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Rapports du Collège et de la Ville de Rennes

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I. — Charges qu'impose à la ville de Rennes le titre de fondatrice du collège. Elle s'occupe de le doter, elle le construit, elle aide les Jésuites dans leurs difficultés.

Droits que donne à la ville de Rennes le titre de fondatrice du collège : pose de ses armes sur les bâtiments, dépendance du collège à son égard, redevances et obligations, diverses auxquelles sont soumis les Jésuites.

Exigence de la Communauté en ce qui concerne le respect de ses droits.

II. — La ville prouve au collège son affection. Les Jésuites montrent à la ville des sentiments d'affection et de reconnaissance.

Le récit des démêlés relatifs au contrat de fondation, l'exposé de l'incident du transfert du collège à la province d'Aquitaine, l'histoire de la construction de l'église donnent déjà une esquisse de ce que furent les rapports de la ville et des Jésuites. Nous avons vu, d'une part, les bourgeois de Rennes jaloux de leurs droits, comprenant difficilement que l'autorité suprême de la Compagnie pût avoir à les contrecarrer, mais très attachés aux religieux de leur collège et prêts, parfois après quelques résistances, à de lourds sacrifices d'argent pour l'établissement qu'ils avaient fondé ; nous avons vu, d'autre part, les Jésuites reconnaissants envers leurs fondateurs, mais résolus à garder l'intégrité de leur institut et décidés, même au prix de démarches délicates, à ne pas laisser se consommer la ruine de leur maison. Ces traits ne nous donnent toutefois qu'un aperçu de l'attitude réciproque du Corps municipal et de l'établissement Saint-Thomas, il importe de la préciser, le collège ayant vraiment été jusqu'en 1762 : le collège de la ville.

I

Fondatrice du collège, la ville s'occupa de le doter, elle y fut grandement aidée, nous le savons, par les libéralités de M. du Vineau, d'un chanoine de Rennes : Georges Lebel, des Etats de la province et du clergé ; mais ce fut elle qui sollicita l'union au collège des bénéfices de Saint-Martin de Noyal, Notre-Dame de Livré, Sainte-Marie de Brégain, pria le roi d'augmenter la somme qu'il promettait sur le fonds des papegaulx ; c'est elle qui accorda la jouissance entière du fief et ancien collège de Saint-Thomas [Note : Jusqu'en 1607, les bourgeois de Rennes eurent en régie les revenus du collège et versèrent aux Jésuites une pension. (Hist. De la fondation p. 138, et arch. mun., liasse 284 : descente de commissaires au collège le 23 février 1607). Sur la demande des Jésuites, des députés, furent nommés le 12 octobre 1607 pour leur remettre le 16 du même mois, les titres des diverses fondations (Arch. mun., 478 A. f°s 88, 89 et liasse 284, descente de commissaire au collège, 23 février 1607), mais ce n'est qu'en 1609 que leur furent délivrés ceux du prieuré de Saint-Thomas, Arch. mun., 479 A. f° LVIr°], s'engagea à élever les édifices scolaires qui seraient nécessaires, à les meubler, à construire une église.

Ces engagements furent remplis et c'est à juste titre que, plus tard, rappelant leur œuvre, les dépenses diverses qu'ils avaient faites, la rente perpétuelle de 2.000 livres dont ils avaient grevé leur budget en 1674, après avoir dépensé pour les constructions plus de 150.000 livres, les bourgeois de Rennes déclaraient que le Corps de ville « n'épargna ni soins ni dépense » pour son collège [Note : Arch. mun., liasse 289, historique du collège].

Dans leurs embarras d'argent, les Jésuites s'adressaient aux fondateurs de leur collège ; ils le firent lors de la construction de l'église, ils le firent encore au début du XVIIIème siècle. Vers 1713 et en 1739, arguant de la modicité de leur revenu, ils demandèrent à être dispensés des droits d'octrois comme ils l'avaient été depuis 1604 quoiqu'ils n'eussent pas à ce sujet de concession juridique [Note : Arch. mun., liasse 287 requêtes des Jésuites aux bourgeois. Le revenu brut du collège, dit la dernière requête, est de 14.300 livres. Le revenu net, de 9.733 livres. La dépense de l'entretien du collège s'élève à 4.900 livres ; il reste 4.833 livres, somme notoirement insuffisante pour défrayer les trente Jésuites et cinq domestiques qui sont ordinairement à l'établissement]. La Communauté accédant à cette requête « pour leur donner de plus en plus des marques de son attention à leur faire plaisir, » consentit à les décharger des taxes d'octrois, au moins pour une certaine somme, mais sans, toutefois, engager l'avenir [Note : Arch. mun. 533 A. f° 45. La Communauté accorda des secours aux Jésuites lors de l'incendie de leur bibliothèque et autres bâtiments en février 1712. (Arch. mun. 523 C. f°s 8r° 9v° 10, et, recueil de Languedoc p. 316)].

Bailleur de fonds, aide naturel dans les difficultés pécuniaires, le Corps municipal était aussi, en tant que fondateur, appelé au secours dans les contestations où se trouvait engagé le collège. C'est lui qui, en 1606, réclama contre le président Forget la possession du prieuré de Livré ; c'est lui qui en 1610 exigea de Pierre des Vignes, receveur des décimes du clergé, le payement des 10.000 livres provenant du doublement des décimes voté en 1606 par le clergé pour le collège. Les bourgeois demandèrent même au Parlement d'instituer à sa place un autre receveur « et luy faire commandement de leur délivrer leur dû » [Note : Arch. mun. Annexe des comptes de 1610 : supplique des bourgeois au Parlement, 17 avril 1610 ; 6 juillet 1610, ordre à un sergent royal d'exécuter contre Pierre des Vignes l'arrêt de la Cour du 4 juin et lui faire sommation de payer la somme de 9.000 livres « à quoi se monte le rôle des deniers »]. C'était bien, en effet, leur dû ; car la ville, engagée à construire le collège, eût été obligée de débourser davantage si les 10.000 livres promises n'avaient pas été versées.

