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Maîtres et Elèves du Collège des Jésuites à Rennes |
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I. — Les maîtres. — Quelques-uns d'entre eux ont acquis un certain renom par leurs travaux apostoliques (PP. Rigoleuc et Bagot), leurs travaux littéraires (PP. de Segaud, Berthier, Porée, Brottier, de Radonvilliers), leurs travaux scientifiques (PP. François, Grandamy, de Harouys, de Prémare), la part, qu'ils prirent aux luttes religieuses (PP. Pirot, Dechamps, Chéron de Boismorand).
II. — Les élèves. — Leur pays d'origine. Classe sociale à laquelle ils appartiennent. Certains d'entre eux devinrent célébres, comme hommes de lettres (Dom Morice, la Bletterie, Poullain de Sainte Foix, Rallier des Ourmes, Geoffroy, Ginguené, Savary), comme hommes de sciences (Hunauld, Bertin), comme hommes d'église (PP. Rigoleuc, Maunoir, Huhy...), ou de quelque autre manière : Duguay-Trouin, Bigot de Préameneu.
De 1604 à 1762, un grand nombre de professeurs passèrent au collège de Rennes ; les uns étaient prêtres, les antres n'étaient pas encore engagés dans les liens du sacerdoce. Nous ne relevons parmi eux qu'un petit nombre de noms illustres et la chose n'est pas faite pour nous étonner : il est assez rare que la célébrité vienne chercher des hommes qui sont entrés en religion. Quelques-uns des maîtres de la maison Saint-Thomas se sont cependant fait un nom, soit par leurs travaux apostoliques, soit par leurs travaux littéraires ou scientifiques, soit par la part qu'ils prirent aux luttes religieuses de l'époque.
Le Père Rigoleuc (1595-1658), après avoir, comme nous le dirons, été élève du collège de Rennes, en devint un des maîtres ; il y enseigna les humanités en 1622 et en 1623 et compta, nous le verrons, parmi ses élèves, des jeunes gens qui devinrent des apôtres. Il se fit tellement remarquer comme professeur « que les hommes les plus versés dans la langue latine préféraient ses compositions à celle du Père Petau, soit pour le tour d'éloquence, soit pour la politesse de la forme », mais il est surtout connu pour le dévouement avec lequel il s'adonna aux missions dans le diocèse de Vannes et pour les heureux fruits qu'il y récolta, ramenant peuple et clergé aux pratiques de la vie chrétienne et sacerdotale, trop souvent négligées à l'époque qui suivit les guerres de la Ligue [Note : Tresvaux. Vie des saints de Bretagne, t. IV, p. 272 et suiv. Extraits des catalogues de la province de France. Vie du Père Maunoir, t. I, 381].
En 1622, le Père Rigoleuc avait eu comme collègue à Rennes le Père Bagot qui était professeur de physique au collège. Jean Bagot (1580-1664), professeur de théologie dans divers collèges, censeur des livres et théologien de son Général à Rome, aida Vincent de Meur dans la fondation de l'œuvre charitable qui fut le berceau de l'institution des Missions étrangères [Note : Biographie bretonne de Levot. Biographie universelle. Extraits des catalogues de la province de France. Vie du Père Maunoir, t. I, 381].
Les Pères de Segaud, Berthier, Porée, Brottier, ainsi que Radonvilliers acquirent leur renom dans les lettres.
Guillaume de Segaud (1674-1748) enseigna avec succès les humanités dans divers collèges ; il exerça le professorat à Rennes en l'année scolaire 1706-1707. Appliqué par ses supérieurs à la prédication, il fut bientôt regardé comme un des meilleurs orateurs de son temps et donna des stations à la Cour en 1729, 1732, 1738, 1745 [Note : Sommervogel, t. VII, .1047. Biographie universelle. Liste de professeurs communiquée par le R. P. Fouqueray].
Le Père Charles Porée (1675-1741), le célèbre professeur de Louis Le Grand, maître de Voltaire, qui rendit justice à son caractère et à ses talents, le latiniste éminent, digne successeur des Petau et des Jouvancy qu'il surpassa, dit-on, dans l'art de l'éducation, enseigna d'abord à Rennes ; il y professa les humanités et la rhétorique avec un succès qui attira l'attention de ses supérieurs, aussi ne tardèrent-ils pas à l'appeler à Paris [Note : Biographie universelle. « Un professeur d'ancien régime, le Père Charles Porée », par J. de la Servière, Paris, 1899].
Le Père Guillaume Berthier (1704-1782), auteur d'œuvres spirituelles et scripturaires de valeur, qui, à partir de 1745, dirigea avec éclat les « Mémoires de Trévoux », avait, au début de sa carrière, enseigné la philosophie à Rennes [Note : Sommervogel, I, 1377. Biographie universelle. Après la suppression de la Compagnie de Jésus en France, le Père Berthier fut nommé conservateur de la Bibliothèque royale et eut une part à l'éducation de Louis XVI et ses frères].
Claude-François Lysarde de Radonvilliers (1710-1789) enseigna les humanités dans divers collèges, dont celui de Rennes. Après avoir quitté la Compagnie de Jésus sur le conseil de Maurepas, il devint sous-précepteur des enfants de France, membre de l'Académie Française ; humaniste distingué, il laissa des traductions et des études grammaticales [Note : Sommervogel, VI, 1384 ; Biographie universelle].
