|
Bienvenue ! |
REDON au XVIème siècle |
Retour page d'accueil Retour Ville de Redon
Le 25 septembre 1567, le cardinal Salviati, abbé commendataire de Redon, céda cette abbaye à son neveu, Paul-Hector Scotti. Ils appartenaient, l'un et l'autre, à d'illustres familles italiennes, alliées aux Sforce, aux Gonzague, aux d'Este et aux Médicis. L'abbé Scotti prêta serment au roi de France en 1575, et vint résider en Bretagne, où sa demeure préférée fut, parait-il, le manoir prioral de Brain, voisin de Redon. Le 8 juin 1580, Paul Scotti rendit aveu au roi pour son abbaye de Redon, et l'original de cet aveu se trouve encore maintenant aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine ; mais la Ville de Redon en possède une copie plus curieuse que l'original même, car elle est surchargée de notes écrites vers 1730, sous le gouvernement de l'abbé Henry-Oswald de la Tour d'Auvergne, et expliquant beaucoup de choses. Cet Aveu de Scotti renferme les plus intéressants détails sur l'abbaye de Redon et sur ses dépendances ; nous y trouvons particulièrement un tableau très-curieux de Redon au XVIème siècle. Nous allons essayer de le faire connaître en nous servant du manuscrit de Redon. |
L'abbaye de Saint-Sauveur de Redon, fondée par saint Convoyon, dans le diocèse de Vannes, au IXème siècle, avait encore une grande importance au XVIème. Ses bâtiments claustraux sont décrits comme il suit dans l'aveu de 1580 : « En laquelle ville de Redon est assise et située l'église et grand temple de Saint-Sauveur de Redon, abbaye, couvent, monastère, maisons abbatiales et conventuelles, salles, dortoirs, et les logix appelés les Logix du duc, avec autre logix appelé la Béguynne, près la Porte-Neuve de ladicte ville, avec les jardins, cour, basse-cour estant au dedans d'icelle abbaye et du pourpris d'icelle ; le tout estant en un tenant comme le tout se contient et poursuit, contenant ladicte abbaye, appartenances et pourpris d'icelle six journaux de terre ou environ, le tout cerné et circuité de murailles et au dedans de la ville ».
Il faut noter, dans cette déclaration sommaire, les deux logis des Ducs et de la Béguine et le logis abbatial.
Les ducs de Bretagne affectionnaient beaucoup Redon, où l'un d'entre eux, Alain Fergent, était mort revêtu de l'habit monastique (Note : l'Histoire de Bretagne nous montre, au reste, nos ducs visitant souvent Redon, soit par motif de dévotion, pour y honorer les reliques des saints, soit par raison politique). Il était donc tout naturel qu'ils eussent, dans le monastère, des appartements particuliers. Quant au logis de la Béguine, je suis porté à croire que ce fut la demeure de la bienheureuse duchesse Ermengarde : « Cette princesse, devenue veuve, se retira à Redon, dit Albert le Grand, et, y ayant reçu l'habit de l'Ordre de Cisteaux, de la propre main de saint Bernard, acheta une grande et spacieuse maison près le monastère de Saint-Sauveur, où, ayant amassé quelques filles pieuses, elle passa le reste de ses jours au service de Dieu, jusques à l'heure de son trépas » (Vie des Saints de Bretagne). Elle mourut saintement à Redon, en 1147, et y fut inhumée près du duc Alain, son mari. Enfin, le logis abbatial, résidence privée des abbés commendataires de Redon, était accolé à l'église, avec laquelle il devait primitivement communiquer ; ce bâtiment existe encore, c'est aujourd'hui l'hôtel de ville.
L'église abbatiale de Redon était, en 1580, la même que l'église paroissiale actuelle ; mais, plus grande alors, sa nef touchait la tour, maintenant isolée par suite du terrible incendie de 1780.
Quoique cette église soit l'un des monuments les plus remarquables de Bretagne, nous n'entreprendrons point de la décrire ici. D'ailleurs, le titre que nous étudions est presque muet à son sujet. En revanche, nous savons par lui que quatorze chapellenies régulières, outre un certain nombre de chapellenies séculières, se desservaient alors dans cette église ; c'étaient celles : — 1° de Saint-Benoît , — 2° de la Trinité, — 3° de Notre-Dame-de-la-Serche, — 4° de Saint-Michel, — 5° de Saint-Laurent, — 6° de Saint-Gilles, — 7° de Saint-Maur, — 8° de Saint-Yves, — 9° de Saint-Samson, — 10° de Sainte-Marguerite, — 11° des Trois-Maries, — 12° de Saint-Convoyon, — 13° de Saint-Marcellin, — 14° de Sainte-Barbe.
