, réceptions et fournissement d'aveu et déclaration et de réformation de domaine et papier terrien, et toutes autres affaires de la seigneurie qui seront par elle poursuivies et deffendues en matière de descente sur les lieux, successions vacantes et abandonnées et toutes affaires quoique non exprimées au présent, et qui concerneront la seigneurie et les droits d'icelle, soit qu'il soit intentés, poursuivis ou défendus dans la dite juridiction de Quintin, sous le nom de mondit seigneur le duc, ou sous les noms du procureur fiscal, des receveurs ou gens d'affaire, fermiers, pour tout quoi le dit procureur fiscalfera toutes les actions et procédures nécessaires et prendra ses conclusions sans qu'il puisse espérer aucune vacation, ni paiement vers la dite seigneurie que des dits gages sauf à lui à se faire rembourser de ses droits, frais et avances et dépens vers les parties poursuivies et condamnées et dans les cas de deshérance, successions abandonnées ou de confiscations, ou elle aura lieu, le dit sieur procureur fiscal sera payé de ses advances et dépens sur les biens des dites deshérances, successions abandonnées et même des parties accusées et condamnées préférablement et avant les droits de la seigneurie et des receveurs, gens d'affaires et fermiers, tous lesquels ne pourront rien prétendre aux dicts frais et dépens excepté les avances qu'ils auraient pu faire pour la seigneurie ou pour eux-mêmes pour les épices, significations ou autres avances qu'il justifieront par les marques avoir été fait pour eux et lorsqu'il ne se trouvera de biens suffisamment que pour payer les avances, elles seront payées concuramment au Marc la livre à ceux qui les auront faits, et dans le cas où il ne trouvera aucuns biens pour payer les avances, les frais et dépens tant des procédures criminelles que civils, le procureur fiscal sera payé de ses seules avances et déboursé par la seigneurie sur ses mémoires et quittances par les agents du dit seigneur duc, au mesme temps du paiement des gages ».

Pour pouvoir révoquer les officiers ainsi pourvus à titre onéreux, le seigneur devait leur restituer la finance qu'ils avaient payée. Vers 1750, le duc de Lorges demande une consultation sur le cas du sieur de Corbion (Titre du château de Quintin). Il lui a vendu l'office d'alloué de Quintin et de sénéchal d'Avaugour, moyennant 6.000 livres, à trois conditions : de payer un annuel de 80 livres, de payer un quart denier de finance à toute mutation, et que le successeur lui soit agréable. Il est mécontent de sa conduite et veut le destituer. Ce cas était si rare que le seigneur de Quintin croit devoir se renseigner sur ses droits à ce sujet,

Les juges, une fois nommés par le seigneur devaient être reçus par les officiers des juridictions royales dans l'étendue desquelles la justice seigneuriale était située ; c'était l'application de l'ordonnance d'Orléans de 1562 et des édits de Mars 1693 et juillet 1704 [Note : L'article 55 de l'ordonnance d'Orléans décide « que tous les officiers de justice... seront examinés avant que d'être reçus ». Cette ordonnance qui fut enregistrée par le Parlement de Bretagne le 3 avril 1562 ne semble pas y avoir été appliquée plus qu'ailleurs, Mais les édits de mars 1693 et de juillet 1704 inspirés par des nécessités fiscales rappelèrent les principes de cette ordonnance et les développèrent. L'édit de 1693 décidait : « les juges des seigneurs seront tenus de se faire recevoir par les officiers de nos cours et juridictions royales dans l'étendue desquelles les dites justices seigneuriales sont situées, comme aussi que les procureurs des dits seigneurs, greffiers, notaires ou tabellions, procureurs postulants, huissiers ou sergents soient reçus et prêtent le serment par devant les juges des seigneurs, dans les justices desquels ils doivent exercer leur fonction, à condition toutefois de se faire immatriculer au greffe des justices royales où les appelations des dites justices se relèvent ». La 2ème partie de cette ordonnance relative à l'immatriculation ne semble pas avoir été régulièrement suivie, mais la réception a reçu une exécution partielle. A. GIFFARD, Les Justices seigneuriales en Bretagne]. Dans les grandes seigneuries ressortissant « nuement » du parlement, les juges soumis à son contrôle se conformaient « aux ordonnances et règlement de la cour ». Les audiences avaient lieu à Quintin à jour fixe, deux ou trois fois la semaine, « ordinairement à 9 heures du matin en été, 10 heures en hiver » et le juge s'y présentait « en robe, rabat et bonnet carré ».