Le Père Gabriel Brottier (1723-1789) enseigna les belles lettres à Rennes ; après la suppression de la Compagnie, il se consacra aux travaux d'érudition, donna des éditions d'auteurs classiques ; son édition de Tacite, malgré ses défauts, fut la base la plus solide de sa réputation. Il fut membre de l'Académie des inscriptions à partir de 1783 [Note : Sommervogel, II, 206 ; Biographie universelle].
De ces noms, on peut rapprocher celui du Père Jacques Dinet (1604-1653). Le Père Dinet fut recteur du collège Saint-Thomas de 1626 à 1631 ; prédicateur distingué, confesseur de Louis XIII et de Louis XIV enfant, il assista Louis XIII à ses derniers moments. Descartes qui l'avait connu à la Flèche, resta très lié avec lui [Note : Sommervogel, III, 85 ; P. de Rochemonteix, op. cit., t. II, p. 31].
Les Pères François, de Harouys et Grandamy s'adonnèrent à l'étude et à l'enseignement des sciences.
Le Père Jean François (1582-1668) professa les mathématiques à la Flèche, il y eut comme élève Descartes qui lui demeura très attaché ; il écrivit en français plusieurs volumes d'enseignement : géographie, arithmétique..., appuyés sur des expériences qui étaient alors nouvelles. A la fin de sa vie, il enseigna la philosophie à Rennes [Note : Levot : Biographie bretonne (article Leuduger) ; Biographie universelle. — Sommervogel, III, 938. — P. de Rochemonteix, op. cit., t. IV, p. 110].
Le Père Jacques Grandamy (1588-1672), Recteur du collège de Rennes de 1631 à 1636, fut professeur de mathématiques à la Flèche, il s'appliqua spécialement à l'étude de la physique et de l'astronomie et fut un de ceux auxquels s'adressa le Père Kircher pour obtenir les déclinaisons magnétiques [Note : Sommervogel, III, 1668. — P. de Rochemonteix, op. cit., t. IV, p. 111-112].
Le Père Nicolas de Harouys (1622, 1698), qui fut Recteur de Rennes de 1679 à 1683, après avoir enseigné la philosophie et les mathématiques à la Flèche, était un littérateur apprécié de son époque, mais il s'occupa surtout d'astronomie et fit construire sous sa direction des machines astronomiques, d'après les systèmes des principaux astronomes et aussi d'après son propre système [Note : P. de Rochemonteix, op. cit., t. IV, p. 119. — Sommervogel, IV, 115].
Mais ces trois noms ont moins d'importance que celui du Père Joseph Henri de Prémare (1666-1736). Après avoir été professeur de grammaire à Rennes, le Père de Prémare partit pour la Chine en 1698. Il acquit une grande connaissance de la langue et de la littérature chinoises et, tout en vaquant à ses travaux apostoliques, fut l'initiateur des études sinologiques [Note : Sommervogel, VI, 1196. Biographie universelle. « L'étude scientifique de la Chine date du XVIIIème siècle et a eu pour promoteurs des Jésuites français. Dès 1728, le Père Prémare avait rédigé une grammaire intitulée « Notitia linguæ sinicæ » qui, bien que n'ayant été publiée qu'un siècle plus tard, fut connue de bonne heure et révéla à l'Europe le mécanisme de l'écriture et de la langue chinoises. — (La science française, Paris 1915. — La sinologie, par Ed. Chavannes)].
Le Père Pirot (1599-1659) et le Père Dechamps (né en 1613), qui se distinguèrent par l'ardeur de leurs ataques contre le Jansénisme, furent tous les deux professeurs de philosophie et de théologie au collège de Rennes [Note : Sommervogel, VI, 856 ; I, 1863. Article de la Biographie universelle sur le Père Dechamps. Sur le Père Dechamps, v. P. de Rochemonteix, op. cit., t. IV, p. 222-223. « Philosophe, théologien, écrivain nerveux, il [le Père Dechamps] eût, été le digne précurseur de son compatriote Bourdaloue, s'il avait eu la voix plus sonore et le débit moins rapide. Ses supérieurs pensèrent qu'il valait mieux l'appliquer à écrire. Ils ne se trompaient pas, car sa plume rendit plus de service que sa parole ne l'eût pu faire à la cause de l'Eglise »].
Claude Chéron de Boismorand (1680-1740), ancien professeur de rhétorique à Rennes, prit part lui aussi aux luttes religieuses du XVIIIème siècle, mais de manière bien différente. Après avoir abandonné l'habit ecclésiastique, il se livra au jeu avec fureur et devint, dit la Biographie bretonne, « le plus grand jureur » de son temps. Au cours de la lutte des Jansénistes et des Molinistes, il se livra à une spéculation lucrative en publiant contre les Jésuites des mémoires qu'il leur dénonçait comme l’œuvre de Jansénistes et qu'il se voyait chargé de réfuter moyennant argent comptant [Note : Levot, Biographie bretonne. On a peine à croire que les Jésuites aient eu souvent recours à la plume de Boismorand].
D'autres, sans doute, parmi les professeurs ou Recteurs de Rennes auraient pu acquérir une certaine renommée [Note : Par exemple, le Père Guy le Meneust qui dirigea le collège Saint-Thomas de 1636 à 1640 et fut regardé comme un prodige de talent par tous ceux qui le connurent. P. de Rochemonteix, op. cit., t. IV, p. 69, note 3], mais l'occasion ne leur en fut pas donnée. Ce n'est pas, du reste, la gloire qu'ils étaient venus chercher quand ils entrèrent dans la Compagnie de Jésus.
