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LA CONSTRUCTION DU COLLEGE DES JESUITES A RENNES

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I. — Construction des bâtiments scolaires.

II. — A partir de 1615 les Jésuites demandent au Corps de ville de leur édifier une église ainsi qu'il a promis de le faire. En 1623, un contrat est signé entre la ville et les Jésuites pour la construction de cette église. Pose de la première pierre en 1624. Difficultés qui s'élèvent à ce sujet entre l'évêque et la Communauté de Rennes. En 1636, le Corps municipal a versé aux Jésuites les 60.000 livres qu'il était tenu de donner pour la construction de l'église et celle-ci est loin d'être achevée. Les bourgeois de Rennes songent à s'en tenir strictement au traité de 1623. Ils accordent aux Jésuites une somme annuelle de 4.000 livres. La ville fait des difficultés pour leur donner cette somme. Elle les soupçonne d'employer à d'autres objets que la construction de l'église l'argent qui leur est donné. Procès entre la ville et les Jésuites. Emprunts contractés par les Jésuites. Différend entre la ville et les Jésuites au sujet du contrat passé avec le Duc de Rohan pour la construction du maître-autel. Consécration de l'église en 1651. La ville veut charger les Jésuites d'une partie des dettes contractées pour la construction de l'église. Contrat de 1653 ; ses suites ; efforts des Jésuites pour le dénoncer et de la ville pour s'y tenir. Décision du Conseil du Roi. Contrat de 1674. Les Jésuites élèvent encore quelques constructions. Description du collège.

I.

Dès que les Jésuites eurent pris possession du collège Saint-Thomas, la Communauté de ville s'occupa d'y faire les réparations et agrandissements requis [Note : Les bâtiments de l'ancien collège étaient « presque tous ruinez ». Arch. mun. liasse 285, procès entre les bourgeois de Rennes et le petit-fils de M. de la Muce, 1612]. Sur la recette du sol et liard par pot et, en partie, sans doute, sur les 12.000 livres données par les États de Bretagne, on éleva des classes neuves ; la dépense monta à 1.424 livrés 15 sols 9 deniers [Note : Arch. mun. registre 479 A f° 98ro, séance du 6 novembre 1609] ; on démolit les deux corps de logis donnés en 1567 par M. de la Muce, le grand corps de bâtiment de l'ancien collège fut réparé pour le prix de 330 livres et un autre grand corps de logis fut édifié de neuf [Note : Arch. mun., registre 478, A. f° 39ro et 32vo. En 1612 (Arch. mun., liasse 285) les bourgeois de Rennes étaient défendeurs contre le petit-fils de M. de la Muce. Celui-ci se plaignait de ce que les volontés de son grand-père, conditions du legs fait au collège, en 1567 n'étaient pas observées ; la ville déclarait qu'elles l'étaient, sinon toutes à la lettre, du moins dans leur esprit. Ce procès durait encore en 1619 (Arch. mun., registre 483 A f° 15ro) et même en 1643 (Arch. mun., registre 496 A. f° 84vo). Pour trouver la cause de ces réclamations de M. de la Muce, il faut remonter, sans doute, à ce fait, qu'en 1607 (Arch. mun., registre 478 A. f° 94ro), les bâtiments, donnés par son grand-père ayant été démolis, il avait demandé que ses armes fussent mises à l'un des nouveaux édifices. On lui avait répondu (ce qui nous renseigne peu), qu'il serait « pourveu selon ce que convenu » lors de la requête qu'il avait déjà présentée à ce sujet. L'enchaînement de la réclamation de 1607, avec les réclamations plus générales de 1619 et 1643 nous échappe, mais est des plus probable. Marteville (Rennes ancien, Rennes moderne, t. I. p. 235) dit que le Parlement, sur la demande des héritiers de M. de la Muce, ordonna à la ville, qui jusque-là s'y refusait, de faire graver sur l'huisserie de pierre et entrée d'une des classes, les armes du bienfaiteur du collège, afin que demeurât dans l'établissement un témoignage du don qu'il avait fait en 1567]. En même temps qu'ils bâtissaient, les bourgeois de Rennes se préoccupaient de dégager les abords de leur établissement ; en 1606, pour la somme de 1.300 livres, ils achetaient deux maisons avec cours et jardins, sur l'emplacement desquels pourraient s'élever, pensaient-ils, des édifices scolaires et « quelque logement pour ung précepteur qui tiendra des pensionnaire escolliers » mais, par cet achat, la Communauté de Rennes avait aussi en vue d'éloigner « les mauvais voisins qui… pourroient survenir » [Note : Arch. mun., liasse 284. Rapport d'arpenteurs et priseurs royaux, 27 septembre et 5 octobre 1606].

Le Corps de ville assuma toutes les charges de ces constructions et acquisitions ; il les entreprit après que des commissaires, nommés par lui pour examiner les lieux, eurent dressé procès-verbal de ce qui était requis ; au moyen de députés choisis dans son sein, il surveilla l'exécution des travaux, désigna même des « personnes de méritte pour controller les ouvriers et les faire travailler journellement » ; enfin, il solda la dépense de ses deniers, conformément au contrat de 1606 et commit deux de ses membres à « la recepte et dépence des deniers destinés pour le collège » [Note : Arch. mun., annexe des comptes, 22 décembre 1606, 26 janvier 1607, 21 juin 1607, 23 mars 1607, 28 février 1607, 28 août 1607]. Cependant la charge de mettre en état le collège étant lourde pour les finances de la ville, et le bienfait de l'établissement des Jésuites devant s'étendre à tous, il était naturel d'avoir recours à la charité publique. On n'y manqua pas et on implora plusieurs grands personnages, les assurant qu'ils auraient part « aux mérites infiniz qui procéderont de l'instruction de la jeunesse » [Note : Arch. mun., annexe des comptes. Lettre de Louvel, procureur syndic au Connétable, mars 1607].

Par suite des difficultés qui s'étaient élevées au sujet du contrat de fondation, les travaux de construction avaient été arrêtés pendant quelque temps et le Père Pérard, suppliant de les continuer, déclarait avoir reçu commandement du Père Provincial de cesser d'enseigner si, l'on cessait de bâtir. Il espérait bien, sans doute, que les bourgeois viendraient à résipiscence, car il leur demandait de faire élever une grande salle qui, en attendant la construction de l'église, servirait de chapelle [Note : Arch. mun., liasse 283. Lettre du Père Pérard au procureur syndic. Cette lettre n'est pas datée, mais nous savons que le Père Pérard fut recteur jusqu'en octobre 1609. Il avait ajouté un post scriptum assez intéressant : « Madame de Mercœur à ce que l'on m'écrit procure auprès du Roy un collège pour Guingamp ; si le Père Provincial venant ici trouve les choses avancées, il aura occasion de destourner ce coup. Vous sçaves le crédit que la dite dame a auprès du Roy. Si Sa Majesté luy accorde et nous n'y résistons tirés la conclusion de ce qui arrivera. Je vous donne cet advertissement comme ami du bien de la Communauté ». En marge, furent ajoutées, plus tard, les lignes suivantes : « Les Pères Jésuistes qui sont venuz depuis nont pas faict comme ce bon Père et que sans en conférer à la Communauté, ils se sont établiz à Quimper et à Vannes et poursuivent pour Saint-Malo »]. Ses vœux ne furent point décus : dans le courant de janvier 1609, la Communauté de ville, après délibération, décida qu'une « salle d'actions » serait édifiée au collège ; elle nomma des députés pour en dresser le plan qui fut chiffré dans la maison commune le 30 janvier 1609. Le bail de la construction fut adjugé le 10 avril pour 8.500 livres, cette somme devait être fournie, partie par la recette du sol et liard par pot, partie par le don des Etats et celui du clergé [Note : Arch. mun., 479 A. f° VIvo, IX, X, XII, XXXvo, annexe des comptes, 24 janvier 1609, procès-verbal de la visite des députés de la Maison Commune. Liasse 285, extrait du registre des délibérations, 8 juillet 1611. A cette séance, un supplément de 2.000 livres fut accordé aux Jésuites pour la salle d'actions mais on leur ordonna de présenter « un estat de la somme de mil livres qu'ils ont reçue par chaincune des années dernières pour employer à leur bastiment »] ; le lundi 27 avril 1609, en présence du Père Recteur et de plusieurs bourgeois fut posée la « première pierre des fondements de la salle d'actions, classe de philosophie et portal au bout d'icelle du collège Saint-Thomas par Messire Jan-Jacques de Lombard, escuier, sieur dudict lieu, lieutenant de Mgr de Béthune, lieutenant pour le Roy aux villes et éveschés de Rennes, Dol, Vannes et Saint-Malo » ; Jean Busnel, écuyer, sieur de la Touche, connétable de Rennes, Nycollas Busnel, sieur de la Retardaye, lui aussi connétable et Louis Deshayes, sieur de la Nollaye, procureur-syndic, posèrent ensuite, à tour de rôle, chacun une pierre [Note : Arch. mun., registre 479 A. f° XXXVro].

