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La Psallette de la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes

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INTRODUCTION.

Au cours des fêtes de Pâques de l'an 1927, les habitués de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes eurent une heureuse surprise. Le maître de chapelle, M. l'abbé Bazin avait fait éditer à leur intention une artistique plaquette qui renfermait un programme extrêmement détaillé et intéressant des chants exécutés par la maîtrise, depuis le dimanche des Rameaux jusqu'au jour de la Résurrection.

Pour compléter ce programme et plaire aux amis du passé, on fit l'honneur de demander, à l'auteur de ces pages, une courte Histoire de la Psallette Saint-Pierre de Rennes à travers les âges. Cette initiative était heureuse, les renseignements que contenait, à ce sujet, le Pouillé Historique de l'Archevêché de Rennes [Note : Tome I, p. 252 et seq.], du savant chanoine Guillotin de Corson, étant beaucoup trop succints.

Le premier chapitre de cette étude, sur la Fondation de la Psallette, parut en 1928. D'autres programmes, édités en 1929, 1930, 1931 et 1933 donnèrent la suite de ce travail, soit les quatre premiers chapitres. Puis, les conditions de publication devenant de plus en plus onéreuses, l'édition des programmes de Pâques se trouva définitivement interrompue. L'Histoire de la Psallette de la Cathédrale Saint-Pierre semblait donc ne devoir jamais être reprise.

M. le Comte de la Celle de Chateaubourg, Président de la Société Archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, en a jugé autrement. Le Bulletin de la société se montre accueillant, une fois de plus, et grâce à lui, pour un auteur en détresse. Plusieurs érudits ont jugé qu'il fallait mener à bien, cette étude d'histoire locale. De plus, le premier mode de publication, par fascicules séparés, offrait le grand inconvénient de présenter des pages dispersées et faciles à égarer. Cet inconvénient n'existera plus désormais.

Peut-être certains pourraient-ils penser que le sujet choisi est d'une envergure bien réduite. On peut répondre que « tout ce qui est breton est nôtre » et ajouter que ces mémoires sur les Psallettes sont à l'ordre du jour, depuis longtemps déjà, dans les publications des sociétés savantes [Note : Je cite, pour appuyer mon dire, un certain nombre d'études similaires : celle de l'érudit abbé Gleyo, sur la Psallette de la cathédrale de Saint-Brieuc (un modèle du genre). — La Maîtrise de la cathédrale de Metz, par l'abbé J. FOEDIT, in-8°, Metz, s. d., 38 p., avec gravures. — Histoire de la Maîtrise de Rouen, par les chanoines BOURDON et COLETTE, 1892. — Les Clergeons de Notre-Dame de Laon à la fin du XIIIème siècle, par André BIVER, dans le Bulletin de la Société Historique de la Haute-Picardie, VIII, Soissons, 1930, p. 129 à 151. — Les enfants de chœur de la cathédrale de Beauvais au XIVème s., XVème s., et XVIème siècles, par le chanoine BOURET dans les Mémoires de la Société Académique du département de l'Oise, 1930, XXVI, p. 517 à 556].

Avant de clore cette courte introduction, un devoir de reconnaissance me reste à remplir et je m'en acquitte bien volontiers. Pour la première fois de ma vie, au cours de cette étude, j'ai travaillé sur des notes prises par un autre. Elles le furent, et de façon remarquable, par un religieux bénédictin de Solesmes, Dom Pierre Marc. Mobilisé pendant la guerre à Rennes, il fréquenta assiduement les Archives départementales et quasi apis argumentosa y fit une récolte très abondante de documents, qu'il classa avec le soin et la précision d'un chartiste. Il n'eut pas le loisir d'achever sa tâche. Du moins aura-t-il la consolation de savoir que les materiaux amassés par ses soins ont été mis en œuvre par un autre ouvrier rempli pour lui d'une respectueuse et très cordiale reconnaissance.

 

I. FONDATION DE LA PSALLETTE.

On sait que l'évêque de Metz, saint Chrodegand, groupa vers l'an 760, les clercs de sa ville épiscopale en Chapitre, et qu'il composa pour eux une règle en 34 articles, imitée en partie de celle de Saint Benoît. Dans les églises où prévalut cette réforme, les clercs canoniques (ou chanoines) prirent l'engagement d'assurer en commun, de jour et de nuit, l'Office Divin. Pour donner plus de splendeur à leur chant, et peut-être aussi pour remédier à l'insuffisance de leurs voix, les chanoines introduisirent de bonne heure dans le chœur des cathédrales et des collégiales des éléments séculiers, laïques, ceux que déjà au XIème siècle mentionne le liturgiste officiel de Louis Le Débonnaire, Amalaire de Metz, et qu'il appelle Nostri cantores [Note : De Ecclesiasticis Officiis, I. IV. c. 3 et 16. — Remarquons cependant que dans beaucoup d'églises, les chantres furent souvent des prêtres. Contribuer à la célébration de l'office était leur seule fonction. Il en fut ainsi jusqu'à la Grande Révolution, à la Cathédrale et dans les églises paroissiales de Rennes].

Mêlés aux chantres, des enfants, à défaut de clercs minorés, assuraient les fonctions d'acolythes. On eut l'idée de mettre à contribution pour les offices leurs voix fraîches et harmonieuses : telle fut l'origine de nos psallettes.

« Les anciens comptes du Chapitre, écrivait naguère M. Guillotin de Corson, témoignent de l'intérêt qu'il porta toujours aux chants religieux » [Note : Pouillé historigue de Rennes. I. p. 252]. Les chanoines utilisaient même le talent des chantres de passage, y compris ceux qui venaient de Normandie : Item die dominica post festum conversionis beati Pauli, cantoribus de Ecclesia et aliis cantoribus normanie.... [Note : Archives dép. d'Ille-et-Vilaine, G. 209, ad annum 1409].

En 1421 et années suivantes, le Chapitre entretenait à Rennes un musicien et compositeur, Jean Paesnel, clerc, chargé de diriger le chœur au cours des solennités. Dans les registres de comptes capitulaires de cette époque, on lit, souvent répétée, la mention suivante : Item Joanni Paesnel clerico, qui in arte musice maxime in festis soiemnibus dictam ecclesiam pro posse suo decoravit [Note : De la Bigne-Villeneuve, Mélanges d'Histoire et d'Archéologie bretonne, II, p. 245].

Cependant, malgré la faveur dont jouissait le chant religieux près du Chapitre, il faut aller jusqu'au milieu du XVème siècle pour trouver à la cathédrale de Rennes une psallette fondée authentiquement et convenablement dotée.

En 1428, montait sur le siège de Saint Melaine un « homme doux et pieux », Guillaume Brillet, natif de Vitré et fils de Drouet Brillet, Sr du Rolland, en la paroisse d'Etrelles. Avant d'être élu évêque de St-Brieuc en 1424, ce prélat [Note : Voir sur ce prélat Gallia christiana, XIV, col. 758. — Du PAZ, Histoire généalogique, p. 840. — Necrologium Franciscanorum Redon, conservé à la Bibl. Nat., Ad ann. 1448. — Bertrand D'ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne. — Dom MORlCE, Catalogue des Evêques, dans l'Eglise de Bretagne, édit. Tresvaux, pp. 23-24. — Albert LE GRAND, Vies des Saints de Bretagne, édit. Abgrall, p. 30. — OGÉE, Dictionnaire de Bretagne, II, p. 509. — Mélanges de l'Association Bretonne, 1876, pp. 147-150. — KERVILER, Répertoire de bio-bibliographie bretonne, VI, p. 391] avait été chanoine et grand-chantre de la cathédrale de Rennes [Note : Guillotin De Corson, loc. cit., I, p. 161]. Il voulut, en 1443 [Note : 1444 selon le comput actuel] établir, d'une manière durable, un chœur d'enfants destiné à rehausser par ses chants les cérémonies capitulaires. L'acte authentique de cette fondation n'existe plus. Nous en possédons deux copies [Note : Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine, G. 177] dont la dernière porte comme date : 5 may 1722. « Ainsy qu'en ladite Eglise de Saint Pierre de Rennes, quelle est la principale et maitresse Eglise de tout le diocèse de Rennes, n'y a aucune fondation de psallette. Désirant iceluy Révérend Père en Dieu, Guillaume Breillet, pour le bien et augmentation de ladite Eglise et afin que le Divin service y puisse mieux pour l'avenir estre faict et continué à l'honneur de Dieu et de sainte Eglise, mue la fondation faite par luy [Note : Une messe solennelle qui devait être célébrée « chaque vendredy de l'an en la chapelle que iceluy R. Père en Dieu a de nouvel fait faire »] à la fondation d'un bénéfice qui sera nommé la psallette de l'Eglise S. Pierre de Rennes et aussy faire dire et chanter par chacun jour à haute voix lesdites messes qui à basse voix devoient être dittes..... et qu'icelles seroient (chantées) par le maistre de la psallette et les enfants d'icelle ; lequel maistre de la psallette aura le gouvernement de quatre petits enfants et les fournira à ses dépens de tous vivres et vêtement et autres choses nécessaires bien et deûement, et les instruira ou fera instruire en art de musique pour servir au bien et honneurs du Divin service de ladite Eglise, comme ès autres Eglises Cathédralles où y a fondation de psallette est acoustumé faire ; et en outre aura celuy maistre de psallette deux autres enfants de maïeure âge que les autres enfants dessusdits appris en musique, qui pourront servir au chœur et service de ladite Eglise, quels seront pareillement aux dépens dudit maître de psallette ; lequel maître de psallette et lesdits six enfants seront par les Chanoines et Chapitre de ladite Eglise choisis et esluz et par eux sera celuy maître de la psallette présenté audit Révérend Père en Dieu le temps durant de sa vie pour en estre fait la collation...... Lequel maître de psallette et lesdits enfants seront tenus faire résidence en chœur, et y servir comme aux autres Eglises où y a fondation de psallette, sy par les Chanoines et Chapitre dudit lieu n'estoient dispensez ; et aura et jouira pour le temps à venir celuy Maître de la psallette desdites rentes qui baillées et assises auroient estés pour la fondation… de la dite psallette » [Note : Ce document est extrêmement long. Nous n'en citons ici que les principaux passages, en nous servant de la copie très exacte qui fut prise aux Archives départementales, en 1918, par Dom Pierre Marc, Religieux bénédictin de l'Abbaye de Solesmes].

Le prélat régla en outre que « les dites rentes seroient payées et baillées (au Maître de Psallette) par la main du provost (du Chapitre) par les quartiers de l'an ». Ces revenus étaient assurés par l'annexion au nouvel établissement de la chapellenie de Saint Eloy, fondée par Durant Salomon au cours du XIIIème siècle et dotée de dîmes dans les paroisses du Sel, de Laillé, de Chanteloup et de Lalleu.

Cette fondation fut acceptée, dit encore le même document, par « vénérables et discrets maistres Jehan de Coetquis, archidiacre du Désert et chanoine de laditte Eglise, maistre Olivier le Conte, Pierre Brunet, Jehan Pichard, Armel de Beaucé, André Huart et Guy Dupinel, chanoines de laditte église, présens par notre cour de Rennes et eulx estans en Chapitre capitulans, la campane sonnée ».

« Le dix-septième jour du mois de janvier, l'an mil quatre cent quarante et trois » ce document fut définitivement muni « du sceau et signe manuel dudit Révérend Père en Dieu, ès présences de Messire Jan Brisart, Dom Eon du Houx, Dom Robin Poirier et Missire Jan Binou, grands chapelains de laditte Eglise ; ainsi signé G. Rhedenon, ita est. J. de la Rivière, présent fut ; Jan Chesnel, passe » [Note : Terme qui, dans les actes anciens, accompagne la signature des notaires].

Deux ans plus tard, l'évêque compléta sa fondation première. « Par un second acte en date du 26 janvier 1445, Messire Guillaume Brillet précisa ses intentions et régularisa sa fondation, statuant que la psallette se composerait d'un maître au choix du Chapitre et de six enfants de choeur » [Note : De La Bigne-Villeneuve, loc. cit., II, p. 245]. Cette affirmation est inexacte. Il suffit pour s'en convaincre de relire l'acte de fondation partiellement reproduit ci-dessus. Le but de l'évêque, en 1445, était tout simplement d'augmenter la fondation première. « Iem s'est comparu en notre ditte cour de Rennes ledit Révérend Père en Dieu...... lequel en augmentant à la fondation dessus ditte et en parfaisant icelle se monter et valoir soixante et trois livres de rente à iceluy Révérend Père en Dieu donné, baillé et assis, donne, baille et assiet la somme de trente sols de rente düe et que lui doivent sçavoir est Georges Bonnet, de Saint Estienne près Rennes [Note : Il s'agit du Vieux Saint-Etienne, rue d'Echange, à cette époque situé hors les murs], sur l'obligation courtil et herbergement audit Bonnet appartenant, seiz près et au devant du cimetière de Saint Estienne près Rennes, dix sols de rente ; et Pierre Poirier et sa femme, à Toussaints, vingt sols de rente sur l'obligation de leurs héritages seiz au Terroüer de la Prévalaye… a voulu et veut celuy Révérend Père en Dieu que le provost dudit Chapitre joüisse desdits trente sols de rente pour le temps à venir, pour estre payez à laditte psallette en la forme et manière comme est fait mention par la fondation dessus dite. Donné de ce tesmoin lesdits sceaux establis aux contracts de notre dite cour, sauf nos droits, avec le signe dudit Révérend Père en Dieu à ce mis pour mure confirmation. Fait le vingt-sixième jour de janvier, de l'an mil quatre cent quarante cinq [Note : 1466 du comput actuel] ; ainsi signé : G. Rhedonen, ita est : J. Bournant, passe, et scellé des deux sceaux » [Note : Archives dép. d'Ille-et-Vilaine, G. 177. — Ce document n'est pas donné ici in-extenso].

L'évêque Guillaume Brillet mourut le 1er février 1448 [Note : Cette date est controversée. Il est certain qu'en 1447, Guillaume Brillet se démit de l'épiscopat et reçut du Pape Eugène IV le titre d'Archevêque de Césarée in partibus infidelium. Les Bulles de son neveu et successeur au siège de Rennes, Robert de la Rivière, sont, en effet, datées du 7 juin de cette même année. Combien de temps le pieux Prélat vécut-il dans la retraite ? D'Argentré, en son Histoire de Bretagne, assure qu'il mourut en 1470. Le Nécrologe des Franciscains de Rennes lui marque un obit à la date de 1448 : « Februarius, prima die : Obiit reverendus in Christo pater dominus Guillelmus Brillet, episcopus Redonensis, qui multa bona contulit conventui. Anno Domini 1448 ». Le 3 février, est adopté par le Père du Paz. Il est certain qu'en 1450 Guillaume Brillet était mort, car un inventaire de la cathédrale, daté du printemps de 1450 (Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 220) porte : « Vela seu sargias quas dedit deffunctus domnus Guillelmus, dum vivebat, episcopus redonensis »]. « Il fut inhumé dans la chapelle absidiale, dite du Saint-Sacrement, qu'il avait fait bâtir derrière le maître-autel de la cathédrale de Rennes…. Quant à son tombeau, c'était une arcade ouverte dans la muraille de la chapelle et abritant la statue du prélat, couché sur une table de marbre, la tête appuyée sur un coussin et les pieds reposant sur un lévrier » [Note : Inventaire de la cathédrale de 1755, cité par Guillotin De Corson, Pouillé de Rennes, I, p. 78. L'inventaire donne l'épitaphe de l'évêque, inscrite en caractères gothiques au fond du monument, et à demi effacée]. Ce tombeau disparut lors de la démolition de la cathédrale au XVIIIème siècle, et rien, pas même un dessin, ne paraît en avoir subsisté. Dans la Métropole actuelle, le souvenir de Guillaume Brillet n'est plus rappelé que par son blason épiscopal placé dans la première verrière de la nef du côté de l'Evangile : d'argent à trois têtes de loup coupées de sable ainsi qu'elles figuraient encore, en 1755, à la maîtresse vitre de la chapelle des Brillet à la cathédrale de Rennes [Note : Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, XII, p. 140. — Ces armes sont celles que donnent trois Armoriaux à la famille Brillet. Elles seraient d'argent à trois têtes de loup arrachées de gueules, d'après le chanoine Guillotin de Corson, sur les verrières de la Métropole. Un simple regard suffit pour se convaincre que le blason porté des têtes de sable].

Guillaume Brillet avait donc fixé à six le nombre des enfants de la psallette. « Cette dernière clause des volontés épiscopales ne fut pas complètement exécutée, dit M. Guillotin de Corson, car, en 1488, il n'y avait que quatre enfants de chœur auxquels le Chapitre donna quatre tuniques et autant de capuchons » [Note : Loc. cit., I, p. 253].

Les comptes capitulaires nous apprennent, au contraire, que le 20 novembre 1475 [Note : Lundi, vingtième jour du mois de Novembre de l'an dessusdit mil IIII cents soixante et quinze, mesdits seigneurs le chapitre de l'église de Rennes en leur chapitre ont ordiené que leur prévost de chapitre paye à deux des enfans de la psallette de ladite église deus robes et deux chapperons de pers et fourreures de blanc. L'aulne dudit drap ne passera pas la somme de vingt sols monnoye. (Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 199). — Le pers était un drap de couleur bleu foncé], on paya deux tuniques à deux des enfants de la psallette, et que le 6 avril 1481 [Note : Die lune décima sexta mensis aprilis anno predicto M IIII L XXXI dicti domini… ordinarunt provideri quatuor pueris psallete ecclesie predicte de quatuor tunicis foderatis et titidem capuciis solvendis per dictum prepositum capituli. (Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G., 199, folio 120)], on donna quatre tuniques à quatre enfants ; mais que le 3 mai 1485 [Note : Tenebit idem magister sex pueros… demptis tunicis… de quibus ipse magister eos non furniet. (Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 199, folio 194)], six enfants reçurent des tuniques, et que ce même nombre de six figure encore aux comptes capitulaires à la date des 8 août 1486 [Note : Idem Gourdet.... furniet... de tunicis vocatis doublets gallice sex pueros psallete. (Ibid., G. 199. folio 312)], 2 avril et 26 août 1488 [Note : Solvat domino Alano Renaud, administratori psallete redonensis, summam quindecim librarum monete usualis ..... super lucrationibus distributionum sex puerorum..... Solvat magistro Alano Renaud.... decem libras super lucrationibus sex puerorum ejusdem psallete. (Ibid., G. 199, folio 328 et 334)]. (Remarquons de plus qu'en cette dernière année, il n'est pas question de tuniques dans les comptes capitulaires) ». On doit en conclure que les volontés du fondateur de la psallette furent scrupuleusement respectées par les membres du Chapitre jusqu'au jour où, par suite de circonstances indépendantes de leur volonté, l'évêque et les chanoines de Rennes se virent dans l'obligation inéluctable de leur apporter de profondes modifications.

 

II. FONDATION EN FAVEUR DE LA PSALLETTE.

L’évêque Guillaume Brillet avait fixé à six le nombre des enfants de la psallette attachée à son église cathédrale. Au cours des années qui suivirent la mort du prélat, ce chiffre parut un peu mince aux membres du vénérable Chapitre, et l'on résolut de l'augmenter. Les anciens statuts capitulaires fixèrent à huit le nombre des chanteurs [Note : Du Cange, Glossarium mediæ et infimæ Latinitatis, Paris, in-4°, 1845, V, p. 497 : Ut ipsa Psalleta statutis et ordinationibus regetur, statuimus quod sub communi Vocabulo Psalletœ una sit societas octo puerorum et unius magistri. STAT. ANT ECCL. REDON, cap. 48. ex Cod. reg. 9612 L. — Dans le Pouillé de Rennes, I, p. 253, en note, le chanoine Guillotin de Corson cite partiellement ce texte]. Les fondations faites par Guillaume Brillet se trouvant insuffisantes, les chanoines commencèrent des démarches en cour de Rome afin d'en obtenir l'augmentation. Ces tentatives remontent peut-être au 5 mars 1482 [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 199, f° 132. Le Chapitre envoie à Rome, à cette date, ratification de l'union déjà accomplie de la cure de Saint-Grégoire à la mense capitulaire]. Les choses traînèrent en longueur, et ce ne fut qu'en 1513, le 7 novembre, qu'une bulle de Léon X parvint au Chapitre de Rennes.

Nous possédons ce document en son intégrité. Le publier ici in extenso est impossible, étant donné sa longueur [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 194, ou Archives de la Psallete, I, 1.02.01 et seq. Tous les documents cités au cours de cet article ont été intégralement copiés sur les originaux, avec une impeccable exactitude, par Dom Pierre Marc, O. S. B., et constituent les Annales Psalletœ Ecclesiœ Redonensis, comme le porte le sceau dont ils sont munis]. Citons-en seulement quelques passages. « Leo episcopus, servus servorum Dei, ad perpetuam rei memoriam. Ex mundo nobis desuper apostolice servitutis officio ad ea libenter attendimus per que in ecclesiis quibus libet, presertim cathedralibus insignibus, divini cultus augmentum procuratur, ac personarum ecclesiasticarum divinis laudibus in illis insistentium commoditatibus valeat salubriter provideri. Cum itaque parrochialis ecclesia Sanctii Gregorii propre et extra muros Redonenses, quam dilectus filius noster Robertus, item Sancte Anastasie presbyter Cardinalis [Note : Ce « fils chéri » n'est autre que l'évêque de Rennes, Robert Guibé, créé cardinal le 1er janvier 1505, par le pape Jules II, à la prière d'Anne de Bretagne, et possesseur du titre de Sainte-Anastasie. Né à Vitré, évêque de Tréguier et abbé commendataire de Saint-Méen, il succède en 1502, sur le siège de Rennes, à son frère Michel. Il est tranféré en 1507 au siège de Nantes et meurt à Rome le 9 septembre 1513. Cf. Gallia christiana, XIV, col. 760 ; — Guillotin De Corson, Pouillé, I, p. 82 et seq. ; — TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 26, 82, 419, 435], ex concessione et dispensatione apostolica in commendam nuper obtinebat, commenda hujusmodi quod dictus Robertus Cardinalis..... hodie in manibus nostris sponte et libere cessit, cessionem ipsam duximus admittendam.... Pro parte dilectorum filiorum Capituli Redonensis…. nobis fuit humiliter supplicatum ut parrochialem ecclesiam predictam..... Mense Capitulari perpetuo unire, annectere et incorporare...... de benignitate apostolica dignaremus....... in augmentum dicte psallete...... ut divinus cultus in dicta ecclesia Redonensi non modicum susciperet incrementum..... Datum Pali, Portuensi diocesi, Anno incarnationis domini millesimo quingentesimo decimo tertio, septimo id. Novembris, Pontificatus nostri anno primo ».