La chapellenie de la Serche, dont il est ici fait mention, se desservait dans la chapelle absidale qui portait le nom de Notre-Dame-de-la-Serche, ou plutôt de la Cherche « Beata Maria de Circuitu ». Elle avait été fondée, en 1364, par Rodolphe d'Apremont, chevalier, et Julienne Joual, sa compagne. C'est dans cette chapelle que se trouve le remarquable tombeau de l'abbé Raoul de Pontbriant.
« En laquelle église (abbatiale) se célèbre le divin office par chacun jour à l'usage de l'Eglise romaine de laquelle au respect spirituel immédiatement dépend ladicte abbaye, scavoir : par chacun jour matines qui sont commencées à minuit ; aux jours de festes leurs commandées (sont lesdites matines) à douze leczons, et aux autres jours à trois et une (leçons) seulement, suivant l'institution de ladicte église et monastère ; et, prime, tierce, sexte, none, vespres et complies du jour et feste, comme porte l'Ordinaire, suivant le manuel ; avec la grand'messe du jour et feste, à diacre et sous-diacre, le tout dit en chantant à haute voix, et une messe de Notre-Dame et une pour les trépassés. Item y a par chacun jour non feste de douze leczons, service pour les defuncts ; vespres au soir et vigilles au matin. Et pour faire ledict service sont résidants dans ladicte abbaye neuf religieux prestres et dix novices, de l'ordre de Saint-Benoit ».
Parmi ces religieux, nous trouvons nommément désignés, en 1580, le prieur claustral Dom Jean de Robien, — Dom René du Plessix, — Dom Jean de Serres, — Dom Pierre Hux, — Dom Perceval de Bardy, — Dom François Bochier, — et Dom Yves d'Andigné.
Outre les bâtiments claustraux et l'église abbatiale, dont nous venons de parler, les abbés de Saint-Sauveur possédaient à Redon « les maisons, domaines et pièces de terre cy-après : - Une salorge au port de Redon joignant au chemin qui conduit dudit port à l'église Saint-Pierre ; - Une pièce de terre en vigne et labour appelée le Clos de la Houssaye, en laquelle il y a une maison et pressoir à presser vin... le tout cerné et environné de murailles et haies de paux (Note : Cette vigne renfermait trente journaux de terre en 1673). - Une garenne et refuge à connils située près la maison de Lanouas ». Vient ensuite le dénombrement de vingt-quatre pièces de terres labourables ou prairies dont je fais grâce au lecteur ; toutefois je note à la suite : « - Sur la rivière de Vilaine près ladite abbaye il y a quatre moulins appelés les Moulins de Port-Nihan (Note : il n'y en avait plus que deux en 1730). Sur la rivière d'Oust un emplacement de moulin appelé Courrouët. Un autre moulin à eau nommé le moulin de Via, avec sa chaussée et son étang, contenant soixante-dix journaux de terre ou environ ».
Enfin, plusieurs écluses sur la Vilaine et sur l'Oust et le « moulin à vent de Gallerne auquel sont tenus les hommes et sujects de ladicte paroisse de Redon porter leurs grains à moudre, comme subjects sont tenus faire aux moulins de leurs seigneurs ».
Ces derniers mots nous rappellent que les abbés de Saint-Sauveur étaient seigneurs de Redon. En cette qualité, ils étaient obligés d'y veiller à la bonne administration de la justice et de la police. Voyons comment ils remplissaient ces devoirs à l'époque dont nous nous occupons, et parlons d'abord de l'officialité.
Ecclésiastiquement parlant, le territoire de la paroisse de Notre-Dame de Redon et celui des paroisses de Bains, Brain et Langon ne faisaient plus partie du diocèse de Vannes depuis le XIème siècle. Ces quatre paroisses relevaient seulement du Saint-Siège, « et il n'y avait, dit l'auteur de l'Histoire de Redon, d'autre Ordinaire dans ces territoires que l'abbé régulier de Redon, et, depuis la commande, le prieur claustral de Saint-Sauveur ». C'est ce qui faisait dire aux moines de cette abbaye qu'ils étaient « seigneurs spirituels » de tout le territoire de Redon, parce que ce territoire était exempt de toute juridiction épiscopale et soumis directement au Souverain-Pontife. Toutefois, au XVIème siècle, « pour le bien de la paix », ils partageaient en quelque sorte leurs droits avec l'évêque de Vannes, comme l'on va voir à propos de l'officialité.