En 1613, les Pères Jésuites demandèrent que l'on construisit au collège trois classes et un corps de logis près de leur grande salle ; ils évaluaient la dépense à 17.000 livres. La ville commençait peut-être à trouver lourds les frais auxquels l'agrandissement de son établissement d'instruction l'entraînait ; elle n'accorda qu'une somme de 10.000 livres sur la recette du sol et liard par pot, les Jésuites auraient à fournir le surplus [Note : Arch. mun., registre 481 A. f° 25vo. Arch. mun., liasse 285. Contrat passé devant notaires royaux le 16 février 1613, entre les bourgeois de Rennes et le Père Bertric, recteur, au sujet de la construction des classes et du Corps de logis].

Des dépenses considérables avaient déjà été faites par la ville pour son collège : depuis 1605, le Corps municipal était engagé dans de coûteuses constructions ; tout n'était pas fini cependant, il restait à entreprendre l'édification d'une église digne des nouveaux bâtiments. Dès 1615, des pourparlers s'engagèrent à ce sujet et nous entrons, en en abordant le récit, dans une période qui n'est pas une des moins troublées de l'histoire du collège de Rennes.

II.

Le 3 juillet 1615, le Père de la Salle, recteur, représentait par lettre aux bourgeois de Rennes qu'il était nécessaire de commencer, le plus vite possible, la construction de l'église promise par eux en 1606. La salle des « actions » qui servait de chapelle ne pouvait, en effet, contenir la moitié des élèves « sans parler de ceux qui s’y pressent d’ailleurs » et il fallait, à regret, renvoyer une partie des fidèles qui venaient y assister aux offices et prédications. Le même jour, 3 juillet 1615, le procureur syndic présentait à l'Assemblée municipale un plan et devis de la future église qui lui avait été remis par les Jésuites « affin que la Communauté choisisse un lieu commode sur le plan de toute la rue Saint-Germain du costé dudict collège des Jésuistes ».

Prenant en considération la requête qui lui était présentée par le Père Recteur, le Corps de ville choisit des députés pour vaquer à l'estimation des terrains sur lesquels s'éléverait l'édifice [Note : Arch. mun., lettre du Père de la Salle, liasse 285 ; registre 482 A. f° 79ro]. Ils y travaillèrent en 1617 et 1618 [Note : Arch. mun., liasse 285, procès-verbaux de « prisages » et arpentages], mais il fallut attendre quelques années encore avant de bâtir ; l'argent ne faisait-il pas défaut ? Les Jésuites pensèrent, sans doute, que là pouvait être la cause du retard.

Le 23 mars 1623, le Père Coton, de passage à Rennes, se présenta, assisté du Père Noirel, alors recteur, dans l'assemblée de la maison commune, et se déclara prêt à trouver des personnes desquelles la ville pourrait emprunter 40.000 livres au sol la livre. La Communauté des bourgeois donna son assentiment à cette proposition. L'église du collège, ajoutait le Père Coton, ne coûtera pas si cher qu'on l'avait cru, les Jésuites s'étant « retranchez de leur desseing » primitif [Note : Arch. mun., liasse 285, extrait des registres du greffe de la Maison Commune, 23 mars 1623].

On était enfin entré dans la période active des négociations. Le 10 avril (1623), le Père Noirel, recteur, assisté du Père Berthier, procureur, et de l'architecte Sarazin, soumit plusieurs plans à l'assemblée municipale ; après qu'on les eut « mûrement considéré », l'un des plans fut choisi. Nicolas Busnel, sieur de la Retardaye, connétable, François Lezot, sieur de la Mettrye, procureur syndic, et le greffier en chiffrèrent un exemplaire qu'ils remirent au Père Recteur ; le Père Noirel, de son côté, signa un exemplaire qui demeura aux mains du procureur syndic [Note : Arch. mun., liasse 285, extrait des registres du greffe, 10 avril 1623 et registre 486 A. f° 35vo, 36ro]. On procéda sans tarder à l'estimation des maisons et emplacements qu'il était nécessaire d'acheter rue Saint-Germain pour construire l'église ; dans ces acquisitions, la ville déboursa une somme de 27.800 livres [Note : Arch. mun., liasse 285, procès-verbaux de « prisages » 1623, Arch. départ. Hist de la fondation, fonds la Bigne-Villeneuve, série F. p. 187].

Le 21 octobre 1623, contrat fut passé, devant notaires royaux, pour la construction de l'édifice, entre le connétable Nicolas Busnel ; le procureur syndic François Lezot, quelques bourgeois députés par le Corps de ville d'une part, et les Pères Claude Noirel et Jacques Berthier d'autre part. Les Jésuites s'obligèrent à faire bâtir, suivant le plan chiffré en l'assemblée de la maison commune, le 10 avril 1623, une église qui serait dédiée à l'honneur de Dieu, de saint Ignace de Loyola et de saint François Xavier ; cédant aux sollicitations du Corps municipal, ils devenaient, contre leur gré, les « entrepreneurs » de cet édifice, devaient fournir tous les matériaux requis pour sa construction, se chargaient de faire exécuter les travaux.

Une somme de 70.000 livres était jugée nécessaire pour mener l'œuvre à bien ; la Communauté de ville s'engageait à verser aux religieux, sur le tiers de la ferme du sol et liard par pot, 60.000 livres en leur en délivrant chaque année, pendant 10 ans, 6.000 payables par quartiers, le premier de ces quartiers devait courir du 1er octobre 1623 [Note : On n'avait pas trouvé à emprunter les 40.000 livres dont avait parlé le Père Coton. Arch. mun., 486 A. f° 65ro] ; les Jésuites, de leur côté, pendant 10 ans, emploieraient à l'édification de leur église les 1.000 livres que, d'après le contrat de 1606, ils avaient à dépenser annuellement pour les bâtiments du collège. Il était bien spécifié dans ce traité de 1623 que la ville ne verserait rien au-delà des 60.000. livres qu'elle promettait [Note : Arch. mun., liasse 285, contrat du 21 octobre 1623. Arch. départ. Hist. de la fondation série F. pp. 188, 189].

Le 28 juin 1624, le Père Noirel vint en l'Assemblée de la maison commune inviter la Communauté de Rennes à poser la première pierre de l’église et la prier de fixer le jour de cette cérémonie. Les bourgeois avaient décidé qu'elle aurait lieu le 23 juillet, mais des difficultés s'élevèrent entre eux et l'évêque qu'ils avaient prié de bénir la pierre et imposèrent un retard. Pierre Cornulier, évêque de Rennes, déclara que « l’action de la position de la première pierre estoit toute à luy, qu'elle estoit spirituelle non temporelle... et qu'il estoict en résolution de ne jamais souffrir que d'autres que luy eussent mis la première pierre ». Au nom de ses droits de fondateur, le Corps de ville refusait d'accéder à ces prétentions et s'efforçait d'amener l'évêque à les abandonner.

Pendant ce temps, les préparatifs qui avaient été faits pour la cérémonie restaient inutiles ; il fallait payer, quoiqu'ils ne fissent rien, des ouvriers dont beaucoup avaient été mandés de loin. Les Jésuites, qui souffraient le plus de cet état de choses, déclarèrent aux bourgeois qu'ils dénonceraient le traité de 1623 s'ils ne voyaient lever les obstacles qui les empêchaient de l'exécuter. Grâce à l'intervention de quelques personnages notables qui s'employèrent à promouvoir un accord entre l'autorité municipale et l'autorité épiscopale, grâce aux sollicitations des Jésuites, la Communauté de Rennes consentit à ce que l'évêque posât avec elle la première pierre [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation pp. 191, 192, 193, 194, 195, 196. Arch. mun., registre 486 B. f°s 61ro, 69vo, 79r°, 73, 75, 76vo].