II
Le collège de Rennes voyait affluer dans ses murs une multitude d'écoliers entre lesquels régnaient de grandes différences d'âge et qui se livraient à des études bien diverses. A côté des élèves des classes de lettres et de philosophie, on rencontrait des étudiants ecclésiastiques. (parmi eux, des scholastiques de la Compagnie de Jésus) qui venaient suivre les cours de théologie [Note : Un mémoire, du Père Coton, écrit en 1616, nous apprend que, à cette époque au moins, les Jésuites envoyaient un certain nombre des leurs étudier la rhétorique au collège de Rennes. (P. Prat, Recherches... t. V, p. 376)] ; le cours de théologie morale fut même suivi, avons-nous dit, par des ecclésiastiques déjà avancés en âge. Toutefois, quand nous parlons du collège de Rennes, nous songeons surtout aux élèves dès cours de lettres et de philosophie qui formaient de beaucoup la majeure partie du chiffre total des écoliers [Note : Les élèves du petit séminaire de Rennes suivaient les cours de théologie et d'humanités au collège Saint-Thomas. (G. de Corson, Pouillé de Rennes, t. III, p. 448). Les pensionnaires de l'hôtel des gentilshommes pauvres, fondé en 1746 par l'abbé de Kergus, suivaient les classes chez les Jésuites. (G. de Corson, Pouillé de Rennes, t. III, p. 440). L'abbé de Kergus pour établir l'hôtel des gentilshommes avait acquis un terrain et des bâtiments relevant roturièrement du fief Saint-Thomas. En 1754, il constitua pour indemnité aux Jésuites 50 livres de rente annuelle, perpétuelle, foncière et non franchissable. (Arch. départ., série D. Contrat de constitution de rente, 27 avril 1754)].
C'est surtout parmi les Bretons que se recrutèrent les élèves du collège Saint-Thomas [Note : Les bourgeois de Rennes dans la lettre qu'ils adressaient le 8 novembre 1619 au Père Vitelleschi lui disaient : « Notre collège est principallement peuplé de Bas-Bretons qui viennent icy autant pour s'instruire en la langue françoysse qu'en la latine ». (Arch. mun., liasse 285). En 1619, les Jésuites n'avaient pas encore de collège à Quimper où ils ne s'établirent qu'en 1621, ni à Vannes où ils s'établirent en 1629. (Pièces sur le collège de Quimper tirées des archives de la Compagnie de Jésus, Vie du Père Maunoir, t, I, documents justificatifs. — Butel : « Un collège breton », Paris 1890)] ; la Basse-Bretagne, aussi bien que la Haute-Bretagne, envoya des écoliers, quoique sans doute en moins grand nombre ; la Normandie, l'Anjou et le Maine furent également représentés [Note : Un recueil de livrets de ballets (dansés entre 1682 et 1752) nous donne des noms d'acteurs avec l'indication de leur lieu d'origine ; nous y voyons surtout figurer des élèves de Rennes et des environs (Bécherel, Hédé, Montfort), de Saint-Malo ; un grand nombre d'écoliers sont de Vitré, de Dol ; on en trouve de Quimper, de Saint-Brieuc, de Tréguier, de Lannion, de Dinan, de Lamballe, de Ploërmel, de Châteaubriant, de Nantes, — Le 23 août 1741, au ballet du temple de la fortune dansa « Nicolas Auguste Girault Dorzol, de l'Amérique » ; en 1746, au ballet de l’île fortunée dansa M. Desfleuriottes, de la Martinique ; en 1733, au ballet intitulé « le ballet » dansa Jacques Barthélémy Baudot, de la Guadeloupe ; en 1735, « Jacques Butler d'Irlande » dansa au ballet de la guerre. — (Un grand nombre d'Irlandais catholiques émigrèrent aux XVIIème et XVIIIème siècles, beaucoup d'entre eux vinrent en Bretagne « les Irlandais en Bretagne, XVIIème et XVIIIème siècles ». Paul Parfouru. — Annales de Bretagne, années 1893-1894, p. 524 et suiv.). — Le collège de la Flèche avait des élèves bretons. — Parmi les noms des acteurs du « ballet des saisons » (dansé en 1700, au mois de septembre), nous relevons ceux de « Marc Belouard, de Bretagne ; de Jean Bertrand de Saint Pern du Lattay, de Bretagne ; de Joseph le Gac, de Bretagne ; de Louis du Bouexic de Pinieux, de Bretagne ; de René de Saint-Gilles Peronay, de Bretagne ; de François du Chesnoy, de Bretagne ; de Jacques de Sainte-Marthe, de Bretagne » ; tous ces élèves étaient pensionnaires. — Au ballet des jeux séculaires (février 1700), René du Plessis Thierry de la Prévalaye, de Rennes, pensionnaire, avait figuré. On trouverait bien d'autres exemples]. Les élèves appartenaient à toutes les classes sociales ; la gratuité de l'enseignement [Note : « Tous les escolliers... pauvres et aultres y sont receuz, instruitz gratuitement sans payer auchune chose pour l'entrée ni aultrement ». (Les bourgeois de Rennes défendeurs en 1612 contre le petit-fils de M. de la Muce, Arch. mun., liasse 285). Le 28 avril 1762, il fut déclaré à M. de Guerry que le préfet des classes recevait chaque année 15 sols des écoliers qui pouvaient verser cette somme (B. 66, procès-verbal de la descente au collège de M. de Guerry, avril 1762). Nous ne savons de quand datait cet usage] explique que non seulement les personnes de condition moyenne, mais encore celles qui étaient dénuées de fortune, aient pu faire étudier leurs enfants chez les Jésuites ; la renommée de l'établissement, celle de la Compagnie de Jésus, l'affection des Rennais pour la maison qu'ils avaient fondée permettent de comprendre que les plus anciennes familles aient envoyé leurs fils au collège Saint-Thomas. Maints noms connus se présentent dans les livrets des ballets qui furent dansés au collége de Rennes, noms de familles nobles : de Lorgeril, de Saint-Pern-Ligouyer, de Saint-Pern de la Tour, de Saint-Pern du Lattay, de Vaucouleurs de Lanjamet, du Plessis de Grénédan, Magon de Villehuchet, de Lantivy... — noms de familles bourgeoises : Vatar, Brossays de Saint-Marc... Jamais l'instruction secondaire ne fut si largement distribuée qu'alors et l'on sait comment la Chalotais dans son plan d'éducation déplora qu'elle s'étendit ainsi à toutes les classes. Les Jésuites n'étaient point seulement les éducateurs de la haute bourgeoisie ou de la noblesse françaises ; des jeunes gens de tous les rangs de la société se rencontraient dans leurs collèges.