Aux devoirs correspondent toujours des droits et la Communauté de Rennes, en dédommagement des charges que lui imposait sa maison d'enseignement, jouissait de certaines prérogatives.

Il importait, tout d'abord, que sa qualité de fondatrice fût attestée de manière tangible et durable pour que nul n'en ignorât et ne put l'oublier. A cet effet, ses armes étaient apposées sur les bâtiments et une table de marbre placée au-dessus de l'entrée de l'église attestait que « les nobles cytoiens de la Communaulte de Rennes [avaient] fondé et basty à leurs fraiz ladite église et collège » [Note : Arch. mun., 498 B. f° 6. « Les armoiries de la ville sont gravées sur la pierre au frontispice de l'entrée, au grand autel, à ceux des deux côtés et le long de l'église, on les voit encore sur la porte principale du collège et dans tous les lieux que l'on a cru propres à continuer la mémoire des bienfaits de la communauté, avec cette observation essentielle qu'elles sont partout seules sans mélange d'aucunes autres » (Arch. mun., liasse 285, extrait des registres du greffe de la ville, 27 septembre 1725). La ville, on se le rappelle, avait préféré refuser un don important du duc de Rohan plutôt que de voir ses armes mises au grand autel. En 1648, le marquis de Mortemart, vu « que toute la nef de ladite église [des Jésuites] et la meilleure partie de la croisée d'icelle » était au fief de la Tourniolle qui lui appartenait, réclama de poser ses armes sur l'édifice. La Communauté le lui accorda, mais déclara, le même jour, qu'il serait mis « au frontispice une table de marbre en laquelle en lettres d'or sera gravé que les nobles cytoiens et communaulté de Rennes ont basty à leur dépans ladite église... et sera pourveu à ce que les chapelles de ladite église ne puissent être concédées sans le consentements de la communauté, laquelle se réserve la chapelle du côté de l'évangille sans qu'elle puisse être attribuée ni concédée à personne » (Arch. mun. 498 B. f° 6). En 1624 (Arch. mun. 486 B. f°s 8r° 13v°) les Mortemart avaient fait pareille demande, les bourgeois les avaient priés de se contenter de la déclaration que l'église était bâtie sur leur fief. Au surplus, vu l'extrait du registre de 1725 que nous avons cité, la permission de 1648. servit-elle ?].

La présence de ces écussons constituait en elle-même une charge pour les Jésuites, était de nature à satisfaire les bourgeois qui y tenaient essentiellement, mais elle était surtout une preuve de ce fait que les membres du Corps municipal pouvaient imposer certaines obligations à ceux qu'ils avaient établis dans leur ville.

Le Principal de l'ancien collège Saint-Thomas était tenu de venir chaque année au premier janvier, présenter en l'assemblée de la maison commune, avec les autres redevanciers de la ville, les clefs de l'établissement qu'il dirigeait. Il semblait naturel que ses successeurs fussent appelés à donner la même marque de dépendance. Le 1er janvier 1606, l'huissier de la Communauté, appelant ceux qui devaient rendre ce devoir, nomma le Père Recteur, Mathieu Doujeat, celui-ci, sans doute, ne se présenta pas [Note : Arch. mun. 477. Les redevanciers de la ville, dont le Père Mathieu Doujeat, sont priés de venir présenter les clefs. Acte est décerné aux présents (qu'on ne nomme pas) de leur obéissance. « Les défaillans [qu'on ne nomme pas] sont adjournez de s'y trouver à la prochaine assemblée ». En 1605, les Jésuites furent sans doute aussi appelés au 1er janvier ; mais les délibérations de l'année ne nous ont pas été transmises ; le registre 476 se termine au 23 janvier 1604, le registre 477 commence à 1606] ; le 1er janvier 1607, le Père Jacques Pérard ne répondit pas non plus à l'appel de son nom. Les Jésuites se refusaient-ils donc à reconnaître la ville comme fondatrice ? Il semble qu'on le crut, mais dans une lettre qu'il écrivit le lendemain 2 janvier au procureur des bourgeois, le Père Recteur exposa les raisons de sa conduite ; il le priait de l'excuser de ne s'être pas présenté, la veille, en l'assemblée « d'autant [disait-il] qu'en aucune ville du monde nous n'avons telle coustume et ne la pourroi pas introduire sans l'autorité de plus grands que moi. Ce n'est pas que nous refusions de reconnaistre nos bienfaiteurs comme disent nos ennemis, mais disent ce qu'ils vouldront nous ferons paroistre le contraire aidant Dieu, mais selon la forme de nostre compagnie de laquelle se contentent et tiennent honorés tous ceux qui contractent avec nous, car le jour du contract passé nous avons accoustumé de faire sçavoir à nos fundateurs quels qu'ils soient que nous dirons la messe à tel jour pour eux ; s'ils s'y trouvent ou quelqu'un de leur part, le Recteur sur la fin de la messe leur fait présent d'un cierge en reconnaissance et leur dit quelques parolles de remerciement, cela ne vaut-il pas plus que se trouver en l'Assemblée ?... » [Note : Arch. mun., liasse 284. Lettre du Père Pérard au procureur des bourgeois, 2 janvier 1607. A la suite de ce que nous venons de citer, le Père Pérard ajoutait : « Je vous en fai juge vous-même et quant et quant nostre advocat contre tous ceux qui vouldroient trouver mauvaise nostre absence au lieu et à l'heure assignée, combien que je ne pense pas qu'aucun de messieurs de la ville vousist se formaliser pour cela ... ». M. de Béthune, gouverneur de la ville, consulté sur le point de savoir s'il fallait changer l'ancienne forme de redevance, conseilla de céder au désir des Jésuites. (Arch. mun., liasse 284. Lettre de M. de Béthune, gouverneur de la ville au procureur des bourgeois, Louvel 12 janvier 1607)].