Le 30 juillet 1624, la « pierre fondamentalle » fut placée en présence d'une grande foule. « Le Corps de ville sortant de la maison commune est allé à Saint-Pierre. Incontinant après les sieurs du Chapitre et Corps de ville sont allez au lieu où se construira l'église ; où estant, après avoir esté par Monsieur de Rennes beny la première pierre fondamentalle, lesdicts sieurs du Chapitre et Corps de ville sont descendus aux fondementz où ladicte Pierre ayant esté aportée, mondict sieur l'évesque de Rennes ayant parachevé de faire la prière a esté par luy, le sieur de la Retardaye et procureur syndic posé la première pierre, puis ayant prins la médaille l'ont assemblement pozée dans une ouverture qui avoit esté faicte... dans la dicte pierre, et l'un après l'aultre prins truelle et mis le mortier... [Note : Arch. mun., 486 B. f° 79vo. Le greffier de la ville ajoute les détails suivants « Ce faict, le peuple qui estoit en grand nombre, touchez de ceste action ont tous ensemble avecq applaudissement cryé vive le Roy, puis a esté par maistre Gilles Gouzel sieur de Pontauroux miseur de la ville en l'an présent faict largesse et donné argent de la part de la Communaulté aux ouvriers, et le Te Deum chanté par Messieurs de Rennes et du Chapitre et la messe célébrée, chacun s'est retiré »].

Par suite de la diligence apportée à l'exécution des travaux, les fondations furent achevées au bout de quelques mois ; la construction de l'église s'annonçait sous les meilleurs auspices. On entrait cependant dans une période fort difficile. En 1636, la ville avait fourni les 60.000 livres promises par le contrat et même un peu plus, le bâtiment n'était cependant guère qu'à la moitié [Note : Arch. départ., Histoire de la fondation, série F. p. 196].

Les Jésuites, qui n'avaient pas fait de changement important au plan choisi d'accord avec les bourgeois [Note : Le manuscrit de l'histoire de la fondation (p. 188, 190), nous dit qu'une modification fut apportée au plan choisi en 1623 par les Bourgeois de Reines et les Jésuites : « … le portail de l'église devait estre beaucoup plus simple qu'il n'est en effet et ne devait pas jeter dans de si grandes dépenses ». Il est probable que, en 1636, le plan primitif était déjà transformé ; nous ne savons, toutefois, à quelle date il fut modifié et nous ignorons s'il le fut à la suite d'un accord avec la Communauté de ville. Les archives municipales de Rennes, nous apprennent que, en 1624, les Jésuites demandèrent qu'on reculât de quelques jours la cérémonie de la pose de la première pierre : quelque chose manquait au plan de leur église, ils désiraient en conférer avec leur Provincial. Plusieurs membres de la Communauté municipale furent nommés pour aller voir ce « défaut » du plan ; après l'étude qu'ils en firent, le Corps de ville décida que l'église s'étendrait sur les jardins du collège. Il est possible (mais on ne peut l'affirmer) que les Jésuites et les Bourgeois de Rennes traitèrent alors des modifications qui furent apportées au plan du portail. Arch. mun., registre 486 B. f° 65vo, f° 68ro. En tous cas, d'après les documents que nous avons eus entre les mains, nous ne voyons pas que les Bourgeois de Rennes aient adressé des reproches aux Jésuites pour avoir modifié le plan primitif ; nous n'avons même rencontré aucune allusion à cette transformation du portail dont nous parle le manuscrit de l'histoire de la fondation. Enfin, il est certain que ce seul changement apporté au plan primitif ne peut expliquer que la somme de 70.000 livres, allouée pour la construction de l'église, ait été à ce point insuffisante. Sur la question des plans du collège de Rennes : Notice sur un recueil de plans d'édifices construits par les architectes de la Compagnie de Jésus par Henri Bourde de la Rogerie. Paris 1904] ne purent manquer de se rendre compte que la somme de 70.000 livres, à laquelle en 1623 on avait estimé le coût de la construction de l'église ; était fort insuffisante ; mais le contrat qu'ils avaient signé leur interdisait de prétendre recevoir quelque secours de la Communauté de ville et les obligeait de terminer à leurs frais l'édifice commencé. Le Corps municipal songea d'abord à exiger rigoureusement l'exécution du traité de 1623 ; mais, après avoir examiné des mémoires, des états de recettes et dépenses que lui remirent les Jésuites, il vit que les sommes versées par lui avaient été bien employées et, par là même, que le contrat de 1623 était inexécutable. Sa conviction s'affermit encore quand des architectes, appelés à estimer les bâtiments, les évaluèrent environ 15.000 livres au-delà de ce qu'ils avaient coûté. « Sans s'arrêter désormais au traité, Messieurs de la Communauté ne songèrent plus qu'à trouver les moyens de finir leur ouvrage » [Note : Arch. mun., registre 492 B. f°s 20, 26ro 41vo 42ro 45vo. Arch. départ. Hist. de la fondation, p. 198].

Par ses lettres patentes de novembre 1635, Louis XIII, accédant à la demande que lui en avaient faite au mois de juillet précédent les bourgeois de Rennes, leur permit de lever, pendant 9 ans encore, le devoir du sol et liard par pot qui leur avait été antérieurement accordé [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation, p. 199. Arch. mun., 492 A. f°s 64-65. Le greffier de la ville dit (20 juillet 1635), que les sommes à donner aux Jésuites pour leur église n'avaient pu être toutes acquittées, mais l'auteur (qui est certainement un Jésuite) du manuscrit des archives départementales dit que en 1636, la ville avait donné plus de 60.000 livres et dans le résumé de la délibération du Corps de ville du 9 février 1636 (492 B. f° 20 Arch. mun.) il est question, à propos de l'église, des 2.000 livres qui ont été versées en plus de ce que portait le contrat]. Les deux tiers du produit de l'impôt étaient destinés au Palais [Note : En 1618, avait été commencée la construction du Palais du Parlement qui fut achevé en 1655. Ogée et Marteville (Rennes ancien, Rennes moderne), t. I, p. 218 et suiv.], le reste à l'église des Jésuites et aux autres nécessités de la ville. Le Parlement, vérifiant les lettres du roi le 18 janvier 1636, ordonna que 6,000 livres, sixième de la recette du sol et liard, fussent versés annuellement aux Jésuites ; les membres de la Communauté de Rennes n'en voulurent donner que 4.000 ; trop heureux encore, les Jésuites, qui avaient pu craindre de ne plus rien recevoir, n'élevèrent aucune réclamation [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation, pp. 199, 200].

Mais la ville, engagée dans les dépenses du palais, visitée par « la maladie contagieuse » ne paya point avec régularité ce qu'elle avait promis ; aux réclamations succédèrent les procès. Le 15 mars 1638, le Parlement, faisant droit sur la demande des Jésuites, « ordonne que sur le tiers des deniers d'octroy destinez ausdictz habitans les Pères Jésuittes seront préférablement à tous aultres paiés pour la continuation du bastiment de leur église de la somme de mil livres pour le quartier escheu le dernier jour de décembre 1637, de 1.500 livres sur le quartier qui eschoira à la fin du presant moys de mars et de pareille somme de 1.500 livres de quartier en quartier... jusques à ce qu'ils soient entièrement paiés des erreraiges qui leur sont deues et ce faict condemne lesdicts habitans de continuer le paiement de la somme de mil livres... suyvant l'arrest du XIIème jour de may 1637 jusques à la perfection de l'œuvre » [Note : Arch. mun. registre 493 B. f° 30v°. Arch. mun., extrait des registres du Parlement, annexe des comptes 1638].