Les juges de la Juridiction de Quintin étaient tous avocats et capables d'appliquer regulièrement toutes les procédures. Ils jouissaient des grandes vacations et avaient une situation comparable à celle des officiers royaux [Note : En Bretagne, les juges seigneuriaux cumulaient souvent leur emploi avec celui de subdélégué de l'Intendant, de contrôleur des actes, notaire ou procureur du roi. Certains officiers exerçant des charges seigneuriales et royales, c'était à craindre qu'ils ne préfèrent l'intérêt du seigneur à celui du roi. (A. GIFFARD, les Justices seigneuriales en Bretagne)].

 

§ II. — FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE DE QUINTIN.

Dans toute l'étendue de la terre de Quintin, le seigneur avait le droit de haute justice. Sauf les cas royaux, une haute justice avait en principe même compétence que la sénéchaussée royale la plus importante. Par rapport au fief, elle connaissait « des questions de foi, et d'hommage, d'aveu, de rentes, de deshérence, des lods et ventes, des rachats, de la commise » ; elle assurait, en un mot, la conservation des droits féodaux. Elle jouissait du droit de bannie et d'appropriement, du droit de confiscation et d'épave et avait puissance de mort et connaissances des délits la comportant. Les barons seuls, parmi les seigneurs haut–justiciers, pouvaient condamner à la peine du feu. « L'intersigne de la haute-justice était le patibulaire, dont le nombre des piliers se réglait par la possession ».

La justice de Quintin avait la compétence des affaires criminelles, de police, civiles et féodales. La compétence criminelle était surtout importante avant le XVIème siècle, à cette époque les hautes justices comme celle de Quintin faisaient usage de leur gibet, l'exécution des criminels rentrait, comme on l'a vu dans les fonctions du sergent féodé de Quintin, mais au XVIIème et XVIIIème siècles les sentences de mort devinrent de plus en plus rares dans les justices seigneuriales, et elles ne pouvaient être appliquées qu'après confirmation du parlement. Un édit de mars 1772 réduisit les justices seigneuriales pour les affaires criminelles au rôle de juridiction d'instruction. Aussi disait-on, en 1789, que les fourches patibulaires étaient de « vains simulacres ».

Hevin revendique pour le haut justicier le droit d'exercer la police dans les villes dépendant de sa seigneurie [Note : Questions féodales, p. 95]. L'ordonnance du roi Charles IX, de janvier 1572, vérifiée au parlement de Rennes le 31 mars, attribue formellement aux hauts justiciers la police dans leur ville, terre et seigneurie. Ce droit est aussi souvent mentionné dans les aveu que les seigneurs de Quintin rendaient à leur suzerain, Leurs officiers avaient le devoir d'inspecter les mesures, de taxer certaines denrées et de prendre des mesures pour la sécurité et la santé publique.

Il existait dans la ville de Quintin au XVIIIème siècle un règlement de police, homologué au parlement de Bretagne le 8 août 1763 ; il avait été « imprimé, lu, publié et affiché dans toutes les places et carrefours de la ville, pour être bien et duement exécuté, sous les peines et amendes portées au règlement ». Dans les articles concernant la propreté de la ville il était dit que « l'adjudicataire de la répurgation des rues devait enlever les boues tous les mercredi et samedi de chaque semaine et balayer les places publiques ». Les habitants devaient ces mêmes jours « à huit heures en été et à neuf heures en hiver » faire « balayer chacun en droit foi ». Les propriétaires et locataires, ramoner au moins tous les six mois les cheminées des appartements qu'ils occupaient. Défense était faite « à toute personne de quelque qualité ou conditions qu'elles soient de faire charivari dans les rues » de tirer « armes » ou de jeter des « fusées ou pétards ». Les cabaretiers ne devaient « retenir chez eux aucuns buveurs passé dix heures du soir et coucher aucun étranger sans en donner le nom au commissaire du quartier ». Pendant les offices divins, il leur était « interdit de donner à boire, ainsi qu'aux marchands de vendre ». Il était défendu d'user de poids et mesures non étalonnés, et ordonné « de ne se servir pour comestibles que de balances de bois ou de fer blanc ». Les boulangers ne pouvaient vendre la livre de pain au-dessous du prix fixé par la police et l'exposer en vente sans l'empreinte du poids sur chaque pain ; ni les bouchers, vendre leurs viandes au-delà du tarif.