Des milliers d'élèves qui, à Rennes, furent élevés par eux, certains se sont distingués soit dans les lettres, soit dans les sciences, soit dans l'exercice des vertus chrétiennes et sacerdotales ou de quelque autre manière.
Il est probable que Dom Lobineau (né à Rennes en 1666) fut élève des Jésuites, mais la chose est certaine pour son confrère et émule, Dom Morice. Pierre-Hyacinthe Morice de Beaubois, né à Quimperlé, le 25 octobre 1693, fit ses premières études au collège de Rennes, il y fut remarqué pour la candeur de ses mœurs et son application à l'étude.
En 1740, il soumit aux Etats de la province le plan de l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne qui, avec ses volumes de « preuves », devait l'illustrer, encore que par faiblesse, à la demande des Rohan, il ait paru donner créance à certaines légendes [Note : L'Armorique littéraire par Maréchal. Levot, Biographie bretonne. — Levot a puisé ses renseignements dans la notice nécrologique consacrée à Dom Morice par son confrère Dom Taillandier qui continua son œuvre].
Il se rencontra très probablement sur les bancs du collège avec Jean Philippe René de la Bletterie qui, né à Rennes en 1696, entra, à l'âge de six ans, à l'établissement Saint-Thomas. Il y fit ses études avec distinction, remportant les premiers prix dans toutes les classes et dans toutes les matières. Membre pendant plusieurs années de la Congrégation de l'Oratoire, théologien et historien, il fut reçu en 1740 à l'Académie des Inscriptions et devint professeur au collège de France [Note : Levot, Biographie bretonne. Le 29 août 1709, la Bletterie représenta la tragédie française dans la « Dispute du génie latin avec le génie français » qui servit d'intermède à la tragédie de Moïse (livret de la « dispute »)].
D'un amateur de l'antiquité, passons à un auteur de pièces de théâtre romanesques. Germain François Poullain de Sainte-Foix, né à Rennes, le 25 février 1699, fut, lui aussi, élève des Jésuites ; la renommée que lui valurent « l'oracle », « le sylphe » et une vingtaine d'autres pièces fut grande, paraît-il, mais éphémère. Le nom de « Poullain » doit surtout son illustration au frère de Poullain de Sainte-Foix, à Poullain du Parc, le célèbre jurisconsuite qui, probablement, fut, lui aussi, élève du collège Saint-Thomas [Note : Levot, Biographie bretonne. Ducrest de Villeneuve, Album breton souvenir de Rennes, p. 19, dit que Poullain du Parc fit ses études au collège Saint-Thomas ; la Biographie bretonne et la Biographie universelle ne donnent aucune indication sur ce point].
Jean Rallier des Ourmes, qui eut quelque célébrité à son époque, est lui aussi bien oublié. Né à Vitré en 1701, il fit ses études au collège de Rennes. Ses maîtres lui confièrent une place de Régent dans un de leurs collèges, mais, renonçant pour raisons de famille à entrer dans les ordres, il embrassa les idées des philosophes et devint un des collaborateurs de l'encyclopédie [Note : Levot, Biographie bretonne].
Julien-Louis Geoffroy et Pierre-Louis Ginguené eurent une renommée mieux fondée et plus durable, encore qu'elle se soit bien atténuée.
Geoffroy naquit à Rennes en 1743 de parents peu riches ; il fut élevé chez les Jésuites de sa ville natale qui prirent un soin tout particulier de son éducation, comptant peut-être s'attacher ce jeune homme qui promettait de devenir un esprit éminent. Quand il eut achevé ses études au collège Louis Le Grand, il entra dans la Compagnie de Jésus en 1758 ety resta jusqu'en 1763. Renonçant à poursuivre cette vocation quand l'ordre eut été dispersé, il s'occupa d'enseignement et, vers 1775, il débuta dans le journalisme où il devait se faire un nom comme critique littéraire. Erudit, caustique, dogmatique, il prêchait, en politique, le retour au principe d'autorité ; en littérature, c'était un classique attardé, aveuglément attaché à l'observation stricte des règles. Il fit honneur cependant à l’instruction et à la discipline intellectuelle reçues au collège et fut le créateur du feuilleton littéraire [Note : Sommervogel, III, 335. — Levot, Biographie bretonne. En 1773, 1774, 1775, Geoffroy concourut pour le prix proposé par l'Université au meilleur discours latin et eut chaque fois la palme].