« Ledit sieur abbé a en sadite terre et seigneurie de Redon, cour et juridiction ecclésiastique qui se tiennent et exercent en l'auditoire lez l'église de Nostre Dame de Redon au jour de jeudy ordinaire et autres jours extraordinaires sur semaine, par les officiers que ledit seigneur a droit de pourvoir et instituer avecq les officiers de monsieur l'évesque de Vannes, scavoir : un official, un promoteur et un greffier. Lequel official juge et décide avecq l'official de monsieur l'évesque de Vannes et donnent sentence par le conseil l'un de l'autre aux causes et matières qui sont de leur juridiction et connaissance tant civiles que criminelles expédiées en ladicte cour ».
A côté de ce tribunal purement ecclésiastique, qui fonctionna jusqu'au commencement du XVIIIème siècle (Note : Mgr d'Argouges, évêque de Vannes, mort en 1716, ne nomma point d'official à Redon, et l'abbé Henri-Oswald de la Tour d'Auvergne ne remplaça pas non plus M. Mancel, son official, qui mourut vers la même époque), se trouvait à Redon la juridiction seigneuriale exercée par les officiers de l'abbé.
« A ledict abbé en sadicte terre et seigneurie de Redon droit de juridiction haute, basse et moyenne et pour icelle exercer a droit ledict sieur abbé de mettre et instituer juges, séneschal, alloué, lieutenant, procureur et greffier auxquels ledit abbé paie gages ..... même a ledit sieur abbé droit de justice patibulaire à quatre pocts pour punir les malfaiteurs et délinquants pris et appréhendés en ladicte juridiction ; quelle justice est assise sur la montagne de Beaumont (Note : ce gibet fut plus tard transféré sur le champ de foire), et a cep et collier en ladite ville de Redon... item a droit de geolle et prison en sadicte juridiction et y peut mettre geollier et gardes d'icelles ».
L'abbé de Redon jouissait de nombreux droits féodaux, parmi lesquels nous ferons remarquer le suivant, appelé droit de guet.
« Ledit sieur abbé a privilège que tous les hommes mariés, manants et habitants en ladicte ville de Redon, sont tenus et subjects à l'appel qui d'eux sera fait par lesdicts officiers, le jour de la vigile de la Mi-août, se rendre et comparaistre en armes sans adjournement ni autre assignation, en ladite abbaye, au devant de l'auditoire, à l'heure de trois heures de l'après-midi pour aller de là par la ville, en compagnie desdits officiers, pour voir s'il y a aucuns qui voulussent s'esmouvoir et troubler le peuple à la foire de la My-aoust qui se tient audit Redon le lendemain de ladicte feste de la My-aoust, et ce, sous peine d'amende pour les défaillants. Et à la fenestre de chacune maison doit estre mise, lorsque lesdicts officiers, hommes et subjects passent en armes, une chandelle de suif allumée sous peine d'amende sur les défaillants. Et lesdicts manans de ladicte ville qui ont été mariés en l'an doivent ledit jour, après ledit guet, chacun deux pots de vin d'Anjou ou de Gascongne et un pain de six deniers aux officiers dudit abbé ».
Ce droit, moins ridicule que beaucoup d'autres de la même époque, avait pour origine l'obligation où se trouvèrent longtemps les abbés de Redon de faire faire la police dans leur ville par leurs propres officiers ; l'ordre était surtout nécessaire à Redon lorsque arrivait la mi-août, époque de la plus grande foire de l'année ; il y avait, en effet, en 1580, marchés et foires à Redon comme il suit : « A ledit sieur abbé droit de marchés ordinaires en ladicte ville et faubourgs de Redon, scavoir au lundy et au jeudy de chacune semaine. Et en chacun an il y a audit Redon six foires générales, scavoir : la foire Fleurie, la foire de la Quasimodo, la foire de l'Ascension, la foire de la My-aoust, la foire de la Marzelinne appartenant audit sieur abbé, et la foire de la Sainte-Croix de septembre appartenant au prieur de Saint-Barthelemy qui la tient dudit abbé » (Note : Cette dernière foire se tenait à une demi-lieue de Redon, près de la chapelle priorale de Saint-Barthélemy, membre de l'abbaye de Saint-Sauveur).