La bulle papale assignait un emploi déterminé aux revenus ajoutés à la mense capitulaire. Ces dîmes n'étaient pas recueillies « pour l'augmentation de quatre suppôts » [Note : Ce terme de suppôt ne figure que dans une note marginale. Les chantres ajoutés à la psallette de la cathédrale ne sont donc pas des enfants], mais « ad effectum augmenti dicte psalleta hujusmodi : unum bonum tenoristam, duos alios contratenoristas, unum organistam et dictos sex pueros ac unum magistrum in Grammatica qui in illius arte et bonis moribus ipsos sex pueros edocere et instruere habeat… ac ipsos pueros quolibet anno vestibus honestis cum caputiis foderatis Vestire ». Ces prescriptions paraissent avoir été observées à la lettre. Un compte de 1524 nous apprend que ces dîmes « en grains et bleds » montaient à 1.392 livres 14 sous 8 deniers pour les années 1522 et 1523, et que le Chapitre les employa « à l'entretien des enfans de chœur, sallaire du maistre de psalete, d'un organiste, d'un hautre-contre, du maistre de grammaire, de quatre autres chantres et droits de chantres passants » [Note : Guillotin De Corson, Pouillé, I, p. 254].

Comment la bulle de Léon X fut-elle accueillie à Rennes ? Il est assez difficile de le dire, les documents contemporains ne nous étant pas tous parvenus. D'après le chanoine Guillotin de Corson [Note : Ibid., p. 254], « il se trouva encore des difficultés pour l'exécution de cette bulle de Léon X, car il n'y eut que six enfants placés à la psallette [Note : Cette affirmation est trop absolue. Le nombre varia suivant l'abondance ou la pénurie des revenus. Les livres de comptes du Chapitre, au XIXème s. de janvier 1539, nous indiquent une dette de xxxv sols II deniers tournois pour satisfaire au peletier qui a réparé sept robes aux enffans et mys des pannes neuves. Le XVIème de Avril 1540 fut ordonné au Chapitre que Jehan Alline, couturier, soit payé de cens sols tournois pour la faczon de sept robes aux enfans de la salepte. (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, petit livre de 13x18 cm non classé, f° XXV, et Arch. de la psallette, IV, 4.09.02). — Au contraire, en 1612, temps de disette, la lettre de Mgr Larchiver ne parle plus que de sex puerorum symphoniacorum, sans donner de détails], et la bulle ne fut acceptée que le 9 avril 1565 par l'évêque Bernardin Bochetel et, le 13 avril suivant, par Claude Dodieu, chanoine et présentateur de la cure de Saint-Grégoire ».

L'examen des pièces ici visées peut suggérer d'autres conclusions. Le prélat qui gouvernait Je diocèse de Rennes en 1513 était Yves Mayeuc, de sainte mémoire, et on l'imagine difficilement faisant opposition à une bulle émanée du Saint-Siège [Note : Sur ce prélat, cf. Gallia Christiana, XIV, col. 760 ; — Albert DE MORLAIX, Vies des Saints de Bretagne, édit. Abgrall. p. 393 et seq. ; — TRESVAUX, L'Eglise de Bretagne, p. 27 ; — Dom LOBINEAU, Vies des Saints de Bretagne, III, p. 300 et seq ; — Guillotin DE CORSON, Pouillé, I. p. 83 et seq., et Miscellanées, p. 61 ; — POCQUET DU HAUT-JUSSÉ, Histoire de Bretagne, IV, p. 602, et V, p. 20, 21, 32 ; — Père DE REICHAC DE SAINTE-MARIE, O. P., in-12. 1645]. Son coadjuteur et successeur, Claude Dodieu, « né pour les grandes affaires », s'occupa surtout d'ambassades auprès du pape Paul III, de l'empereur Charles V et des Pères du Concile des Trente [Note : Gallia Christiana, col. 761 ; — TRESVAUX, loc. cit., p. 27 ; — Dom MARTÈNE, Veterum scriptorum collectio, VIII, p. 1139 ; — Guillotin DE CORSON, Pouillé, I, p. 85 et seq.]. Il en fut de même de Bernardin Bochetel, qui remplaça Claude Dodieu sur le siège de Saint-Melaine. Secrétaire des rois François II et Henri III [Note : Dom MORICE, dans son Catalogue des Evêques de Rennes, p. 28, dit François Ier et Henri II], il ne résida jamais dans son diocèse, et s'occupa uniquement d'ambassades et de négociations [Note : TRESVAUX, loc. cit., p. 27 ; — Guillotin DE CORSON, Pouillé, I, p. 86 ; — POCQUET DU HAUT-JUSSÉ, loc. cit., V. p. 32. — Il existe, aux Archives nationales, une correspondance inédite de Bertrand Bochetel. Cf. H. DU HALGOUËT, Répertoire sommaire des doc. manu. de l'Hist. de Bret. antérieurs à 1789, I. p. 52 ; — Gallia Christiana, XIV, col. 761]. Il trouva cependant le loisir de consacrer deux pièces de chancellerie à la psallette de sa ville épiscopale, et une phrase qui s'y trouve insérée infirme l'opinion émise par le chanoine Guillotin de Corson. Le prélat agit « en se conformant au consentement faict par les prédécesseurs évesques de Rennes ». Nous pouvons en conclure que, dans notre diocèse, l'union de la cure de Saint-Grégoire à la psallette de l'église cathédrale ne souleva pas d'opposition sérieuse.

Le premier des documents qui marquent l'acceptation définitive de la bulle de Léon X est signé du Vicaire général de Mgr Bochetel. Il est daté du 9 avril 1565 [Note : Archives dép. d'Ille-et-Vilaine, G. 169, ou Archives de la Psallette, I, 1.02.05]. « Par devant nous, soubsignans notaires, secrétaires du Roy, a comparu Vénérable et Discret Messire Jan Dubreil [Note : Le Pouillé ne connaît pas ce personnage. Il cite, comme vicaires généraux de Mgr Bochetel, Jacques Cadier, Claude Dodieu et Thomas Le Piffre. I, p. 134], vicaire-général du Révérend Père en Dieu Me bernardin brehitel (sic), evesque de Rennes [Note : Il y a ici, évidemment, une erreur du copiste], lequel nous a dit et déclaré que ledict sieur évêque a droit, et ses prédécesseurs avant lui, collationner et pourvoeoire de vicaire et curé à l'église parochialle de saint grégaire [Note : Pouillé de Rennes, VI, p. 64. — Le Chapitre de Rennes possédait l'église de Saint-Grégoire depuis le XIème ou XIIème siècle. Ce fut à cette époque qu'un laïque qui en était possesseur, le chevalier Halenaud, la donna à la Cathédrale « pour le salut de son âme ». C'est ce qu'affirme le Nécrologe de Saint-Pierre, sans indiquer l'année de la donation : Martius, XII Kal. Obiit Halenaldus miles, qui dedit Sancto Petro Redon. ecclesiam Sancti Gregorii, pro redemptione anime sue. En conséquence, le Bienheureux Jean Discalcéat, recteur de Saint-Grégoire, de 1303 à 1316, fut donc pourvu par le Chapitre de Rennes. On sait que, dans la suite, il devint franciscain et mourut à Quimper. Il est toujours honoré dans la cathédrale de cette ville, qui garde ses reliques. On peut regretter qu'il n'ait pas trouvé place dans la fresque des Saints de Bretagne qui orne le déambulatoire de la métropole de Rennes. Cf. sur saint Jean Discalcéat : Dom LOBINEAU, loc. cit., III, p. 59 et seq ; — Albert DE MORLAIX, loc. cit., p. 704 ; — LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, III, p. 485, en note], diocèse de Rennes, lors et ès foys qu'il est requis y pourveoir à la présentation que en a esté faicte audict évesque par les chanoynes qui ont tenu la prébende que possède vénérable et discret messire Claude Dodieu, chanoyne de Rennes et avoir vue les bulles d'union et incorporation faicte des dixmes de bledz et vins de ladite cure pour l'entretenement de la sallette et service divin qui se faict en l'église dudict Sainct Pierre de Rennes, par feu de bonne mémoyre Léon pappe..... signées sur le reply f de Vega et plombées, et dit bien en entendre le contenu desdites bulles et pour l'intérestz de luy et de ses successeurs, se conformant au consentement faict par les prédécesseurs évesques de Rennes, colateurs de ladite cure, a ratiffié et a eu agréable ladicte Unyon, consenti et accorde l'entière exécution de ses bulles, et pour ainsi le dire et déclarer par tout où il appartiendra a institué Me Jan leduc ».

Le chanoine Claude Dodieu, par acte du 13 avril 1565, renouvelle le consentement également donné par ses prédécesseurs à l'union de l'église de Saint-Grégoire à la psallette de Rennes [Note : Vicaire général de Mgr Bochetel, Archidiacre de Rennes, 1556-1559 ; Cf. Pouillé de Rennes, I, p. 134 et 174. Il était sans doute parent de l'évêque de Rennes, son homonyme]. « Par devant nous, soubsignans notaires, secrétaires du Roy, s'est comparu Révérend Père en Dieu missire Claude Dodieu, abbé commendataire de l'Abbaye de Saint-Mahé [Note : Saint-Mathieu de Fine-Terre, in finibus terræ, près du Conquet, dans un site célèbre. Sur cette abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, cf. TRESVAUX, L'Eglise de Bretagne, p. 438 et seq. Claude Dodieu fut pourvu de cette commende en 1552, fit le serment de fidélité au roi l'année suivante (et non en 1353, comme le dit le texte imprimé). Il possédait encore ce bénéfice en 1571. Ibid., p. 442], chanoine de Rennes, nous a dit et déclaré que à cause de sadicte prébende il a droit, et ses prédécesseurs chanoines pourveus de la mesme prebende…. de temps immémorial, lorsqu'il est requis de pourveoir de vicaire et curé à l'église paroissiale de Saint Grégoire, diocèse de Rennes, d'y présenter personneydoine et suffisant pour y faire le service divin et accoustumé… se conformant au consentement faict par ses prédecesseurs chanoines présentateurs de ladicte cure a ratiffié et (a eu) agréables ladicte union dicelle, a consenti et accordé ladicte union et l'entière exécution desdictet bulles…. et pour ce qu'il l'a ainsi voulu ..... à notre dicte court de Rennes ..... il s'est, en tant que mestier est, submis. Tous soubs le scel establitz aux contracts d'icelle apposé aux présentes, qui consenty furent en la salle du pallais de Rennes le treize présent jour d'apvril mil cinq sent soixante cinq [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 169, ou Archives de la Psallette, I, 1.02.06]. Claude Dodieu. Duboays. Brandin ».

Une troisième pièce complète la documentation de cette affaire : c'est la lettre d'acceptation de l'évêque luijnême. Rédigé en latin, ce document ne fait guère que reproduire l'acceptation consentie déjà, au nom du prélat, par le vicaire général Jean Dubreil. « Universis presentes litteras inspecturis Bernardinus Bochetel, Dei et sancte sedis apostolice gratia, Redonensis episcopus [Note : La formule devrait être electus episcopus], salutem in Domino. Notium facimus et nos jus habentes, prout predecessores mei episcopi. Redonenses habuerunt, collationis seu institutionis et provisionis vicarie ac cure ac ecclesie parrochialie Sancti Gregorii, diocesis nostre Redonensis, Vacatione occurente et quoties est requisitum ad presentationem nobis factum per canonicos habentes prebendam, quam hodie possidet. Magister Claudius Dodieu, ecclesie notre Redonensis canonicus, visis per nos bullis unionis et incorporationis decimarum bladorum et vinorum dicte cure, pro impletione et manutentione psallette et servitii divini ordinarie celebrati in ecclesia nostra sancti Petri Redonensis..... pro nostro et nostrorum succesorum episcoporum interesse dictam unionem… omnibus melioribus modo, jure, causa et forma quibus melius et efficacius possumus, ratificavimus, ratificamus et gratam habemus, executionem que integre dictarum bullarum consentimus et accordamus per presentes.... In cujus rei testimonium, presentes litteras signo et sigillo nostro roboravimus et per secretarium nostrum scriptis redigi et signari fecimus.

Datum Aurelie, die decima tertia mensis maii anno domini millesimo quingentesimo sexagesimo quinto. B. Bochetel, episcopus Redonensis. De mandato prefati reverendi domini mei redonensis episcopus. Devillars » [Note : Archiv. dép. d'Ille-et-Vilaine, G. 169, ou Archives de la Psallette, I, 1.02.07].

Une conséquence heureuse pour les enfants de la psallette suivit cette union. Non seulement la vie devint moins précaire pour les chantres attachés à l'église Saint-Pierre de Rennes. Mais de plus, chaque année, le 12 mars, les enfants de chœur de la cathédrale prirent l'habitude d'aller, sous la conduite d'un chanoine, célébrer la fête patronale de la paroisse Saint-Grégoire [Note : « Ce mesme jour, aulcuns des chanoines et des musiciens vont à Sainct Grégoire répondre la grande messe qu¡ se dict par le recteur » a noté le Diurnal des Obits de la Cathédrale de Rennes]. Lorsque la pluie et le vent ne faisaient pas rage, ils durent plus d'une fois goûter le plaisir de quitter les rues étroites et sombres qui encerclaient la cathédrale pour les chemins creux où paraissaient les primevères et les premières violettes.

La psallette de Rennes, grâce aux fondations de l'évêque Guillaume Brillet et aux dîmes venues de Saint-Grégoire, put jouir, durant quelques lustres, non pas du luxe et de l'abondance, mais du moins d'une honnête aisance. Mais hélas ! pas plus que de nos jours, la dépréciation des monnaies et l'amoindrissement des revenus n'étaient alors choses inconnues. Sous l'épiscopat de Bertrand de Marillac, d'Aymar Hennequin et du cardinal d'Ossat [Note : Sur ces prélats, cf. le Gallia et le Pouillé, loc. cit., ainsi que l'ouvrage de l'abbé Tresvaux], aucune augmentation des fondations faites en faveur de la psallette de l'église cathédrale n'avait été nécessaire ; il en fut tout autrement sous le gouvernement de Mgr François Larchiver. Ce « pieux et savant évêque, qui partageait son temps entre la prédication, le confessionnal et la visite des malades », aimait par dessus tout à présider l'office divin [Note : TRESVAUX, loc. cit., p. 31 ; — Guillotin DE CORSON, loc. cit., I, p. 92 et seq. — Faut-il rappeler que Mgr Larchiver fut un prélat breton dans toute la force du terme ? Né à Plouézoc'h, au diocèse de Tréguier, il alla étudier à Rome et devint, dans cette ville, cure de Saint-Yves-des-Bretons avant d'occuper le même poste à Saint-Louis-des-Français. En l'année du jubilé (1600), il fut, à Rome, le grand pénitencier des Bretons. — Gallia Christiana, XIV, col. 762 et seq.]. Il fut donc tout naturellement amené à intervenir en faveur de la psallette de sa cathédrale et termina, fort heureusement, une affaire en litige depuis 1477.

Cette année-là, le 31 décembre, le Chapitre avait consenti à l'union des chapellenies de Saint-Gilles [Note : Sur cette chapellenie, cf. Pouillé de Rennes, I. p. 260 et seq. ; — Archives dép. d'Ille-et-Vilaine, G. 165, f° 5 et 74, ou Archives de la Psallette, I, 1.04.03] et du Petit Saint-Melaine [Note : Sur cette chapellenie, Ibid., f° 28, et Guillotin DE CORSON, Pouillé, V, p. 647. La chapelle, située à Rennes dans la rue du Four-du-Chapitre, au coin de la rue Mitterie (actuellement rue de Montfort), fut fondée par le Chapitre de Rennes qui, en 1266, attribua à ce petit sanctuaire les dîmes de Montreuil-le-Gast, données par Guy de Champagné. Le premier chapelain fut Durand Salomon, chanoine et chantre de Rennes. Dès lors, le Chapitre présenta toujours à ce bénéfice. Il se rendait processionellement au Petit-Saint-Melaine le vendredi après le dimanche Reminiscere. Le Livre des Usages (au supplément) parle de cette chapelle « fondée de plus de 30 livres de rentes en dixmes dues à Montreuil-le-Gast et plusieurs autres revenus en aultres lieux »] à la psallette. Le 3 janvier suivant, le prévôt Frain comparaissait devant « Messeigneurs du Chapitre de l'Eglise de Rennes, vénérables senieurs et maistres… chanoines de ladicte Eglise, après le son de la campane ensemble congrégés, en la manière acoustumée chapitrant et le chapitre de la dite église faisant ». Le prévôt reçut l'ordre de payer vingt ducats pour l'expédition à Rome de l'acte d'union de ces chapellenies. Le 9 octobre 1480, la bulle de Sixte IV, qui approuvait cette transformation, faisait retour au Chapitre et était acceptée par lui séance tenante [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G. 199, f° 117, ou Archives de la Psallette, V, 5.01.03 : Ecclesie predicte canonicis capitulantibus... acceptaverunt suppressionem et exstinctionem capellaniarum sancti Egidii et sancti Melanii ac unionem, annexiotem et incorporationem cazumdem cum psalleta ecclesie predicte Redonensis, per… sanctissumum dominum nostrum papam factas et alia contenta in litteris apostolicis ejusdem sanctissimi domini nostri pape, quas dixerunt hodie ad sui notitiam deductas extitisse et inspicere]. Mais, dès l'année suivante, un procès s'engageait. Le plus grand nombre des pièces ne nous étant pas parvenues, il est impossible de l'analyser ici. On peut du moins affirmer que Mathurin Gourdet, maître de psallette, à qui les deux chapellenies avaient été attribuées, vit son droit contesté. L'affaire alla jusqu'à Rome [Note : Ibidem, f° 122 : Item, die et anno predicto, in choro dicte ecclesie, Johannes, Alliz, procurator, ut asseruit, Guillermi Alliz, devoluit capellaniam parvi sancti Melanii contra magistrum Mathurinum Gourdet, magistrum psallete ecclesie redonensis et dominos capitulum et dedit devolutionem et notam procurationis. Item, decima octava (die) mensis septembris, anno predicto, Ego traditi domino archidiacono redonensi procuratorium dicti capituli, in quo erat Johannes Bretaigne, quatenus magistrum Le Voyer, et alium procuratorium dicti capituli et magistri Mathurini Gourdet, magistri psallete ecclesie redonensis, al lites et devolutionem supradictam, que dictus dominus archidiaconus transmisit Rome per Cristoforum Roalen].

Mgr François Larchiver, en 1612 [Note :  Le samedi 16 mars], profita de la mort du chanoine Salomon de Herbamez, titulaire du Petit Saint-Melaine [Note : Guillot. DE CORSON, Pouillé de Rennes, V, p. 647 et seq. La chapelle du Petit-Saint-Melaine tombait alors en ruine] pour unir définitivement cette chapellenie et celle de Saint-Gilles à la psallette [Note : Texte intégral de cette pièce latine aux Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, G. 117, ou aux Archives de la Psallette, V, 1.03.01. Je cite quelques passages : Franciscus Larchiver, miseratione divina Episcopus Rhedonensis et humile Capitulum insignis Ecclesiœ Cathedralis Rhedonensis, in loco capitulari dicti Ecclesiœ congregati, de rebus et negotiis ejusdem, Ecclesiæ tractantes, universis et singulis præsentes inspecturis et audituris, salutem in Domino. Cum itaque tam coniuctim quam divisim in votis maxime habuerimus ut officium divinum non solum decenter, in dicta nostra Ecclesia Cathedrali Rhedonensi, per solitum canonicorum et choristarum numerum adimpleretur, sed etiam augeretur… Cumque capella seu capellania sancti Melanii parvi..... vacat collatio, provisio et omnimoda dispositio... ad nos Capitulum et canonicos præfatas spectant et pertinent... domus et hortulus à dicta capella seu capellania dependens… a cœteris proventibus dictæ capellianæ qui in parochia de Monstrolio vasto, Rhedonensis diocesis et alibi, percipi et levari solent, separari et ipsa, domus una cum hortulo in præbendalem erigi et cœleri proventus Ejusdem Capellaniæ antedictæ Psalletæ annecti et adjungi, commodo et ornamento antedictæ matricis (sic) et cathedralis ecclesiæ…. In quorum fidem et testimonium præmissorum signavimus… sigillisque nostris muniri jussimus et fecimus. Ibidem discretis viris magistris Joanne Jollif, rectore de Thuria, et Joanne Poullard, rectore de Bazogiis subtus hedeyum, prœsbyteris, semiprebendatis ejusdem ecclesæ Rhedonensis commorantibus, testibus ad præmissa vocatis specialiter atque rogatis..... Collationé aux originaux, nous apparûs, par nous Conseiller, secrétaire du Roy, Maison et Couronne de France, Pigon]. Les recteurs de Thourie et de Bazouges-sous-Hédé, à titre de semi-prébendés, s'unirent à l'évêque de Rennes et au Chapitre pour signer cet acte important, qui consacrait désormais, sans contestation possible, les droit du maître de psallette.

On l'a dit souvent, et il pourraît fastidieux de le répéter, « L'histoire est un perpétuel recommencement ». Les fondations établies en faveur de la Psallette, en l'église cathédrale de Rennes, paraissaient stables, étant basées, pour la plupart, sur des titres solides et des biens fonciers. Mais il faut compter, en tout temps, avec la dépréciation des immeubles, par suite de vétusté ; avec les ravages du feu — faut-il rappeler les ruines accumulées par le grand incendie de 1720, en particulier ; avec l'inflation monétaire et la dévalorisation de l'argent qu'à la suite de guerres prolongées ou d'opérations financières malheureuses nos pères connurent tout comme nous.

Il fut donc nécessaire, à maintes reprises, de faire-intervenir le pouvoir épiscopal dans l'administration des biens de la Psallette et plusieurs, parmi les prélats rennais, se virent contraints de réduire les titres de fondations.

Une première réformation eut lieu le 19 janvier 1619. Elle fut accomplie par les soins de Mgr François Larchiver. De nombreux obits et services anniversaires furent réduits : on en groupa plusieurs en un seul. Mais les Fondations consenties en faveur de la Psallette furent plus éprouvées encore.