Ginguené, né à Rennes, le 25 avril 1748, fut envoyé au collège de la ville ; lorsqu'il en sortit, le latin et le grec lui étaient familiers ; son père lui apprit l'anglais, l'italien, l'initia aux Beaux-Arts. Bien plus que par son rôle politique et par les soins qu'il donna sous la Convention à la réorganisation des écoles, il est connu par son « Histoire littéraire de l'Italie » dont on admire encore de nos jours la riche information et la sûre méthode [Note : Levot Biographie bretonne. — La science française, les études italiennes, par H. Hauvette. Châteaubriand qui fut plus tard élève du collège de Rennes dit : « Geoffroy et Ginguené, sortis de ce collège, auraient fait honneur au Plessis et à Paris » (Mémoires d'outre-tombe, édition Biré, t. I, p. 108)].
Claude Savary fut un initiateur dans le domaine de l'égyptologie ; né à Vitré en 1749, il fit avec distinction ses études au collège de Rennes, se rendit en Egypte, parvint à en posséder parfaitement la langue. Par ses « Lettres sur l'Egypte » qui obtinrent un grand succès, il popularisa les études égyptologiques et son vrai mérite, dit l'auteur d'une notice qui lui est consacrée, fut d'orienter vers elles la curiosité du monde intellectuel, de provoquer l'émulation à laquelle on doit les découvertes qui immortalisèrent Champollion [Note : Levot, op. cit. — Delaporte : Recherches sur la Bretagne, pp. 575-576].
Après les hommes de lettres, les hommes de sciences. Le collège de Rennes compte parmi ses anciens élèves deux médecins qui eurent une grande célébrité comme anatomistes : François Hunauld, né à Châteaubriant, en 1701, fit à Saint-Thomas ses humanités et sa philosophie, Exupère-Joseph Bertin, né en 1712 à Tremblay, arrondissement de Fougères, y acheva son cours d'études [Note : Levot, op. cit. — Delaporte, op. cit., p. 558 et suiv.].
Toutefois, c'est par l'exercice des vertus chrétiennes et sacerdotales que se sont illustrés le plus grand nombre des élèves du collège Saint-Thomas qui ont acquis une certaine célébrité.
Les principaux ouvriers qui, dans l'ouest de la France, travaillèrent à l'œuvre des retraites et à celle des missions, si importantes pour le renouveau religieux du pays au XVIIème siècle, avaient été élèves des Jésuites de Rennes.
Le Père Rigoleuc, avant d'enseigner au collège Saint-Thomas, y avait fait lui-même ses premières études. Tant qu'il fut élève, ses succès dans les lettres répondirent, nous dit-on, à sa grande piété ; tous les écoliers le regardaient comme leur modèle et ceux qui se sentaient appelés à l'état religieux s'adressaient à lui pour être conduits par ses avis dans l'exécution de leur dessein. Quand il fut devenu professeur à Rennes, il compta parmi ses élèves quelques jeunes gens qui devaient devenir de célèbres apôtres et l'on peut présumer que son exemple et ses paroles furent pour quelque chose dans leur vocation [Note : Tresvaux, Vie des saints de Bretagne, t. IV, p. 272 et suiv.]. Nous voulons parler du Père Maunoir et du Père Huby.
Julien Maunoir, né à Saint-Georges de Reintembault, en 1606, de parents pauvres mais profondément pieux, mit de bonne heure en pratique les leçons de charité et d'apostolat reçues dans sa famille et au collège de Rennes où il fit ses études. Son zèle s'exerçait, en gardant les limites de la prudence, sur ses camarades ; en s'attachant à lui, les bons devenaient meilleurs et, par eux, son influence s'étendait aux rebelles ; en même temps, il était compté parmi les meilleurs élèves. Entré dans la Compagnie de Jésus en 1625, ce n'est qu'en 1641 que, successeur de Michel le Nobletz, il commença de parcourir la Bretagne, prêchant la parole de Dieu à des populations qui en étaient presque complètement ignorantes et dont la misère morale était profonde. Apôtre éminemment populaire, il remit les vertus en honneur dans les contrées qu'il traversa, malgré les entraves qu'il rencontra souvent. Il s'était uni pour évangéliser le diocèse de Vannes aux Pères Huby et Rigoleuc et, en 1651, avait fondé une association de prêtres missionnaires qui compta parmi ses membres un autre élève du collège de Rennes, l'abbé Leuduger [Note : Vie du Père Maunoir par le Père Séjourné. C'est en 1623, dans la classe d'humanités, que Julien Maunoir fut élève du Père Rigoleuc].
Vincent Huby, né à Hennebont, en 1608, se fit Jésuite malgré les obstacles que mettaient ses parents à son entrée en religion : il avait fait ses études au collège de Rennes où il avait eu comme Régent d'humanités le Père Rigoleuc, L'influence de ce religieux fut, grande sur lui ; il l'accompagna dans ses missions du diocèse de Vannes et, quand le Père Rigoleuc fut mort, il passa les trente dernières années de sa vie dans la direction des retraites spirituelles, la grande œuvre dont il fut le fondateur et à laquelle des milliers d'âmes durent leur sanctification [Note : Levot, op. cit. ; Tresvaux, op. cit., V, 259 et suiv. ; Lobineau, Vie des saints de Bretagne, p. 578 et suiv.].