Il y avait à la halle de Quintin plusieurs mesures qui existaient depuis très longtemps. En 1596 « un particulier disputa le boisseau d'un autre » et il y eut un jugement rendu par le sénéchal Jean de Suasse. Le procès-verbal mentionnait « qu'il y a une grande pierre façonnée en taille, en laquelle il y a quatre pertuis qui est le telon, on apporta le boisseau de ce particulier avec du bled pour vérifier s'il était conforme à celuy en pierre et on le contre-mesura en présence de nombre de témoins, et le grand pertuis a toujours été tenu pour le boisseau mesure de Quintin, lesquels témoins étaient âgés de 74, 80, 90 ans, ont dit avoir vu mesurer les bleds à cette pierre, qu'ils ont entendu dire la même chose aux plus anciens qu'eux, et que de tout temps immémorial il a esté reconnu pour la sûreté et contremesure de cette juridiction de Quintin ».

Il est ajouté que les frais de cette affaire s'élevèrent à cinq écus « à nous sénéchal deux écus, à notre adjoint un écu et demy, aux témoins enquis en tout un écu, au conseil du demandeur demy écu ».

La compétence civile de la juridiction de Quintin avait une grande étendue, elle embrassait toutes les actions personnelles, réelles ou mixtes au possessoir comme au pétitoire entre toutes les personnes nobles et roturières habitant le territoire de la seigneurie.

Les audiences solennelles se tenaient plusieurs fois par an. Autrefois d'après la très ancienne coutume de Bretagne [Note : Chapitres 236, 241, 242], le seigneur pouvait poursuivre ses hommes par sa cour pour « les devoirs de son fief » il pouvait les « contraindre à faire la montre de leur teneur et à bailler par écrit les rentes qu'ils devaient ». Souvent les vassaux « tenant à congé de personne et de menée » devaient de plus comparaître aux plaids généraux du seigneur. Celui-ci exigeait des comparants certaines redevances et frappait les défaillants d'amendes. En 1420, un ordonnance de Jean V vint prohiber cet usage qui donnait lieu à de graves abus et substitua à l'obligation de la comparution personnelle, l'obligation de fournir par écrit la « baillée de la tenue ». Cette « baillée de tenue » devint en se développant « l'aveu, minu et dénombrement ». Le vassal devait fournir reconnaissance de « la mouvance de son seigneur », donner le détail de tout ce qui composait son fief, « degré de justice, dimes inféodées, rentes foncières et autres droits réels, utiles et honorifiques » [Note : A GIFFARD, les justices seigneuriales en Bretagne. IV Compétence et activité des justices seigneuriales bretonnes]. Cette obligation de l'aveu, lourde pour les vassaux, était sanctionnée par la justice seigneuriale, le procureur fiscal procédait à l'exploitation du fief pour contraindre les vassaux à l'exécution de leurs devoirs. C'était cet officier qui surveillait le domaine de Quintin et défendait les intérêts du seigneur en toute occasion. Vers 1650, Antoine Gaisneau, sieur de la Villechaire, demande « aux juges de la Juridiction de Quintin de s'opposer aux entreprises manifestes qui se font journellement dans le dit comté, tant sur les domaines du seigneur de cette cour que sur son fief, pour parvenir à une entière couverture de son domaine et faire procéder au mesurage et arpentage ».