La chapellenie de Mgr Guillaume Brillet fut réduite de trois messes à une par semaine. Les fondations de Michel Guibé [Note : Sur ce prélat - 58ème évêque de Rennes, cf. le Gallia Christiana, XIV, col. 160. — TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 26 et 288. — Albert le GRAND Vies des Saints de la Bretagne Armorique, Quimper, in-4°, 1901 p. 33* et seq. — Guillotin DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 81 et seq. et 417. — Michel Guibé avait été évêque de Dol avant d'être nommé coadjuteur de Jacques d'Espinay, évêque de Rennes. Ce prélat, pieux et zélé, décora sa cathédrale avec magnificence. Le Chapitre de Rennes possède encore un magnifique Pontifical sur velin, orné d'enluminures, exécuté par les ordres et pour l'usage de l'évêque. La famille Le Gonidec de Traissan garde avec soin un missel également enluminé qui appartint à Michel Guibé] — trois messes par semaine — celle du cardinal Robert Guibé [Note : Sur ce prélat, cf. la note de ce chapitre des Fondations, dans le programme de l'an dernier. On sait que le cardinal Guibé mourut à Rome, le 9 septembre 1513 et fut enseveli dans l'église nationale de Saint-Yves-des-Bretons. Ici, un problème se pose : où le cardinal fut-il enterré définitivement ? A Rome, répond le chanoine Guillotin de Corson, bien qu'il eût manifesté le désir d'être inhumé à Rennes, dans la chapelle de la cathédrale fondée par son frère et par lui : ce qui explique la présence de sa statue tumulaire placée à côté de celle de Michel. « Mais son désir ne fut pas réalisé, puisque, à l'ouverture de ce tombeau, en 1756, on n'y retrouva qu'un seul cercueil, renfermant un seul corps, celui de son frère ». D'autres auteurs — de poids également — soutiennent une thèse opposée. De ce nombre sont Léon Palustre (Bulletin monumental, XLVIII, p. 543), Jules de Laurière (L'Eglise Saint-Yves-des-Bretons à Rome, Tours 1879, in-12, p. 12 et seq.), et surtout Ciaconi qui dit, dans son ouvrage De vitis Pontificum, tome III, col. 254 : « In æde Sancti Ivoni (sic) sacra ad tempus sepultus, ex qua ecclesia ossa in Gallias translata in Ecclesia principe Rhedonensi, ut in supremis tabulis jusserat, jacent in pernobili sepulchro sine ulla sepulchrali inscriptione » Cf. également Les Merveilles de Rome, 1665, p. 45, et P. Frizon, Gallia purpurata, p. 554. La sépulture du cardinal Guibé était, en tout cas, condamnée à disparaitre, puisque l'église Saint-Yves, à Rome, comme la cathédrale de Rennes, a été livrée à la destruction. Mais le souvenir du célèbre cardinal n'a pas disparu entièrement de Saint-Yves-des-Bretons. Les messes fondées au XVIème siècle par le prélat continuent d'être célébrées, ainsi qu'a bien voulu me le dire le très érudit gardien du sanctuaire, Mgr Vidal] — une messe par semaine — de Jacques Guibé [Note : La fondation des Guihé était desservie dans la chapelle absidale de la cathédrale, fondée par l'évêque Guillaume Brillet et ornée de ses armoiries. Cette chapelle était placée sous le vocable de Notre-Dame de la Cherche. Sur cette fondation, cf. l'acte conservé aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, sous la cote G 165 ou la copie insérée dans le Recueil des Archives de la Psallette, Fondations, 1.04.01. « Messieurs les Guybez ont faict bastir ceste chapelle en la cherche, en laquelle ils sont inhumez, sçavoir Monsieur Michel Guybé, évesque de Rennes, qui fonda une chapelanie de troys messes par sepmaine… Monsieur Robert Guibé, vivant cardinal du titre de saint Anastase (lisez sainte Anastasie ; le titre de saint Anastase esiste à Rome et Mazarin l'occupa) fonda aultre chapelanie d'une messe au samedi ». Loc. cit., fol. 58 et 59. — Il sera peut-être intéressant de faire remarquer ici que la pierre tombale de Jacques Guibé, figurant sa statue couchée, a été sauvée des ravages du temps et de la main des hommes plus dangereuse encore. Elle constitue l'un des trésors du Musée archéologique de Rennes. Sur ce beau morceau de sculpture, cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 28, et BANÉAT, Catal. du Musée Archéol. de Rennes, in-8°, 1909, n° 3.240, avec reproduction] et de Jean Guibé — six messes par semaine — furent réduite à cinq messes en tout, par semaine.

La chapellenie de la Gauretais [Note : Sur cette fondation, cf. Archives départ., G 165, fol. 70 : « La Gorretaye. Cette chapelanie est desservie en la chapelle qui est derrière les fonds (sic), fut fondée de troyes messes par sepmaine à jours non nommez par feu Missire Jean Jamoye, prieur de Béré (Saint-Jean-de-Béré, Châteaubriant, Loire-Inférieure), chanoine de Rennes, en la chapelle par luy édiffiée auctresfois, nommée la chapelle Sancti Maudeti. Pour la dotation y a maison et jardin joignant d'un bout à la rivière de Vislaigue, mesme un pré hors la porte Chamdolent, le tout appelé auctresfois la Vaulcesse et ce jour la Gorretays »] fut réduite d'une messe chaque semaine. La fondation d'une messe chaque dimanche fut réduite à une messe le premier dimanche du mois [Note : Cf. Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G 198, un tableau des messes de 1621, que je ne puis reproduire ici faute de place].

Une deuxième réformation fut faite le 22 juin 1721, par Mgr Christophe-Louis Turpin Crissé de Sansay, évêque de Rennes. Elle porta tout d'abord sur les anniversaires. Les cinq messes hebdomadaires des Guibé se trouvèrent réduites d'une unité. Mais d'autres fondations furent également atteintes. Celle de Jean Hamon tout d'abord. Ce très pieux et très charitable recteur de Bourg-Barré fut aussi « maistre de Psallette de Rennes » [Note : Pouillé de Rennes, I, p. 258, et III, p. 377]. Le 9 mars de l'an 1596, il avait baillé à messieurs de Saint Pierre « cent cinquante escus deux quarts descus sols [Note : Frappés à la marque d'un soleil] pour faire vingt livres tournois de rente ». Les heureux bénéficiaires de ces libéralités étaient « les plus pauvres de l'hospital Sainct Yves dudit Rennes » [Note : Le « marqueur » de Messieurs du Chapitre, chargé de distribuer ces aumônes, « aura pour partie de ses peines et vacations huit sols tournois, oultre gaigné les œuvres de miséricorde et avoir son gain au choeur ». Jean Hamon lègue également au « fabriqueur de Saint-Pierre dix livres de rente pour porter et distribuer aux plus pauvres prisonniers de la Feillée de Rennes, le dernier jour du mois d’avril »], « messieurs les chanoines, afin de les inciter à prier Dieu pour son âme », plus spécialement « defferentibus (cappas) ». Jean Hamon laissait encore vingt-quatre sols « pour la musique » [Note : Lisez la Psallette], et enfin « cent sols de rente au Maistre de Psallette pour dire ou faire dire chacun an trois messes de Requiem, répondues par les enfans, seulement dans la chapelle de Guibé, pour le repos des âmes dudict fondateur et de defuncts Missire Gilles Pelisson et Missire Michel Attaignant devant maistre de la Psalette, aux jours de leurs deceds » [Note : L'acte de fondation — copie — se trouve aux Archives départementales, G 177, et dans l'Obituaire, coté G 165]. Mgr de Sausay réunit cette, fondation « à la feste de Saint Vincent Ferrier fondée par Missire François Huart » [Note : François Huart, seigneur de Bœuvres, en Messac, licencié en droit, protonotaire apostolique, trésorier du Chapitre. Il meurt en 1658 après avoir fondé, en 1635, un obit solennel pour toutes les victimes de la peste à Rennes. Il avait construit, dans la cathédrale, la chapelle de la Trésorerie (GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 156)].

« Nous réduisons, poursuivait le même prélat, la fondation des Gaude de chaque samedy faite par (François) Chaussière [Note : Cf. Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, G 165 : « Par devant nous Jean Pichart et Jacques Odiou, soussignans notaires et tabellions royaux…. receus en la cour et sénéchaussée de Rennes a comparu en personne… (le sieur François Chaussière, scholastique de l'église cathédrale de Rennes) lequel a remontré... avoir bonne volonté de faire en icelle église trois fondations... sçavoir, la première des Gaudez, pour estre solennisée à l'advenir à perpétuité à chacun jour de samedy de chacun an, immédiatement entre Vespres et Complies, sortant du chœur processionnellement en la nef de l'église, qui se commencera par le sous-chantre le respons Gaude Maria avec son verset et Gloria, à la fin duquel les enfants commenceront les petits et en diront trois et les trois autres seront respondus par les chantres en musique… ». Les Archives de la Psallette, liasse Fondations, contiennent la copie, exécutée par Dom Pierre Marc, O. S. B., du chant des Gaude. Ce répons était également chanté au salut de la fête de l'Annonciation, ainsi que nous l'apprend un passage de la bulle du Pape Léon X, datée du 27 novembre 1513 : « Annis singulis, in festo Annuntiationis Beatæ Mariæ, circa occasum solis, majori campana ecclesie Redonensis per dimidiam horam vel circa ad congregandum tum canonicos quam populum civitatis redonensis pulsata, et illius pulsu cessante omnibus aliis campanis ejusdem ecclesie redonensis pulsatis, necnon canonicis et magnis bacchalariis et ceteris personis de choro ipsius Ecclesie redonensis ibidem presentibus genibus flexis, pueri in albis vestiti et erecti, versus altare capelle fundate per Michaelem Guybé respicientes ac cereos in manibus suis tenentes, solemni modo antiphonam GAUDE MARIA inchoant cantari… et in fine illius prosam INVIOLATA per suos paragrophos alternative per chorum et organa cantatur... »] … Nous réduisons les Stabat de chaque vendredy fondéz par Missire Jan Briand [Note : Prieur de Saint-Morand, pourvu en 1396, cf. Pouillé de Rennes, I. p. 243. Le Stabat se chantait à l'autel de Notre-Dame du Pilier, situé dans l'intertransept de la cathédrale, sous les orgues. Cet autel avait eté fondé au XVIeme siècle, par Robin Raguenel, seigneur de Châteauloger. Cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 283] et nous les unissons à la fondation des Salve [Note : « Fondation faite par Guillaume Lodin et Jeanne Picault, sa compagne... Leur intention et dévotion est qu'il soit dit et chanté un Salve Regina en ladite Eglise, en musique, à l'instar du Stabat devant l'image de Notre-Dame du pillier, à perpétuité tous les dimanches de l'an, incontinent après vespres et complies, fors ès dimanches de Pasques, Pentecôste et Noël, s'ils aviennent un dimanche. Et pour le regard des dimanches de Caresme, si l'opportunité ne s'y trouve, sera ledit Salve supersédé au lundy prochain, ensuivant pareille heure que dessus. Et le Salve fini, un verset et collecte de Beata selon le temps, et un De Profundis… en haute ou basse voix, au bon plaisir desdits sieurs (du Chapitre). Fait et gréé audit Chapitre, le vingt uniesme jour d’octobre mil cinq cens soixante quinze »Archives départementales G 165, fol. 25] et autres hymnes de la Sainte Vierge suivant le temps, par Guillaume Lodin, pour être chantés en musique dans la nef aux vespres de tous les premiers dimanches de chaque mois, exceptant seulement les dimanches de l'Avent et du curasme (sic) et ceux aussy quy se rencontrent aux festes solennelles » [Note : Ibid., fol. 308-310. Cf. également le Mémorial du chanoine Louis GORY, (Ibid., G 197), pour connaître la manière dont on chantait ces antiennes en 1668].

Une troisième et ultime réduction fut opérée par Mgr Bareau de Girac, dernier évêque de Rennes avant la grande révolution. Elle est datée du 5 mai 1776, selon le titre d'une affiche imprimée donnant le tableau des messes et des fondations après cette réduction [Note : Le zèle éclairé de Dom Pierre Marc a pourvu les Archives de la Psallette d'une de ces affiches qui constituent, est-il besoin de le dire, une pièce rare et précieuse. Elle est intitulée : Tableau des messes en basse-voix qui doivent être célébrées en l'Eglise de Rennes, à raison des Chapellenies, Prestimonies, Offices et autres fondations unies à la Messe capitulaire, conformément à l'ordonnance de M. de Girac, Evêque de Rennes, du 5 Mai 1776, portant Réduction et Règlement du service des Messes basses en cette Eglise. Cette réduction de fondations est connue par une copie (Archiv. dép., G 198) à laquelle manquent les premiers et les derniers feuillets. Bien que l'évêque ait donné l'ordre de transcrire cette ordonnance au Livre du Secrétariat de son Evêché, elle n'y figure pas, pas plus qu'au Livre des Insinuations pour la période 1766-1776. Elle avait un effet rétroactif jusqu'au 1er août 1771. — Ce tableau provient de l'Imprimerie Nicolas-Paul Vatar].

La fondation de « M. Guillaume Brillet, en faveur de la Psallette » se trouve réduite à dix-sept messes par an. La « Chapellenie du Petit-Saint-Melaine, annexe de la Psallette » soixante-cinq messes par an. La « Fondation de Jean Hamon, annexe de la Psallette » deux messes par an. La Chapellenie de la Gauretais, dix-sept messes. La Chapellenie de N.-D.-de-la-Recherche [Note : Ce vocable mérite explication. Le mot cherche est un terme d'architecture désignant le déambulatoire d'une église. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le sens étymologique était perdu et on avait transformé radicalement ce mot], seize messes. La « Chapellenie de Saint-Eloy, annexe de la Psallette » [Note : « Saint Eloy, en la cherche, unie à la psallette par Guillaume Breillet, en 1444 » — Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, G 165, fol. 5], une messe par semaine. La Chapellenie de Saint-Yves-de-Boin, annexe de la Psallette » [Note : « Cette chapellenie dotée sur les salines de l'isle de Boïn est d'un beau revenu ». Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 66. — Cette fondation remontait à 1428. Les salines de Boïn étaient situées en l'évêché de Nantes. L'union de cette chapellenie à la psallette fut faite le 5 avril 1644. Cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 255. « Le temporel de la chapellenie de Saint-Yves de Boïn, affermé le 6 février pour neuf ans, pour 160 livres par an, plus les deux tiers des sels de la cœillette des marais salants, dont le total est estimé à 32 livres par an, soit 180 livres 6 sous par an ». Arch. départ. d'I.-et-V., G 198], quatre messes par semaine. La « fondation d'Alain de Quelen, en faveur de la Psallette » [Note : « C'est une messe qui est due par le maître de psallette, qui doibt être chantée au sabmedy en… la chapelle de Saint-Martin-de-la-Grisle ». Arch. départ. d'I.-et-V., G 165, fol. 39. — L'acte de fondation se trouve ibidem, G 171. Il est daté du 23 mars 1482 : « La messe…. sera réponduë par les enfans de ladite psalette et que ce soit par quatre d'entre eux et non moins pour servir et répondre ladite messe.... Lesdits enfans d'icelle psalette leur a donné celuy de Quellen…. estre payé et fourny et rendu en cette dite ville de Rennes et reçu par la main dudit maistre d'icelle psalette le nombre de vingt-six quernes de froment de rente, mesure de Rennes, en jurediction, seigneurie et obéissance, que ledit Quellen a…. affirmé…. luy estre deus en chacun an, ès termes des foires Saint-Melaine ...... ». La querne valait deux boisseaux] une messe par semaine au samedi. La Chapellenie de Tréal, en Saint-Grégoire [Note : Le chapitre affermait le trait de Tréal, en Saint-Grégoire, 224 livres, et la métairie de Tréal valait 78 livres de rente. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, VI, p. 64. — Cf. Archiv. départ. d'I.-et-V., G 198, un contrat avec le chapelain de Tréal, en date du 28 juin 1630], trois messes par semaine. La Chapellenie du petit St-Sébastien, alias Pierre Harel [Note : Cette chapellenie avait été fondée, avant l'an 1500, par Pierre Harel, recteur de Brie et de Moigné. Arch. départ. d'I.-et-V., G 165, fol. 11. — Ibid., fol. 33, la fondation de Martin Maulnoir. Elle consiste « en une messe seule qui doibt estre chantée à haulte voix une fois l'an, au jour et feste de saint Thomas de Cantorbéry. Le fabriqueur la doibt chanter et les enfans de chœur la respondre »], cinquante-huit messes ».

D'autres fondations, qui n'étaient pas grevées de messes, subsistèrent intactes jusqu'aux jours de la Révolution. Nous les transcrivons, parce que les enfants de la Psallette y étaient mentionnés.

En 1422, l'évêque Anselme de Chantemerle [Note : Sur ce prélat, cf. Gallia Christ., XIV, col. 758. — TRESVAUX, loc. cit., p. 23. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 76. — Albert LE GRAND, loc. cit., p. 29*. Anselme de Chantemerle fut honoré du pallium par le pape Martin V. Il laissa, en mourant, un calice à toutes les paroisses de son diocèse] donne à son église cathédrale des missels [Note : « Celui très révérend Seigneur voiant la grande nécessité de livres missels au chœur de son église de Rennes.... i a donné et présenté ce honorable Messel presan pour y servir à tousjours, mais au plaisir Dieu ». Signé : Beaumont] et des orgues [Note : « Comme celoui très révérend seigneur void qu'ès autres églises cathédrales de Bretagne et ailleurs y eust orgues, pour l'honneur du service de Dieu et il n'en y eust nulles en son Eglise de Rennes, Il a donné et baillé par plusieurs fois, plusieurs sommes d'or et d'argent pour faire faire et édiffier celles orgues qui y sont à présent et encore en garde… pour aider à les réparer, dix pierres d'or »]. Le même prélat fonde la fête de la Présentation [Note : « En a baillé l'office escrite entièrement pour Vespres, pour Matines, pour les autres heures et pour la messe ». Anselme de Chantemerle avait aussi enrichi sa cathédrale « d'un tabernacle d'argent veiré d'or ; de chandeliers d'argent et bénitier de même au chœur ; de stalles de chœur, la charpenterie de menuiserie, et de tresdos qui y sont à clervoiez, à ouvrages et à pinacles ». Ce bel ouvrage de la Renaissance a disparu au XVIIIème siècle, avec le reste…] et « continuant ses bonnes volontés et dévotions en la Vierge Marie » établit une « Messe de Beata » o notte, solennelle, à diacre et sous-diacre et à lutrin de chantres .... chacun samedy de l'an, à l'autel et chapellenie de Saint Gicquel [Note : Saint Judicaël. Sur cette chapellenie, cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 259] et de Saint Yves. Prendront part à l'office « deux enfants portans les cierges » [Note : Archives départ. d'I.-et-V., G. 165].

Bertrand de Marillac [Note : Gallia Christ., XIV, col. 761. — TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 28. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 86 et seq. — Albert LE GRAND, loc. cit., p. 37], 63ème évêque de Rennes, fonde, le 29 mai 1573, un service solennel « à son intention et celle de ses amis et bienfaiteurs ». A la fin de la messe, une station sera faite dans la nef de l'église [Note : « Scelle messe finie, sera processionnellement faict station en la nef de ladite Eglise où deux des enfants de la Psallette à genoux, dévotement et religieusement, commenceront les versets Benedictus es Domine patrum nostrorum, tout ainsi qu'il est escript au samedy des Quatre Temps de Caresme… ». Arch. départ. d'I.-et-V., G 165, fol. 145 et seq.].

Aymar Hennequin, 64ème évêque de Rennes [Note : Sur ce prélat, cf. Gallia christ., XIV, col. 762. — TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 29. — LABBE, Conciliorum collectio, XV. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 88 et seq. — Albert LE GRAND, loc. cit., p. 37*. — POCQUET DU HAUT-JUSSÉ, Hist. de Bret., v, p. 91, 149, 268, 348. On sait que cet évêque donna à son diocèse un catéchisme et un bréviaire et qu'il traduisit, « avec des notes pieuses et savantes » les lettres de saint Jérôme et les Confessions de saint Augustin], établit, en 1582, la célébration de la sainte Madeleine, avec station au milieu de la nef [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 37 — et seq. Ce même texte a conservé la liste des vases précieux et des ornements de grand prix donnés à son église cathédrale par le pieux prélat].

La fondation de François Léon, chanoine de Rennes, est de 1587. Elle établit, dans la cathédrale, la célébration des deux fêtes de la Circoncision et de Saint Pierre aux Liens [Note : « A chacune desdites festes, il se fera procession solennelle avec chappes, et faisant lesquelles processions on chantera la Litanie sans preces, en faux-bourdon, répétant deux fois Sancte Petre et Sancte Francisce ». Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 27].

En 1595, Mathurin de Montallays, abbé de Sainte-Melaine [Note : Gallia christ., XIV, col. 781. — TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 422. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, II p. 17], fonde un obit « qui sera de la manière la plus solennelle possible… que la séquence ou prose Dies iræ, y soit chantée en son lieu par deux enfans de la Psallette » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 32. L'obit est fixé au 10 mai, jour Saint Mathurin].

Michel Plessix, chanoine de Rennes, fonde le salut de la fête de la Visitation, en 1618 « ad instar du salut fondé par les Guybé, le jour et feste de l'Annonciation » [Note : « Entre vespres et complies qu'on a coutume de dire dans la chapelle de N.-D. de la Cherche, trois fois le Gaude Maria, sçavoir une fois Par les enfans, une fois par l'orgue et une par la musique ». Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 218. — Je crois utile de transcrire ici ce texte du Gaude, si cher à la piété de nos pères. « Gaude Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti. Quæ Gabrielis Archangeli dictis credidisti, Dum Virgo Deum et hominem genuisti et post partum Virgo inviolata permansisti. T. P. Alléluia (soli pueri) : Gabrielem Archangelum scimus divinitus te esse affatum. Uterum tuum de sipiritu sancto credimus impregnatum. Erubescal Judæus infelix, qui dicit Christum ex Joseph semine esse natum (Modo romano pueri prosequuntur) : Gloria Patri, etc. Chorus : Gaude Maria… Sic terminatur : et post partum Virgo, inviolata, integra et casta es Maria, et sequentia. In fine : Ave Maria. R : Dominus Tecum. Collecta : Gratiam tuam… ». La première partie de ce répons existe au bréviaire actuel. Cf. le huitième répons de la fête de l'Annonciation].

En 1623, le duc de Cossé-Brissac fonde un obit, suivi d'un libera et d'un de profundis « en musique » [Note : Arch. dép. d'I. et-V., G 165, fol. 75 et seq.].

On sait la piété de Mgr Pierre de Cornulier envers Marie [Note : Sur ce prélat, cf. Gallia christ., XIV, col. 763. — TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 31. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 93, 188, 802. — Albert LE GRAND, loc. cit., p. 40*. — POCQUET DU HAUT-JUSSÉ, Hist. de Bret., v, p. 372, 383, 442, 570. — Pierre de Cornulier établit à Rennes les Minimes, les Carmélites, les Visitandines, les Calvairiennes « près la Lice ». Il répare sa cathédrale, cherche à faire aboutir la cause de beatification d'Yves Mayeuc et porte lui-même la sainte communion au pestiférés. Il meurt le 22 juillet 1639, en son manoir patrimonial des Trois-Croix]. Le vœu d'argent a été porté, le 8 septembre 1633, au sanctuaire de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle [Note : Sur cet épisode, cf. PHILOUZE, Notice sur le sanctuaire de Bonne-Nouvelle, in-12, Rennes, 1896, p. 60 et seq. — Notice historique sur le Vœu de N.-D. de Bonne-Nouvelle, Rennes, in-12, 1861, qui reproduit presque intégralement le récit du dominicain Pinsard, témoin oculaire de la « reddition » de 1634. — Abbé MILLON, Grandes Madones bretonnes, in-8°, Rennes, 1922, p. 39]. En reconnaissance de la cessation de la peste, le prélat fonde la solennité de la Nativité de la Sainte Vierge [Note : Cette fête devra être gardée comme les solennités de première classe. Messieurs de la Communauté de Ville y assisteront en corps. On récitera à la messe une deuxième collecte « pour la conservation de la ville en santé et prospérité ». Le soir, il y aura salut, à six heures, avec antienne, verset et collecte pour la prospérité de la ville. Cf. Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 208]. Après la messe, il y aura procession « avec antiennes, versets en musique et collecte devant son image ».