Il fut décidé que dès lors, chaque année, ce serait, non le 1er janvier, mais le jour de la réouverture des classes (dont la date habituelle était le 18 octobre) que les Jésuites auraient à « faire et rendre les redevances et recongnaissauces [aux] nobles bourgeois selon qu'ilz ont acoustumé de faire en leur ordre envers leur fondateur » [Note : Arch. mun., liasse 284. Procès-verbal d'une visite des députés de la Communauté au collège, 16 octobre 1607)]. Dès lors, tous les ans, deux Jésuites vinrent inviter, en l'assemblee de la maison commune, les membres du Corps de ville à se rendre le 18 octobre, jour Saint Luc, au collège pour y recevoir les « redevances ». A 9 heures du matin, au jour fixé, la Communauté de Rennes s'assemblait dans la maison municipale, se revêtait de ses habits de cérémonie et, précédée de ses « officiers ordinaires », des miseurs, du garde des archives, du greffier se rendait chez les Jésuites. Reçus à la porte de l'église « par grand nombre desdits Pères rangés en haye », les bourgeois prenaient place dans le haut, de la nef sur des bancs préparés pour eux et entendaient une messe solennelle, qui se célébrait « au son des instruments de musique ». Le Père Recteur ne manquait pas, dans une harangue, de témoigner à la Communauté de ville, sa reconnaissance et celle de tous religieux du collège et offrait à son chef un cierge de cire blanche allumé « armoyé du nom de Jésus et des armes de la ville ». Le procureur syndic (ou maire, suivant les époques) répandait au discours qui lui avait été adressé, puis tout le Corps municipal procédait à l'ouverture des classes pour la rentrée des élèves qui était fixée au lendemain [Note : Les registres de délibérations de la Communauté donnent chaque année le récit plus ou moins détaillé de cette cérémonie qui se déroulait toujours suivant le même ordre ; les détails ci-dessus sont empruntés aux registres 478 A. f° 92 ; 523 B f° 41, 527 A. f° 37 et au recueil de Languedoc p. 120. Cette « marche » solennelle de la Communauté le 18 octobre était la seconde des cinq « marches ordinaires » qu'elle accomplissait chaque année ; la première se faisait le jour de la fête du Saint Sacrement ; la troisième, le 8 septembre où les bourgeois se rendaient à Bonne Nouvelle ; la quatrième, le 15 août et la cinquième le 1er janvier où depuis 1655 le corps municipal allait assister à la messe chez les Minimes. (Languedoc. op. cit, loc. cit. Arch. mun., 513 C. f° 29). Par délibération de 1638, il fut arrêté que le cierge remis par les Jésuites le 18 octobre serait « porté et présenté à l'autel de N.-D. de Bonne-Nouvelle le jour de sa nativité que le Corps de ville s'y rend pour y recevoir les redevances particulières que les Pères de ce couvent lui doivent de leur part ce jour-là, pendant lesquelles, il doit être allumé » (Arch. mun. recueil de Languedoc, p. 316). Ogée (dictionnaire de Bretagne t II p. 490) dit que cet usage tomba bien vite en désuétude. La messe du 18 octobre devait être célébrée en musique, d'après une délibération de 1620].

Le 15 octobre 1649, les deux Jésuites qui venaient inviter les bourgeois à la messe de la Saint Luc leur présentèrent le catalogue des livres dont l'on se servirait dans le courant de l'année. Ce n'était point là une attention gracieuse de leur part, mais bien une nouvelle obligation envers la Communauté qui leur déclara, en vertu d'un arrêt de la Cour, qu'ils avaient à présenter ce catalogue un mois avant l'ouverture des classes ; en 1648 déjà, le 16 octobre, le Corps municipal avait réclamé aux Jésuites la liste des ouvrages scolaires dont on userait pendant l'année pour « faire reigler le sallaire de l'imprimeur desdicts Pères Jésuistes pour les feilets ». Cette charge tomba peu à peu en désuétude et quand les religieux du collège présentèrent leur catalogue à leurs fondateurs, ce ne fut que le jour où ils venaient les convier à la messe du 18 octobre [Note : Arch. mun. 498 B. f° 84r° ; 499 A. f° 132. Un procès entre les Jésuites et les imprimeurs de la ville donna, sans doute, naissance à cette obligation. En 1638, les imprimeurs de Rennes poursuivirent les Jésuites et Denis qui, se disant leur imprimeur, vendait les livres à haut prix à leurs élèves « nonobstant l'offre des suppliantz de les bailler à un tiers moindre des deux tiers que Denis ». Sollicitée d'intervenir avec les demandeurs, la Communauté s'y résolut, comme elle voyait que « le public [était] intéressé » dans cette affaire. (Arch. mun. 493 B f°s 28v°, 30v°, 37v°,) Marteville (Rennes ancien, Rennes moderne p. 237 t. I) fait remonter vers 1680 l'obligation pour les Jésuites de présenter leur catalogue ; cette obligation fut-elle renouvelée alors, nous ne le savons pas ; en tout cas, elle existait auparavant. Denis ne garda pas le privilège d'imprimeur des Jésuites — nous avons sous les yeux quelques livrets de ballets joués au collège — l'un d'eux imprimé en 1691, porte « A Rennes chez François Vatar, imprimeur du roy et du collège, au palais, à la palme d'or ». Un autre porte : « chez Joseph Vatar, imprimeur libraire du collège, place du Palais, au coin de la rue Royale, aux estats de Bretaigne » 1732. La bibliothèque municipale de Rennes garde des éditions d'auteurs latins qui ont servi chez les Jésuites et qui ont été imprimées chez Vatar. Tout cela n'empêche point Marteville (op. cit. loc. cit.) de dire que l'imprimeur du collège était à Paris. Le manuscrit de l'histoire de la fondation dit à tort (p. 131), que c'est par une suite des bons rapports entre les Jésuites et la Communauté qu'était remise à celle-ci, au moment du 18 octobre, la liste des livres qu'on devait voir l'année suivante].