En dépit de cet arrêt, les habitants refusèrent de payer aux Jésuites le « quartier » échu en mars 1639. En la personne de François Vallaille, fermier du sol et liard, le Parlement leur donna assignation de comparaître à la barre de la cour par devant Me Barrin, conseiller commis pour entendre les parties [Note : Arch. mun., annexe des comptes, requête des Jésuites au Parlement, 11 mai 1639 et procès-verbal de l'assignation faite à Vallaille, 12 mai 1639. Arch. mun., 494 A. f° 81]. Les bourgeois de Rennes résolurent de se porter défendeurs, mais ils se virent condamnés par la Cour à payer les 1.500 livres dues depuis le mois de mars. Ils reçurent cependant une satisfaction ; sur leur demande, le Parlement ordonna que, dans le délai d'un mois, les Jésuites auraient à fournir un état de la dépense qu'ils avaient faite pour leur église ; faute de quoi, il « serait faict droit sur les conclusions desdits habitants pour les quartiers à venir... ». Or le Corps de ville aurait trouvé juste que les Jésuites souffrissent « comme la Communauté des maladies contagieuses et autres accidents... » [Note : Arch. mun. 494 A. f°s 81 et 108] ; s'ils ne présentaient pas leurs comptes, ils couraient donc risque de ne plus rien recevoir. Ils les présentèrent le 12 août 1639 et le Corps municipal, déclarant qu'il les examinerait, les assura qu'il leur témoignerait « tousjours son affection et bienveillance en toutes occasions et rencontres pourveu que de leur part il satisface aux conditions de leur traicté et face indésinament travailler au bâtiment de leur église » [Note : Arch. mun., 494 A, f°s 126v° 127r°].

Les bourgeois de Rennes, on le voit soupçonnaient les Jésuites d'employer à d'autres objets que la construction de l'église les sommes qu'ils leur versaient ; il leur arriva même de formuler nettement cette accusation : la ville octroyant, le 22 décembre 1640, des subsides pour les travaux de la tour Saint-Pierre voulut que « l'on s'assure qu’ilz seront effectivement emploiés audict bastiment, lesquelz pouroient estre detournez ailleurs comme l'on sçaict qu'il a esté praticqué par l'exemple des deniers accordées aux Pères Jésuistes de cette ville » [Note : Arch. mun., 494 B. f° 109r°. En 1640, les Jésuites, en vertu, d'un arrêt qu'ils avaient obtenu de la Chambre des comptes, avaient fait procéder à l'estimation du travail accompli à leur église et de ce qui restait à faire pour son achèvement. La Communauté de ville les accusa d'avoir, dans l'intention de la tromper, procédé à cette évaluation « à la sourdine et sans les formes ordinaires de justice.. ». S'ils avaient, ajoutait-elle, obtenu gain de cause devant la Cour en 1639, alors qu’ils réclamaient le « quartier » de 1500 livres qu'ils disaient « estre escheu », ce fut « par surprise de la religion d'icelle (Cour) ». La Communauté, en conséquence, arrêta de poursuivre les Jésuites devant le Parlement et la Chambre des comptes. Arch. mun. 494 B. f°s 20, 21r°, 9 mars 1640, 495 A. f° 26r°, 15 février 1641. Mais sur ce point des difficultés entre les deux parties nous n'avons trop souvent que des indications fragmentaires].

Des deux parts existaient donc des mécontentements : les Jésuites se faisaient difficilement payer, le Corps de ville engagé, par ailleurs, dans de grandes dépenses, avait peine à croire que les sommes qu'il versait depuis 1623 eussent toutes été employées à l'objet qu'il leur assignait ; bien que convaincu, sans doute, que la somme à laquelle on avait estimé la dépense totale de l'édifice était insuffisante, il se rappelait avec amertume qu'il avait bien dépassé ses promesses d’alors et se voyait avec inquiétude condamné à payer 4.000 livres par an jusqu'à l'achèvement de l'église. Ce terme pouvait être éloigné ; cette somme de 4.000 livres, lourde charge pour la ville, était, en effet, modique pour subvenir aux frais d'une construction importante, surtout vu les retards apportés dans les payements ; aussi l'église, n'avançait-elle que lentement ; le travail, sans doute faute d'argent, subissait même des interruptions. Les architectes représentèrent que poursuivre avec si peu d’activité un bâtiment commencé depuis longtemps, cesser d'y travailler de temps à autre, pouvait nuire à la solidité de l'édifice. « Messieurs de la ville » se rendirent à ces raisons que leur exposèrent les Jésuites et consentirent à ce que ceux-ci leur proposaient depuis longtemps : emprunter [Note : Arch. mun., Hist. de la fondation, p. 201]. Avec un emprunt de 20.000 livres, les Pères espéraient, dans le délai de quatre ans, mettre « en seureté » leur église qui, disaient-ils « deperist par la longueur du temps et deperira davantaige sy l'on ne trouve expédient de faire la maconnerie ..... d'y mettre la charpente et la couverture ».

La Communauté de Rennes déclara le 4 avril 1642 qu'elle n'entendait nullement être responsable de la dette qui allait être contractée et que les Jésuites auraient à en acquitter le capital et les intérêts (au denier 20) sans prétendre recevoir « plus grande somme » que celle qui leur était due annuellement. Les Jésuites s'émurent de cette proclamation ; le recteur et le procureur vinrent en l'Assemblée de la maison commune demander qu'il fût bien entendu que « l'intérêt et le principal » seraient restitués sur les 4.000 livres qui leur étaient délivrées chaque année et non sur une autre partie de leur revenu. On leur en donna assurance [Note : Arch. mun. 495 B, séance du Corps de ville du 4 avril 1642 ; 495 B. f°s 49v° et 50. Il fut déclaré aux Jésuites qu'ils ne pourraient prétendre au remplacement de ce qu’ils verseraient pour les intérêts].

Grâce à cet emprunt joint à ce que la ville fournissait tous les ans, les travaux furent activés ; le vendredi 12 août 1644, le Père Lagasne, accompagné d'un de ses confrères, se présenta dans l'Assemblée du Corps municipal.

Ils venaient avertir que l'on était « sur le poinct de lever la charpente de l'église de leur maison et que Messieurs de la Communaulté estans leurs fondateurs ilz ont esté obligez de luy en donner advis et d'avoir agréable jeudi prochain d'assister à la cérémonie pour l’establissement des premières chevilles ». La Communauté députa douze, de ses membres pour la représenter et « mettre les premières chevilles » [Note : Arch. mun., 496 B. f° 70]. Le corps de l'église était donc près d'être achevé ; mais, à l'intérieur, de grands travaux restaient à faire avant que l'édifice pût être livré au culte et les autels n’étaient point élevés. A ce sujet éclata, quelques années plus tard, un curieux incident entre les Jésuites et la Communauté de ville.

Le 27 avril 1649, les Jésuites, traitant avec le duc de Rohan, lui avaient promis qu'en reconnaissance du don de 10.000 livres qu'il désirait leur verser pour le maître-autel de leur église, ils feraient graver ses armes sur cet autel. Mais ils avaient compté sans le Corps municipal ; il apprit ces projets, s’opposa à leur accomplissement, trouvant qu’ils allaient contre ses droits de fondateur. Le duc de Rohan déclara en vain « que il n’entend aucunement préjudicier aux droicts de fondation de la Communaulté », elle persista dans sa décision après avoir paru disposée à se laisser fléchir. Le Père Nicolas Royon, par une lettre du 25 janvier 1650, la supplia de ne pas faire obstacle à l'exécution du contrat passé avec le duc de Rohan ; autrement, disait-il, les Jésuites se verraient avec « grand déplaisir » obligés de plaider contre elle, malgré toutes ses libéralités. En traitant avec le duc de Rohan, ils avaient seulement considéré qu'il leur était impossible d'élever l'autel à leurs frais, ils n'avaient point entendu méconnaître les privilèges du Corps de ville, mais n'avaient fait qu'user de la liberté « que tous leurs fondateurs leur laissent des autels et autres choses appartenantes à la décoration des églises bâties, par lesdicts fondateurs ». Cette tentative du Père Recteur fut inutile. Des Jésuites se présentèrent en l'Assemblée de la maison de ville, le 18 février 1650 ; ils prièrent les bourgeois de Rennes de leur permettre (à l'exemple de tous les autres fondateurs) de disposer des ornements, des autels, et principalement du maître-autel, de leur église, d' « en gratiffier qui bon leur sembleroit sy mieux la Communauté ne voulloit faire les dépences desdicts ostels... ».