Missire Guillaume Henry, recteur de Chaumeré et sous-chantre de Rennes [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 251 et IV, p. 408], fonde en 1640 l'office solennel de l'Exaltation de la Sainte-Croix, au 14 septembre [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 165, fol. 220 : « Avant la messe, la croix sera portée processionnellement dans l'église, en chantant en plain-chant Vexilla regis. Le reste en musique à l'ordinaire »].

Huit ans plus tard, le Théologal Jacques Dreux [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 140. Jacques Dreux, docteur en Sorbonne, était aussi official, chanoine et vicaire général] fonde la solennité de Quasimodo. « Il se fera une procession au tour du dedans de ladite église, où sera chanté le répons Christus resurgens qui s'achèvera en station devant le Crucifix » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 117. Jacques Dreux a un pieux souvenir pour Mgr de Cornulier, enseveli dans la chapelle du Vœu : « La station retournera vers la chapelle où est ensépulturé feu seigneur Cornulier, vivant Evesque de Rennes, où se dira le Regina Cœli, en orgues et musique, et après un De Profundis en faux-bourdon, avec l'oraison pour un pontife deffunt »]. Les enfants de la Psallette recevront dix sous comme distribution supplémentaire.

En 1649, Gilles de Garris fait une double fondation. L'une consiste en prières pour les défunts, les dimanches de Carême, à l'issue du Sermon [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 82. « Devant le grand autel, eux des enfants de chœur avanceront…. et chanteront en plain-chant Domine Jesu Christe Rex Gloriæ », et plusieurs autres répons dont acte de fondation donne le détail] et en deux messes hebdomadaires. La somme de six livres retournera « au Maistre de Psalette et enfans de chœur ». La seconde fondation établit une procession du Chapitre, le jour saint Gilles, en l'église Saint-Yves [Note : On sait que l'église Saint-Yves n'était autre que la chapelle de l’Hotel-Dieu. « En sortant de la cathédrale, processionnellement, Iste confessor, en faux-bourdon. A l'arrivée, antienne Hic vir despiciens, en musique.... A l'offerte (de la Grand'Messe), on chantera Fuge, dilecte mi assimilare capreas et Quemadmodum desiderat cervus. Ensuite, sortant processionnellement de l'église Saint-Yves, station à la chapelle de l'Ecce-Homo (Au coin de la rue des Dames et de la rue Le Bouteiller, cette chapelle transformée existe encore). Sur un ton lugubre, deux enfants de chœur donneront l'hymne Jesu corona celsior. Au retour, le Salve regina. (Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 160].

Claude Ferret, chanoine, décide, en 1702, que le Petit Office de la Sainte Vierge « sera psalmodié, à perpétuité, au chœur de ladite église, aux jours de fêtes simples et fériés. avec modestie et retenue, par quatre choristes les meilleures voix et les plus assidus à l'office de ladite église » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G 165, fol. 301].

En 1708, le Chapitre accepte une fondation faite huit ans plus tôt par « un particulier ». Une somme de 1.866 livres « de principal » serait employée « lorsqu'il se trouverait quelque enfant de chœur de l'église de Rennes de bonne vie et mœurs (à quoy messieurs du Chapitre sont priés de faire attention, comme seuls à le choisir), en état d'estudier pour se rendre capable de l'ordre de prêtrise et ensuite en état de servir la même Eglise en qualité de chantre ou de choriste ». On prendrait alors sur cette somme soixante livres par an. Une fois prêtre, l'enfant devrait célébrer cinquante-deux messes aux intentions du fondateur [Note : « Prier Dieu pour la conversion des personnes en état de péché mortel, de tel état ou condition qu'elles puissent être ; pour la persévérance de ceux qui sont en état de grâce ; pour la consolation des affligez ; pour ceux qui sont en prospérité ; pour les agonizans ; et enfin pour les âmes du purgatoire et autres bonnes fins »]. Celui-ci n'était autre que le grand pénitencier Pierre Valo [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 144. Pierre Valo fut le premier grand pénitencier de la cathédrale. Nommé en 1691, il mourut le 2 août 1700. Cette fondation remonte donc aux dernières semaines de sa vie], qui avait désiré garder l'anonymat [Note : Son nom est connu par une note marginale insérée au document G 198, fol. 188, aux Arch. dép. d'I.-et-V. Remarquons que Pierre Valo est un innovateur. Avant lui, on ne s'était occupé que de l'instruction des enfants de la psalette : « Les enfans du cœur de laditte Eglise de Rennes, qui estudient grand-mère (lisez grammaire) peut aller ès escoles de Rennes y apprendre et comme icelles c'est des biens de l'église de Rennes, y doibvent estre instruicts sans debvoir aucune chose ». Arch. dép. d'I.-et-V., G 197, année 1475].

 

III. LE GRAND-CHANTRE ET SES AUXILIAIRES.

La psallette fondée par l'évêque Guillaume Brillet, en 1443, était un corps régulièrement constitué. Le prélat établit pour la gouverner, non pas l'un de ses archidiacres, mais le grand-chantre de sa cathédrale. Cet office avait été érigé en dignité, au commencement du XIIIème siècle, par le pape Grégoire IX. Le chanoine qui en était revêtu portait le nom de cantor ou de præcentor et occupait le second rang parmi les dignitaires de l'Eglise de Rennes [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 147 : « L'église de Rennes avait, après l'évêque, cinq dignitaires en dehors et au-dessus du Chapitre, dont ils pouvaient toutefois faire partie. C'était le tréssorier, le chantre, l'archidiacre de Rennes ou grand-archidiacre, l'archidiacre du Désert et le scholastique. Au chœur, aux processions, à tous les actes extra-capitulaires, ces hauts personnages, qu'on appelait les Dignités ou les Dignitaires, avaient la préséance sur les chanoines ». A Dol, la Chantrerie était la première des dignités. Elle passait avant l’archidiaconat, la scholastique et la trésorerie. Le Chapitre de Dol le déclara officiellement, en 1647, au Chapitre de Lisieux qui le consultait à ce sujet. Cf. GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., p. 487. A Saint-Malo, le grand-chantre n'occupait que le quatrième rang, après le doyen et les archidiacres. Ibid., p. 667].

Les fonctions du grand-chantre étaient nombreuses. « Il devait faire apprendre le chant aux officiers du bas-chæur [Note : Un nommait ainsi les chantres qui occupaient les stalles basses ; les « chaises » placées plus haut étaient réservées aux chanoines] ; le diriger dans les solennités ; dresser un tableau de ce que chacun devait lire ou chanter au chœur pendant la semaine ; corriger ceux qui s'acquittaient mal de leurs devoirs aux offices ; exercer la police sur le chœur et aux cérémonies religieuses » [Note : GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., p. 158]. Le Livre des Usages de l'Eglise de Rennes nous a laissé quelques pages, en un français savoureux, « POUR SAVOIR A PLAIN CE QUE LE CHANTRE DE RENNES EST TENU FERE A L'ESTAT DU SERVICE DE L'ÉGLISE DE RENNES, ENTRE AUTRES CHOSES : La présence du chantre de Rennes requiert estre à l'iglise de Rennes pour en gouverner l'estat du cueur et du service. Oultre ce doit celi chantre ès grans festes solempnelles, où il y a rastel de trante et trois cirges, estre au letrin du melieu du cueur ès dous vespres, matines et la messe et le sourchantre et les dous grants bachelliers y doivent estre ô li ; esquelles houres celi chantre doit commander les anthaines, les respons et à celi qui dit la messe aler à l'auter enseigner et remembrer GLORIA et CREDO. Oultre il et ceulx dessus nommez doivent comancer les psaulmes, les hignes et autres choses à ce appartenant » [Note : Les Arch. dép. d'I.-et-V., sous la cote G 197, contiennent une copie de ce passage, moins exacte que celle du Livre des Usages, accompagnée de cette note : « Ce qui après est escript est pris sur la coppye du petit Livre enchaigné — tel le Bottin des gares — dans la table et bureau du Chapitre de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Rennes, lequel livre plusieurs appellent le petit diable ou Cerbère, que Messieurs les chanoines produirent en la cour du Parlement, suyvant le procès contre Pierre Nicolas Leroy, prebstre et religieux, chanoine régulier profès en l'abbaye de Rillé et prieur de Saint-Denys de Rennes, touchant la résidence et autres choses de conséquence, néantmoins lesquels iceulx chanoines perdirent leur procès du 19 Novmbre 1604. Nota que le livre contient 56 feuillets, tant escripts que non escripts, desquels il en a deux, le premier et le dernier, auxquels il n'y a rien d'escrpt du tout. Le dict livre est faict en l'an 1415, extraict et assemblé de plusieurs livres et martyrologes anciens d'icelle, avec les recordes et adjugements de plusieurs notables anciens experts personnages, qui par long temps ont veu gouverner la dicte église... contient la direction du cueur et des cérémonyes d'iceluy pour tous les jours de l'année].

Trois autres obligations, plus onéreuses ou plus délicates, incombaient également au grand-chantre. Tout d’abord, l'entretien des antiphonaires. « Celi chantre de Rennes est tenu, entre autres choses, fère relier, repparer et corriger à ses despens les livres de chant de liglise de Rennes tout généralement, et lorsqu il y aurait en aucuns livres proses et chant, celi chantre et le mestre escolle de Rennes [Note : C’est-à-dire le chanoine scholastique. Cf. GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., p. 179 et seq. — DUINE, Métropole de Bretagne, p. 235 dans les Annales de Bretagne, XXXII] sont tenus ès communs despens les faire reparer, lier, couvrire et amander entièrement sans dissimulation, et est le droit et la possession de l'iglise de Rennes ». Le préchantre de Dol avait des obligations en tout semblables.

Il est permis de supposer que « les bacheliers, choristes et enfants du cueur » se montraient soigneux et réservés dans le maniement des livres de plain-chant. La dépense imposée au grand-chantre pour l'entretien des antiphonaires pouvait être assez rare. Une autre, beaucoup plus lourde, était également à sa charge, et celle-là, trois fois hélas ! était fréquente et périodique. Un tableau avait été dressé — faut-il dire avec quel soin ? — POUR SÇAVOIR QUI DOIT LES DISNERS AUX SERVITOURS DE LIGLISE RENNES : Le chantre de liglise de Rennes doit disners à estre honnestement et honnorablement faiz et tenuz, au sous-chantre et ès dous bachelliers…. par chacun an, ès jours après nommés : à la feste de la Nativité de Notre-Seignour, trois disners par trois jours, sçavoir au jour de la veille de Noël, le jour de Noël. et lendemain, qui est le jour de Saint-Estienne ; au jour de la feste de la Apparicion N. S. [Note : Il s’agit évidemment ici de la fête de l'Epiphanie], à disner ; au jour de la Purificacion N. Dame, à disner ; à la résurrection N. S. à disner par trois jours : la veille de Pasques, le jour de Pasques et le lendemain…., au jour de la Ascencion N. S., à disner ; à la Penthecouste, par trois jours à disner… ; au jour de la feste S. Pere et Saint Poul à disner ; au jour de la feste de la Assompcion Notre D., à disner ; au jour de la feste de la Toussains, douz disners : l'un à la veille dicelle feste et l'autre le jour...

Les chantres, qui n'avaient comme revenus que les dîmes des deux paroisses de Cesson [Note : GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., IV, p. 229 Decimam de Cuceio in parochia de Sesson, dit le « Nécrologe de Saint-Pierre de Rennes »] et de Domloup [Note : Ibidem, IV, p. 532], protestèrent souvent, mais en vain, contre ce devoir d'hospitalité qui leur semblait exagéré [Note : Le grand-chantre n'était pas le seul à supporter de semblables charges. L'évêque les connaissait aussi. Item doibt le dict seigneur évesque à chacun jour des deux synodes et le jour du jeudi absolu quand il fait le Saint-Cresme à chacun des officiers assistants le disner.... Il y a neuf grandes festes canoniales en l'église de Rennes, à cinq desquelles le seigneur évesque doibt officier, sçavoir : à Noël, Pasques. Pentecoste, au Sacre et à la Toussaints, et doibt le disner à tous les assistants portant chappe.... Messieurs les chanoines doibvent faire l'office AD TURNUM aux Rois, Chandeleur, Ascension de N. S., l'Assumption de la Vierge et doibvent le disner aux officiants portant chape ou 12 solz chacun. Arch. départ. d'I.-et-V., G 197]. La dernière de leurs charges était, par bonheur, plus douce à supporter. Ils devaient veiller au bon recrutement des officiers du chœur. Un simple coup d'œil jeté sur les Livres de comptes nous apprend que le Vénérable Chapitre gardait longtemps ses serviteurs ; et, de ce chef, le prœcentor avait des loisirs [Note : Ibidem. Quadam fragmenta ex statutis antiquis Ecclesiæ Rhedonensis : Caput XX, de officio cantoris : Statuimus quoad cantorem..... si præsens sit, spectet chori officii et cultus divini.... scilicet quod debite fiat ; necnon illosque utrum sufficientes et idonei, et de legitimo matrimonio procreati fuerint examinare et inquirere, et providere quod nullus capellanus aut clericus illegitimus aut servilis conditionis vel alicui religioni astrictus, in choro… recipiatur. Déclaration du Chapitre le 2 juin 1662].

Il avait aussi des compensations fort estimables dans les honneurs qui lui étaient départis. Sa chaire, au chœur, était la deuxième du côté de l'évangile. Dans les processions, il marchait en tête du Chapitre, seul, derrière les quatre semi-prébendés, entre ceux-ci et Messieurs, dit le Mémorial d'un chanoine.

Mais, c'est au jour des fêtes solennelles, que le grand-chantre apparaissait avec toute sa majesté. Revêtu d'une chape au riche fermail et aux broderies éclatantes, il se promenait dans le chœur de la cathédrale et portait les antiennes aux dignités qui les devaient entonner. De la main droite, il tenait le bâton cantoral, insigne de sa charge.

Cet insigne a, de nos jours encore, le don d'exciter la curiosité et de provoquer des explications fantaisistes [Note : Un journal local, rendant compte des fêtes de la Toussaint à la Métropole, signala sans broncher que « le chanoine grand-chantre, tenant à la main son bâton armé de clochettes, avait dirigé les chants, selon les rites ancestraux ». Il ne faut pas confondre le bâton cantoral avec le beffroi des basiliques. Tous deux ont une origine et un usage fort différents. Le bâton cantoral actuel est moderne. Sous un dôme soutenu par d'élégantes volutes, s'abrite une statuette de Saint-Pierre, patron de la Ville et du Diocèse]. Il est facile d'en expliquer l'origine et d'en fixer l'histoire.

Dans son Dictionnaire de Liturgie et d'Archéologie chrétienne, Dom Leclercq a écrit [Note : A l'article Chant romain, III, col. 256 et seq.] : « On n'est guère en état de dire si les instruments à vent, à cordes, à percussion étaient interdits dans l'église ou si on leur concédait quelque rapide apparition ». Un texte du IIème siècle, cité par Baronius [Note : Annales ecclésiastiques, ad. ann. 60, paragr. 37], semble bien prouver qu'au début, le chant sans aucun accompagnement était le seul admis [Note : In ecclesiis non usus carminum per... instrumenta et alia insipientibus congruentia receptus est, sed simplex cantatio in eis manet]. Mais, avec le temps, d'autres usages s'introduisent dans l'assemblée des fidèles. Au IVème siècle, Théodoret, parlant de la guerre engagée par Saint Athanase contre certains hérétiques de son temps [Note : Hæreticarum fabularum compendium, lib. IV, cap. 7], signale leur coutume de rythmer le chant des hymnes avec les mains, les pieds et le bruit des clochettes [Note : Cum plausu manaum et saltatione quadam hymnos concinere et tintinnabula multa ligno appensa agitare. De nos jours encore, les danses religieuses, trépignements de pieds et battements de mains, sont employés dans le rite abyssin, avec accompagnement de cymbales et de sistres]. Cet usage va s'introduire en Occident. Du IXème au XIème siècle, on peut retrouver chez nous la tradition des peuples antiques, qui faisait servir au culte les instruments de percussion.

Un texte d'Amalaire de Metz, le liturgiste officiel de Louis Le Débonnaire, prouve qu'aux environs de 830, les castagnettes liturgiques étaient en usage dans les églises, sous le nom de tabulœ osseœ et de tabulœ ad canendum [Note : Liber de Ecclesiasticis officiis, lib. IV, cap. 3 et 16 : Nostri cantores non tenent cymbala, neque lyram, neque citharam manibus... Eorum…. cantor…. tenet tabulas in manibus… Tabulæ quas cantor in manu tenet solent fieri de osse]. On y attachait assez d'importance pour qu'on se plût à les orner d'or et d'argent [Note : Aubert LE MIRE, Opera historica et diplomatica, I, p. 21, col. 1 : Tabulas ad canendum, auro et argento paratas. Testament du comte Evrard, 837]. Au XIème siècle, Jean de Bayeux, archevêque de Rouen [Note : Dans son livre de Officiis. Jean de Bayeux mourut en 1079. Pour plus de détails, cf. la très érudite étude de Dom J. JEANNIN, O. S. B., parue dans La Vie et les Arts liturgiques, sept. 1917, p. 493 et seq.], signale également dans son église l'usage des tabulœ osseœ. Un siècle plus tard, le célèbre évêque de Crémone, Sicard, les mentionne dans son Mitrale [Note : Liber II, cap. 8 : Cantor tabulas gerit in manu ut non solum voce laudet, sed opere], mais en donnant à entendre que l'usage des castagnettes liturgiques tend à disparaître [Note : Secundum quorumdam consuetudines]. Il signale, en même temps, l'apparition du bâton cantoral [Note : Sed gerit (cantor), secundum alios, alicubi bacutum, ut quos ad consonas laudes voce nititur excitare ad angelicas per opera satagat invitare]. Il n'y a rien là qui doive nous étonner. Une miniature du Psautier de Charles le Chauve [Note : Bibliothèque Nationale, Fonds lat., Man. 1152, fol. 1] nous montre, entre les mains, d'un chantre, un instrument composé d'une tige fixe contre laquelle viennent battre deux castagnettes creuses et mobiles. Ces instruments de percussion disparurent et, entre les mains du grand-chantre, le bâton seul demeura [Note : Durand, évêque de Mende, dit en effet, au XIIIème siècle, dans son Rationale divinorum officiorum en parlant des chantres : non tenentes in manibus cymbala vel aliquid hujus modi. Cet usage n'a pas cependant entièrement disparu. Le Père Louis PERROY, S. J., dans ses Lettres de partout, signale qu'il a entendu, en Espagne, accompagner avec des castagnettes le chant des « Lamentations de Jérémie »].

On s'occupa tout d'abord — comme on l'avait fait pour les tablettes d'ivoire [Note : Sunt autem hæ tabulæ osseæ, écrit Sicard de Crémone, et significant dilectionem Dei et proximi, vel perseverantiam bonorum operum] — de lui procurer une signification symbolique : le célèbre Honorius d'Autun [Note : Scholastique d'AUTUN, mort vers 1140. Ses principaux ouvrages : Gemma animæ, Leipzig, 1514 ; De prædestinatione et libero arbitrio Bâle, 1552 ; Hexameron seu Neocosmus ; De luminaribus ecclesiæ, Bâle, 1544. Tous ces écrits font admirablement ressortir l'état des connaissance religieuses à cette éipoque], dans le livre curieux auquel il donna pour titre Gemma animœ [Note : Liber I, cap. 24], vit en lui le bâton de voyage placé par Dieu lui-même entre les mains des Hébreux, in exitu Israël de Egypto [Note : Ex legis præcepto baculos manibus tenebant, qui Paschalem agnum edentes ad patriam tendebant. Secundum hunc morem, cantores in officio missæ baculos tenere noscuntur, dum verus Paschalis Agnus benedicitur].

On s'occupa également d'orner ce sceptre du grand-chantre, et les orfèvres y réussirent parfaitement. Le bâton cantoral figure avec honneur dans les trésors des humbles églises [Note : Celles-ci n'avaient pas droit à l'usage du bâton cantoral. Mais elles s'octroyèrent spontanément ce privilège et même, en certains cas, l’étendirent à tous leurs chantres. On trouve encore, en Roussillon, par exemple, de ces bourdons cantoraux qui sont véritablement des œuvres d'art. L'église de Collioure en possède un, daté de 1592, Cf. P. VIDAL, Guide historique et pittoresque des Pyrénées-Orientales, Perpignan, 1899, in-12, p. 103], comme dans ceux des cathédrales.

A Chartres [Note : Chartres, sa cathédrale, par A. CLERVAL, F. Simon, Rennes, 1905, p. 230], Jean Le Bon, au cours d'une visite, qui était la troisième, laissa en ex-voto de sa délivrance, son bourdon de pèlerin qui servit dans la suite de bâton cantoral. A Paris, l'église des Carmes Billettes [Note : Voir dans la revue l'Eucharistie, année 1912, pages 281 et seq. un article très étudié de V. PAGET sur le prodige, dont le rayonnement fut incomparable, et dont l'église Saint-Jean-Saint-François garde le souvenir de nos jours] faisait figurer au sommet de la tige dorée que tenait le grand-chantre, un épisode du fameux miracle eucharistique qui s'opéra en 1290, dans la capitale de la France [Note : L'Eucharistie, p. 387 donne une excellente reproduction de cette pièce d'orfèvrerie qui figure au Musée de Cluny, sous le numéro 5.070. C'est une œuvre du XVème siècle. Cf. le Catalogue de E. DU SOMMERARD, p. 413].

A la Sainte-Chapelle, dont le prœcentor trouva place au Lutrin de Boileau, c'était mieux encore. Un sceptre impérial, en onyx et en vermeil, représentant le buste de l'empereur Constantin, fut métamorphosé au Moyen-Age en bâton cantoral [Note : Placé dans les vitrines du Cabinet des Antiques, à la Bibliothèque Nationale, il y voisine avec la célèbre Patère de Rennes].

On conçoit que les préchantres aient beaucoup tenu au port de leur insigne. A Rouen, le pape Nicolas V expédiait une bulle pour faire cesser toute contestation à ce sujet [Note : Chanoine PÉRIER : Le bâton cantoral de la cathédrale de Rouen et la bulle de Nicolas V. Rouen, 1903, in-8°]. Quelques-uns se firent représenter sur leur pierre tombale avec ce témoignage de leur dignité [Note : C'est évidemment un grand-chantre de Rennes qui figure dans la pierre tombale décrite par M. BANÉAT, dans le Vieux Rennes, p. 576, et placée dans une cour, au numéro 4 de la rue Saint-Sauveur. « Elle représente, au simple trait, un ecclésiastique vêtu d'une chasuble. Ses mains sont jointes sur sa poitrine et tiennent un bâton, insigne d'une dignité que nous ne pouvons déterminer »].