Un saint prêtre, l'abbé de Kerlivio, élève lui aussi du collège de Rennes, fut un des principaux artisans de ces œuvres de retraites et missions, chères aux célèbrés religieux dont nous venons de parler. Louis Eudo de Kerlivio, né en 1621 à Hennebont, fit ses humanités au collège Saint-Thomas. Entré dans les ordres, il demeurait dans sa ville natale et s'y adonnait aux œuvres de charité quand il fut appelé à Vannes, en qualité de grand vicaire, par l'évêque Mgr de Rosmadec. Continuant l'œuvre du Père Maunoir et du Père Rigoleuc, il favorisa et propagea l'œuvre des missions, travailla à la formation du clergé. En même temps, il fondait une maison de retraites pour les hommes et en dressait les statuts avec le Père Huby ; tous les deux aidaient de leurs conseils Mlle de Francheville et Mme du Houx dans la fondation d'une maison de retraites pour les femmes [Note : Levot, op. cit. ; Tresvaux, op. cit., V, 175 et suiv. ; Lobineau, op. cit., p. 550 et suiv.].
Jean Leuduger, né en 1649 à Plérin, diocèse de Saint-Brieuc, d'une famille de laboureurs, vint, du collège de Saint-Brieuc à celui de Rennes et y fit, avec grand succès, sa philosophie sous le Père François. Devenu prêtre séculier, il aida en 1678 le Père Maunoir dans sa mission de Moncontour et dès lors, tout en gardant ses fonctions de curé, il se mit à la tête d'un certain nombre de prêtres avec lesquels, sous l'autorité de l'évêque, il évangélisa le pays de Saint-Brieuc. Scolastique de la cathédrale en 1690, il s'attacha, comme l'avait fait le Père Rigoleuc dans le diocèse de Vannes, à l'instruction et à la formation du clergé. C'est à sa charité pour les pauvres qu'est dû l'établissement (1706) des filles du Saint-Esprit, si populaires en Bretagne sous le nom de « sœurs blanches » [Note : Levot, op. cit. Tresvaux, op. cit., V, 369 et suiv.].
De tous les missionnaires sortis du collège de Rennes, le plus célèbre est Louis-Marie Grignion qui, né à Montfort en 1673, fut envoyé en 1685 à l'établissement Saint-Thomas. L'influence d'un saint prêtre, M. Bélier, qui se plaisait les jours de congé à réunir les jeunes gens, les leçons de ses maîtres, développèrent ses dispositions pieuses et charitables : il aimait à servir les pauvres et à les instruire de la religion. Triomphant des résistances de ses parents qui voulaient le retenir dans le monde où ses talents naturels lui présageaient un brillant avenir, il suivit pendant quelque temps les cours de théologie au collège de Rennes et entra dans les ordres. Il devint le populaire et célèbre missionnaire, non dépourvu de singularités, à la parole ardente et familière, qui évangélisa la Bretagne, et surtout le Poitou et l'Anjou. Souvent contre-dit, surtout par des influences jansénistes, il implanta solidement la pratique de la vie chrétienne dans la Vendée [Note : Laveille, « Le Bienheureux Grignion de Montfort »].
Claude Poullart des Places fit montre, lui aussi, de grandes vertus sacerdotales. Né à Rennes, en 1679, d'un avocat au Parlement de Bretagne, juge garde des monnaies et de Jeanne le Meneust qui appartenait à l'ancienne bourgeoisie de la ville, Claude des Places entra en 1686 au collège Saint-Thomas où il fit tout son cours d'études (sauf une seconde année de rhétorique à Bordeaux). Il fut l'un des plus brillants élèves du collège ; en 1694, à la fin de l'année scolaire, le Père Prévost, son professeur, le choisit pour le grand acte de philosophie et l'écho des louanges qui le saluèrent dans cette occasion alla, dit-on, jusqu'à la Cour. Devenu prêtre, au grand déplaisir de ses parents, fort riches, et dont il était le seul fils, il fonda en 1703 la Congrégation du Saint-Esprit vouée à tenir des séminaires où l'on instruirait des jeunes gents qui, voulant être prêtres, ne pourraient payer de pension. On devait inspirer à ces séminaristes l'amour des postes humbles, répondant ainsi à un besoin pressant de l'église [Note : H. le Floch, Claude François Poullart des Places. Le 17 février 1694, au ballet de la gloire, Poullart des Places tint le rôle de « la gloire ». Le 27 août 1692, il avait dansé au ballet de la fortune (livrets des ballets)].
A tous ces prêtres qui n'ont point connu de défaillances sérieuses dans leur vie chrétienne s'oppose, parmi les anciens élèves du collège de Rennes, le célèbre pénitent breton : Pierre le Gouvello de Keriolet. Né à Auray en 1602, il devint conseiller au Parlement de Bretagne en 1628 et ne tarda pas à être un objet de scandale par son impiété et les désordres de sa vie. Il se convertit à Loudun, lors des exorcismes pratiqués sur les Ursulines, vendit sa charge en 1636, donna son bien aux pauvres et demanda d'être admis à la prêtrise. Après bien des hésitations, l'évêque de Vannes, Mgr de Rosmadec, lui conféra les ordres et, en 1660, Keriolet, qui s'était astreint à une vie de rudes pénitences, mourait en odeur de sainteté à Sainte-Anne d'Auray [Note : Levot, op. cit. — Tresvaux, op. cit., t. IV, p. 298 et suiv. — Lobineau, op. cit., p. 462 et suiv.].