Le Corps municipal décida que les Jésuites ne devaient pas, sans son consentement, donner des « marques d'honneur » dans leur église et, jaloux de ses droits de fondateur, refusa ainsi pour l'église de son collège une donation importante ; il ne se rendit point à l'alternative qui lui était proposée et ne fit pas lui-même « la depence desdicts ostels » mais, en septembre 1651, montra son mécontentement de ce que les « autels n'étaient aucunement proportionnez au corps dudict bastiment » [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation, pp. 204-205. Arch. mun., 499 A. f° 75v°, 89, 111, 119r°, 499 B. f°s 18, 20v°, 21r°, 500 A. f°,63r°. Id., liasse 287, lettre du Père Royon, 25 janvier 1650. G. de Corson (Pouillé de Rennes t. III. p. 438), M. Banéat (Le vieux Rennes, p. 289), disent, le premier : que le maître autel, le second : que le retable du maître-autel fut édifié aux frais du duc de Rohan. Il n'éleva pas l'autel ; à la délibération du 1er octobre 1649 (Arch. mun., 499 A. f° 119r°) le Corps de ville avait paru céder à ses désirs et à ceux des Jésuites ; mais les bourgeois, revenant à leur première thèse, interdirent ce don, craignant de voir leurs droits lésés ; l'examen des pièces en convainc].

En dépit de toutes les difficultés [Note : Retards dans les payements de la ville, procès. En 1646, 1647, 1648, les Jésuites poursuivent la ville en Justice. Arch. mun. 497 B. f°s, 16, 33r° 63v°, 498 B. f°s 66-70, 84r°. La Communauté songea un moment à prendre des lettres de chancellerie pour faire casser le traité de 1636 et cesser d'avoir à payer 4.000 livres par an aux Jésuites, 497 B. f° 33r°], les travaux avancaient ; le vendredi 1er septembre 1651, deux Jésuites vinrent prier la Communauté d'inviter l'évêque de Rennes à faire la consécration de l'église. Le surlendemain, dimanche 3 septembre, les bourgeois s'assemblèrent à huit heures en leur hôtel, se rendirent à Saint-Pierre avec leurs officiers ordinaires pour y entendre la messe ; avec « Messieurs du Chapitre » qu'ils avaient invités à la cérémonie de la consécration ; ils allèrent ensuite à la vieille église des Jésuites. Portant des cierges de cire blanche, ils assistèrent à la procession qui se fit lorsque l'évêque, M. de la Motte-Houdancourt, à travers les rues Saint-Germain et Saint-Thomas, que l'on avait pris soin de décorer, porta le Saint-Sacrement à la nouvelle église sous un « poelle » tenu par les sieurs du Puix Mauger, Even, Lemasson Deshayes et Bonnier, bourgeois de Rennes. Le canon tonnait pendant la procession, l'horloge sonnait « à ban » ; rien n'avait été épargné pour la splendeur de cette cérémonie qui dut attirer grande assistance : six hommes aidaient les mortes paies de la ville à maintenir l'ordre ; les plus hauts personnages : M. de Chantelou, lieutenant du gouverneur de la ville, MM. de la Chalottaye et de la Hurlaye, connétables, avaient tenu à être présents [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation, p. 202. Arch. mun., f°s 626v°, 63r°, 65, 66].

Le 10 mai 1652, les Jésuites déclarèrent qu'ils avaient « faict leurs effortz de mettre l'église de ladite communaulté en l'estat et perfection qu'elle pouvoit souhaiter » [Note : Arch. mun., 500 B. f° 49v°]. Suivant le compte qui fut rendu aux membres de l'Assemblée municipale, le corps de l'église avait coûté 134.000 livres « somme très modique si on la compare à la qualité de l’édifice » qui excitait la plus vive admiration [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation, p. 206. Arch. mun., Recueil de Languedoc, p. 298 « le bâtiment de sa belle église (du collège)... surpasse tout ce qu'il y a de plus régulier en la province ». Id. p. 314 « la Communauté, non contente de leur avoir fait construire (aux Jésuites), un nouveau collège... y a encore ajouté la construction de leur belle église en son entier, laquelle est sans doute le plus beau monument en son espèce de toute la province ». La dépense totale de l'église (construction, achat des terrains, prix des trois autels, intérêts de l'argent emprunté) fut de 200.000 livres. Arch. départ., Hist. de la fondation, p. 206].

Malheureusement tous les payements n'étaient pas faits ; plus de 50.000 livres étaient dues par la ville [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation, p. 207. Arch. mun., liasse 287, contrat de 1653, la Cornmunauté reconnaît qu'elle doit : 17.325 l. qui restent à payer pour les achats du fond et dont l'intérêt est fixé au denier 16, 2.500 livres, avec pareil intérêt pour l'achat de la buanderie du collège (Hist. de la fondation, p. 187). 18.538 l. 5 s. 8 d. qui restent dues aux Jésuites sur une somme de 30.000 livres à eux adjugée par arrêt du 19 janvier 1647 pour achever leur église. 20.000 l. empruntées à raison du denier 20, par délibération du 9 mai 1642, pour avancer le bâtiment. Nous avons vu, par ailleurs, que le 4 avril 1642, la Communauté refusait de se déclarer responsable de l'emprunt qu'on allait contracter, le 9 mai, elle affirmait aux Jésuites qu'ils n'auraient à effectuer le remboursement que sur les 4.000 livres qu'elle leur versait annuellement ; cela pouvait équivaloir à une décharge de la dette, si les 4.000 livres étaient employées entièrement à la construction de l'église. L’histoire de la fondation (Arch. départ. p. 202), dit que les Jésuites empruntèrent au nom des bourgeois ; en tout cas, le contrat de 1653 le prouve, le Corps municipal arriva à reconnaître cette dette comme sienne]. Trouvant la somme élevée, les bourgeois s'efforcèrent d'en retrancher 6.000 à 7.000 livres ; les Jésuites se montrèrent mécontents de ce qu'on voulait mettre à leur compte ce qu'ils avaient employé à construire l'église et qu'il appartenait au Corps de ville de rembourser. Le calme revint enfin après une transaction que passèrent le 14 septembre 1653 « Messieurs de la ville » et les Jésuites et « qui est une des choses les plus singulières qui se soient jamais vues en matières d'affaires » [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation, p. 208].

La Communauté des bourgeois devait donner aux Jésuites 4.000 livres par an, pendant 20 ans, sur le devoir du sol et liard ; elle se réservait le droit d'employer cette somme à des objets plus nécessaires si le besoin s'en présentait et fixait à 500 livres les intérêts qu'elle aurait à payer dans ce cas. Moyennant ces 4.000 livres par an, les Jésuites s'engageaient 1°, à payer « tout ce qui estoit dû pour le bastiment de l’église et à en tenir absolument quittes Messieurs de la ville » ; 2° à faire élever trois autels suivant un plan qui fut chiffré dans l'Assemblée et déposé à la maison commune ; 3° à entretenir un nouveau régent qui enseignerait la théologie scolastique. [Note : Arch. mun., liasse 287 contrat de 1653. Arch. départ. Hist de la fondation, p. 208].

D'après le devis des architectes, on peut conjecturer que 16.000 livres étaient affectées à la construction des autels, un capital de 6.000 livres, devait être employé à fonder la nouvelle chaire et le reste, c’est-à-dire 58.000 livres servirait à payer les dettes. On fit remarquer aux Jésuites qu'ils gagnaient à cette transaction ; eux « ne s'aperçurent pas qu'en signant ce traité, ils signaient l'acte du monde le plus bisarre et le plus opposé à leurs intérêts ». En, effet, les dettes dont ils se chargeaient portaient tous les ans un intérêt supérieur à 2.000 livres, la pension du nouveau régent (ce régent vint au collège en 1654) enlevait encore 300 livres ; une soomme inférieure à 1.700 livres pouvait donc seulement être mise annullement de côté pour payer les dettes. Au bout de 20 ans, quand, cesserait le payement des 4.000 livres, ces dettes qui dépassaient 50.000 livres ne seraient pas entièrement remboursées, il faudrait encore en acquitter une partie portant intérêt ; les autels ne seraient pas construits, il ne resterait plus rien pour l'entretien de la chaire que l'on créait. [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation pp. 209, 210, 211, 212, 213. « tous les fonds (de la dette) à la réserve d'un devaient se rembourser en un seul payement, et dans celui-là mesme qui souffrait partage, il fallait réunir le restant de quatre ou cinq années, pour en payer une seule partie » op. cit. p. 213]. Ce traité fut ratifié le 17 octobre 1653, en l'Assemblée de la maison commune, les Jésuites le présentèrent à leur Provincial qui donna son approbation le 30 juin 1654 [Note : Arch. mun., 500 A. f° 69r°. Arch. mun. 500 B. f° 59].