A la fin de l'année scolaire, on revoyait les Jésuites dans l'assemblée de ville, du moins depuis 1614 ; cette année-là, le vendredi 8 août, pour la première fois, deux Jésuites vinrent en la maison municipale inviter les bourgeois à se rendre aux jeux publics qui devaient être représentés quelques jours plus tard et les prier d'assister à la distribution des prix qui était fixée à la même date [Note : Arch. mun. 481 B. f° 120r°]. Depuis lors, jusqu'en 1762, cette invitation, accompagnée de la remise des « placards » de la représentation, se renouvela chaque année ; l'adreser devint même un véritable devoir, si forte est la puissance de la coutume et, pour s'en dispenser, les Pères du collège sollicitaient une autorisation de la ville. C'est ainsi que, le 13 juin 1671, ils demandèrent qu'on leur permit de s'abstenir des jeux publics de fin d'année et de la distribution des prix, vu qu'ils se proposaient de donner une fête à l'entrée du duc de Chaulnes, nommé gouverneur de Bretagne ; les écoliers, disaient-ils, recevraient double prix l'année suivante et ainsi ne perdraient rien. La Communauté « pour cette année seulement » dispensa des jeux, mais ordonna de remettre les prix aux écoliers dans leurs classes [Note : Arch. mun. 499 A. f° 166r°, 510 A. 33v°, 34r°, 521 C. (1706) f° 38v° les Jésuites invitent la Communauté aux « jeux publics et distribution des prix qu'ils etoient tenus de faire par leur fondation et qui se fera soubz son bon plaisir lundy prochain »].

En 1710, les Jésuites prièrent le Corps municipal de leur permettre de ne pas donner des jeux lors de la remise des récompenses de fin d'année ; ils furent écoutés, mais les bourgeois prirent bien soin de spécifier que cette permission ne devait pas « tirer à conséquence » pour l'avenir [Note : Arch. mun. 523 A. f° 20r°. « Monsieur le maire a représenté à la compagnie que le père préfet du colège des Pères Jésuites l'avait esté voir et en même tems monsieur le procureur du roy et leur avait fait connaître l'impossibilité où ils étaient de faire de tragédie publique cette année ne se trouvant pas des sujets en nombre suffisant pour en soutenir la dépense et qu'ils suplièrent la Communauté de les en vouloir dispenser jusqu'à ce que le tems ne devienne meilleur. La Communauté ayant égard à ladite remontrance a dypensé les pères Jésuittes de la représentation de leur tragédie publique pour cette année sans tirer à conséquence »]. En 1713, 1714, 1715 et les deux ou trois années suivantes, les Jésuites s'excusèrent de ne convier qu'à l'explication d'énigmes et non à une « tragédie publique comme ils le faisaient chaque année », mais le désordre qu'avait causé l'incendie de la chapelle les y contraignait [Note : Arch. mun. 524 A. f° 38v°].

A cette fête de la distribution solennelle des prix, due au moins en partie à la générosité de la ville [Note : Le manuscrit de l'histoire de la fondation p. 133 et p. 135 dit que les bourgeois n'ont fondé la distribution des prix qu'autant que « par leur magnifique fondation [ils] ont mis les Jésuites en état de fournir à cette dépense » mais qu'ils ne l'ont établie par aucun acte spécial. Ce qui est certain, c'est que non seulement les placards attribuent l'institution de la distribution aux bourgeois de Rennes, mais il est arrivé aux Jésuites, adressant à la fin de l'année leur invitation, de parler à la Communauté des prix « qu’elle a fondé » par exemple en 1724. Arch. mun. 527 C. f° 17r°. Le 18 août 1740, le Père Harscouët, préfet du collège fit observer au Corps de ville « qu'une somme de 20 écus telle qu'est celle que la Communauté... accorde pour les prix qui se distribuent à la fin de chaque année n'étoit pas à beaucoup prez suffisante pour le college de Rennes... ». Arch. num., 533 C. f° 74], se rendaient les membres du Corps municipal qui le désiraient ; les hallebardiers leur gardaient des bancs à des « places de distinction » [Note : Arch. mun. 495 13. f° 85r°, il y est dit à la séance du 22 août 1642 que « les halbardiers garderont les bancs à la forme accoustumée ». Hist. de la fondation p. 132. En 1658 la Communauté se montra mécontente de ce que les Jésuites avaient fait représenter les jeux dans l'ancienne chapelle et non dans la cour ; elle interdit la reproduction de semblable fait. Arch. mun. 503 B. f° 68v°. Aussi en 1711, obligés de donner les jeux dans l'ancienne chapelle, les Jésuites s'en excusèrent Arch. mun. 523 B. f°, 34v°. Le théâtre ne fut construit qu'en 1740].

D'autres faits manifestent la dépendance du collège à l'égard de la Communauté de ville. En 1640, la peste avait sévi à Rennes ; au début d'octobre, elle s'apaisait, l'établissement Saint-Thomas pouvait, semblait-il, rouvrir ses portes, mais il n'était pas au pouvoir du Père Recteur d'en décider lui-même ni de traiter directement sur ce sujet avec la police. Sur sa requête, les membres du Corps de ville décidèrent « de voir Messieurs les Commissaires de la pollice pour les prier que ledict collège soit ouvert » [Note : Arch. mun. 494 13. f° 86r°].