Le port de Redon étant fort commerçant au moyen âge, les abbés de Saint-Sauveur avaient de nombreux droits sur les marchandises qui s'y vendaient ; parmi ces droits, figuraient tout d'abord ceux qui regardaient la cohue ou la halle de Redon, fréquentée, alors par les bouchers et par les poissonniers. « A ledit sieur abbé droit de mettre les bouchers pour vendre chair en la halle et cohue dudit Redon, et d'eux prendre le serment, par le moyen du prieur claustral de ladite abbaye, de fidelement se porter en leur estat, à la nomination toutefois du sieur de Beaumont. Et les bouchers ne doivent tuer boeufs ni vaches qu'ils ne les aient menés devant la maison du député pour cet effet mis par ledit sieur abbé pour voir s'ils sont sains et mangeans, sous peine de soixante sols d'amende ».
Ces ordonnances de police étaient très-sages, à coup sûr.
Voici celles qui concernaient les poissonniers : « Tous poissonniers, apportant poisson à vendre en ladite ville, ne peuvent vendre ledit poisson que premier ils n'aient porté leur dit poisson audit sieur abbé et qu'il en ait pris pour sa provision et celle des religieux de ladite abbaye, sous peine de confiscation dudit poisson ; et pour taxer le poisson ledit sieur abbé a droit de mettre et faire jurer un taxeur en ladite cohue. Item que tous les bateaux venant par les rivières d'Oust et de Vilaine, chargés de moules, huitres et autres poissons en coques, sont tenus auparavant vendre dudit poisson en apporter à ladite abbaye pour la provision desdits abbés et religieux, sans en prendre aucun paiement, à pareille peine de confiscation, leur donnant ledit abbé du pain et du vin ».
Parmi les artisans qui devaient payer à l'abbé de Redon ce que nous appelons maintenant des patentes, figurent les cordonniers, dont chacun lui devait, « le jour de la foire Fleurie (Note : Foire du Lundi saint), la meilleure paire de souliers qu'il avait étalée ledit jour ». L'on ajoute qu'ils ne devaient pas d'autre rente.
Comme seigneurs de la ville de Redon, les abbés de Saint-Sauveur avaient les droits ordinaires de coutumes sur les marchandises qui passaient au pont de la Mée sur la rivière de Vilaine, sur celles qu'on étalait dans les foires et dans les marchés et sur celles qui venaient par eau au port de Redon. Au sujet de ces dernières, il est à remarquer que les marchands habitant Redon ne payaient rien ni pour les vins, ni pour les sels, ni pour les fers et autres choses semblables : « Pour toutes lesdites marchandises qu'ils font amener par eau au port de Redon, les marchands dudit Redon ne doivent rien desdites coustumes et sont francs ».
Les boulangers qui habitaient Redon ne payaient pas non plus d'impôt, tandis que les boulangers forains, qui venaient vendre à Redon, devaient une rente. C'est ainsi que les abbés de Saint-Sauveur favorisaient sagement les marchands de Redon et faisaient de la sorte prospérer le commerce local.
Les marchands de sel, habitant Redon, étaient également privilégiés : « Ledit sieur abbé a droit de lever et prendre de chacune barque chargée de sel venant au port de Redon et déchargée par marchands forains, pour le maistre et le garçon de la barque, une mine de sel et par chacun compagnon deux mines, mesure de Redon, pour le salage dudit sieur abbé. Et quand le sel appartient aux marchands de Redon n'est deub qu'une mine de sel pour le maître et le garçon de la barque et les compagnons ne doibvent rien. Lequel salage les mesureurs et porteurs de sel dudit Redon sont tenus de mesurer et porter de chaque barque, comme il est dit cy-devant, en la salorge dudit abbé, sise au port de Redon .... et mesme sont tenus porter de ladite salorge jusqu'au charnier de l'abbaye de Redon tel nombre de sels qu'il est nécessaire pour le salage et provision dudit sieur abbé et des religieux de ladite abbaye, sans aucun salaire dudit portage ».