« On sera étonné sans doute que les Jésuites qui ont la réputation de ne manquer pas de lumieres ayent pu signer un acte de cette nature..., cette bévue quadre assez bien avec l'entreprise qu'ils firent 30 ans auparavant de bastir l'église pour 70.000 livres ; et ces deux fausses démarches contribuent également à nous convaincre que pour se mesler de ce qu'on appelle « affaires », il faut avoir quelque autre chose que de l'esprit » [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation, pp. 213, 214].

La Communauté de ville, quoique composée d'hommes rompus aux affaires, ne s'aperçut pas des vices du contrat ; journellement, elle donnait aux Jésuites des marques d'affection qui paraissent jusque dans cet acte. Elle le faisait, disait-elle, dans le préambule, « pour obvier aux procès et différents qui eussent pu se mouvoir entre les Révérens Pères Jésuites du collège... et les nobles bourgeois » ; heureuse des services importants qu'ils rendaient à la ville, elle voulait leur en marquer satisfaction [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation p. 215. Arch. mun., liasse 287, contrat de 1653]. De fait, l'entente était complète, le traité de 1653 était regardé comme la « transaction finalle » ; on se croyait à jamais débarrassé de toute discussion, de tout embarras pécuniaire ; les Jésuites, qui avaient déjà reconnu, à maintes reprises, les bourgeois de Rennes comme leurs fondateurs, se prêtèrent volontiers, à la suite de ce contrat, à placer, au-dessus de l'entrée du nouvel édifice sacré, une table de marbre sur laquelle on devait graver en lettres d'or, pour transmettre à la postérité le souvenir de ce bienfait, que « les nobles citoiens de la communaulté de Rennes [avaient] fondé et basty à leurs fraiz ladite église et collège en l'honneur du très sainct et très adorable nom de Jésus » ; on s'arrêta à cette inscription : « Deo optimo maximo Jesu Christo Sanctis Ignatio et Xaverio nobilissimi cives Rhedonenses collegii et ædis sacræ fundatores posuere anno 1654 » [Note : Arch. mun., 500 B. f°s 59, 85v°, 94r°, 96r°].

Ce n'est qu'au bout de quelques années que les Jésuites s'aperçurent de la méprise qu'ils avaient faite en signant le contrat de 1653. Alors qu'ils croyaient avoir amassé une somme asez considérable pour acquitter une partie des dettes mises à leur charge, ils furent grandement déconvenus lorsqu'ils s'aperçurent qu'ils n'avaient, au contraire, presque rien entre les mains. Cette désagréable surprise les fit réfléchir, ils se rendirent compte de leur erreur et apprécièrent toute l'étendue du mal ; si l'on ne remédiait à cet état de choses, il fallait s'attendre à la ruine du collège : on ne pouvait songer à liquider la situation financière sur le revenu ordinaire qui était modique ; on ne pouvait non plus diminuer le nombre des régents, vu le chiffre des élèves qui atteignait, en 1653, 2.800. « Messieurs de la ville » ne pouvaient disconvenir de la justesse de ces faits, de plus ils tenaient grandement à leur collège, mais il leur avait déjà coûté fort cher et n'était pas le seul objet qui sollicitât leur attention et leur bourse ; ils le secoururent cependant, et fort généreusement, mais après une longue résistance.

Les Jésuites se remirent de leur déconvenue, se prirent à espérer que quelque moyen leur permettrait de sortir d'embarras et ils se disaient que, en tout cas, lors de l'expiration du traité, les bourgeois de Rennes, qui s'étaient engagés à construire une église au collège, ne pourraient manquer de leur venir en aide [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation p. 218 à p. 222]. L'espoir qu'entretenaient les Jésuites à ce sujet ne devait pas, toutefois, aller sans de grandes inquiétudes, car, depuis la promesse de construction de l'église faite par le corps de ville en 1606, des contrats avaient été signés ; sans doute, les clauses n'en avaient pas été suffisamment étudiées, mais enfin ils étaient valables.

Quoi qu'il en soit, on travailla activement à parfaire l'intérieur de l'église ; en 1654, le grand autel (commencé depuis 8 ou 9 ans) était achevé, il coûta un peu moins de 7.000 livres ; les deux autres autels que l'on fit un peu plus tard, suivant un marché conclu en 1672, coûtèrent chacun 2.000 livres ; en 1661 furent érigés les quatre confessionnaux de la croix de l'église, deux d'entre eux coûtèrent ensemble 400 livres. En même temps, les Jésuites faisaient abattre la vieille chapelle du collège et, des matériaux de démolition, construisaient une maison de bois à trois étages sur la cour au-devant de la grande église [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation pp. 222, 223. L'église était ainsi achevée. G. de Corson (Pouillé de Rennes t. III. pp. 437, 438) et surtout M. Banéat (Le vieux Rennes, p. 285 à p. 290) en donnent la description. L'église des Jésuites est actuellement l'église paroissiale de Toussaints. Martellange avait dressé des plans pour l'église du collège de Rennes, on suivit surtout les plans du Jésuite Charles Turmel. Turmel avait tendance à alourdir les projets de Martellange et à leur enlever toute originalité (H. Bourde de la Rogerie, op. cit. p. 18-19)].

Les Jésuites ne restaient donc pas inactifs, quoique ce ne fût pas avec une très grande régularité que la ville leur versait les 4.000 livres promises en 1653 ; les ayant diverties, ainsi que l'y autorisait le traité, pour rembourser diverses dettes pressantes qui avaient été contractées pour l'utilité publique, elle se trouvait, en 1664, devoir aux religieux du collège un arriéré de 8.200 livres. Les Jésuites réclamèrent et allèrent en justice ; amplifiant, dans leur inquiétude et leur mécontentement, les fâcheuses conséquences du contrat de 1653, ils déclarèrent s'être chargés de 80.000 livres de dettes par cette convention qui menacait de ruiner le collège. Le Parlement les crut-il sur tous les point ? En tout cas, le 1er juillet 1664, il condamna le Corps municipal à payer l'arriéré qui lui était réclamé et lui interdit, pour l'avenir, de divertir, pour quelque objet que ce fût, les sommes dues aux Jésuites. La Communauté de Rennes résolut de se pourvoir contre cet arrêt qui apportait un changement à la convention de 1653, mais « désirant continuer à traiter favorablement les Pères Jésuites » en sauvegardant le plus possible ses intérêts pécuniaires, elle réussit à les amener à composition. Les deux parties conclurent un accord le 2 août 1664 en l’hôtel du gouverneur marquis de Coëtlogon ; le Corps de ville promit de payer les 8.200 livres dont il était redevable, mais il fut déchargé des intérêts de cette somme [Note : Arch. mun., liasse 287. Requête des Jésuites au Parlement, 12 avril 1664. Requête de la ville au Parlement, 28 juin 1664 ; Accord entre la ville et les Jésuites, 2 août 1664].

Ce n'est là qu'un épisode du conflit entre la Communauté et les Jésuites, causé par le contrat de 1653. Bien convaincus enfin des désavantages de cette transaction, les religieux du collège les firent remarquer aux bourgeois avec d'autant plus d'insistance et de vivacité qu'approchait l'année 1673, époque à laquelle ils n'auraient plus rien à attendre de leurs fondateurs. Les membres du Corps de ville répondaient à toute requête qu'ils s'en tiendraient au traité signé par les deux parties en 1653 ; ils avaient peut-être peine à ajouter foi entière, aux dires des Jésuites et ils étaient lassés de la longueur de cette affaire de la construction de l'église, si féconde en difficultés et qui avait coûté des sommes considérables.

Des prières répétées, non seulement importunent mais inquiètent : on craint d'être, par lassitude, amené à céder. Obéissant peut-être à ce sentiment, redoutant de mécontenter des personnes notables, voyant des membres de la Communauté disposés à ne point user de rigueur envers les Jésuites, les bourgebis de Rennes imaginèrent de se débarrasser de toute sollicitation, en se faisant défendre par l'autorité supérieure de traiter désormais avec le collège au sujet de l'église. En conséquence, en 1670, ils présentèrent au roi une requête par laquelle ils demandaient la ratification du contrat de 1653 que les Jésuites avaient librement consenti. Le Conseil, le 18 août 1670, rendit un arrêt conforme aux désirs de la ville : la transaction de 1653, y était-il dit, devait être strictement observée, il était interdit à la Communauté de Rennes de rien céder aux Jésuites sur les deniers d'octroi après l'expiration du terme de 20 ans qui devait échoir en 1673.