En homme habile, le grand-chantre de Dol, Philippe Thoreau offrait à la cathédrale, le 2 janvier 1662, Un bâton cantoral « qui devait passer à ses successeurs » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V. Série G. Chapitre de Dol, 7 juin 1697. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 492 et seq. — Abbé DUINE, Hist. civ. et pol. de Dol, p. 99, note 14. — René DURAND, Un chanoine de Dol au XVIIème siècle, dans les Annales de Bretagne. XXXIV. p. 388]. Avec grande joie, le Chapitre accepta cette offrande [Note : A la condition, toutefois, que chaque nouveau chantre, à son entré en charge, payât cent livres à la fabrique de la cathédrale, avant de pouvoir user de ce bâton cantoral. Registres capitulaires].

L’Inventaire de la cathédrale de Saint-Malo, dressé en 1790, mentionne un baston cantoral dont la lanterne ou le haut est doré et le fût ciselé, mais non doré, ainsi qu'une autre lanterne de baston cantoral dorée [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 697]. Les livres du Chapitre ne nous ont pas gardé, à Rennes, de semblables souvenirs. On doit le regretter.

Ils ont, par bonheur, conservé plus fidèlement la suite des grands-chantres, et le chanoine Guillotin de Corson en a dressé une liste qui comprend quarante-et-un noms [Note : Ibidem, pp. 160 à 165]. Il serait aussi inutile que fastidieux de redonner ici cette longue nomenclature. Contentons-nous d'y glaner quelques souvenirs.

Le premier grand-chantre connu est Raoul, qui vivait entre 1028 et 1030. Main (1096-1108) mourut le 10 avril, affirme le Nécrologe de Saint-Pierre [Note : APRILIS, IV ID. Obiit Maino, cantor hujus ecclesiæ et canonicus]. Le nom de Guéthenoc (1132-1153) nous est transmis par le même témoignage. Il mourut le 19 janvier, laissant le souvenir d'un saint homme [Note : JANUARIUS, XIII KAL. Obiit felicis memoriæ Gidenocus, hujus ecclesiæ cantor, canonicus et sacerdos]. Hélye (1162-1174) fit le voyage de Rome et légua au Chapitre son antiphonaire et sa maison, située à l'ombre de la cathédrale [Note : APRILIS, PRID. NON. Obiit Helyas, hujus ecclesiæ cantor, qui dedit canonicis Sancti Petri antiphonarium summ et domum suam, quæ est juxta istam ecclesiam, pro redemptione animæ suæ].

Puis viennent, aux siècles suivants, Yves de la Roche (1374), qui ratifie le traité de Guérande, le 20 avril 1381. Avant de monter sur le siège épiscopal de Saint-Brieuc (1424), Guillaume Brillet, futur évêque de Rennes (1428) et fondateur de la psallette (1443), fut grand-chantre de la cathédrale. Robert de la Rivière, son neveu, revêtu de la même dignité, lui succédera en 1447 sur le trône épiscopal [Note : Gallia christiana, XIV, col. 758. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 78. — Abbé TRESVAUX, Eglise de Bretagne, p. 24]. La puissante famille d'Espinay fournira au Chapitre de Saint-Pierre cinq grands-chantres, qui se succéderont de 1463 à 1558. Robert II deviendra évêque de Les-car, puis de Nantes [Note : Gallia christiana, XIV, col. 831. — TRESVAUX, loc. cit., p. 80]. Charles d'Espinay gouvernera le diocèse de Dol [Note : Gallia christiana, XIV, col. 1064. — GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit. I, p. 425. — Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, tome III, p. 86. — TRESVAUX, loc. cit. p. 292]. Louis d'Espinay sera protonotaire apostolique, abbé du Tronchet et prieur de Notre-Dame de Vitré [Note : GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., II p. 228. — TRESVAUX, loc. cit., p. 485. — Gallia christiana, XIV, col. 1077 et seq.]. Antoine Josses de la Morinière, protonotaire apostolique et recteur de Montauban [Note : GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit. V, p. 256] prétendit, en 1566, recevoir au chœur l'encens avant le trésorier : ses prétentions furent repoussées. François de Cahideuc entra dans les ordres après avoir perdu, en 1570, sa femme, Françoise de Coëtlogon. Il faisait partie de l'ordre de Saint-Michel [Note : LEVOT, Biographie bretonne, II, p. 234]. Jean 1er de Lespronnière fut enterré dans la chapelle des Guibé, et sa tombe, ornée d'une plaque de cuivre, présentait une double épitaphe, en latin et en français [Note : Ces deux inscriptions sont reproduites dans le Pouillé de Rennes, I, p. 162 et seq. Voici le sextain français : Aux cendres du même. - Le corps où résidait cette sainte et belle âme, - Qui répandait partout une céleste flamme. - Repose doucement sous ce poudreux tombeau ; - Et rien de plus ici ne marque cette cendre, - Sinon pour advertir que son esprit si beau - Fut un dépôt du ciel qu'il nous a fallu rendre]. Sur son sceau, le grand-chantre suivant, Jean II de Lespronnière, plaça en pal un bâton cantoral derrière son écu [Note : D'or à trois merlettes de sable]. A signaler parmi ses successeurs : Gilles de Gain, seigneur de Carcé, en Bruz, protonotaire apostolique, conseiller du roi et aumônier de la reine-mère, official, scholastique et chanoine de Rennes (1658-1680) ; Emmanuel de Montalembert, vicaire général, officiai et recteur de Saint-Germain de Rendes [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 178, et V, p. 663] ; Louis Bossart (1699-1702), chanoine de Léon, qui, à l'exemple d'Antonie de Josses et de Gilles de Gain, prétendit être le premier au chœur. Antoine Drouët, recteur de Montgermont et de Saint-Aubin de Rennes (1708-1732), se signala par sa munificence à l'égard du Chapitre [Note : Il donna à la cathédrale de riches ornements, entre autres la chape du grand-chantre que porte encore de nos jours, aux processions, le neveu d'Antoine Drouët, M. le chanoine Bertrand de Montgermont, quem Deus diu sospitet. Depuis vingt ans, le blason d'André Drouët figure dans l'un des vitraux de la petite église dont il fut recteur, de 1685 à 1701. Il porte les armes de la famille Drouët de Montgermont : de gueules à trois cœurs d'or, une rose de même en abîme. A signaler que le premier recteur connu d'Orgères, nommé lui aussi Bertrand de Montgermont, fut archidiacre et chanoine de Rennes. Il mourut le 12 mars 1397. Il portait comme armes : de gueules à trois channes d'hermines]. Il eut pour successeur Guillaume-Marie du Breil de Pontbriand (1732-1767), théologal de Rennes et abbé de Lanvaux [Note : TRESVAUX, loc. cit., p. 567 et seq. — Gallia christiana, XIV, col. 964], prêtre érudit qui projeta d'écrire une histoire des Etats de Bretagne.

Les trois derniers grands-chantres furent de hauts dignitaires ecclésiastiques : Claude de la Corbière de Juvigny (1767-1770), archidiacre du Désert ; Olivier-Julien Gibon du Pargo, archidiacre du Désert, puis trésorier (1770-1785) ; Louis-Jules-Armand de Loaisel de la Villedeneu, prêtre du diocèse de Saint-Malo, fut également vicaire général de Rennes et grand-chantre de 1785 à 1791. Après la Révolution, il fit partie du Chapitre reconstitué et mourut en 1823 [Note : GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., I, p. 750].

Tous ces préchantres eurent un coadjuteur, auquel on donna le nom de succentor. Le sous-chantre, comme son nom l'indique, était un suppléant ; mais il jouissait d'une autorité réelle, dont le Livre des Usages nous a fait connaître toute l'étendue [Note : Celi sour-chantre y est tenu fere residance et service au cueur et au letrian ès festes doubles où il y a rastel et auxi où il est deu luminayre de treze cierges. Oultre celi sour-chantre y est tenu estre en chappe ès jours de festes appelées semi-doubles, ès semadis (sic) et ès dimanches, et doit comander les anthaines.... généralement tout le circuit de l'an, les hignes de matines et de vespres, TE DEUM, BENEDICTUS, MAGNIFICAT, comancer et estre à la grant messe et prendre la paix du sous-diacre pour la donner aux seignours (chanoines)… Celi sour-chantre doit à celi letrin porter chappe à toutes les houres de matines, de la messe et de vespres et fere les services accoustumés. Les statuta antiqua complétent la série de ces obligations : Quoad officium succentoris, statuimus et ordinamus quod ex debito sui officii, in festis novem lectionum et in aliis festis duplicibus, semiduplicibus, officium suum suis propriis facere teneatur, videlicet psalmos et hymnos incipere cum aliis cappas defferentibus ; et quando duo canonici cappas defferunt, in scammo cum dictis canonicis non sedeat, et tune, in una cathedrarum bassarum, si non deambulet et in latere officientis remaneat. Ceremoniis ecclesiœ intendat et, de ipsis canonicis capellanos chorales introducere et advisare nan desinat et eorum defectus videat et corrigat. Deambulet. Rixantes, rebellos sive inobedientes ac officium suum minus bene facientes, per capitulum corrigi faciat et puniri ; in absentia cantoris, capellanos et clericos ad ecclesiam recipi volentes excutiat, et ipsos de consensu et de mandato capituli in choro mittat et recipiat. Debet etiam multa alia facere prout in martyrologio continetur. Officium succentoris fuit et est revocabile ad nutum et liberam voluntatem capituli]. Le Nécrologe de Saint-Pierre donne une liste de sous-chantres, depuis 1220 environ, jusqu’a 1790 : aucun d'eux n'a laissé de nom dans l'histoire du diocèse [Note : Jean de la Boucherie (1708-1737) devint, en 1745, recteur de recteur de Saint-Laurent-des-Vignes ; Julien-Marie Collin fut, en 1765, nommé recteur de Montault ; François Crespel résigna, en 1770, pour le rectoral d’Ossé]. Le Pouillé de Rennes [Note : Tome I, p. 250] nous fait aussi connaître les rentes et les maisons prébendales dont joussaient ces dignitaires [Note : A la Magdeleine, faubourg de Nantes, avec vigne, pressoir et pourpris ; puis, successivement, rue des Lauriers et rue Saint-Yves. Depuis le début du XVIIème siècle, les sous-chantres jouissaient également des chapellenies de Saint-Jérôme et de Saint-Eustache, fondées toutes les deux, à la cathédrale].

Le chanoine directeur de la chantrerie avait aussi sous ses ordres les organistes et maîtres de psallette, ainsi que six chapiers, divisés en grands et petits bacheliers. Les premiers, au nombre de deux, étaient ordinairement des prêtres. On signale leur présence depuis le XV siècle [Note : Les antiqua statuta résument ainsi leurs fonctions : Statuimus quod duo magni bacchalarii cappas deferentes, honeste ac modeste, ac cum gravitate decenti in choro se habeant, nec cum cappis chorum exeant antiphonas cum decenti mora et honestate annuntient capellanis. Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, G 197. Ibid. : Les bacheliers doivent dire les respons de matines, de vespres et de la messe du jour en tout l'an].

Dans le chœur, évoluaient enfin, autour du bâton cantoral, les enfants et les choristes. Ceux-ci étaient de simples chantres. La cathédrale de Rennes en possédait quatre ordinairement, et un temps fut, relativement peu éloigné, où, pour ses offices, ce nombre de voix lui était encore assuré.

 

IV. LES MAITRES DE PSALLETTE.

Le grand-chantre, nous l'avons dit, était le chef incontesté de la psallette à Saint-Pierre de Rennes. Mais de nombreux auxiliaires l'aidaient à gouverner son harmonieux royaume : le principal d'entre eux était le magister.

De bonne heure, les attributions du maître de psallette se trouvèrent fixées, soit par les décisions des évêques [Note : Statuta antiqua Ecclesiæ Redonensis, cap. XVIII, ex Cod. Reg. 9612 L, dans le Glossaire de DU CANGE, V, p. 497 : Statuimus quod sub communi vocabulo Psalletae una sit societas octo puerorum et unius magistri.... ac ipse magister sit receptor et gubernator emolumentorum ipsius Psalletae], soit par les bulles des papes [Note : En particulier celle de Léon X, en date du 7 novembre 1513, conservée aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, sous la cote G. 194. — A la cathédrale de Saint-Malo, les constitutions de la psallette furent fixées, en 1319, par le pape Jean XXII et modifiées, le 18 août 1515, par une bulle du pape Léon X. Cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 699.].

En fondant la psallette de sa cathédrale, le 10 janvier 1443, l'évêque Guillaume Brillet, précise les obligations du magister placé par lui à la tête du nouveau « bénéfice ». « Le… maistre de la psallette aura le gouvernement de quatre petits enfants et les fournira à ses dépens de tous vivres et vêtements et autres choses nécessaires, bien et deüment, et les instruira ou fera instruire en art de musique, pour servir au bien et honneurs du Divin service de ladite Eglise, comme ès autres Eglises Cathédralles où il y fondation de psallette est accoutumé faire, et en outre aura celuy maistre de psallette deux autres enfants de majeure âge... qui pourront servir au chœur.... quels seront pareillement aux dépens dudit maître de psallette ; lequel maître… sera par les chanoines et Chapitre de ladite Eglise choisi et eslu et par eux sera celuy maistre de psallette présenté audit Révérend Père en Dieu, le temps durant de sa vie pour en estre fait la collation. Et après le décez dudit R. P. en Dieu, au cas et fois que ledit bénéfice sera vacant par décez ou autrement, lesdits chanoines et Chapitre choisiront et esliront un autre maître de psallette et le présenteront aux successeurs dudit R. P. en Dieu successivement, évêques dudit lieu de Rennes, pour en faire la collation, laquelle il leur sera tenu faire, au cas que celuy qui sera présenté sera suffisant et idoine. Lequel maître ..... sera tenu faire résidence au chœur et y servir comme aux autres Eglises où y fondation de psallette, sy par les chanoines et Chapitre dudit lieu n'estoit dispensé ..... » [Note : Deux copies de ce document existent aux Arch. dép. d'I.-et-V., sous la cote G. 177].

Le 26 janvier 1445, par un second acte [Note : Inventaire des titres du Chapitre, 1672, fol. 165, aux Arch. dép. d’I.-et-V., sous la cote G. 176], Guillaume Brillet complète sa fondation et précise ses intentions. A plusieurs reprises, ses successeurs sur le siège de Saint-Melaine l'imiteront.

En 1558, Mgr AEmar Hennequin procure au maître de psallette le secours d'un auxiliaire : « Et d'autant que la bonne institution des enfans de chœur est comme un séminaire de l'Eglise et que le chant de musique n'est que peu de choses s'il n'est accompagné de suffisance et de bonne vie, sera pourveu à la bonne discipline, mœurs et instruction aux enfants de la psallette, et oultre le maître de chant leur sera pourveu d'un (homme) aagé, suffisant et capable qui les instruise oultre la lecture de grammaire.... » [Note : Ces statuts existent aux Arch. dép. d'I.-et-V. sous une double cote : G. 197, au début du Mémorial d'un chanoine et G. 198, au début du Pouillé de Rennes de 1588. La citation donnée ici est extraite de l'article XXXII des Statuts].

Les « maîtres de grammaire » proprement dits font ainsi leur apparition à la psallette [Note : On se préoccupa également à Dol de l'instruction des enfants de la psallette. Cf. Abbé DUINE, Histoire du livre à Dol, in-8°, 1906, p. 25, en note]. Leurs fonctions ne relèvent pas exclusivement du domaine intellectuel. Des soins plus humbles, mais nécessaires, doivent attirer leur attention. « Sera enjoinct à leur maître estre soigneux aux festes solennelles, de leur faire changer ledit jour d'aubes et surpelits blancs et nets ».

Un Règlement pour la Psallette de Saint-Pierre de Rennes a trouvé place, avec beaucoup d'autres pièces de nature diverse dans le Mémorial du chanoine Louis Gory. Il remonte à 1669 et renferme ces détails intéressants : « .... Le maistre veillera aux actions des enfants, tant à l'Eglize qu'à la maison et sera toujours présent pendant qu'ils seront à l'Eglise. Le maistre fera chanter aux fondations et obitz la musique où il doibt en avoir et à toutes festes et dimanches et aux festes épiscopales et canoniales fera chanter de nouvelles messes et motets de sa composition ; et en oultre aprendra et fera chanter aux enfants le contre point et à chanter sur le livre aux dittes festes et les instruira à la composition. Aux festes épiscopales et canoniales, il fera chanter le premier, troisième et cinquième psaulme, l'hymne et magnificat en musique » [Note : Aucun de ces morceaux exécutés à Saint-Pierre de Rennes ne nous est parvenu. Les Arch. dép. possèdent, par contre une liasse de motets et de messes exécutés à la cathédrale de Dol, au cours du XVIIème siècle].

Un traité conclu, le 26 janvier 1700, entre MM. du chapitre et François Symon, prêtre du diocèse de Saint-Malo [Note : François Symon était précédemment maître de psallette à Angers], nommé maître de psallette à Rennes, renferme les clauses suivantes :

« Ledit Symon s'oblige de demeurer à la psallette ; de faire chanter la musique en l'église ; d'y conduire et reconduire les enfans de chœurs et veiller à ce qu'ils sachent et chantent les versets, soient assidus à l'office et qu'ils sachent aussi les cérémonies qui leur incombent... aura soin que les enfants approchent des sacrement une fois le mois et aux fêtes canoniales et épiscopales ; nourrira le nombre de six enfants de choeur ; leur donnera même du cidre à leur repas, à la manière accoutumée ; les entretiendra de toutes sortes d'habits et de linge, soit pour l'église, soit pour la maison, même de dominos [Note : Camail avec capuchon réservé aux ecclésiastiques. DU CANGE, Glossarium mediae et infimae latinitatis, II, p. 917, le définit ainsi : Sacerdotale capitis et humerorum per hyemem tegumentum. Du Cange cite la constitution synodale de Louis de Carnossa, évêque de Bayeux (1516-1531) : Quotidie caputinum seu Domino panni nigri deferant. Utantur caputio, Vulgariter ung Domino. On voit donc voit que l’usage du petit camail, actuellement porté par les enfants de la Psallette Saint-Pierre de Rennes remonte à une date fort éloignée. Mais les enfants de la Psallette ne le portaient pas au chœur avant la Révolution. Il faisant partie de leur costume ordinaire] et bonnets quarrés [Note : Notre barrette actuelle. Les prêtres portaient le bonnet rond, dont la présence donne aux portaits d'ecclésiastiques des siècles passés un caractère si particulier] ; leur donnera des aubes blanches [Note : Le Moyen Age a désigné sous le nom de pueri albati les enfants de chœur. On les nommait encore aubés, à cause de l'aube de lin qui les enveloppait. A Notre-Dame de Paris, cette antique tradition du costume primitive des clercs s’est religieusement conservée jusqu’à nos jours] au moins de trois en trois semaines ; leur fournira des habits neufs de trois ans en trois ans, tant rouges que violets [Note : Cette robe rouge transformait en purpurati, dans la vie quotidienne, les dealbati des offices liturgiques. De nos jours, l'aube à disparu et la soutane rouge ne se porte qu'au chœur avec le rochet. De beauté moins sévère que l'ancien, ce costume ne manque ni de grâce ni d'attrait, dans l'heureux contraste de ses couleurs. Il jette une note éclatante au milieu des cortèges sacerdotaux et constitue à l'autel du sacrifice la parure des roses naissantes, nascentes rosae, dont parle le poète dans l'hymne des Saints Innocents. La psallette de la cathédrale de Dol, fondée en 1265 par l'évêque Etienne (DOM MORICE, Preuves, I, col. 994 ; GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 405), avait, en 1653, un costume semblable à celui de Rennes : « des robes rouges ou violettes, selon l'office du jour ; des aubes blanches, ornées de dentelles et de manchettes ; des bonnets carrés et un capuchon. selon la saison… ». Arch. dép. d'I.-et-V., Registres capitulaires de Dol, 4 G. 189], selon la saison ; les instruira dans la musique et leur donnera deux leçons par jour ; leur fera venir un maître de grammaire chaque jour » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 182. — A comparer avec le traité passé en 1783 entre le Chapitre de Dol et Clément Miette, dernier maître de psallette de la cathédrale Saint-Samson. Cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, I, p. 525. Le « maître de latin » existe également à Dol et le maître de psallette « doit veiller aux leçons qu'il donnera aux enfans »].

Après avoir énuméré ces diverses obligations, le chanoine Guillotin de Corson ajoute : « Le Chapitre recommandait souvent aussi au maître de la psallette de faire apprendre à ses enfants à jouer de l'orgue » [Note : Pouillé de Rennes, I, p. 257]. Ainsi présentée, cette affirmation est inexacte. Le Chapitre demandait seulement au maître de psallette de « faire leçon de musique ». Les leçons d'orgue étaient réservées à l'organiste [Note : A Dol, la situation était différente. Le maître de psallette devait « toucher du grand et du petit orgue » et « montrer la musique et le clavecin aux enfants, s'il se peut »] et M. Guillotin de Corson le prouve lui-même lorsqu'il ajoute : « En 1662, François Bertrand fut recu organiste à 300 livres de gage et 60 livres en plus, parce qu'il s'acquittera de son devoir d'aller à la psallette tous les jours montrer « à jouer de l'espinette » aux enfants, faute de quoi les 60 livres lui seront rabattues ».