Au nom de ces prêtres qui s'absorbèrent dans les œuvres proprement sacerdotales, il faut joindre le nom de quelques autres prêtres, aussi anciens élèves du collège de Rennes, qui pratiquèrent les devoirs de leur état, mais durent principalement leur célébrité au rôle politique plus ou moins grand qu'ils eurent à jouer : Mgr de Boisgelin, l'abbé Allain, l'abbé Guillou, tous les trois, députés aux Etats généraux et à la Constituante.
Jean de Dieu-Raymond de Boisgelin de Cucé, né à Rennes en 1732, fit ses études au collège Saint-Thomas. Destiné, comme cadet, à l'état ecclésiastique, il renonça, en faveur de son frère puîné, aux droits que lui conféra la mort de leur aîné et devint prêtre. Evêque de Lavaur, puis archevêque d'Aix, membre de l'Académie française, président des Etats de Provence, Boisgelin n'oublia ni le bien spirituel, ni le bien matériel de ses diocésains. Il est surtout connu par le rôle qu'il joua à l'Assemblée Constituante. Pour permettre de payer la dette publique, éviter que l’on s'emparât des biens ecclésiastiques, il proposa un emprunt de 400.000,000 de livres sur les propriétés immobilières du clergé. Rédacteur de la fameuse « Exposition des principes de l'Eglise de France sur la constitution du clergé », il s'efforça d'amener un accord entre Pie VI et Louis XVI sur la politique religieuse [Note : René Kerviler, La Bretagne à l'Académie française].
François Allain, né à Yvignac en 1743, fit de bonnes études chez les Jésuites de Rennes. Prêtre, il fut remarqué pour son talent de prédicateur et on l'appela fréquemment à donner des missions et des retraites. Très populaire, on l'envoya comme député aux Etats généraux, et il fut l'un des premiers à se joindre aux membres du Tiers Etat pour former l'Assemblée Constituante ; mais il s'enferma dans une opposition invincible aux mesures religieuses des Constituants. Ayant transmis à son clergé le Bref de Pie VI contre la constitution civile du clergé, il fut dénoncé par le district de Josselin comme fauteur d'intrigues contre les lois et dut s'expatrier. Bonaparte, instruit de son mérite et de son influence, voulut le nommer évêque de Tournai, mais il n'accepta pas d'autre dignité que celle de grand vicaire de Vannes [Note : René Kerviler, Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats généraux et à l'Assemblée Constituante. René Kerviler, Cent ans de représentation bretonne].
René-Marie Guillou, né à Châteaugiron en 1747, fit ses premières études au collège de Rennes et entra dans les ordres. Recteur de Martigné, il fut député du clergé aux Etats généraux ; quand il prévit les mesures religieuses, il quitta l'Assemblée et revint auprès de ses paroissiens. Il refusa le serment à la constitution civile du clergé, malgré les démarches que firent auprès de lui les autorités départementales qui, connaissant son influence sur ses confrères, allèrent jusqu'à lui promettre l'évêché métropolitain de Rennes s'il consentait au schisme. Il ne quitta sa paroisse et la France que lorsqu'on eut recours à la force armée pour installer à sa place un prêtre assermenté [Note : René Kerviler, Cent ans de représentation bretonne].
Des noms de ces députés du clergé, anciens élèves du collège de Rennes, qui se montrèrent inviolablement fidèles aux principes de leur ordre, il est naturel de rapprocher le nom de deux autres personnages qui firent leurs études dans la même maison et qui se distinguèrent, hors des assemblées, par la même fidélité.
Toussaint Conen de Saint Luc, né à Rennes en 1724, fut envoyé au collège des Jésuites de la ville, où la régularité de sa conduite le rendit le modèle de ses condisciples. Evêque de Quimper depuis 1773, il se montra opposé aux innovations qui se préparaient en France. Quand la constitution civile du clergé lui fut notifiée, il rédigea sur le champ une protestation énergique et, déjà malade, il mourut quelques jours après [Note : Levot, op. cit.].
René-Marie Andrieux, né à Rennes en 1742, fut élevé au collège Saint-Thomas. Entré dans la Compagnie de Jésus en 1761, il devint ensuite membre de la communauté des Nicolaïtes qui dirigeaient les séminaires de Laon et de Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris et en fut élu supérieur général en 1786.
En 1791, il lui fut demandé, quoique n'étant pas fonctionnaire public, de prêter serment à la constitution civile du clergé ; il refusa, ainsi que tous ses prêtres. Arrêté le 13 août .1792, il fut mis à mort le 3 septembre suivant. Il est au nombre des victimes des journées de septembre dont la cause de béatification s'instruit en cour de Rome [Note : Renseignement donné par le R. P. Fouqueray].
Des anciens élèves du collège de Rennes qui obtinrent leur célébrité comme hommes d'église, il nous faut passer à quelques autres qui gagnèrent de manière toute diffrente leur renommée.
René Duguay-Trouin, né à Saint-Malo en 1673, est certes l'un des plus illustres élèves qui soient sortis du collège de Rennes. Il voulait être marin, mais ses parents songèrent à le faire entrer dans les ordres ; il fut envoyé au collège des Jésuites de Rennes, y reçut la tonsure et porta la soutane. En 1688, il quitta l'établissement Saint-Thomas et se rendit à Caen où il fit sa philosophie. Il obtint enfin la permission de s'embarquer et devint le célèbre marin à qui la France dut, sous le règne de Louis XIV, de sérieuses victoires [Note : Levot, op. cit.].