Les Jésuites, d'abord atterrés, se décidèrent eux aussi à s'adresser au roi, en lui faisant connaître nettement leur situation. Jusque-là, leur « tendre reconnaissance » pour leurs fondateurs les avait empêchés de recourir à ce moyen, ils ne voulaient rien en obtenir par force et « pour témoigner de plus en plus à Messieurs de la ville leurs véritables sentiments, ils ne consentirent à s'adresser à la Cour qu'après les avoir humblement suppliez de ne pas le trouver mauvais, et pour cela ils leur présentèrent une requête dont on trouve la copie dans les archives du collège ».

Ils faisaient observer au roi dans leur supplique que les Rennais s'étaient engagés à leur construire une église et à acquitter les dettes contractées de ce fait ; ils ajoutaient que c'était par suite d'une incroyable méprise qu'ils avaient conclu le traité de 1653 et demandaient à Louis XIV d'ordonner que la ville, leur délivrât annuellement depuis 1673 (date jusqu'à laquelle valait le traité) jusqu'en 1685 la somme de 4.000 livres, afin qu'ils pussent acquitter toutes les dettes et satisfaire aux autres obligations qui leur avaient été imposées [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation p. 224 à p. 234. A cette date, d'après les Jésuites, le chiffre des dettes était de 22.366 l. (op. cit. p. 234)]. Afin que le Conseil se prononçât en pleine connaissance du sujet, les suppliants joignirent à leur requête, avec les lettres patentes royales du 28 mars 1626, qui accordaient la levée du sol et liard par pot, la tranaction du 14 septembre 1653, les réflexions à faire sur elle, l'état des deniers qu'ils avaient reçus de la Communauté depuis cette transaction et l'état de l’emploi qu'ils en avaient fait.

Les Jésuites obtinrent gain de cause ; un arrêt du Conseil ordonna que, sans avoir égard à la convention de 1653, ni à la décision de 1670, les requérants continueraient à toucher de 1673 à 1685 une somme annuelle de 4.000 livres sur le devoir du sol et liart. Ordre fut donné au duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, de veiller à l'exécution de cet arrêt du Conseil. Les Jésuites, enfin délivrés de cuisants soucis, en éprouvèrent une grande joie ; « Messieurs de la ville », non seulement ne leur témoignèrent aucune rancune, mais encore applaudirent au jugement du roi. Ils s'étaient peu à peu rendu compte de la situation difficile des maîtres de leur collège, avaient compris, sans doute, qu'en persistant à s'en tenir à ce fâcheux traité de 1653, « ils travaillaient de gayeté de cœur à détruire leur propre ouvrage, et que, quand ils en seraient venus à bout, il leur cousterait pour le rétablir beaucoup plus sans comparaison qu'on ne leur demandait pour en empescher la ruine ».

Mais le Corps municipal ne laissait pas cependant à son tour, et du fait même de l'arrêt du Conseil, d'être inquiet au point de vue pécuniaire : le payement pendant douze années d'une somme de 4.000 livres formait une lourde charge qui, s'ajoutant à beaucoup d'autres, lui rendait difficile de rembourser bon nombre de « pauvres habitans » à qui étaient dues des sommes considérables. Les bourgeois de Rennes s'ouvrirent de ces difficultés aux Jésuites eux-mêmes qui en furent peu impressionnés et au Marquis de Coëtlogon, gouverneur de Rennes. Celui-ci, qui était très attaché aux religieux du collège, conseilla de leur verser, au lieu de 4.000 livres pendant 12 ans, une rente perpétuelle de 2.000 livres.

Ce projet était tout à l'avantage des Jésuites : leurs dettes seraient, il est vrai, moins vite acquittées que si l'on se conformait à l'arrêt du Conseil ; mais, une fois qu'elles seraient payées, 2.000 livres s'ajouteraient au revenu du Collège ; la ville n'y trouvait qu'un avantage illusoire : si elle grevait à perpétuité son budget, elle le grevait moins pendant 12 ans, et il fallait que son attachement aux Jésuites et au Marquis de Coëtlogon fût bien fort pour qu'elle se résolût à prendre ce parti vers la fin de 1673 après de nombreuses conférences chez le Gouverneur [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation p. 234 à p. 246].

Le 11 décembre 1673, sur un ordre du duc de Chaulnes, le Marquis de Coëtlogon assembla le Corps municipal pour lui faire entendre la décision du Conseil du roi en faveur des Jésuites. Laissons ici la parole au greffier : « La Communauté a prié M. le Marquis de Coëtlogon d'assurer Mgr le duc de Chaulnes qu'elle a une obéissance toutte entière pour les commandements du Roy et les ordres de mondit seigneur, mais qu'elle suplye Son Excellance de considérer les grandes despences que ladite Communauté a faitctes pour l'establissement dudict collège et bastiment de l'églize qui l'ont rendue redevable de sommes extraordinaires à de pauvres habitans, qui souffrent faute de payement et en conséquance de s'employer auprès du roy affin que Sa Majesté agrée les offres que faict ladite Communauté de donner son consentement à ce que lesdits Pères Jésuites du collège Saint-Thomas jouissent de la somme de deux mil libres par chacun an sur lesdits deniers d'octroy, et à condition que lesdits Pères Jésuites, outre le Régent en théologie, qu'ils sont obligés d'entretenir au dict collège par la dicte transaction du 14 septembre 1653 entretiendront encor un autre régent pour enseigner les mathématiques, géographie et science de la marine en langue française et un père pour avoir la conduicte de la Congrégation des artisans, que lesdits Pères seront obligés conformément à la dicte transaction à l'entretien, réparation et rédification de tous les bastiments desdicts collège et églize sans pouvoir jamais rien prétendre de ladicte Communauté pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit... » [Note : Arch. mun., 511 f° 47].

Le duc de Chaulnes, par une ordonnance datée de Vitré le 29 décembre 1673, acquiesça à la demande des bourgeois qui, le 26 janvier 1674, nommèrent des députés pour « passer acte » avec les Jésuites ; M. de Taingrand, chanoine et grand chantre de Saint-Pierre, le Père Prieur de Saint-Melaine, « le Père son compagnon », les députés du quartier et quelques autres membres du Corps de ville furent commis à cet effet. Ils dressèrent avec les Jésuites un projet d'acte, le firent approuver par la Conmunauté [Note : Arch. mun., f°s 8, 12r°, 13r°. Arch. départ., Hist. de la fondation, p. 249 et p. 250] et, le 1er mars 1674, se rendirent chez le Marquis de Coëtlogon ; ils y rencontrèrent le Père Jean Jegou, recteur du collège et le Père Guillaume Barré, procureur et signèrent avec eux la nouvelle transaction qui fut ensuite ratifiée par le Père Jean Pinette, provincial ; les clauses en étaient conformes aux vues qu'avait exposées le Corps de ville dans sa séance du 11 décembre 1673. On convint que la somme de 2.000 livres qui, à l'avenir, serait payée annuellement aux Jésuites « ne pourroit estre divertie ailleurs sous prétexte de nécessité publique ou sous autre prétexte tel qu'il pust estre » [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation, p. 252 et p. 253. Arch. mun., liasse 287, contrat du 1er mars 1674. Comme ce qui avait trait à la Congrégation des Artisans était une chose d'ordre spirituel et qui nécessitait commandement des supérieurs, le Père Provincial ordonna aux religieux du collège de déférer au désir des bourgeois. Il ne se montrait pas aussi exigeant, qu'on l'avait été en 1606 sur la question des ministères spirituels. Les Jésuites ne pouvaient prétendre payement que sur le devoir du sol et liard ; en accordant à la ville la jouissance perpétuelle de ce fonds, le Roi les délivra des inquiétudes qu'ils pouvaient avoir au sujet du versement des 2.000 livres. Hist. de la fondation, Arch. départ., p. 254. Marteville (Rennes ancien, Rennes moderne t. I. p. 236.) commet une erreur en disant qu'en 1674, la ville s'obligea à payer aux Jésuites 2.000 livres pendant douze ans. On ajouta dans la transaction cette clause — « est convenu que les dits Révérends Pères feront à leurs frais placer dans leur église un banc clos — pour lesdits bourgeois et habitants, leurs fondateurs privativement, au lieu et place qui leur sera par eux désignée ; et sur lequel banc ils feront graver et figurer les armes de la dite ville et Communauté, leur fondatrice se réservant les dits bourgeois et habitans de pouvoir changer ledit banc de place toutes fois et quantes que bon leur semblera ». Hist. de la fondation. Arch. dépar. p. 255]. Cette transaction fut confirmée par un arrêt que rendit le Conseil d'État au sujet du payement des dettes de la ville, le 18 juillet 1681 et dans lequel les Jésuites étaient « employez » pour une somme annuelle de 2.000 livres [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation p. 256. Arch. mun., 514 A. f°s 30r°, 31r°, extrait des registres du Conseil d'Etat. « Les dépenses régulières des Communautés ont été fixées par arrêt du Conseil de l'année 1681... Les dépenses portées dans l'arrêt du Conseil de 1681 doivent passer avant toutes les autres et ne peuvent jamais être écartées. Aucune autre dépense régulière et permanente ne peut figurer au budget municipal sans l'arrêt du Conseil d'Etat ». A. Dupuy, étude sur l'administration municipale en Bretagne au XVIIIème siècle, p. 413].