Les redevances pécuniaires, on le voit par cette citation étaient exactement déterminées entre le Chapitre et les musiciens enrôlés à son service. Le règlement de 1669 nous apprend que « Messieurs du Chapitre feront payer au maistre, à la fin de chaque mois, la somme de vingt et cinq livres par les mains de leur sacriste, qui font cent escus par an pour tous gages de musique dans l’Eglize, sans en ce comprendre sa part de tous les petits profits qui touneront à son advantage [Note : Ces « petits profilts » étaient de nature fort diverses. Les Livres comptes du Chapitre permettent d'en connaître quelques-uns. Le maître de pallette touchait, en supplément, six sols, pour « faire l’office canonial aux jours des roys, purification, ascension et assomption » Pouillé de Rennes de 1656, Arch. dép., G. 198, fol. 25. — D'autres « profilts » étaient de nature différente et ne se présentaient que fortuitement. La grosse horloge de Rennes, fondue en 1731, fut placée seulement le 26 avril 1745. « L'abbé Le Brun, maître de musique, et le sieur Fel, organiste, tous deux attachés à l’église saint-Pierre furent chargés de s’assurer si « les douze appeaux de l'horloge étoient juste aux tons d'une octave et demye de musique ». Ils procédèrent pendant quatre jours à cet examen et reçurent chacun, à titre de gratification une somme de 24 livres ». Registres des délibérations de la communauté de ville, séance du 10 janvier 1732. L. DECOMBE Notes et documents concernant la grosse horloge de Rennes, dans les Mémoires de la Société Archéologique d'I.-et-V., XIV, p. 220], comme à la Saint-Grégoire [Note : Nous avons parlé de cette fête au chapitre des Fondations. Au registre des Dépenses de la mense capitulaire (1755-1772), fol. 74, on relève « pour la Saint-Grégoire, 10 livres par an, payées à M. Julien du 12 mars 1756 au 12 mars 1771 et à M. Sautereau, le 18 mars 1772 ». Arch. dép., G.919], Sainte-Cécile [Note : Ibid. Pour la Sainte-Cécile : « 10 livres, par an, payées à M. Julien du 22 novembre 1755 au 22 novembre 1770 inclus, et à M. Sautereau, le 23 novembre 1771. Au chapitre des Usages de l'Eglise de Rennes, le chanoine Guillotin de Corson (Pouillé, I, p. 288 et seq.) ne mentionne pas la Sainte-Cécile], le palais [Note : Un arrêt de Grand'Chambre, conservé aux Archives du Parlement série B, Liasse d'août 1574, et signé des conseillers de Bourgneuf et Poyet, contient ces clauses : « Veu par la Cour la resqueste présentée à icelle, le cinquième jour de ce moys par les chantres et les choristes de l’église cathédrale de Saint-Pierre de Rennes, tendant, pour les clauses y contenues, à ce que certaine somme leur eust été ordonnée, tant pour la présente année que pour chacune à l'advenir, pour assister et chanter en musique à la Messe du Saint-Esprit, qui se dict et céllèbre en l'église des Cordeliers de ceste ville de Rennes, au commancement de chaque séance, et que commandement exprès soif faict aux Receveurs des amandes de ladite Court de leur payer ladite somme pour chacune séance, sur les deniers provenant d'icelles amendes ; vu les Lettres patentes du Roy, données à Paris au moys d'avril 1557, publiées en ladite Court, le dix-septième d'octobre 1558, par lesquels le Roy ordonne la somme de quarante livres par chacun an pour lesdites messe du Saint-Esprit, qui font vingt livres par chacune séance, sur les conclusions du P. G. du Roy et tout considéré… ». Ce document m'a été signalé ainsi que le suivant, avec une extrême obligeance, par mon ami M. Jouin, l'érudit archiviste du Parlement. Le compte Entretien du Palais signale également 480 livres à la psallette pour l'année 1721, sous la signature de Guesdon. La psallette de Saint-Pierre de Rennes prêtait également son concours à la Messe du Saint-Esprit, lors de l'ouverture des Etats de Bretagne. Gain ; 150 livres. Le 25 octobre 1738, elle reçoit 250 livres pour avoir chanté au service funèbre du comte de Toulouse. Cf. Arch. dép. d'I.-et-V., C. 2678] et autres choses extraordinaires qui peuvent arriver » [Note : Le 3 juin 1595, la Cour ordonne au Receveur du Domaine du Roi, à Rennes, de « délivrer sur les deniers des saisies, la somme de douze écus aux chantres de la Psalète de l'église Saint-Pierre, pour avoir, par diverses fois, chanté le Te Deum, pour remercier Dieu de la réduction de plusieurs villes ». Archives du Parlement de Bretagne, Registres secrets].

Les archives très complètes que possèdent la psallette Saint-Pierre de Rennes ne renferment aucune trace de contestation sérieuse entre le Chapitre et le maître du chœur. Comment aurait-il pu en être autrement puisque les comptes étaient régulièrement tenus [Note : Voici, par exemple, un formulaire de quittance fourni par, le maître de psallette Guillaume Pozé : « Reçu pour le mois d'octobre la somme de 47 livres, 14 sols, 2 deniers ; sçavoir : pour mes gages, 10 livres ; pour les enfans, 25 livres ; pour l'assistance ordinaire, 6 livres, 9 sols 6 deniers ; pro pueris, 10 sols, 5 deniers ; pour les obits, fondations et messes du Saint-Sacrement, 15 sols ; pour la musique, 4 livres 10 sols. Fait ce 4 octobre 1639 ». Tiré du Mémorial d'un chanoine] et les revenus clairement indiqués. A ceux-ci s'ajoutait le casuel provenant des obits et des fondations que le maître de psallette était spécialement chargé d'acquitter [Note : Ibid : « Le maître de psallette a six vingt livres de gages, qui font par mois dix livres ; ensemble les profits du chœur qui sont dix-huit deniers par heure, avecque les obits de fondation. Dans les Dépenses de la mense capitulaire, nous lisons que « Monsieur Julien, comme maître de psallette, touchera par an, la somme de seize cent cent soixante livres partable et paiable par mois ; le premier mois paiable par avance, faisant chaque mois la somme de cent trente-neuf livres trois sols quatre deniers, suivant la délibération du 29ème juillet 1771, cy 1.670 livres ». Tout est prévu minutieusement sur le terrain financier. « Le maître de psallette sera nori, couché, blanchi de linge de lict et de table ; boira demy-setier de vin gascon ou anjou à desjuner, chopine à disner et aultant à soupper ». Règlement pour la psallette, 1669. Arch. dép. d'I.-et-V., G. 197].

Les principales de ces fondations étaient celles de l'évêque Guillaume Brillet [Note : Le texte de cette fondation est trop long et trop compliqué pour qu'il soit possible de le rapporter ici. Il est contenu dans l'acte de fondation de la Psallette], de 1443 [Note : Inventaire des titres du Chapitre, 1672, fol. 165 : « Fondation par Monsieur Brillet, évesque de Rennes, 63 livres de rente à la psalette, à la charge au maître d'icelle de célébrer une messe chaque vendredy, et outre de chanter et répondre à haute voix les messes qui seront dictes par le chapelain des chapelenies fondées par ledict seigneur ». Arch. dép. d'I.-et-V., G 176] et 1445 [Note : Ibid., « Fondation à la spalette (sic) par Révérend Père en Dieu, messire Guillaume Brillet, evesque de Rennes, de sept messes par semaine »] ; celle de Saint-Eloi [Note : Ibid., « Annexe de la chapellerie de Saint-Eloy à la spalette, à la charge de faire le service et résidence au chœur »] ; celles de Jean Hamon [Note : Tableau des obits en 1656, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 198, fol. 8 : le 8 mars, obit de Jean Hamon, semi-prébendé, maître de psalette de Rennes et chapelain de Saint-Eustache. Ibid., fol. 17 : dédicace de l'église, fondée Par Jean Hamon (3 novembre). — Autre fondation, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 177 : « Cent sols de rente au Maistre de Psallette .... le tout payable par les mains du prévost et Recepteur du Chapitre, chacun an. Ladicte fondation passée par Richart et Traslan, notaires, le 18 avril 1605 »] ; celle u Petit-Saint-Melaine [Note : Chapellenie de Saint-Pierre de Rennes, Arch. dép. d'I.-et-V., G 165 et G. 198 A, fol. 28 : « Doibt résidence continuelle et service au choeur et trois messes par semaine, au moins » (1609-1656)] ; celle de Saint-Yves de Bouin [Note : Ibid., fol. 66 : « Il est dub quatre messes par semaine et service au chœur ». En 1703, le chapelain est François Symens, semi-prébendé et maître de psallette] ; et celle d'Alain de Quelen [Note : Ibid., fol. 36 : « C'est une messe qui doibt être chantée au samedy, (en voix basse maintenant) ». Cette remarque est en interligne dans le manuscrit de 1656].

Quels furent, au cours des siècles, les maîtres de psallette à Saint-Pierre de Rennes ? Le chanoine Guillotin de Corson qui a dressé une liste à peu près complète des grands-chantres de la cathédrale, ne cite ici que dix-huit noms. En nous servant surtout des registres de comptes du Chapitre, nous allons essayer de combler cette lacune [Note : La liste dressée par Guillotin de Corson figure dans le Pouillé, I, p. 258. Celle que nous donnons a été établie d'après les recherches faites par Dom Pierre Marc, 0. S. B., dans les registres capitulaires]. Aux noms des maîtres de psallette proprement dits, nous joindrons ceux des administrateurs qui, à certaines époques, les aidèrent dans leurs fonctions ou même les remplacèrent totalement.

La première mention d'un maître de psallette à Saint-Pierre de Rennes remonte à l'an 1468 [Note : Un compte sur parchemin — Arch. dép. d'I.-et-V., G. 209 — qui va de la Saint-Pierre-au-liens de 1468 à la Quasimodo de 1469 porte, à la partie d'hiver : « Item solvit ipse prepositus (coristis dicte ecclesie), de mandato capituli, magistro psallete prédicte ecclesie, VII, I, X S. »]. Le titulaire de cette charge n'est pas indiqué.

Le 30 avril 1476, Bertrand du Pré est nommé maître de psallette [Note : Ibid., fol. 352 : Instituerunt magistrum Johannem Guillaume, de 1470 à 1491, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 199, fol. 57 : « Lundi, vingtième jour du mois de novembre l'an…. mil IIII cents soixante et quinze, mesdits seigneurs le Chapitre de l'église de Rennes en leur chapitre .... ont ordiéné que leur dict prévost paye à maistre Bertrand du Prat, maistre de ladite psallette... la somme de dix sols monnoye. Faict en chapitre les jours et aux dessudicts »]. Le 6 avril 1481, le chapitre ordonne à la psallette de prier pour Du Pré défunt [Note : Guillaume Guillemoays a reçu de l'argent, le 2 avril 1483, pour la dépense des enfants. Il prend la direction de l'administration pendant une absence prolongée et irrégulière de Gourdet. Ibid., fol. 152, 3 juin 1483 : Guillermus Guillemoays, presbyter, si magister psallete nunc absens in breve non revertatur, habeat regimen puerorum psallete].

Le 4 juin de la même année, Mathelin Gourdet est reçu maître de la psallette. Le 1er mars 1484, Guillaume Guillard le remplace [Note : Ibid., fol. 172 : Pro psalleta ordinarunt quod vocabitur Guillermus Guillart]. Le 3 septembre 1486, Gourdet Reprend ses fonctions pour trois ans [Note : Ibid., fol. 312 : Idem Gourdet pro tribus annis…. Ipsum capitulum eumdem Gourdet instituerunt (sic) in magistrum psallete ecclesie redonensis et juravit et ita fidejussit… Le 7 novembre 1487, Alain Renaud est nommé administrateur]. Mais, comme n'a pas observé le pacte conclu avec le Chapitre, Pierre Macéot est reçu à sa place, le 4 octobre 1488 [Note : Ibid., fol. 335 : Canonicis capitulantibus et campana pulsata, ut mos est, instituerunt magistrum Petrum Maceot in magistrum psalette… Le 25 octobre 1488, Renaud rend ses comptes]. Il sera remplacé par Jean Guillaume, le 29 mars 1490 (38). Combien de temps ce musicien exerça-t-il ses fonctions et quel fut son successeur ? Impossible de le dire, un interrègne existant à la psallette, du 25 juin 1515 au 26 août 1520 [Note : Paiement fait au nom de la Psallette, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 187].

Le 27 août 1526, Gilles Pelisson, nommé le 5 août précédent, remplit les fonctions de magister puerorum [Note : Registre du Chapitre, 1526, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 200 : Receperunt in magistrum psalete magistrum Egidium Plisson... Le 6 mai 1528, Michel Leduc est reçu administrateur]. Son nom est cité dans les comptes capitulaires jusqu'en 1543 [Note : Comptabilité. Petit livre de 13 X 18 cm., aux Arch. départ. d’I.-et-V. non classé, fol. 38 : Receu par moi, Gilles Plisson, la somme de Quinze livres cinq sols monnaie .....]. A cette époque, Martin Duchemin occupe la même charge [Note : Comptabilité, aux Arch. dép. d'I.-et-V., G 218, fol. VII : ledit du chemin a esté .... le temps de ung an sept mois et demy .....]. Puis, le 1er juin 1559, nous trouvons Langlois, nommé maître et administrateur [Note : Ibid., fol. VII : Moy, soubsignant, maistre et administrateur de la psallette…. Guillaume Cheny a été nommé administrateur, le 17 mars 1559]. Gilles Pelisson, le 1er août 1562, est de nouveau appelé à remplir les fonctions de maître et d'administrateur [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 217, fol. 99. A cette époque, Gilles Pelisson, devenu vieux, semble n'avoir fait que des remplacements. Le 1er décembre 1560, Bonnet a été nommé administrateur. Il en sera de même pour Bonabes Pelletier, du 2 février 1564 au 1er août 1566]. Le 1er août 1568, Michel Atteignant, recteur de Montgermont [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, v., p. 291, Michel atteignant succéda dans cette paroisse à Gilles Pelisson, qui avait résigné le 4 janvier 1575. Arch. dép. d'I.-et-V., G 218, fol. XII, CCIIII, LIX et seq. Le dernier reçu signé de Michel Atteingnant est du 11 septembre 1584], lui succède. Il meurt lui-même vers la fin de l'an 1584. Jean Hamon, semi-prébendé et recteur de Bourgbarré, le remplace [Note : On a déjà parlé de lui à propos de ses fondations. Cf. Arch. dép. d'I.-et-V., G. 219, fol. 81, 116 et seq.].

Le 9 mars 1616, il a comme successeur Jean Le Cœur [Note : Arch. dép. d'I,-et- V., G. 208, fol. 44. Du 1er août 1617 au 18 novembre 1622, Forest sera administrateur de la psallette] qui sera lui-même remplacé par Guillaume Pozé (20 août 1638), Pierre Bouteiller (1er may 1643), Mesnager (1er novembre 1643), Pierre Poissonnet (1er may 1644), Mathurin Berthelot (1er octobre 1655), Aubin Rostan (du 1er juin 1653 à 1668) [Note : Délibération du Chapitre, aux Arch. dép. d'I-et-V., G. 197. Du 16 may 1653, on a receu Aulbin Rostan maistre à la psallette. Du lundi, 1er juillet 1653 : Rostan receu en la prébende du déffunt Lequeu, à la charge ordinaire et oultre à condition que s'il quittait la psallette et qu'il ne fust maistre, il descendra au poulpitre pour chanter la musique ; du 26 juillet 1664 : Messieurs ont avisé qu'il sera changé deux fois la semaine aux enfans de la psallette de chemise blanche, tant en hyver qu'en été, parce qu'il sera augmenté au sieur Rostan, maistre, pour le blanchissage, la soThme de douze livres par chacun an ...], tous maîtres et administrateurs de la psallette [Note : Deux administrateurs, Gory et Rouxel, furent nommés en 1669 et 1671].

Puis nous rencontrons, remplissant les mêmes fonctions : Routri (1er octobre 1670) [Note : Ibid., du 18 juin 1670 : « Le traité de Monsieur Routri, maistre de psalette, a esté aresté et signé en Chapitre, au raport de Morinnaye, notaire roial, pour entrer en ladite psallette le premier jour d'octobre prochain »], Pierre Chapel (de 1688 au 7 novembre 1698), François Symon (1700), Guillaume Le Brun (1723), Le Bannier (1730), Jullien (de 1734 au 26 septembre 1771) [Note : Dépenses de la mense capitulaire, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, G. 219, fol. 113. Le 23 novembre 1771, Sautereau est nommé administrateur], des Graviers, nommé le 2 avril 1772 [Note : Ce maître de chapelle était laïque. Il fut un musicien fort connu, mais après son départ de la cathédrale il se trouva dans une situation précaire. Pour vivre, il proposait aux pères de famille, dans les Affiches de Rennes, du 7 octobre 1789, d'enseigner à leurs enfants ; « de l'un et l'autre sexe » non seulement le violon et l'alto, mais aussi le latin, l'écriture et l'arithmétique. On lui doit la musique du Couronnement d'un roi, pièce dont Gohier écrivit le livret et qui fut représentée à Rennes le 28 janvier 1775. Cf. JOUON DES LONGRAIS, Mémoires de la Société d'Archéologie d'Ille-et-Vilaine, XLII, 1ère partie p. 129 et seq. et Ibid., article de M. DELALANDE. Une société musicale à Rennes au XVIIIème siècle, XLV, p. 1 et seq. Le 27 mars 1775, des Graviers donna quittance de la somme de 90 livres payée par le Parlement aux musiciens de la cathédrale, pour le concours prêté par eux à la messe célébrée au Palais, le 19 décembre précédent], Sébastien Chollet, nommé le 8 mai 1775, et enfin Gaspard Le May [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., C. 319. Comptes du Parlement relatifs à la Messe Rouge. Années 1778 et seq.] qui, nommé au mois d'août 1778, était encore maître de psallette en 1790.

 

V. LA MAISON DE LA PSALLETTE.

Par ses deux actes du 10 janvier 1443 et du 26 janvier 1445, l'évêque Guillaume Brillet avait fondé, d'une manière stable, une psallette attachée au service de son église cathédrale. Il fallait songer à loger le maître et les six enfants qui devaient la constituer : question importante entre toutes.

Nous ne savons aucunement où la maîtrise de la cathédrale fut abritée à l'origine. Il faut arriver au XVIème siècle pour être fixé, et d'une manière encore bien vague, sur la situation topographique de la psallette. Un acte de 1557 signale comme maison d'habitation pour Missire Jacques Guihéneuc, « diacre de ladicte église cathédralle… deux maisons s'entre habitantes et court au derrière d'icelles, appelées la maison de la vieille psallette, syses près la rue d'entre sainct pierre et sainct yves…. joignant par le devant au pavé de la dicte rue…. » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G, 174, fol. 6].

Même description dans un acte de 1621, concernant le logement de Missire Jan Andouart, « prestre diacre de l'église de Rennes ». « Cet immeuble appelé anciennement la vieille psallette est situé près la dicte rue d'entre la dicte église de saint Pierre et l'hospital de saint Yves..... » [Note : Ibid., G. 174, fol. 6 verso].

Un document de 1674 [Note : Ibid., G. 175, fol. 9] est heureusement plus explicite. Il nous apprend que la diacrerie « appelée anciennement la vieille spsallette (sic)... fait le coing et angle de la dicte rue des Loriers et de celle du Griffon... vers occidant..... » [Note : Description identique dans un acte de 1746 : « La première maison, qui fait le bout et coing de ladicte rue du Griffon à aller vers occident et de ladicte rue des Loriers à descendre à midy vers Saint Yves…. Cette maison, anciennement la sallette (sic) de sainct pierre… a été désunie du chapitre »].

De toutes ces descriptions, en vérité assez confuses, il semble bien résulter que la première maison de la Psallette fut établie rue des Lauriers, à l'angle de la rue du Four du Chapitre. Serait-il téméraire de penser et de dire que la masure, qui avance de façon si peu harmonieuse sur la chaussée et que décore une pittoresque cheminée (5), en soit un dernier vestige ?

Les archives départementales d'Ille-et-Vilaine [Note : Cote G. 177] possèdent un bail daté du 24 mars 1460 qui se rapporte à cette « maison et herbregement » avant qu'elle fut affectée au logement des enfants de la psallette.

Le « contrat d'acquest » remonte au 10 juin 1476 [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 122]. Cette pièce est beaucoup trop longue pour être citée in extenso. En voici, du moins, quelques extraits.

« Sachent tous que par nous courts séculière de Révérend père en Dieu Jacques (d'Espinay) par la grâce de Dieu evesque de Rennes, de l'humble chapitre de Rennes et par chacune d'icelle, la jarisdiction de l'une ne empeschant l'autre, se sont aujourd'huy comparus devant nous en personne noble escuyer Jan du Margat seigneur de la provoustaye d'une partie et maistre Jehan Le Texier prestre d'autre partie.... lesquels et chacun furent et sont confessans connoissent et confessent avoir fait et font entre eux contrat héritel à titre d'eschange en la forme et manière qui ensuit, par lequel contract ledit du margat a baillé et baille pour lui et ses hoirs audict Maistre Jehan Le Texier pour luy ses hoirs et cause ayants sçavoir est une maison et herbregement au dit du Margat appartenant......

Collationné à l'original par nous, notaires royaux à Rennes soussigné MALLET Notaire royal ; PICHART Notaire royal ».

Le chanoine Guillotin de Corson [Note : Loc. cit., p. 254] voit, dans cet acte, l'acquisition par l'évêque Jacques d'Espinay, d'une maison pour la psallette. Il faut cependant remarquer qu'aucun passage dans le document en question ne fait mention des six enfants et de leur maître. D'autre part, on ne trouve pas trace de cet acquêt dans le registre des Délibérations du Chapitre qui remonte à cette époque [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 199]. Le prêtre Le Texier n'est mentionné nulle part. Il a du agir en son nom personnel. Il n'est donc pas possible d'affirmer que la psallette a changé d'habitation à cette époque.

En 1531, par contre, l'horizon s'éclaire. Cette année là, Maître Gilles Pelisson signe un bail qui lui donne jouissance de la maison : « joignant d'un costé la maison prébendalle que tient missire hervé cochon, chanoine dudict Rennes et d'un bout, et par derrière à la maison des partenay, à présent au sieur d'acigné et autre bout le pavé de la dicte rue » [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 177].

« Les enfans et coristes de la psallette » ont donc changé de domicile à une date qui nous est malheureusement inconnue. Un bail de 1603 [Note : Ibid., Ce document est trop long pour être cité en entier] nous montre Missire Jan Hamon, « maistre de la psallette de l'église cathédrale » devenu locataire d'une maison sise « par le devant au pavé de la rue qui conduist.... devers les églises sainct pierre et sainct sauveur au caroil [Note : Ou carrouen. C'est le carrefour du Chapitre, situé à la jonction des rues actuelles du Griffon, du Four du Chapitre et de la Psallette] du chapitre ». Il s'agit donc, dans ces deux derniers baux de la maison connue actuellement sous le nom de Maison de la Psallette et sise au numéro 8 de la rue du même nom [Note : BANÉAT, Le Vieux Rennes, p. 462, indique le numéro 8 comme étant celui de la maison de la Psallette].

Cette maison n'était pas opulente. Un document [Note : Extrait du Procès-verbal de l'Etat de toutes les maisons prébendalles appartenantes à MM. les chanoinnes et chapitre de l'église Cathédralle de Rennes. Cette pièce est conservée aux Arch. départ. de Rennes, G. 177, fol. 31 et seq.] nous fait connaître quel était son « état » en 1675.

« Le samedy neufviesme mars audict an, le requérant ledict procureur du roy [Note : « Pierre Boochard, escuyer, sieur du Coudray, conseiller du Roy alloué, lieutenant général civil et criminel de Rennes »], nous nous sommes transprtés en la maison de la sallette (sic) despendante du chapitre saint pierre de rennes en laquelle demeure le sieur Rostan [Note : Maître de la psallette] afin de rapporter estât et procès-verbal et d'indiquer les réparations d'icelle, où estant en présence des sieurs desclaux et guirry, chanoines dudict chapitre, ayant avecques nous pour adjoinct ledict rosselin [Note : Etienne Rosselin, commis au greffe des Inventaires et du domaine du Roy audict siège], a esté procédé à la continuation du présent procès-verbal comme ensuite.

DESCENDUS dans la cour de ladite maison nous ont les dits artisans dit et faict voir que un des sommiers du plancher sur icelle est pourry et étayé par le milieu et est nécessaire de l'eschanger ; et au regard des murs autour d'icelle, le tout en bon état.

ENTRÉS dans l'embas sur la rue de ladite maison, ledict rostel nous a dit et fait voir un sommier [Note : Pièce de bois intermédiaire entre la poutre et la solive] au plancher du premier étage esclisé [Note : Soutenu par une éclisse, c'est-à-dire par un petit ais de bois fort délié que l'on applique contre un membre fracturé pour le soutenir], mais qu'il poura subsister encorre, n'estant surchargé ; Et au regard des murs du tour d'iceluy que le tout est en bon estat. Et ledit dumaine [Note : Couvreur et terrassier] nous a dit et fait voir que le fuyer [Note : Le foyer probablement] dudict embas et le pavé de l'allée de ladite maison est en partie dégradée et est besoing de l'eschanger.