En 1701, les bourgeois de Rennes, de leur propre autorité, semble-t-il, renvoyèrent l'ouverture des classes au 3 novembre, encore à cause de la peste. Les Jésuites obtempérèrent « aux désirs » (ne faut-il pas dire « aux ordres ») de leurs fondateurs, et remirent, comme toujours en semblable cas, la cérémonie des redevances au début des exercices scolaires. L'ouverture du collège, au cas où l'intérêt public était en jeu, dépendait donc, au moins médiatement, de la ville [Note : Arch. mun. 520 A. f° 52r° f° 53. Pour retarder l'ouverture du collège en cas de nécessité publique, l'autorité du Parlement était supérieure à celle de la ville. C'est ainsi qu’en 1756, un arrêt de la Cour ordonna qu'à cause de la « dissenterie » et de peur de la contagion, les classes recommenceraient seulement le 11 novembre. (Arrêt de la Cour, 12 octobre 1756, liasse 287). En 1627, le Corps municipal avait décidé, le 15 janvier, de conférer « avecq messieurs les présidants » au sujet du collège qui était fermé à cause de la « maladie contagieuse » et de requérir qu'il ne fût « à présent ouvert que pour les escolliers des principaulx de la ville ». Arch. mun., 488 A. f° 14v°. Il est, du reste, indéniable que le Parlement avait sur le collège un certain pouvoir ; il avait chargé deux présidents de prendre part aux négociations que la ville ouvrit avec les Jésuites pour leur établissement (contrat du 9 octobre 1606), il fallut son autorisation pour procéder aux expropriations de terrains lors de la construction du collège et de l'église ; en tant que cour de justice il prenait, nous aurons occasion de le voir, des mesures pour faire rentrer dans l'ordre les écoliers turbulents. Il n'en est pas moins vrai que la principale autorité qui s'exerce sur le collège est celle de la ville, sa fondatrice. (H. Carré, le Parlement de Bretagne après la ligue p. 522)].

Les bourgeois avaient aussi, dans leur maison d'enseignement, un certain pouvoir en matière pécuniaire. Ce n'est point par acte spontané de déférence que, le 23 décembre 1610, le Père Bertric, Recteur, pria la Communauté de lui donner son consentement pour que l'acquéreur des biens du sieur des Landes Maupertuys franchît la rente qui était due au collé sur ces fonds. Le Corps de ville nomma des députés pour conférer de cette affaire avec les Pères Jésuites « recepvoir les deniers dudict franchissement et calculer les intéretz deuz de ladicte rente » [Note : Arch. mun. Annexe des comptes, 23 décembre 1610. Requête du Père Bertric et décision de la Communauté].

La ville fixait toujours les matières d'enseignement, comme le montrent les contrats, mais nous n'avons pas rencontré un seul récit d'une de ces visites fréquentes au temps de l'ancien collège, de commissaires chargés de se rendre compte de la manière dont fonctionnait l'établissement. Sans doute, les bourgeois avaient pleine confiance dans les religieux qu'ils avaient appelés et s'en remettaient totalement à eux de la conduite du collège ; il n'en est pas moins vrai que nous pouvons constater là une diminution certaine de leur autorité, diminution qui fatalement, à vrai dire, devait se produire du jour où ils avaient appelé, comme maîtres et directeur, des membres d'une puissante congrégation, dont la nominatiaon aux diverses charges du collège se trouvait naturellement leur échapper. Au reste, nous ne voulons nullement dire qu'il y ait eu là déclin en soi, mais seulement qu'il y eut déclin dans l'autorité de la ville sur l'établissement Saint-Thomas. Elle le sentit, sans doute, et c'est pour cela, on peut le croire, qu'elle garda jalousement les droits qu'elle possédait sur le collège et fut parfois facilement portée à se trouver lésée.

Aussi ce dut être grand émoi dans l'Assemblée municipale quand se répandit en 1612 le bruit que les Jésuites, « faisant paroistre qu'ils tiennent cachés en l'âme de se vouloir mesler des affaires d'estat », voulaient avoir entrée et voix délibérative aux séances de la maison de ville. Ils avaient même, disait-on, demandé les clefs de la porte blanche pour faire entrer en ville et en sortir, qui leur conviendrait. Le Père Bertric se défendit près des bourgeois d'avoir eu semblable prétention et la Communauté de Rennes, reconnaissant que l'accusation n'était pas fondée, donna acte au Père Recteur de ce qu'il n'avait jamais formulé la demande qu'on lui attribuait [Note : Arch. mun., liasse 285. Lettre du Père Bertric aux bourgeois de Rennes 1612. « Ce n'y eut jamais imposture, faulseté et calomnie au monde si cette cy ne l'est ; n'estant jamais le désir de chose semblable tombé en l'âme même en dormant, d'aucun des leurs [aux Jésuites] qu'on aye sceu ni icy ny ailleurs. Joinct que le faict est si aliène de leur institut et hors de toute apparence, à qui sçait leur manière de vivre que si lors qu'il s'agissoit de leur establissement en ceste ville, vous eussiés volu, messieurs, les obliger à se trouver parmy vous aux assemblées pour y traiter, c'eut esté un beau moien de les congédier honnestement veu que pour chose du monde, ils n'eussent contracté à telles et semblables conditions ». Le Père Recteur n'eût pas été le seul religieux ayant droit de siéger à l'assemblée de la maison commune. L'abbé de Saint Melaine jouissait de cette prérogative et aussi l'abbesse de Saint-Georges qui se faisait représenter par procureur].

Ce ne fut là, semble-t-il, qu'un assez minime incident et nous ne pouvons qu'inférer le mécontentement des bourgeois de Rennes, mais d'autres faits, en plus de ceux dont nous avons déjà parlé dans des chapitres précédents [Note : Le démêlé au sujet du don promis par le duc de Rohan et tout l'incident du transfert à la province d'Aquitaine], nous le montrent d'une manière certaine et nous fournissent des preuves de la susceptibilité du Corps de ville.

Le 27 septembre 1725, le Maire représenta à la Communauté que dans la soirée du 11 de ce même mois un gentilhomme, M. de Brûlon, avait été inhumé dans l'église du collège et, rappelant toutes les largesses de la ville envers les Jésuites, toutes les marques qui attestaient qu'elle était bien la fondatrice du collège, il déclarait que les bourgeois ne pouvaient demeurer indifférents au bruit que cet événement avait causé dans la ville « d'autant moins qu'il a fait penser à tout le monde que ce n'était point elle [la Communauté] qui avait fondé le collège, et fait bâtir cette église, de là on a passé facilement à s'imaginer qu'il n'y a point de véritable fondement aux devoirs qui sont rendus à la Communauté ». Requis de délibérer sur cette affaire, le Corps de ville se montra sensible à cette violation de ses droits, mais, avec une sagesse louable, décida que, avant de « faire droit », on conférerait avec les Jésuites ; ensuite, en toute connaissance de cause, on prendrait les mesures convenables pour sauvegarder les privilèges de la ville [Note : Arch mun., liasse 285. Extrait des registres du greffe de la ville, 27 septembre 1725 et 528 A. f°s 44v° 45r°. Nous n'avons pas vu quelle suite fut donnée à cette affaire].