Comme les mesureurs et porteurs de sel étaient alors nombreux à Redon, ils choisissaient parmi eux un prévôt dont l'abbé confirmait la nomination ; ce prévôt avait « juridiction et connaissance » et décidait « des affaires de leurs oeuvres, travail, portage et mesurage, et avait pouvoir de les contraindre à faire leur devoir ».
Notons aussi que les abbés de Saint-Sauveur avaient le droit de « ban et estanche sur le sel », c'est-à-dire qu'ils pouvaient faire vendre du sel à Redon par leurs officiers ou fermiers, durant quinze jours chaque année, sans que les marchands ordinaires pussent en vendre pendant ce temps-là.
De plus, les abbés de Redon avaient droit de « forestage », de pêche dans les rivières de Vilaine et d'Oust, et de « chasse à toutes sortes de bestes ».
Enfin, ils levaient « dans toute la paroisse de Redon les trois parties de la dixme du dixiesme de tous fruits », et tenaient leurs « plaids généraux » en « l'auditoire de la cour de Redon, le jour de la Vigile de la My-aoust ».
Tels sont, d'après la Déclaration de 1580, les rapports qu'avaient, à cette époque, les abbés de Saint-Sauveur avec les habitants de leur ville de Redon.
Notre titre décrit malheureusement avec trop de brièveté cette dernière ville ; voici comment il en parle : « La ville de Redon, laquelle est de toute antiquité (Note : C'est une erreur, Redon ne fut entouré de murs et fortifié que par l'abbé Jean de Tréal, pendant la guerre de la succession de Bretagne, au XIVème siècle) murée et fermée de fortes murailles, ceintures et forteresses, portes, boulevards, ponts, grosses tours et aultres deffenses accoustumées aux bonnes villes de ce pays de Bretagne, et oultre, des faubourgs de ladicte ville ».
C'est bien court, comme l'on voit ; mais nous trouvons çà et là, dans la suite de l'Aveu, mention de diverses parties de la ville. Ainsi, nous y voyons signalées trois portes : la Porte de Saint-Nicolas, la Porte du Port et la Porte-Neuve. Il y est aussi question des tours Guiho et des Tournelles. Enfin, l'on y signale les deux églises de Notre-Dame-du-Pesle et de Saint-Pierre.
Notre-Dame-du-Pesle était l'église paroissiale de Redon, que desservait un vicaire perpétuel, nommé Jacques Le Petit, l'abbé de Saint-Sauveur étant curé primitif.
Quant à l'église Saint-Pierre, qu'avoisinait la fontaine du même nom, c'était un édifice situé là où s'élevait ensuite un hôpital.
Le dénombrement des rentes dues à l'abbé de Saint-Sauveur par les habitants de Redon, « à cause de leurs maisons, terres et héritages siz et situés en ladite ville et faubourgs », achève de nous faire connaître la localité au XVIème siècle.
Voici d'abord « la rue Saint-Sauveur », située, comme l'indique suffisamment son nom, près de l'abbaye ; j'y remarque « l'hostellerie de Sainte-Barbe », habitée par Julien Rio, et une autre maison joignant la Porte-Neuve.
En la rue « appelée la Grande-Rue de Redon », se trouvent les maisons des Trois-Rois, du Dauphin, de la Bogne, des Degrez, de Touaire, de la Teste-Noire, de Haute-Folie, et de la Truye qui file. Dans cette rue habitaient plusieurs nobles familles, telles que les Gouro, les Fabroni, les Couriolle, les de Préambert et les de Fescan. Là aussi était « le jeu de paulme ».
Dans la « Rue-Basse », où se trouvent damoiselle Yvonne de la Houlle et maitre Jean de Carnevien, je ne vois rien autre chose à noter ; mais dans la « rue de Port-Nihan » sont les prisons de l'abbaye et « les fours à ban appartenant à la sacristie de ladite abbaye ».
Jean du Rochier, seigneur de Beaulieu, et Pierre Lambert, seigneur de Port-de-Roche, avaient des maisons dans la « rue aux Feuves » ; mais ils ne les habitaient pas, semble-t-il. Alain Couriolle avait aussi une maison « qu'habitait son père Lorant Couriolle » dans « la rue de dessous la Cohue », voisine de la cohue ou halle de Redon.
Outre ces rues, il y avait le port et les faubourgs de Notre-Dame de Saint-Michel.