Avant ce contrat, les Jésuites, ne pouvant se résoudre à regarder comme leur incombant, les dettes qui avaient été contractées pour bâtir l'église et espérant toujours en être déchargés, en faisaient dans leurs livres un article séparé ; après la transaction, ils changèrent, sur ce point, leur manière d'agir, et, dans le compte qu'ils rendirent en 1674 à leur Provincial, ils se reconnurent chargés de 39.000. livres de nouvelles dettes portant intérêt au denier 22 [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation, p. 256].

L'accord était enfin rétabli entre la Communauté et les Jésuites. En dépit de ses résistances, on ne saurait trop louer la générosité dont fit preuve le Corps de ville dans cette affaire ; en plus de ce qu'il avait versé pour les achats du terrain, s'il s'était tenu à la lettre du traité de 1623, il n'aurait remis aux Jésuites qu'une somme de 60.000 livres ; l'exposé des divers contrats montre que ses dons atteignirent un chiffre bien plus élevé [Note : Arch. mun., liasse 289, historique du collège « la Communauté de Rennes a payé plus de 150.000 l. tant pour les acquisitions des maisons et terrains situés rues St-Thomas et St-Germain et destinés à l'accroissement du collège que pour le bâtiment de l'église et la construction des nouveaux édifices dont le collège a été embelli ». Arch. mun., Recueil de Languedoc p. 314, 315. « la communauté non contente de leur avoir fait construire [aux Jésuites]… un nouveau collège dans la régularité où il se voit aujourd'hui et qui, de leur aveu, est un des plus commodes et des plus accomplis qu'ils ayent en France, elle y a encore ajouté la construction de leur belle église en son entier, laquelle est sans doute le plus beau monument en son espèce de toute la province... il est plus aisé de s'imaginer la prodigieuse dépense que tous ces ouvrages ont coûté à la Communauté que de l'exprimer. Ces deux grands ouvrages [église des Jésuites et Palais] se trouvèrent aussi finis à très peu l'un de l'autre, puisque la dédicace de cette église se fit le 2 septembre 1651, et l'introduction du Parlement dans le Palais en l'an 1655 par la Communauté, n'étant pas concevable, encore une fois, comment elle a pu fournir à la fois autant de si prodigieuses dépenses et dans un lieu où rien de ce qui y était nécessaire ne s'y trouvait »]. Faut-il, en voyant les efforts que firent les Jésuites pour échapper aux conséquences d'actes qu'ils avaient librement signés, les accuser d'ingratitude envers leurs fondateurs [Note : Comme le fait Marteville (Rennes ancien, Rennes moderne) t. I., p. 236 « la ville avait tant fait pour les Jésuites qu'elle devait s'attendre à leur reconnaissance. Il s'en fallut cependant beaucoup qu'elle eût à se louer d'eux. En 1673, au moment où finissait ce don annuel de 4.000 livres, ils se présentèrent munis d'un ordre du Roi qui prescrivait à la ville de continuer pendant douze nouvelles années le payement de cette même somme »] ? Ce serait aller bien loin ; sans doute, ils voulurent rompre des engagements qu'ils avaient contractés ; mais de ces engagements, ils n'avaient pas vu toutes les conséquences et la vie même de leur œuvre était en jeu, comme le comprit la Communauté de ville qui, ayant avec eux en 1623 estimé si fort au-dessous de ce qu'il devait coûter l'édifice à construire, pouvait se reprocher d'avoir été coupable de la même irréflexion.

En 1680, les Jésuites firent encore élever deux corps de logis [Note : Arch. départ., Hist. de la fondation p. 269 « en 1680, les Jésuites firent construire un corps de logis sur le jardin joignant l'église, et une partie d'un autre corps de logis avec lequel celui-cy forme une équerre »] ; en 1740, ils édifiaient un théâtre dans la cour du collège [Note : Arch. mun. 533 C. f° 71] ; antérieurement, ils avaient bâti deux chapelles : l'une, joignant le mur nord de l'église, qui était affectée à la congrégation dite de la purification ou des messieurs [Note : Les Jésuites ayant bâti cette chapelle sur le terrain de la ville, reconnurent qu'elle appartenait à celle-ci comme dépendance du collège, et ils en placèrent les armes aux endroits les plus « éminantz » de cette construction. (Rennes ancien, Rennes moderne t. T. p. 238. Arch. mun. 498 B. année 1657, f° 26v°). A l'extrémité est de la seconde chapelle, les Jésuites avaient élevé à leurs frais un corps de logis qui servait pour des retraites spirituelles et ne faisait pas, à proprement parler, partie du collège (Rennes ancien, Rennes modernes t. I. p. 238)], l'autre, joignant le mur sud, qui servait à deux fins : les jours ordinaires, on y disait la messe pour les écoliers, les jours fériés, la Congrégation des artisans s'y réunissait.

L'établissement était alors achevé ; « c'était une des maisons les plus logeables et les plus commodes » que les Jésuites eussent en France [Note : Arch. départ. Hist. de la fondation p. 269].

Voici la description qu'en donne M. Banéat : « la cour principale ou cour des jeux » était barrée au sud par un pavillon à trois étages avec un toit en carène et un clocheton octogonal que surmontait un soleil ; ce pavillon était flanqué de deux autres pavillons à deux étages et à toits très élevés ; les autres bâtiments de ce côté ne présentaient qu'un étage et des gerbières à frontons triangulaires, devant le tout s'étendait une galerie, surmontée d'une terrasse et formée d'arcades cintrées que soutenaient des colonnes doriques. La face ouest de la cour comprenait un bâtiment à deux étages, coupé par le fond de l'abside de l'église actuelle de Toussaints. Une deuxième cour, « cour des classes », était située au sud de la première ; les constructions qui l'entouraient étaient à un seul étage. Son côté nord était percé de deux grandes ouvertures cintrées, un cadran solaire en ornait l'étage supérieur ; les fenêtres des mansardes étaient à frontons triangulaires. Son côté ouest présentait des portes et des fenêtres moulurées et surmontées de sculptures ; les gerbières possédaient des frontons alternativement arrondis et triangulaires. L'angle nord-ouest était occupé par un des pavillons qui ont été décrits plus haut. L'entrée du collège était sur l'emplacement de la porte du petit lycée actuel, au sud de la façade de l'église de Toussaints : elle ouvrait sur une troisième cour, appelée « cour des cuisines ». La buanderie du collège et ses jardins se trouvaient à l'angle de l'avenue de la Gare et du quai de l'Université [Note : « Le vieux Rennes » p. 222. « On peut voir au musée archéologique de Rennes des croquis de ces divers bâtiments. On y conserve aussi deux pierres blanches qui surmontaient l’entrée, l'une, de la 4ème classe, l'autre, de la classe de rhétorique ; la première porte inscrits les mots « quarta classis » ; sur la deuxième est gravée en majuscules romaines cette phrase : « ex litteris virtutem percipias ». Une lithographie de l'Album Breton, Souvenir de Rennes de Ducrest de Villeneuve donne une vue de l'église des Jésuites et de leur collège du côté de la rivière. V. aux Arch. départementales, série F., fonds La Bigne-Villeneuve, un plan de la cour des classes].

Plan du collège des Jésuites à Rennes (Bretagne).

(Geneviève Durtelle de Saint-Sauveur).

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