A la fin du XVIIème siècle, le duc de Lorges veut faire le dénombrement de sa terre de Quintin, afin d'en rendre lui-même aveu au roi. Il rencontre de la part de ses vassaux une assez mauvaise volonté ; aussi « faute par eux d'avoir satisfait aux publications faites aux prônes des messes des paroisses et trèves du dit duché et aux sentences rendues aux généraux plaids », le procureur fiscal les assigne « à comparoir en la dite cour et Juridiction ducale de Quintin, à la première audience qui d'icelle tiendra huitaine après le présent fait sçavoir, afin de fournir déclaration et aveu à mon dit seigneur duc, entre les mains de Me Charles de la Falize, sieur de Dracqueville, secrétaire ordinaire de feu la reyne, fondé de procuration générale de mon dit seigneur, demeurant au château de Quintin, des choses qu'il tient sous le dit duché ; et en cas de fournissement, communiquer les titres, actes et pièces justifians, dans le cas qui sera statué, prestation de serment pour la suite des moulins du dit seigneur duc, en ce qu'il en serait tenu, cour et Juridiction comme homme lige et vassal du dit seigneur duc ; pour, en cas de défaut y être contraint par les rigueurs portées par la même coutume, saisies de fruits de malfoy, aux fins des ordonnances rendues à cet effet en ce siège, et autres qui pourront intervenir même avec dépens, dommages et intérêts réels et de l'insistance » (Titres du Château de Quintin).

Des vassaux importants cherchaient à se soustraire à ces obligations, et en appelaient à d'autres degrés de Juridiction ; fut ainsi amené le duc de Lorges à adresser une requête au roi afin d'obtenir « une évocation générale des affaires concernant le duché de Lorges en un autre parlement que celui de Rennes » (Titres du château de Quintin). « Feu Mr le maréchal de Lorges, mon père, dit-il, était obligé de rendre aveu au roi, il y a travaillé pendant plusieurs années, mais il n'a pu l'achever parce que pour être complet il lui faut celui de tous ses vassaux dont plusieurs sont conseillers au parlement de Bretagne » [Note : Le 21 mai 1587, le procureur général remontre que sous prétexte de la minorité du seigneur de Laval, et des saisies apposées par le roi sur les terres et seigneuries du dit seigneur, entre autres sous le comté de Quintin, plusieurs gentilhommes s'attribuent basse et moyenne Juridiction et installent des officiers (archives du parlement de Bretagne, 853. Table des registres secrets. Ve Juridiction). Parmi les conseillers au parlement, vassaux du duc de Lorges, se trouvaient ; Paul de Robien, président à Mortier depuis 1706 ; Louis Florian des Noës des Fossés, conseiller depuis 1690 ; Claude Hyacinthe Loz de Beaulieu, conseiller depuis 1690 ; Jean-René de Brehand de Galinée, conseiller depuis 1689].

L'article 78 de la nouvelle coutume disait que « le Seigneur, pour ses rentes, droicts et devoirs impayés, pouvait faire exécuter en son fief, sans sommation préalable et faire vendre de jour en jour, d'heure à heure » (A. GIFFARD, Les justices seigneuriales en Bretagne). La justice seigneuriale de Quintin était donc, comme on le voit, d'une grande utilité pour le duc de Lorges, puisque ses officiers, non seulement administraient le duché, mais assuraient aussi la conservation et la perception des droits féodaux par la voie judiciaire.

Il s'éleva parfois des contestations entre les juges de Quintin et les juges royaux au sujet de l'exploitation du fief. En 1753, il est fait un mémoire pour le duc de Lorges, « intervenant et prenant la garentie pour le sénéchal et le procureur fiscal de la juridiction de Quintin, demandeur en requête du 5 mai 1752 à fin de rapport d'arrêt du 23 septembre 1751, et appelant en tant que besoin pour éviter les fins de non recevoir des sentences rendues par les réformateurs du domaine du roi à Saint-Brieuc le 5 août 1682 et 20 février 1683 » (Archives des Côtes-du-Nord, E., 2.355). La sénéchaussée de Saint-Brieuc prétendait avoir le droit d'exercer la justice sur les habitants des villages de Boisjolly, du Cruguet, du Chesnay-Boissel et de la Fontaine-aux-Perdrix, situés dans les paroisses de Lanfains, de Saint-Brandan et Saint-Donan. Les magistrats royaux, disait le duc de Lorges, avaient surpris en 1751 à la religion de la cour, un arrêt sur requête qui évoquait toutes les instances pendantes en la juridiction de Quintin entre les étagers de ces quatre tenues et les renvoyait au siège de Saint-Brieuc. Il représentait les aveux rendus au roi en 1558 et 1656, et ceux rendus par ces étagers depuis 1493. La sentence rendue en 1682 par les commissaires de la réformation était contre le seigneur de la Noë-Seiche qui s'était inféodé le droit de suite, de cour et de moulin sur ces tenanciers.