Le Port ne se distinguait guère que par la demeure de la noble famille de la Boucelaye et par le grand nombre de salorges qu'il contenait : c'étaient des maisons où l'on ramassait le sel, et l'abbé de Redon en possédait une.
Quant aux faubourgs, celui de Notre-Dame renfermait, outre l'église paroissiale de Redon, qu'avoisinaient le cimetière et le presbytère, la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié, élevée sur une ancienne motte féodale et la maison du Moulinet. Dans celui de Saint-Michel, le seigneur de Bocudon possédait une maison, qui devint la propriété des Congréganistes de Redon, le sacriste de l'abbaye avait un second four banal, et l'on y trouvait les maisons de la Bascherie, de la Cosmoserie et de la Jolmeterie.
Comme l'on voit, la petite ville de Redon ne renfermait point d'autre monastère que son abbaye en 1580 : les couvents des Bénédictines (Note : Que remplacèrent d'abord les Calvairiennes, puis les Dames de la Retraite) et des Ursulines ne furent fondés, en effet, qu'au siècle suivant.
Pour achever ce tableau de Redon au XVIème siècle, sortons des murailles et, toujours l'Aveu de l'abbé Scotti à la main, voyons ce que présentait de plus intéressant la campagne de la paroisse de Notre-Dame.
Cette paroisse se divisait en deux frairies, nommées, l'une, « frairie de Couëdillo », et l'autre, « frairie de Saint-Gilles », et renfermait un certain nombre de manoirs ou maisons nobles.
« En ladicte paroisse de Nostre-Dame de Redon sont sizes et situées les maisons nobles cy-après déclarées tenues et possédées par les seigneurs d'icelles aux devoirs de foy, hommage et rachapt dudit sieur abbé et à devoir de chambellenage ».
BEAUMONT. — « La maison, manoir, terre et seigneurie de Beaumont » étaient alors possédés par « haut et puissant René sieur de Téhillac et de Beaumont ». Ce manoir appartenait, dès 1536, à la famille de la Lande, dite de Téhillac (Note : Vers 1415, Tristan de la Lande, seigneur de Guignen, épousa Jeanne Le Téhillac, dame dudit lieu, dont il eut, entre autres enfants, François de la Lande, qui succéda à sa mère à la seigneurie de Téhillac, dont il prit le nom et les armes, que conservèrent ses descendants), et l'on voit encore, dans l'église paroissiale de Téhillac, le tombeau de Jacques de Téhillac, chevalier, seigneur de Téhillac et de Beaumont, décédé le 21 janvier 1545.
Beaumont n'était pas une très-grande terre ; elle se composait d'un « pourpris d'environ douze journaux où il y a fuye, garennes, jardins, vignes, domaine, bois de haute futaye et de revenu, le tout en un tenant », d'un bois taillis près la Grée de Beaumont, contenant quinze journaux, et de « six hommées dans la prée de Queffert ». Mais c'était une juridiction seigneuriale d'une certaine importance ; elle avait des droits sur les chapellenies de Fleurimont, de Sainte-Barbe et de Saint-Barthélemy. Le prieur de ce dernier bénéfice devait particulièrement « au jour et feste de Saint-Barthélemy un denier de rente que ledit sieur de Beaumont ou son procureur peut prendre sur l'autel de la chapelle dudit Saint-Barthélemy, près Redon, appelant ledit chapelain ou celui qui reçoit les offertes d'icelui jour ».
Le seigneur de Beaumont avait aussi des droits féodaux sur les bouchers de Redon ; voici comme s'exprime l'Aveu à ce sujet : « Item ès fois et quantes que l'on fait en la ville de Redon un maistre boucher, il est fait information par ledit sieur de Beaumont ou ses commis, scavoir si ou non celui homme est suffisant pour exercer ledit métier de boucherie, et s'en informe par les autres maistres bouchers qu'il soit suffisant pour estre maistre boucher. Ledit sieur de Beaumont ou son commis présente ledit homme au prieur du cloistre de ladite abbaye pour le faire jurer de bien et duement se porter audit metier de boucherie. Et au jour que ledit homme fait sa feste est deub audit sieur de Beaumont son mois, scavoir quatre pains, quatre quarts de vin et un plat de viande selon la sorte de la feste. Et oultre de chacun desdits bouchers vendants boeuf en détail en la cohue dudit Redon est deub audit sieur de Beaumont, une fois l'an, le jour de Caresme prenant, un gros os mollier de bœuf ». Quant aux autres rentes féodales dues au seigneur de Beaumont, elles étaient partie en Redon et partie en Bains.