Peu de temps après, un incident curieux et au récit duquel il est difficile d'ajouter pleine foi, mettait aux prises les Jésuites et leurs fondateurs et donnait à ceux-ci occasion de formuler l'exposé de leurs droits.

Le 14 février 1726, M. Cassard, l'un des échevins dans l'assemblée de la maison commune, fit connaître aux bourgeois « comme fondateurs du collège » plusieurs griefs avait contre le Recteur et quelques professeurs de la maison qui se seraient conduits de façon fort malséante à l'égard de son fils [Note : Arch. mun. 528 B f° 10, Voici le sujet de la plainte de M. Cassard : un de ses fils, élève de rhétorique, désirait assister à une prise d'habit chez les Bénédictins ; au précepteur qui, pour lui, demandait une permission, le régent de rhétorique avait déclaré qu'il fallait un « billet d'excuse ». Le jeune Cassard l'avait apporté le lendemain, et par ce même régent, auquel il le remettait, s'était vu chasser du collège ; en se retirant, il avait rencontré un régent de logique qui, encore revêtu de ses habits sacerdotaux, avait proféré contre lui, de violentes injures « il lui dit que c'estoit un tison d'enfer, qu'il estoit damné comme un diable et élevant la voix luy dist : retire-toi, coquin, maraud fils de crocheteur que je ne te voie jamais »]. La Communauté de Rennes s'émut de l'injure qui aurait été faite à l'un des siens et (changeant totalement dans son indignation la nature de l'affaire) pour être, dit-elle, en état de « faire droit » sur cette plainte et sur plusieurs autres qui lui avaient été adressées, elle nomma une Commission qui dut examiner les archives, afin de voir quelles étaient « les obligations des Jésuites à l'égard de la Communauté pour les obliger à les remplir ».

Le surlendemain, 16 février, le bon accord était rétabli entre M. Cassard et les religieux du collège, après excuses et promesses de ceux-ci, mais le Corps municipal déclara que, si le plaignant de la veille était satisfait, il n'en était pas ainsi de lui-même ; il compulsa ses archives, y retrouva les pièces qui établissaient les divers droits de la ville et, voulant y recourir, facilement pour exiger tout ce qui lui était dû et ne pas laisser enfreindre ses privilèges, transcrivit un extrait des documents les plus importants au registre des délibérations [Note : Arch. mun. 528 B. f° 10, f° 11r°, f° 12v°, f° 13'° sur les deux dernières de ces feuilles, le greffier coucha : l'édit de Henri IV établissant le collège de Rennes, février 1604, un résumé du contrat du 9 octobre 1606, de la lettre du Père Pérard en date du 2 janvier 1607, d'une autre lettre du même (12 octobre 1607), dans laquelle il décrivait la forme des redevances du 18 octobre. Le greffier notait encore que le 9 août 1619 la Communauté, délibérant sur le projet de transfert du, collège de Rennes à la province d'Aquitaine, avait mandé le Père Moussy ; celui-ci avait assuré que rien ne serait changé à l'ancien état de choses ; le Père Moussy avait renouvelé cette affirmation le 18 octobre suivant. Un résumé du contrat de 1653, de la convention du 2 août 1664, du traité de 1674, terminait l'exposé du greffier]. Mais, à qui est poursuivi par l'idée d'exiger strictement ses droits, il arrive aisément de les outrepasser ; c'est ce qui eut lieu pour les bourgeois de Rennes. Il est juste d'ajouter qu'ils furent aussi, du moins pour partie, victimes d'une erreur du greffier. Celui-ci disait bien que les Jésuites reconnaissaient solennellement les membres du Corps municipal comme fondateurs au 18 octobre, et non au 1er janvier, ainsi qu'en avait coutume le personnel de l'ancien collège, mais il ajoutait : « il paroist par les registres de la Communauté que depuis 1606, tems de leur institution, jusqu'en 1699 que le Recteur des Jésuistes a comparu à chaque premier jour de l'an à la Communauté comme les autres redevanciers et que depuis ils n'ont point comparu » [Note : Arch. mun. 528 B. f° 13r° M. Carré « de rerum publicarum administratione apud civitatem Redonum Henrico quarto regnante ». p. 71, reproduit cette affirmation du greffier de la ville].

Le greffier avait mal compulsé ses registres : le Recteur des Jésuites, de 1606 à 1699, ne figure pas sur toutes les listes de ceux qui étaient appelés à présenter leurs clefs au 1er janvier et quand son nom s'y trouve, souvent une note dans la marge indique qu'il avait présenté ses redevances à la Saint Luc. Mais, en conséquence de cette assertion, les bourgeois de Rennes, fermement résolus à maintenir toutes leurs prérogatives, et, sans doute, sûrs de leur droit, appelèrent, au 1er janvier de l'année suivante, le Recteur du collège dans l'assemblée ; il s'y présenta par procuration [Note : Arch. mun. 528 C. f° 1v°. Pierre Nicole se présente pour les Jésuites qui sont appelés avec les redevanciers de la ville. Les registres de délibérations nous indiquent que les années suivantes, les Jésuites furent encore appelés au 1er janvier, mais ne se présentèrent pas. Au début de 1744, la ville pour les forcer à venir présenter leurs clefs à cette date, aurait retardé le payement d'un trimestre de la rente due depuis 1674. Devant les observations des Jésuites, elle aurait entendu raison et se serait départie de ses prétentions (Hist. de la fondation p. 269)], probablement pour éviter une querelle avec ceux qui avaient comblé sa Compagnie de bienfaits et qui, malgré leur susceptibilité, lui étaient grandement attachés.