SORTIS dudict embas et entrés en la cuisine au derrière, ledict thomas [Note : Sylvestre, « architecte et masson »] nous a fait voir qu'il est nécessaire de la réparer de tuille ; ledict rastel nous a dit et fait voir que le pan de bois où est attaché la porte d'iceluy et celuy sur la cour sont de nulle valeur ; les soliveaux du plancher penchent et en mauvaise conduite ; au regard de la cloaison de la cuisine et du transport à costé, qu'il faut la réparer de terrasse et mettre au plancher plusieurs furées [Note : J'ignore ce que signifie exactement ce terme technique] manquantes et les solivaux d'iceluy courbés.

ENTRÉS en la cour de ladicte maison, ledict Rastel nous a fait voir que les tuiles tant du devant de la cuisine sur la cour que celles du long des galleryes sont toutes pourries, qu'il y a nécessité de les rétablir et mettre ..... une murette d'un pied de hauteur pour résister aux eaux pluviales ; restablir les latrines de briques et reffaire toutes les terrasses le long desdites galleryes et au regard des couvertures sur icelles qu'elles peuvent subsister, y estant restabli quelques chevrons et chomlattes [Note : « Pièce de bois qu'on attache à l'extrémité des chevrons et qui avance, hors le mur, pour soutenir deux ou trois rangs de tuiles, qu'on met ainsi dehors pour empêcher que les eaux pluviales ne tombent le long du mur et ne le gâtent ». Dictionnaire de Trévoux] et ardoises.

MONTÉS au premier estage sur le devant, ledit rastel tous a fait voir que deux des sommiers du plancher sur iceluy sont escliés et lesquels on a esté obligé de lier avecq liens et fer, mais peuvent néantmoins subsister, n'estant surchargés et au regard des furées dudict plancher qu'elles sont dégradées et tombées en partye et est besoing de relever la fuyer chambre. Entrés en la chambre sur ladicte cuisine, ledict Thomas nous a dit et fait voir que l'un des jambages du chauffepieds [Note : D'après le Dictionnaire de Trévoux, ce terme désigne une chaufferette. Il est pris évidemment ici dans un sens différent] d'icelle est dégradé en un endroit de briques et ledit Rastel nous a dit et fait voir que toute la charpente de ladite chambre menace chaite [Note : Mis pour chûte], les soliveaux dégradés les uns les autres, que les fillières [Note : Ce mot désigne les solives en porte-à-faux qui soutiennent une galerie extérieure courant à la hauteur d'un d’un étage] qui portent la gallerye du premier estage sont pliées et est nécessaire de mettre une contrefiche soubs l'une d'icelle pour soutenir la filière et restablir les terrasses en quelques endroits, tant en ladite arrière-chambre que le long de la gallerye.

MONTÉS au second estage de la dicte maison, ledict rastel nous a fait voir que toute la charpente de la chambre du devant dudict logis, les sommiers [Note : Pièce de bois intermédiaire entre la poutre et la solive] et soliveaux du plancher menace ruine, les fillières qui portent la gallerye en leur longueur pliés, et est nécessaire de les estayer, les terrasses dégradées et le plancher de sur ledict estage [Note : Un mot manque dans le document original], les fenêtres sans vitres ni fermetures.

SORTIS de la dicte chambre et montés au gaillatal [Note : Ou gallatail. Désigne un galetas] de la dicte maison, ledict rastel nous a dit et fait voir que toute la charpente d'iceluy est de nulle valleur et supporté d'estais, le plancher en partye tombé et les couvertures et filières courbées, et au regard de la cheminée qu'elle est surplombée et est nécessaire de rétablir tout de neuf menaçant chaite.

ET NOUS ont les dicts artisans unaniment dit que pour rétablir les choses en leur prestin [Note : Adjectif venu du latin pristinus. Signifie ancien] estat, il peut appartenir la somme de trois mil deux cents livres y compris la fourniture des matériaux. Et de ce que dessus fait et rédigé le présent procès-verbal, soubs nostre seing dudict procureur du Roy, de notre adjoinct, desdits sieurs Desclaux et Guirry, lesdicts jour et an que dessus et ont signé sur la minute.

En dehors de cet immeuble, la psallette de Saint-Pierre possédait aussi une terre et un jardin situés au bord du chemin « par lequel on vat du bourg l'evesque [Note : Rue de Brest actuelle] aux Lices et au couvent de Nostre Dame de Bonne Nouvelle », c'est-à-dire dans le domaine de l'Hôpital militaire actuel ou dans celui des religieuses de Saint Thomas de Villeneuve, rue Saint-Louis [Note : Bail conclu en faveur de Gilles Pellisson, le 4 juillet 1531. Arch. dép. d'I.-et-V., G. 177. Ibid., un autre bail de 1557 : la petite maison et le jardin, sont situés « près le dict chemin à aller du bourg l’évesque à saint Aubin ». — Ibid., bail de 1566. Cf. également, la Réformation de 1646]. Au XVIIème. siècle, la maîtrise de Saint-Pierre ne possédait plus ce bien [Note : En 1621, on signale « Rue basse, près l'église sainct Estienne, vers le pont saint Martin, du costé de la rue haulte », une petite maison et jardin « dépendant autrefois de la Psallette de l'église de Rennes…. en présent aux religieux minimes ». — Ibid., bail conclu en 1674 entre « les humbles prieur et religieux du couvent des Minimes de cette ville et la seigneurie du chapitre de Rennes »].

Le Chapitre cathédral parait avoir eu beaucoup de peine à faire vivre les membres de sa psallette et s'être borné à faire, aux immeubles qui les abritaient, les réparations strictement indispensables. Cependant, au moins une fois, il se résolut à construire.

Au cours de l'année 1710, en effet, dans la cour de la psallette et près de l'hôtel de Brie [Note : Cette demeure des Loysel de Brie constitue, encore de nos jours avec sa façade jointe à l'hôtel de Blossac, un des édifices les plus remarquables de la rue du Chapitre. Cf. BANÉAT, Le Vieux Rennes, p. 112], un cabinet fut construit, par les soins de l'architecte François Huguet. Son mémoire se monta à 434 livres 6 sols et l'abbé Escolan, fabriqueur, porta la somme à 455 livres. Huguet reconnaissait avoir bien travaillé. Cette élévation de salaire lui parut méritée [Note : « Par les soings que je me suis donné » dit la quittance].

D’après le texte du mémoire qu'il rédigea, on sait que ce cabinet était blanchi à la chaux, carrelé et couvert en ardoies. Il possédait une cheminée, une porte et deux croisées « qui comptaient ensemble 48 carreaux de vitre à 5 sols la pièce, mis en plomb » [Note : Arch. dép. d’I.-et-V., G 177].

La construction de cet immeuble avait été commencée le 29 juillet 1710. La quittance fut donnée à l'architecte, le vingtième jour d'août 1710. A cette date, il fallait encore une journée de travail « pour le blanchiment à la chaux dudit cabinet ».

A quoi pouvait bien être destinée la construction nouvelle ? A servir de logement au maître de psallette probablement..... Elle devait cependant recevoir une affectation toute différente. Le cabinet de la psallette était à peine construit que le propriétaire de l'hôtel de Brie en eut une envie folle [Note : Ce propriétaire était « Messire Jan françois de Cahideuc, chevalier seigneur marquis du bois de la Motte, demeurant en son hôtel, rue du Chapitre, paroisse saint-Etienne »], sur ces instances réitérées, le Chapitre consentit à le lui louer, « pour la somme de vingt-cinq livres », afin de servir de cabinet au secrétaire de M. l'Intendant. Le bail fut consenti pour trois ans, « à commencer de la Saint Jean-Baptiste 1710 » et M. de la Motte fut « autorisé à ouvrir, à ses frais, dans le mur de son hôtel, une porte de communication avec ledit cabinet » [Note : Délibération capitulaire, du 25 août 1710. — Le même fonds des archives contient de nombreux baux où sont spécifiées, en détail, les servitudes relatives à la maison de la psallette. Je crois utile et opportun de faire grâce au lecteur de cette énumération fastidieuse « d'ouvertures avec barreaux ou sans barreaux », de « fenestres basses closes » et d'innombrables soupiraux].

Le terrible incendie de 1720 respecta la maison de la psallette et tout le quartier qui l'avoisine. Aujourd'hui encore, dans ce coin moyenâgeux, elle se dresse, bien modeste et presque inconnue au milieu des maisons prébendales qui, comme elles, ont été atteintes par la spoliation et ravies à leurs propriétaires légitimes.

L'attention du touriste ne s'arrête pas sur elle, mais sur la maison dite de Duguesclin, sa voisine, ou sur les immeubles à poutrelles apparentes qui font le coin des rues du Four du Chapitre ou du Griffon. Et pourtant, c'est elle qui possède, aux archives, les parchemins les plus en règle, établissant, sans contestation possible, son origine et son histoire.

 

VI. LA VIE DES ENFANTS DE LA PSALLETTE.

La maison qu'habitaient les enfants de la psallette n'était pas somptueuse au point de vue architectural. Elle ne parait pas, non plus, avoir été bien confortable au point de vue mobilier.

Nous ne possédons, sur ce point, qu'un seul inventaire, remontant à l'an 1484 et qui semble singulièrement suggestif [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 199, fol. 173 et seq.].

Anno prædicto, die jovis vicesima sexta mensis februarii, prefati domini ecclesie redonenis in capitulo presentibus, magistri Egidio de Riparia, archidiacono et canonico, Roberto Ferré, Bertrando de Coetlogon, Guillermo de Riparia, Johanne du Loquet et Johanne Bouedriet, ecclecie predicte canonicis capitulantibus, assignarunt magistro psallete ad recipiendum utensilia ejusdem psallete per eum exhibenda, ad crastinum diem, ad unam horam post meridiem quorum dictis commissis.

Item ipsa die veneris XXVIIème dicti mensis februarii, dictus magister Mathurinus (Gourdais) exhibuit quorum dictis dominis commissis utensilia sibi tradita per inventorium signatum per dominos Johannem d'Espinay scolasticum et Johannem Bouedriet canonicos, demptis una scutella, una salma [Note : La selle et le bât destinés à l'âne qui servait de monture à l'évêque des Innocents] uno veteri (mot passé) et veteribus pelvibus, pro quibus reddidit unum bonum (mot passé), anam bonam pelvim et unum bonum candelabrum. Et quod de pannis lineis reperiuntur solum quod sequitur : Verbis gallicanis :

X linceulx en tele (toile) ; XX linceulx de repon [Note : Reps, étoffe très forte. Peut-être des courtepointes] dont y a troys qui valent presque rien et Dupaisne a dit que la sœur du maître en avait depecé troy pour abilliez les aultres et de deux bous en a fait ung couetel [Note : Une couverture probablement]. Restent huit linceulx.

Seix grands touaillons….. rend ung. VI touaillons [Note : Serviettes de toilette et de table] dont n'y a que deux bonnes. Les aultres ne valent rien. Item cinq touailles de repon contenant deux touaillons pour une touaille. XIII serviettes qui ne valent rien, Item. ung touaillon viell et percé.

Deux oreillers où ladite sœur a dit y avoir eu chacun troi souylles. Et a montré trois autres souylles qui sont le nombre baillé. Y a une bonne. Les aultres ne vallent rien.

Item IIII chapons (sic) violets pour les enfans.

Item enouyt les autres ustensiles que rend ledit maistre dudit inventaire.

XVII escuelles. VI plats, deux grans et quatre moyens. Quatre pichets ronds sans pate. Une salme carrée. Deux grans paisles (poëles) my usées. Un pallon (poëllon). Ung bon chaudron. Ung chandelier de cuyvre. Une paisle d'acier à fristure. Une grille (gril) de fer à sept bastons, Une bonne tramaillière (crémaillère). Ung croc à cher (viande). Deux molets (pince) à feu. Une pale de fer (?) à cheminée telle quelle. Ung trepié tout neuf. Deux broches de fer, une petite à pié, et l'autre maïre (plus grande, major) sans pied. Deux landiers (chenêt de cuisine) bons et entiers à trois crocs et pommetes dessus.

Deux tables de boays enboutées et leurs bruchets (tréteaux). Ung vieill banc en la cuysine. Deux bancs neufs sans règle. Quatre escabeaux dont y a ung petit qui est rompu. Une grande huge (huche) vieille en la cuisine avec ses cleff et claveure (serrure). Deux petites paletes portées à quatre lames de fer. Ung viell charlit de boays à la faczon de Brécelien [Note : Peut-être Paimpont ?]. Un plancher à y monter d'icelle faczon. Un viell tonneau à clef et à claveure. Ung veill mortier de pierre avec son pestel de boays (pilon). Un viell coffre long fendu et usé. Une vieille mue (cage) à poulailles, avec deux clefs, dépiécée. Une aultre vieille table non enboutée avec ses bruchets. trois vieux charlits à la faczon de Brécelien. Ung montoure à lit de vell boays bon à (scier). Ung aultre tonneau, claveure sans clef. Ung bon ciel de lit sans tredos [Note : Sans tenture ?] et courtines. Une bonne grande huge à cleff et à claveure.

Quatre couetes dont y a une bonne, une moyenne et deux vieilles. Quatre saiges [Note : Etoffe de serge. DU CANGE, Glossaire], deux vieilles aux armes de feu monseigneur Guillaume Breillet, l'autre de frye (?) blanche, petite et presque moyenne, l'autre saige de bureau (bure). Quatre traversiers de lit (traversins). Deux autres palettes de boays.

Dans ce cadre pauvre et presque misérable, quelle pouvait être l'existence quotidienne des enfants de la Psallette ? Nous pouvons, sans hésiter, répondre qu'elle était austère.

Plusieurs documents existent, en effet, qui le prouvent sans conteste. Le premier, extrait du Livre des Usages de l’Eglise de Rennes a été cité, en partie, par le chanoine Guillotin de Corson [Note : Pouillé de Rennes, p. 256 et seq.], mais nous n'en ferons guère usage, car il se rapporte uniquement aux enfants qui servaient au chœur de l'église cathédrale et non à ceux de la Psallette.

Les quatre servitours enffans du cueur dicelle yglise..... sont tenus entre autre choses estre ès matines et à vespres de Nostre-Dame chaque jour que len lès dit et y aider, sauf leur excusacion, et ès autres heures de Notre-Dame [Note : C'est-à-dire les heures du petit office de la Sainte Vierge que les chanoines récitaient alors quotidiennement, en plus du grand office. On sait que les Cisterciens et les Chartreux ont gardé cet usage].

Item cielx quatre enffans doivent estre et servir ès matines, à la messe, à vespres et ès autres houres du jour d'icelle yglise cotidianement en tout le cours de l'an.

Il nous est facile, avec d'autres extraits des Statuts Capitulaires, d'établir ce que pouvait être la journée d'un enfant de la psallette au XVIème siècle, par exemple.

Le maître de psallette devait assurer le lever de ses elèves « demye heure devant que d'aller à matines ». Or, celles-ci se chantaient de bonne heure [Note : Cf. Le Pouillé de 1588, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 198, art. 12 : Item d’orsenavant, les matines commenceront aux jours de pasques, de l’ascension et de la Pentecôte précisément à 5 heures du matin, et les aultres festes à six heures et ce jusques à nostre dame de septembre et depuis ledict jour jusques à Pasques, les festes à six heures prècises et aux dicts jours de dimanche à six heures et demye]. Quitter son lit, dans une chambre froide, pour s'en aller chanter, immobile, dans une cathédrale glaciale, constituait déjà un premier et rude sacrifice au cours des mois d'hiver. Aussi les chantres, et peut-être les chanoines, paraissent-ils, à certains jours, avoir hâté la psalmodie [Note : C'est ce qui résulte de cet autre passage du même Pouillé : Les jours des festes épiscopales, et en toutes les festes triples, le champt de la psalmodie de matines et de vespres se fera posément et gravement, sans aucune précipitation, faisant la médiation (la médiante) au milieu du verset].

Les enfants jouaient leur rôle au cours de l'office : « Lesquels enfans de chœur seront tenus, tous les dimanches de l'an et festes de neuf leçons, dire les trois premières leçons de matines et les trois premiers respons, qu'ils apprendront par cœur, si faire se peult ou les diront par livres.

Après le lever, le maître devait présider à la prière des enfans. Scouts avant la lettre, les enfants devaient chanter, sur le chant ordinaire du chœur, les litanies de la Vierge, avecque les collectes, le Veni creator et le Sub tuum. Au dernier son des matines, le maître les conduisait à l'église et leur donnait de l'eau bénite.

Pendant les matines, les enfants étudiaient leurs leçons de grammaire, excepté les grandes festes et les jours où le Saint-Sacrement était exposé. Puis, poursuit le règlement, au retour des matines, les enfants, après desjuner, emploront le temps à estudier la musique, jusques à la grande messe.

Au retour de la grande messe, ils continueront leur estude de la musique jusques à disner qui sera depuis la Sainte Croix (14 septembre) jusques à la Toussaint à onze heures et demye, depuis la Toussaint jusqu'à Pâques à midy.

Après leur disner, ils prendront une demy heure de récréation ; ensuitte de quoy, ils se mettront à leur estude de grammaire jusques à une heure, que le maistre de grammaire doibt leur venir faire la leçon jusques à deux heures et demye qui est l'heure d'aller à vespres, auquel temps ils seront pretz d'aller et où le maistre les conduira. Pendant les vespres, les enfants estudiront leur leçon de grammaire.

Au retour des vespres, après leur collation, le maistre leur fera leçon de musique jusqu'à l'heure du souper, qui sera, en tout temps., à six heures.

Après souper, ce récréront jusques à sept heures et demye, que le maistre aura soing de les faire retirer dans leur chambre où ils feront leurs compositions de thèmes et répéteront leurs leçons de grammaire.

On remarquera l'importance attachée à l'étude des leçons. Les enfants ne font presque pas de devoirs écrits. Est-ce pour se conformer aux méthodes pédagogiques alors en usage ? Je le croirais volontiers. Puis une question se pose : c'est l'achat du parchemin et cela doit représenter une grosse dépense. Le Chapitre y consent néanmoins. Les comptes capitulaires de 1540, par exemple, nous montrent le libraire Jehan Peletier recevant la somme de 18 sous 4 deniers « pour seix libres de parchemin catherniarin et sex papiers blancs aux enffans du cueur ». M. Pierre Le Feubvre (maître de grammaire) signe, à la même date, un mémoire se montant à la somme de « vingt six sols troys deniers monnois pour des livres aux enffens ».

La fin de la journée approche. Pour le crépuscule, comme pour l'aurore, le règlement a tout prévu.

Demye heure avant que les enfants se couchent, qui sera au plus tard à neuf heures en tout temps, le maistre leur fera dire leurs prières qui seront le pater, l'ave, le credo, ensuite les litanies de la Vierge, puis l'O sebastiane [Note : J'ignore la raison de cette invocation spéciale à saint Sébastien. Peut-être était-elle motivée par crainte de la peste qui sévissait souvent alors] le de profundis, le sub tuum præsidium avec les collectes.

Un contrat [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 197] conclu, en 1668, entre le vénérable Chapitre et l'économe de la Psallette [Note : Le chanoine Louis Gory], nous renseigne sur les repas des enfants et le menu qu'on leur servait [Note : Les Comptes du Chapitre ne nous renseignent que d'une façon très vague sur la nourriture assurée aux enfants de la psallette. En 1488, par exemple, on paie des dettes pro alimentis pueorum ejusdem psallete (fol. 327) ; pro alimentare psallete (fol. 330). En 1489, on ouvre une créance pro provisionibus proquerendis pueris psallete (fol. 337) et pro victualibus et provisionibus ejusdem psallete (fol. 341). Une seule fois, en 1487, on précise : provisions de beurre, char sallée, vin et boais, fol. 321, Arch. dép. d'I-et-V., G. 199].

Les enfantz, on leur donnera à déjuner chascun un morceau de pain blanc. Au disner, les dicts enfants auront un pot de cildre et autant à soupper [Note : Le maître de psallette est mieux servi, puisqu'on lui assure à son déjuner un demy septier de vin et aux deux aultres repas, à chacun d'iceux, une chopinne de vin gascon ou d'anjoz]. Auront aussi pour la collation pareil pain qu'au déjeuner et auront, le maistre et eux, du rosti tous les soirs.

La question de l'éclairage est simplement réglée : Le sieur œconome fournira de la chandelle au soir et au matin tant à la chambre du maistre qu'à celle des enfants en hyver.

Le chauffage est réduit à sa plus simple expression : (l'économe) fournira aussi auxdicts enfants en hyver un fagot, au soir avant de se coucher et ce depuis les advents jusqu'au caresme. On achète, à l'usage de la cuisine probablement, le 19 janvier 1539 « ung fourneau de charbon, pour les enfans, de XLV proches ». La dépense s'élève à 22 sols tournois.

Nous avons parlé précédemment du costume des enfants de chœur [Note : Au Chapitre des Maîtres de psallette]. Il nous suffira d'indiquer que ledit sieur œconosme est obligé à tout le blanchissage de linge des enfants et à celuy de lict et de table [Note : On ne s'occupait pas du linge de corps du maître de psallette]. Le Chapitre paraît s'être préoccupé d'hygiène au sujet des enfants de la psallette. On ordonne de leur faire couper les cheveux à date fixe [Note : Statuts capitulaires de 1588 : sera enjoinct à leur maitre être soigneux de leur faire faire les cheveux de quinzaine en quinzaine en esté et durant l'hiver] et on règle avec soin la note du tondeux [Note : Comptes capitulaires, 17 mars 1665].

On s'occupe également du linge de corps des enfants [Note : Actes Capitulaires, lundi 17 décembre 1668 : Il a été aresté que ledict économe auroit 230 livres pour fournir et entretenir les enfants d'habits et de linge, tant à leur usage que celuy de table et de lict pour chacun an. 1485, fol. 194 : Demptis camisiis] et on entre, à ce sujet, dans des précisions minutieuses [Note : Traité conclu entre le Chapitre et François Symon, maître de psallette (1700) : Le maître leur donnera des chemises tous les huit jours. — 26 juillet 1664 : Messieurs ont avisé qu'il sera changé deux fois la semaine aux enfans de la psallette de chemise blanche tant en hyver qu'en été, parcequ'il sera augmenté au sieur Rostan, maistre pour le blanchissage de la somme de douze livres par chacun an]. Malheureusement, le succès ne semble pas avoir couronné de si louables efforts [Note : Les Comptes du Chapitre nous parlent, à plusieurs reprises, d'enfants de la psallette atteints de la gale, 1528, fol. 57 : Canonici item ordinarunt quod magister solvat barbitonsori qui curavit quosdam pueros a scabie viginti quinque solidos monete. — 1530, fol. 74 : Ordinarunt (canonici) quod charil solvat XL soldos turonenses magistro salecte pro es qruod exponit pro curatione Johanis Colin laborantis scabie].