Félix Bigot de Préameneu, fils d'un avocat au Parlement de Bretagne, né à Rennes en 1747, fut, lui aussi, destiné à la carrière ecclésiastique et, mis au séminaire de Rennes, suivit les cours du collège ; il montra, dit-on, par de précoces talents, ce que pouvait attendre de lui. Comme avocat au Parlement de Rennes, puis au Parlement de Paris, comme député de Paris à l'Assemblée législative, il se fit remarquer ; mais la renommée vint à lui sous le Consulat. Nommé membre de l'Institut, puis, en 1801, conseiller d'Etat, il coopéra à la rédaction du Code civil et du Code de procédure civile. Ministre des cultes à partir de 1808, il eut à faire face à des circonstances singulièrement délicates et s'efforça d'atténuer la rigueur des mesures prises contre le Pape [Note : Levot, op. cit., Biographie universelle].
Des personnages de moindre notoriété que ceux dont nous avons parlé, mais qui eurent encore une certaine célébrité, étudièrent au collège de Rennes. Nous citerons, parmi les prêtres : Dom le Texier (1638-1758), qui ocupa de hautes charges dans l'ordre des Bénédictins ; Yves Pezron (1640-1706), qui devint un des dignitaires de l'ordre de Citeaux et laissa des ouvrages relatifs à la Bible [Note : Sur le Texier et Pezron : Levot, op. cit.] ; l'abbé Boursoul (1704-1774), qui fut célèbre à Rennes par ses prédications apostoliques et par sa charité et qui mourut en chaire dans l'église de Toussaints, alors qu'il parlait du bonheur du ciel ; Julien Poussin-Despréaux (1718-1790) qui entra dans la Compagnie de Jésus, montra une charité héroïque, donnant aux misérables le peu qu'il avait et voulut mourir à l'hôpital au milieu des pauvres [Note : Sur l'abbé Boursoul, Tresvaux, op. cit., t. V, p. 435 et suiv. Sur Poussin Despréaux, Tresvaux, op. cit., t. V, p. 487 et suiv. Arch. départ., C. 1250, le Jésuite Poussin des Préaux, originaire de Rennes, demande en 1763 un secours au roi « pour sa subsistance »].
Nous citerons parmi les laïques : Gilles René Donen de Saint Luc (né à Rennes en 1721), frère de l'évêque de Quimper, conseiller au Parlement de Rennes qui, dans les difficultés parlementaires, se fit remarquer par sa fidélité au roi, devint, à ce titre, président à mortier lors de la réorganisation de la Cour et mourut sur l'échafaud avec sa femme et sa fille, Victoire de Saint Luc [Note : Levot, op. cit.]. — Jacques Bertrand Desgrées du Lou (né en 1725) qui, au contraire, joua un certain rôle aux Etats de Bretagne dans le parti d'opposition à la Cour, contribua en 1774 à ce que cessât l'exil de MM. de la Chalotais et de Caradeuc et fût rétabli l'ancien Parlement [Note : Revue de Bretagne, 1902-1903, X. de Bellevüe : le comte Desgrées du Lou]. — Joseph Lanjuinais (1730-1808) qui, lié intimement avec d'Alembert et Diderot, embrassa le protestantisme après avoir appartenu à la Congrégation de Saint-Maur [Note : Levot, op. cit.]. — Michel Mangourit du Champ-Daguet (né à Rennes en 1752), qui exerça diverses charges diplomatiques, s'adonna à l'étude des sciences, au développement des Associations maçonniques dont il fut un ferme soutien [Note : Levot, op. cit.].
Bien des noms auraient, certainement, à être ajoutés à cette liste [Note : Avec Dom Lobineau et Poullain Duparc, il faut sans doute inscrire parmi les anciens élèves du collège Saint-Thomas quelques autres personnages, illustres à des titres et degrés divers : Pierre Hévin, La Chalotais, le Père de Tournemine, tous les trois nés à Rennes. (Sur ce dernier, Sommervogel, VIII, 179). Sur Pierre Hévin, nous lisons dans un article de F. Saulnier (Bulletin de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. XIV. « Pierre Hévin et sa famille à Rennes ») : « Après avoir fait ses humanités sans doute au collège des Jésuites qui jouissait d'une grande réputation, il suivit des cours de droit et se fit recevoir avocat à Rennes ». M. Pocquet (D'Aiguillon et La Chalotais, I, p. 145) dit « il est probable qu'il [la Chalotais] suivit les cours du collège de Rennes qui avait alors une grande renommée ». Charles François le Gué (1724-1792) et Mathurin le Bons de Villeneuve de la Ville-Crohain (1731-1792) tous les deux nés à Rennes de familles de magistrats, firent sans doute leurs études au collège Saint-Thomas, ils entrèrent dans la Compagnie de Jésus et furent victimes à Paris des journées de septembre. Leur procès de béatification se poursuit en Cour de Rome avec celui d'autres victimes. (Renseignement du P. Fouqueray)], mais ceux que nous avons cités permettent de dire que le collège de Rennes a vu parmi ses professeurs des hommes de valeur dont l'enseignement a contribué à former des personnages distingués, qu'il a été le centre d'où sont sortis les apôtres de la rénovation religieuse et morale de la Bretagne au XVIIème siècle.
(Geneviève Durtelle de Saint-Sauveur).
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