Il faut reconnaître que cette susceptibilité occasionnait des scènes comiques. Le 14 août 1727, le Père Harscouët, préfet du collège, vint inviter la Communauté à la tragédie de fin d'année ; loin de recevoir les remerciements accoutumés, le pauvre Père, probablement fort surpris, fut en butte à une mercuriale. Par quelle « novation, préméditée, affectée et contraire à l'ancien usage » se présentait-il seul en l'assemblée, alors que, il le savait, les Jésuites et tous les autres religieux y venaient toujours au nombre de deux ? Et, trouvant « le procédé des Pères Jésuittes incivil, déréglé, remply d'affectation et tendant à nouveauté contre l'ancien usage », le Corps de ville déclara qu'il n'assisterait point cette anuée-là à la représentation de la tragédie et, une fois de plus, résolut d'examiner quels étaient les engagements des Jésuites envers lui [Note : Arch. mun., 528 C. f° 44] ; nous pouvons tenir pour certain qu'il n'y manqua pas. Il ne reçut plus, du moins, semblable offense ; deux mois après, le Père Harscouët vint l'inviter à la fête de la Saint Luc, il était accompagné d'un autre Père ; les Jésuites étaient guéris des innovations dangereuses [Note : Arch. mun., 528 C. f° 59. Ducrest de Villeneuve (Histoire de Rennes, p. 300), parlant des devoirs auxquels les Jésuites étaient astreints envers la Communauté dit que « par oubli ou à dessein ils tentèrent souvent de [s'y] soustraire ». L'examen des pièces d'archives ne donne pas raison à cette assertion ; seule l'obligation de présenter, un mois avant l'ouverture des classes, le catalogue des livres ne fut pas remplie avec exactitude].

II

Jalouse de ses droits, prompte à se croire lésée, la Communauté eut toujours, nous l'avons dit, pour les religieux qu'elle avait appelés dans son collège une réelle affection ; de légers nuages l'obscurcirent parfois, ils ne la détruisirent jamais. Cette affection fit que, lors du contrat de 1606, le Cors municipal renonçât à certaines de ses prétentions ; elle lui inspira la générosité qu'il montra lors de la construction des bâtiments scolaires et particulièrement de l'église ; elle le conduisit, lorsque l'occasion s'en présentait, à donner aux Jésuites ces marques d'intérêt qui n'exigent pas de grands sacrifices, mais prouvent l'union des cœurs.

La ville eut quelques occasions particulières de manifester aux Jésuites sa sympathie. En 1623, saint Ignace de Loyola et saint François Xavier furent canonisés en Cour de Rome ; le Père Claude Noirel, Recteur du collège, accompagné du Procureur, vint le 7 juillet 1623, en l'assemblée de la maison commune, prier le Corps de ville d'assister à la procession solennelle qui, partant de Saint-Pierre pour se rendre à l'église du collège, se ferait à cette occasion ; il lui demandait, en même temps, de bien vouloir prendre des mesures pour rehausser l'éclat de la fête. La Communauté, se pliant à ses désirs, arrêta qu'elle se rendrait en corps à la procession, que l'on tirerait le canon et que l'horloge sonnerait « à ban » [Note : Arch. mun. 486 A. f° 53r°].

L'année 1672 vit une nouvelle fête de famille des Jésuites (la canonisation de saint François Borgia) et donna aux bourgeois de Rennes une nouvelle occasion de s'unir à leur joie. Le 19 novembre, le Corps municipal arrêta que le dimanche suivant 22 novembre, il irait assister au salut du Saint Sacrement à l'église des Jésuites et de là se rendrait mettre le feu au « buscher et feu de joye » pendant que le canon tonnerait et que l'horloge serait sonnée « à ban » [Note : Arch. mun. 510 A. f°s 74v°, 75r°. La ville avait donné 400 livres aux Jésuites pour sa pari des frais de la cérémonie ; elle avait aussi contribué aux fêtes de la canonisation de saint Ignace et de saint François Xavier. Il était, du reste, dans ses habitudes de remettre une certaine somme aux religieux établis dans ses murs lorsqu'un des membres de leur ordre venait à être béatifié ou canonisé. En 1740, par exemple, (V. Arch. mun. 533 C. f° 46), elle accorda 300 livres aux Jacobins pour la béatification de Benoît VI, pape de leur ordre].

Les choses se passèrent suivant cette ordonnance ; le marquis de Coëtlogon, lieutenant pour le roi de la Haute-Bretagne et gouverneur de Rennes, Sébastien de Coëtlogon, vicomte de Méjusseaume, les connétables de la ville et quinze bourgeois se trouvèrent au salut du Saint-Sacrement ; conduits par les Jésuites, ils se dirigèrent ensuite vers la place du Pré-Botté où le feu de joie avait été dressé ; avec « quatre flambeaux blancs, armoyés des armes de la ville » que présentèrent les religieux, le feu fut mis au bûcher [Note : Arch. mun. 510 A. f° 76 « ensuite duquel salut a esté ledict Corps de ville conduit par lesdicts Pères Jésuites au lieu et place du Pré-Botté où estoit un feu de joye et buscher, allentour duquel la procession ayant esté faicte, a esté présenté par lesdits Pères quatre flambeaux blancs armoyés des armes de la ville avec lesquels le feu a esté mis audit buscher »].

Ces fêtes prouvent bien les sentiments d'amitié réciproque des Jésuites et de la ville, car on peut légitimement supposer que ce n'est pas dans la seule pensée de donner plus d'éclat aux cérémonies que le Corps municipal y était invité.