Les juges de Saint-Brieuc répondaient qu’ils n’avaient aucune qualité pour défendre à cette affaire ; c’était contre le procureur genéral du roi, disaient-ils, que l’on devait relever l’appel, eux n’avaient eu qu’à présenter le titre les autorisant à réclamer l’exercice de la juridiction sur ces termes pour obtenir l’arrêt de 1751, qui le leur avait maintenu (Archives des Côtes-du-Nord, E., 2.355).

§ III. — JURIDICTION DES EAUX ET FORÊTS.

« La baronnie de Quintin était en possession d'une justice des eaux, bois et forêts par Maître particulier, procureur fiscal, etc., et de toute ancienneté et longtemps avant la création et réunion des gruyeries aux justices de la province » est-il dit dans une requete adressée le 24 juillet 1712 par le duc de Lorges, baron de Quintin, à fin de décharge de la taxe imposée sur sa baronnie pour droit de gruerie (Titres du château de Quintin). Une déclaration royale du 1er mai 1708 avait réuni aux justices des seigneurs, les offices de juge gruyer, crées par édit de mars 1707. Du chef de cette réunion une finance était exigée de tous les propriétaires de justice ; mais les états de Bretagne rachetèrent l'édit, ils s'engagèrent le 1er décembre 1709 à payer au roi 140.000 livres, dont ils poursuivraient le recouvrement sur les propriétaires de justice de la province (A. GIFFARD, les Justices seigneuriales en Bretagne). La seigneurie de Quintin se trouva taxée à 1.920 livres pour les grueries, c'était le chiffre le plus élevé des rôles de 1711. Un commandement fut fait au due de Lorges le 10 août 1712 de payer cette somme, et il trouva moyen de s'en faire décharger, comme ayant déjà le droit de posséder un juge gruyer, arrêt du 6 juin 1713.

Dès 1480, il y avait eu un procès dans la baronnie de Quintin entre les officiers des eaux et forêts et des vassaux délinquants qui avaient subi des amendes. Le 10 février 1481, Tristan du Perier fit une enquête pour justifier de l'existence d'une juridiction des eaux, bois et forêts à Quintin, plusieurs témoins y avaient été entendus. Des lettres patentes furent accordées par le roi, en 1582, à Guy, comte de Laval et de Quintin, « pour la réformation et règlement des bois et forêts dépendant des terres que le sieur de Laval possédait en Bretagne, et la réunion des landes et pâtures aux autres terres adjacentes aux dites forêts ». Le 10 novembre 1583, Jean de Beauvays, écuyer, sieur de la Rivière, lieutenant général de la juridiction des eaux et forêts du roi en Bretagne, confirme ces lettres patentes pour la juridiction de Quintin (Titres du château de Quintin).

Le seigneur baron de Quintin avait l'usage de faire exploiter par coupes réglées et annuelles les tailles de la forêt par son régisseur, et la maîtrise ne s'en mêlait pas ; mais les ventes et les coupes accidentelles de futaies étaient faites avec le concours de la Juridiction de la maîtrise, les trois officiers, maître particulier, procureur fiscal et greffier, prétendaient s'attribuer le sol par livre du produit des ventes quoiqu'ils n'assistassent même pas à l'adjudication, tandis que la reconnaissance des arbres et le martellage avaient été précédemment faits par le régisseur. Dans les dernières années du XVIIIème siècle, le duc de Praslin, baron de Quintin, aurait voulu que son régisseur qui était « garde marteau » eut 4 deniers par livre, et que les 8 deniers restants fussent attribués aux officiers des eaux et forêts. Mais ces derniers refusèrent de se prêter à la vente des bois, si leur ancienne rétribution ne leur était pas maintenue.

(René Chassin du Guerny).

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