LANRUAS. — « La maison, manoir et seigneurie de Lanruas, sise en ladite paroisse (de Redon) que tient et possède Pierre Lambart, écuyer, sieur dudit lieu de Lanruas, contient tant en maison, rues, courtils et jardin, quatre journaux de terre ou environ ». Il y avait, en outre, dépendant de ce manoir, plusieurs bois « tant anciens que de revenu », une garenne « deffensible à connils », plusieurs pièces de terre, des rentes, des dîmes et une juridiction seigneuriale.
LA DIACRAYE. — « Les maison, colombier, jardins, carrouges, cours et deport du manoir et herbregement de la Diacraye que tient et possède Jan Avril, écuyer, seigneur de Lormaye et dudit lieu de la Diacraye, contient deux journaux de terre ou environ ». A côté se trouvaient des bois, une garenne et un clos de vigne (Note : La Diacraye appartenait, en 1536, à Jean du Bois-Jan).
BOCUDON. — La famille Costard posséda longtemps ce manoir, qui appartenait, en 1536, à Guillaume Costard. En 1580, « les maison, manoir, et métairie de Bocudon, jardins, vignes, vergers, bois anciens et de revenu prochain, que possède noble homme Guillaume Cottard sieur dudit lieu, avec le domaine, pré et pasture au dessous, [contenait] le tout ensemble vingt-cinq journaux de terre ou environ ». Le seigneur de Bocudon avait, en outre, quarante-sept journaux de terre en bois et landes, relevant de l'abbaye de Saint-Sauveur, et situés tant en Redon qu'en Bains.
BEAULIEU. — Ce manoir appartenait à la famille du Rocher, dont un membre, Guillaume du Rocher, de la paroisse de Redon, fut anobli en 1442. « La maison, manoir et métairie de Beaulieu, jardins, vignes, vergiers, bois ancien et de revenu, avec le domaine prochain de ladite maison, contenant le tout ensemble seize journaux de terre ou environ, est tenue et possédée par Jan du Rochier, escuyer, sieur dudit Beaulieu ». Un bois et quelques autres pièces de terre entouraient cette maison, qui devait, comme la précédente, « la dixme à la dixiesme des grains et vins » à l'abbaye de Redon.
LE ROZAY. — « Sire Louis Tayart, le jeune, sieur du Rozay », possédait « le manoir et herbregement du lieu et seigneurie du Rozay, tant maisons, bois anciens que de revenu, vignes, prés, jardins, domaines, garennes, colombier et fuye à pigeons, contenant le tout quarante journaux de terre ou environ ».
Outre ces maisons nobles, situées toutes dans la paroisse de Notre-Dame-de-Redon, l'abbé Scotti mentionne, dans son Aveu, le manoir de la Ricardaye, dans la paroisse de Rieux, « que tient et possède damoiselle Renée du Quengo veuve de feu messire François de Chambellan en son vivant sieur desdits lieux de Chambellan et de la Ricardaye ». Cette seigneurie dépendait de l'abbé de Redon et « confesse ladite damoiselle debvoir audit sieur abbé un disner, de sept ans en sept ans, au lieu et herbregement dudit lieu de la Ricardaye ».
Enfin, la paroisse de Redon renfermait encore, à cette époque, les manoirs du Parc-Anger et de Bahurel. Le premier appartenait, en 1536, à Jean Couldebouc, et le second, en 1536 et et 1580, à dame Bertranne Guéguen.
L'Aveu rendu par l'abbé Scotti continue la description des dépendances de l'abbaye de Redon. La déclaration qu'y fait cet abbé des paroisses de Bains, où il possédait la maison-noble du Plessix, de Brain, où il avait son manoir de prédilection, et de Langon, est très-minutieuse et très-intéressante : nous ne pouvons le suivre sur ce terrain, pas plus que dans les paroisses de Piriac et de Mouais, dont il s'occupe ensuite. Ce que nous avons extrait de la Déclaration de Redon suffit, d'ailleurs, pour faire comprendre l'importance de ce document historique, malheureusement resté inédit, et par là même trop peu connu.
Abbé
Guillotin de Corson
© Copyright - Tous droits réservés.