Les Jésuites, du reste, s'ils voulurent sauvegarder l'intégrité de leurs Constitutions, s'ils se refusèrent à risquer la ruine lors de la construction de l'église, n'hésitant pas pour cela devant la démarche délicate de faire rompre des engagements qu'ils avaient signés, gardèrent toujours à la Communauté de ville une affection reconnaissante. Le manuscrit de l’histoire de la fondation, écrit dans les dernières années du collège par un Jésuite et auquel nous avons eu fréquemment recours, en fournit maintes preuves. L'auteur reconnaît, comment, triomphant de ses longues résistances, après avoir déjà dépensé pour eux depuis 1604 des sommes considérables, le Corps municipal « secourut très généreusement » les Jésuites [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation, p. 222] ; il déclare nettement que ce ne fut point par duplicité mais, bien au contraire, dans l'intention d'éviter des difficultés que les bourgeois présentèrent aux Jésuites le texte de la fameuse transaction de 1653, il ajoute que la « tendre reconnaissance » de ces religieux pour leurs fondateurs les empêcha jusqu'en 1672, de recourir à l'autorité royale pour en obtenir l'annulation [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation pp. 215, 258, 259, 233].

Il arriva aux Jésuites de manifester leur reconnaissance dans des occasions particulièrement solennelles.

Le 23 août 1651, quelques jours avant la consécration de l'église qui eut lieu le 3 septembre, la Communauté, sur invitation, se rendit au collège, assista à la soutenance de thèses de philosophie qui lui étaient dédiées en remerciement de « ses libéralités » [Note : Arch. mun. 500 A. f°s 58, 60. Le samedi 26 août, deux Jésuites vinrent remettre à la Communauté des exemplaires de ces thèses. Les bourgeois décidèrent, que la « imprimée sur satin blanc », serait fixée sur quatre lattes et mise à la paroi de la chambre du Conseil. En 1706, (Arch. mun. 521 C. f° 55v°), le greffier du Corps de ville rappelait « que ce fut au moys d'août 1651 que fut présentée à la Communauté la thèse où étoit le frontispice de l'église des Jésuites représenté en son entier et l'introduction du Corps de ville d'un costé et de la noblesse de l'autre en icelle par deux vertus, laquelle se voit encore dans la grande salle du collège »]. Si brillantes que fussent ces soutenances de thèses, il se présenta cependant une occasion qui permit aux Jésuites de donner plus d'éclat à la manifestation de leur reconnaissance. Quand arriva l'année 1706, centenaire du contrat passé entre leur Compagnie et la ville, ils voulurent donner à leurs fondateurs « une nouvelle marque de leur reconnaissance ».

Le 16 décembre, le Père Recteur accompagné du Père Préfet invita le Corps de ville à venir, le 21 décembre, jour de la fête de saint Thomas Becket, patron du collège, écouter « une pièce d'éloquence » composée par le Régent de rhétorique et consacrée à « l’éloge de la magnificence de la Communauté dans cette fondation affin d'en renouveler le souvenir et en même tems [à] l'éloge de la ville » [Note : Arch. mun. 521 C. f° 54]. Après s'être rendu compte en lisant le sommaire de cette « pièce d'éloquence » que la cérémonie ne se ferait « qu'en son honneur et celui de la ville par un nouveau témoignage de la reconnaissance de la fondation qu'elle a faite du collège », le Corps municipal se rendit solennellement à l'établissement Saint-Thomas, revêtu de ses habits de cérémonie. Les bourgeois furent reçus à l'entrée de la cour par les Jésuites rangés en haie, et conduits par eux dans l'ancienne chapelle de Saint-Thomas qui, pour la circonstance, avait été « tendue de tapisseries, éclairée de lustres » ; placés sous un dais orné des écussons du roi, de la province et de la ville, ils entendirent avec satisfaction « le discours d'éloquence » que prononça « le père de rhétorique » « en l'honneur de la Communauté et de la ville pour renouveler dans la centième année de leur fondation qu'elle a faite de leur collège l'extrême reconnaissance qu'ils [les Jésuites] en conservent avec soin » [Note : Arch. mun. 521 C. f° 54, f° 55v°, ce discours, dit le greffier de la ville « et dans son contenu et dans la manière dont il a este débité a surpassé toutes les louanges qu'on en peut exprimer ». On le mit, ajoute-t-il aux archives de la ville. Languedoc p. 317 nous dit « en l'an 1706, jour de la fête de saint Thomas dont le collège porte le titre..., le Corps de ville, en son habit de cérémonie s'y rendit à la prière des Pères d'icelui et assista à une célèbre harangue qui fut prononcée par le régent de rhétorique, en commémoration de l'année centenaire de leur réception en cette ville, et où se trouva un grand nombre de personnes de distinction, ce qui se termina par un grand applaudissement et comme cette harangue était au reste tout entière en l'honneur de la Communauté, l'auteur de cet ouvrage a pris soin d'en retirer une copie qu'il a déposée aux archives pour y servir de monument et en conserver la mémoire ». Nous n'avons point retrouvé le discours du « Père de rhétorique »].

De même que les bourgeois prenaient part aux fêtes des Jésuites, les Jésuites, de leur côté, aimaient à s'unir à leurs joies et à les solenniser. Par des soutenances de thèses de philosophie, cérémonies qui, toutes scolaires qu'elles étaient, n'en étaient pas moins fort appréciées, ils célébrèrent en juillet 1654 la prochaine inauguration du palais du Parlement et en 1690 le retour à Rennes du Parlement exilé à Vannes depuis 1675, à la suite de la révolte du papier timbré [Note : Cte de Palys. Notes d'iconographie bretonne ; les thèses bretonnes illustrées aux XVIIème et XVIIIème siècles Vannes 1890. p. 22, p. 31. L'auteur décrit la magnifique ornementation de ces thèses].

Les Jésuites avaient un moyen permanent de manifester, de façon fort agréable à leurs fondateurs, la reconnaissance qu'ils leur devaient : c'était d'instruire la jeunesse qui leur était confiée, de travailler à son éducation chrétienne, de remplir, en un mot, la tâche pour laquelle ils avaient été appelés. En exposant ce que nous connaissons sur la manière dont fut dirigé le collège de Rennes, nous allons voir comment ils s'en acquittèrent.

(Geneviève Durtelle de Saint-Sauveur).

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