Le Chapitre, on l'a vu plus haut, fournissait aux enfants de la psallette des habits neufs tous les trois ans [Note : Comptes Capitulaires. 1489, fol, 343 : demptis tunicis et capuciis, — 1486, fol. 309 : emet jacquetarum (casaque en étoffe légère)]. Il voulait que le maître prenne soing qu'ils soient proprement accomodés et décemment. Il devait aussi fournir aux dicts enfants de chausses et souliers [Note : Ibid., 1526, fol. 200 : emet caleeas et caligas] et au rabillement d'iceux... les entretiendra aussi de tocques [Note : Ibid., 1526 : emet biretra. — 1486, emptis biretis].

Les chanoines assuraient aussi à leurs enfants de chœur les soins de domestiques. Les statuts capitulaires de 1526 font une obligation au maître de psallette de ne pas employer les enfants à des besognes ancillaires [Note : Statuts capitulaires, 1526, fol. 1 : Habebit servitores pro desserviendo eisdem puerio]. Deux noms des servantes de la psallette sont parvenus jusqu'à nous : le 3 juin 1486, Jeanne Pouillies quitte le service de la psallette, après une contestation au sujet d'une nappe égarée [Note : Comptes du Chapitre, 1528, fol. 42 : Canonici deputaverunt magistrum Michaellem Leduc ad administrandum utensilia necessaria salecte]. Le 3 août 1597, Georgine Mascheter reçoit la rente d'un obit qu'elle a fondé à la cathédrale aprait son desex [Note : Ibid., 1529, fol. 60 : quod victualia fuerunt nimis chara anno praeterito. Pour cherté de vivres, dit une note marginale]. La générosité du Chapitre à l'égard de la psallette se montre encore à plusieurs signes. On n'hésite pas à faire les dépenses nécessaires pour l'entretien de la maison [Note : Canonici quittarunt G. Pouillies, ancillam psallete, de utensilibus ei traditis, dempta una mapa tele lini et canapis, quam dicunt domini capitulo eam dem non reddidisse licet eo sibi foret tradita quam dicebat ipsa eese uno dici valoris], même quand la vie est chère [Note : Payé à la dite pour l'obit qu'elle a fondé dont elle retient la rante pendant son vivant, pour l'année eschue le 13e de juin, 1597].

La sollicitude des chanoines s'étend même aux enfants qui sont obligés de quitter la psallette, soit pour maladie, insuffisance intellectuelle ou autre motif. Les départs sont toujours accompagnés par l'octroi charitable d'un paquet de vêtements [Note : Comptes Capitulaires, 1528, fol. 44 : Canonici ordinarunt quod magister Franciscus Charil emat unnum loiretum, unum par caligarum et calceos et unam vestem pro quodam puero quam domini volunt ejicere de salecte, quia eost ignorans et rudis ingenii. — Ibid., 1529, fol 67 : Idem prepositus solvet Johanni Jousse puero salecte, qui ej ejicitur a salecta, centum solidos monete. — Ibid., 1530, fol. 76 : Item quod magister Michael Leduc, semiprebendatus, nomine capituli, emat camisias duas, bombicinias caligas, biretum et calecos pro Guillelmo Textoris, qui nunc est extra numerum puerorum. Au fol. 81, nous retrouvons Guillaume du Filleur : pro alimento Guillelmi Textoris, choriste (chantre). — Les chanoines aiment à latiniser les noms de famille. A la même époque le chanoine Armel Lelièvre est toujours applé Armagilli Leporis].

On peut donc dire que les enfants de la psallette n’étaient pas malheureux. Les noms de quelques-uns d'entre eux qui nous sont parvenus indiquent, sans conteste, une origine plébéienne [Note : A part ceux de Guillaume du Filleur (1530) et de Maurice de Tellir (1544), ces noms très simples sont ceux de Pierre Soliet, Robin Lucas, Simon Reynaud (1404) ; Geoffroy Theobald (1406) ; Jean Brieux (1407) ; Alard Duboays (1526) ; Claudius docte Videllus (sic) (1529) ; Jean Jousse (1529) ; Jean Colin (1530) ; Le Maur (1540) ; Jacques Lallier et Jean Chesner (1541) ; Daniel Cadiou (1586) ; Jan Monnerye ; Jacques et Julien Dubois (1627) ; Lamard (1671)]. Auraient-ils été mieux logés, nourris et vêtus dans leurs familles ?

On objectera que les offices devaient leur paraître bien longs. Sans aucun doute. Mais ils jouissaient parfois de distractions imprévues, comme cela leur arriva le soir du dimanche 24 mars 1669.

J’ay esté pryé de dire les premières vêpres de l'Annonciation, note dans son mémorial le chanoine Louis Gory, l’absence de M. d'allerac. Il y a eu salut, ce soir, des Guybets, Auquel M. le scholastique (de Racinoux) et quelques autres m'avoient dict que je debvois faire l'office. A quoy je n'avois voulu me commettre sans demander à M. le Thrésaurier (Pierre Huart) s'il souhoitoit point de le faire. A quoy il m'avoit répondu que non et qu'il souhoitoit que ce fut moy. Ce que voyant, estant allé à l'autel de la chapelle prévenir l'office, comme je lisois le livre, M. de Gain, chantre est venu par derrière moy pour m’oster le livre. Il ne l'a pu faire, attendu que j'ay eu la prise bonne. Nous avons esté presque un gros quart d'heure à qui demeureroit le maistre, en présence d'un nombre infini de personnes. Enfin, pour nous accorder, l'on a jugé à propos d'envoyer prier M. le thrésorier de venir faire l'ofice [Note : Le chanoine Gory note ainsi divers incidents de la vie du Chapitre, du 23 décembre 1668 au 18 juin 1670].

Pour agréables qu'elles fussent, les distractions de ce genre n'arrivaient pas tous les jours et la vie devait être terne et grise dans la maison de la psallette.

 

VII. LES PRIVILEGES DE LA PSALLETTE.

Les marques d'honneur ne manquaient pas aux enfants des psallettes. On vit des princes du plus haut rang, des rois et des empereurs, eux-mêmes, s'intéresser à leur sort et faire des fondations en leur faveur [Note : Tel Philippe Le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandrequi en 1425, assure une rente pour l'établissement de quatre petits clercs dans l'église de Bruges, berceau de son ordre de la Toison d'Or]. Aussi ne faut-il pas s'étonner que les petits curiaux de la cathédrale de Rennes aient eu aussi leurs privilèges et même des privilèges juridiquement et solidement établis.

Le premier était celui du Feu des Rois. Avant 1789, écrit M. de la Bigne-Villeneuve [Note : Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonne, II, p. 246], existait encore, aux Archives du Chapitre, un titre assez curieux relatif à la psallette, C'étaient des lettres patentes du roi Louis XII. De leur teneur résultait, pour les enfants de la psallette, le droit de parcourir les rues de la ville, le jour de la vigile de l'Epiphanie, autrement de la fête des Rois, et, pendant leur promenade, s'ils rencontraient dans les rues quelque morceau de bois à feu « non écarré ny mis en estat de faire édifice », ils pouvaient le faire enlever et transporter dans l'intérieur de l'église Saint Pierre et, « en la nef d'icelle, y faire un feu pendant le divin service ». On ne nous a pas dit ce que les chanoines pensaient de cet incendie allumé dans leur église.

Un autre privilège des petits clercs de la cathédrale, beaucoup plus célèbre, est celui qui leur permettait délire un évêque, le jour des Saints Innocents. M. de la Bigne Villeneuve et le chanoine Guillotin de Corson ont vu dans cet usage « une parodie religieuse usitée dans beaucoup d'églises au moyen-âge » [Note : Pouillé de l'Archidiocèse de Rennes, I, p. 295]. Cette affirmation peut se discuter et tel sera le but des pages qui vont suivre.

Constatons tout d'abord que cet usage n'était pas particulier à Rennes. On célébrait une fête semblable à la cathédrale de Dol [Note : Abbé DUINE, Histoire civile et politique de Dol, p. 113, en note. — Chanoine GUILLOTIN DE CORSON, loc. cit., I, p. 529 : « Dans un Inventaire du trésor de l'église de Dol en 1400 sont mentionnées la chape et la mitre qui servaient au petit évêque des Innocents. Malheureusement, nous n'avons pas d'autres détails sur cette naïve cérémonie »] et à celle de Saint-Malo, assure M. Banéat. « L'évêque, a-t-on pu écrire, à l'ombre du palais duquel grandissaient les enfants de la psallette, se considérait comme leur père et allait même jusqu'à leur permettre d'user de ses insignes épiscopaux et à leur céder son trône, au jour de leur fête, celle des Saints Innocents » [Note : Bulletin de Notre-Dame de la Treille, septembre 1930, p. 138 : Les enfants d'aube].

Ce n'était pas là d'ailleurs une marque de déférence unique [Note : A Chartres, les enfants de la psallette portaient le titre de chanoines de Notre-Dame. A Vienne, en Dauphiné, le titre de chanoine honoraire leur était exclusivement réservé, quand, après avoir été pourvus d'une prébende au Chapitre, ils venaient à la quitter. A Saint-Pierre de Lille, le corps des chanoines en entier se dirigeait à l'issue des vêpres vers leur demeure, s'ils venaient à mourir et psalmodiait, près de leur corps, l'office des morts. Dans la cathédrale de Salisbury on montre le tombeau du boy bishop. « On raconte que gît en cette endroit, écrit l'abbé Duine, un choriste qui mourut en jouant le rôle de l'évêque le jour des saints Innocents »] puisque, dans un certain nombre de cathédrales, les enfants des psallettes recevaient la tonsure.

On ignore absolument à quelle époque remontent ces privilèges. Mais on sait, en revanche, en quoi consistait, à Rennes, la fête des Innocents ?

« La veille ou le jour des Saints Innocents, écrit M. de la Bigne-Villeneuve, les enfants et les clercs du chœur, réunis dans l'église, y élisaient un d'entre eux pour évêque des Innocents. Ils l'intronisaient ensuite, en le portant dans l’église, pour simuler l'entrée solennelle des évêques, avec accompagnement d'un cérémonial burlesque ».

Je dois dire que pas une ligne, pas un mot, dans les Actes du Chapitre de Rennes qui nous sont parvenus intégralement ou presque, n'autorise cette assertion [Note : Dans le passage qui va suivre, les mots entre parenthèses ne sont pas de l'auteur].

« Ce jour-là, poursuit le même auteur, les enfants de chœur (ils étaient quatre ou cinq) occupaient les hautes stalles des chanoines, chantaient les antiennes et les répons (comme ils le faisaient tous les jours), dirigeaient l’office au chœur (ce que rien ne prouve) et leur évêque officiait en costume épiscopal [Note : « A Reims, écrit le savant abbé Cerf, l'évêque des Innocents assistait à la messe que chantait le plus jeune des chapelains ». Travaux de l'Académie de Reims, XXXVI, p. 130 et seq.], mître en tête, donnant sa bénédiction au peuple et récitant les oraisons (sur quoi se base-t-on pour l'affirmer ?). La journée se terminait par un repas joyeux pris en commun » [Note : Mélanges d'Histoire et d'Archéologie bretonne, II, p. 110]. Cette dernière affirmation paraît être la seule exacte. Il est beaucoup plus simple et beaucoup moins romantique d'affirmer que le petit évêque, revêtu de sa chape et coiffé de sa mitre, se tenait bien sage, enfoncé et perdu dans le vaste fauteuil épiscopal et probablement très gêné de son personage sous les regards qui convergeaient vers lui.

« A Rennes, écrit à son tour le chanoine Guillotin de Corson, les monuments écrits nous font connaître que la fête des Innocents s'y célébrait de temps immémorial, aux XIVème et XVème siècles.

« On lit d'abord, à ce sujet, dans le Livre des Usages de l'Eglise de Rennes : « A celuy jour [Note : 23 Novembre, fête de saint Clément] fait len l'évesque des Innocents [Note : Et non pas le 27 ou le 28 décembre, comme l'écrit M. de la Bigne-Villeneuve] et y doibt y avoir des témoins » (Imagine-t-on précaution semblable pour préparer « une parodie burlesque ? ») Et plus loin : « Et à celuy jour [Note : 27 Décembre, fête de saint Jean l'Evangéliste] va la procession solempnellement à la chapelle de Saint Sauveur…. y doibt estre l'evesque des Innocents, avec sa compagnie des chapelains et des clercs du cueur (Peut on croire que les chanoines de Rennes auraient et cela, pendant plusieurs siècles, transformé volontairement une procession sacrée en cortège de carnaval ?). Et après vespres d'iceluy jour, ont accoustumé de aler les seigneurs (les chanoines) de l'iglise (cathédrale) en procession à Notre-Dame de la Cité, pour venir en l'iglise (cathédrale) en la compagnie de l'evesque des Innocens que l'on y doit trouver (que d'honneurs pour un prétendu personnage de mascarade !) et au grant (portail) de l'iglise, en s'en venant, fere stacion et chanter les versets qui y appartiennent.

« Et le Nécrologe de Saint-Pierre (1323) ajoute [Note : Sous la rubrique des processions usitées par le Chapitre : Processiones que debent fieri ab antiquo in ecclesia Redonensi et que consueverunt fieri ab antiqua consuetudine approbata. On remarquera les deux adjectifs : antiqua : la procession remonte à une date inconnue et lointaine ; approbata : aucun évêque ne s'est élevé contre elle] que c'était la coutume dès lors d'aller à Notre-Dame de là Cité, la veille de la fête des Innocents, pour l'intronisation du petit évêque [Note : Et eadem die (in festi bati Johannis evangelistae) apud capellam beatae Mariae, pro apportando episcopo Innocentium]. Et l'expression apportendo prouve même que l'évêque des Innocents était porté, ce jour–là, sur une chaise d'honneur, à l'imitation de l'évêque de Rennes porté par quatre barons le jour de son entrée solennelle en sa ville épiscopale ».

Tout cela ne paraît-il pas indiquer, d'une manière certaine, que le grotesque était absent de cette cérémonie, comme il l'est, à notre époque, des processions de la Fête-Dieu, où figurent des enfants représentant saint Jean-Baptiste ou l'Enfant-Jésus lui-même.

***

L’évêque des Innocents n'avait qu'un règne éphémère. Il possédait cependant des droits et savait, à l'occasion es faire valoir.

Le jour de la solennité, écrit encore M. de la Bigne-Villenueve, le nouvel élu, revêtu du costume épiscopal [Note : Et-ce bien sûr ? Rien ne l'indique dans les documents. Je suis convaincu, au contraire, que le costume épiscopal était dépouillé par l’évêque à la fin de la messe du jour. Etant donné l'inclémence de la saison ces ornements, portés en plein air, auraient été souvent abîmés et il aurait fallu les remplacer. Or, les Comptes Capitulaires ne parlent que de l'achat des gants. Les mêmes ornements servaient donc longtemps et on ne les portait pas au cours d'une chevauchée à la campagne] chevauchant [Note : Cette assertion est exacte. Les Comptes Capitulaires, que nous avons cité renferment mention de la selle et du bât de la monture. Ils portent aussi la réparation faite à la chaise épiscopale, dont l'un des montants avait été brisé] en tête des autres choristes, ses camarades, se dirigeait avec toute sa suite au prieuré de Vaulx [Note : Ce prieuré est situé au milieu d'un petit bois, près de la route qui va du champ de courses au bourg de Saint-Sulpice-la-Forêt. Sur cette maison religieuse, cf. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé II p. 782 et seq, — BANÉAT, L'Ille-et-Vilaine, I, p. 294. — LA BORDERIE, Histoire de Bretagne, III, p. 134], membre de l'abbaye de Savigné, à une lieue environ de Rennes. Là, le prieur, grangier ou administrateur de Vaulx, en son nom et comme procureur de l'abbé de Savigné, était tenu de délivrer, entre les mains de l'évêque des Innocents et de sa compagnie, un mouton, appelé chastri [Note : « Un mouton châtré », dit la sentence de 1707, ce qui devait constituer un plat détestable, surtout si le mouton était tué le midi, pour être mangé le soir] dans le langage du temps ».

« En 1401, des lettres patentes de Jeanne de Navarre, duchesse de Bretagne, mère et tutrice du duc Jean V, intervinrent en faveur de l'évêque des Innocents et contre le prieur de Vaulx qui s'était permis de se faire prier pour acquitter le devoir accoutumé ». Cette lettre, conservée aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, n'a jamais été publiée. La voici in-extenso :

Jehanne, fille du Roy de Navarre, Duchesse de Bretaigne, Comtesse de Richemont, Aïant la garde, commandement et administration de notre très chier et saint filz le duc de Bretaigne, conte de Montfort et de Richemont ; A voz, seneschal et alloué de Rennes, salut. Receu avons la supplication et requeste A ce faicte de noz bien amez les gens du chapitre de l'iglise de Rennes, contenante : que comme ladite église, ledit chappitre et les genz decelle église soient, eulz et leurs prédécesseurs, en saisine, et possession, dès oncques, et par tant et si longtemps que mémoire de homme n'est au contraire et que leur doit estre eu et réputer à saisine continuer, et en droit faict leur est deu, Avoir et leur poier par chacun an, Du prieur grangier ou administrateur de Vaulx, par chacun jour de chacune feste des Innocents, un chastri bon et suffisant, que receivent les clercs et cuereaux de ladite église, en la compagnie de l'un d'elx que l'on appelle l'evesque des Innocenz ; et que receivent et vont querre [Note : Quérin, chercher, du latin quœrere] lesdicts clercs et cuereaux audict lieu de Vaulx. Et ce devoir et possession estre manifeste, chose notoire et commune, renommée, avoir ainsi esté relé [Note : Du latin relatum, rapporté], observé, tenu et gardé jusques à puis naguères que un grangier, prieur ou administrateur dudict lieu de Vaulx et qui de nouvel y est venu demourer, leur y a mis et met débat et empeschement et a esté et est en deffaut et demeure de bailler et livrer celui chastri aux gens et clercs de ladite église de Rennes, du terme de la feste des Innoces l'an mil quatre cens et un an. Et sur ce que autre feiz il s'en complaignoient dicelui grangier, priour ou adninistratour de Vaulx, et en son nom et comme procurour de l'abbé et couvent de Savigné dont est membre et appartenance celui du lieu de Vaulx, se y fust comparu par notre court de Rennes. Et, en attendant que lesdicts abbés, couvent et grangiers fussent acertennez (convaincus) dicelui devoir qui eust dit que feissent et feroient tant qu'il suffiroit à l'église de Rennes et ès serveurs d'icelle avoit été jugé que vers celui grangier, prieur ou administratour et octrié mesmes de son assentement que laps de temps qui encourroit ou escherroit sanz en faire satisfaction ne leur devoit préjudicier nene (ni ne) prescriberoit vers la dicte église et ses serviteurs et qu'ils ne peussent joir de celui devoir ledemander et s'en aider entièrement comme au temps de la feste et en l’an du premier deffaut de non poier ; Et que, depuis celui temps, estoit cheu une autre feste des Innocenz, en l’an mil quatre cens et un, comme dessus est dict ; Dont il avoit esté semblablement en deffaut d'en faire sattisfaction et ainsi que ceulx abbé et couvent de Savigné et grangier de Vaulx se veulent appeler exempts de nous si fair le povoient, pour faire perdre celui devoir et noblesse à notre église et serviteurs d'icelle, quelle chose dient estre contre les droiz et noblesces d'icelle et en leur grand grieff, dommage et préjudice. Suppliant sur ce notre provision et pource qu'à nous, en nom de notre dict filz le duc appartient la garde et cognoessance des églises en notre duché et icelles avec leurs menistres, biens, justes possessions et saisines tenir et faire tenir et garder de tous trubles, molestacions et oppressions, si mestier est et à chacun de vous que, si ainsi est, et vous soiez informez deument, vous, faictes tenir, maintenir et garder les dessusdiz genz du chapitre clercs d'icelle église, leurs officiers et receveurs et, en chacun d'elx, sur leurs dictes possessions et saisines et d'icelles les faire soufrir et laisser joir de là où opposicion ny aura. Sur laquelle, si aucune est, notre main permet et avant tout eunne saisie sur les biens de l'opposant jusques au montement de l'amende avecques l'interest si vous veiez l'avoir afaire sur la possession debatue et contrariée, pour obvier aux perilz et incouvienz qui sur ce pourroient ensuivre ; en cognoessez entreparties icelles appellées deument, en faisant sur ce bon droict et brief acomplissement de justice. En mandant, et par la teneur de ces présentes, mandons au premier notre sergent sur ce requis, que, selon le poair et commandement à toy fait de nos diz justiciers (juges) ou de chacun sur le faict dessus dict, tu y vacque et procède, en faisant tenir et garder l'estat de notre dicte main mise, En donnant adjournement à l'opposant si aucun est d'avant (devant) nos diz justiciers et chacun, à jour ou jourz deuz et compétens pour y procéder, quereler et aler avant comme de raison appartient, en leur certifiant deument que ce fait en auras : et de ce faire te donons plein poair, sans toy entremettre en plus large de chose que requise cognoessance de cause. Auxquels nos diz justiciers, ad ce appelé notre procureur Dubeu, auquel plus ces présentes mandous tenir et faire accomplir la tenour de ces présentes et se adhérer à la cause dudict chappitre comme pour notre propre faict, mandons en faire, parties appelées deument, bon droit et brieff accomplissement de justice, tous subterfuges et cavillations (chicanes, subtilités) de plait (mis pour plaid) indeuz cessans. De ce faire vous donnons plain pouair et mandement espécial, Mandons et commandons à touz nos subgiz, en ce faisant, vous obéir et diligemment entendre. Donné en notre ville de Vannes, le 25e jour de janvier, l’an mil quatre cens et un. Coust d'une livre.... TURQUATIN.

Par la duchesse, en son conseil, auquel estoient le président, le priour de Léhon, les sénéchalx de Rennes, de Nantes, de Ploërmel, de broerec'h, de Dinan et de Tréguier, l'aloué de Rennes, Guillaume Charivet et avocat fiscal, mestre Pierre de l'ospital et plusieurs autres [Note : Document inédit]. TURQUATIN.

Le prieur de Vaulx dût s'incliner devant cet arrêt. Mais, au cours des âges, la résistance recommença. Elle fut vive, à maintes époques [Note : Les Comptes Capitulaires sont remplis de ces procédures. Je cite seulement, pour l'époque moderne, celles du 21 juillet 1739 et du 21 mars 1764. Archives des notaires Chassée et Sohier] ainsi qu'en témoigne la sentence suivante, rendue, le 14 octobre 1707, en faveur de la psallette et de ses droits [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 257] :

Entre vénérable et discret messire françois Symon, prestre, maître de la salette de l'église saint Pierre de rennes, demandeur, en requeste du dixième novembre mil sept cent deux signiffyée par bigot, controllée à Rennes le quinzième, et en exécution d'arresté de la Cour du douze novembre mil sept cent troys, signiffyée par Le Texier, huissier, le vingt et neuf aoust mil sept cent cinq, controllée à Rennes ledit jour, et en exploit et demande du dix sept septembre mil sept cent six, signiffyée par Lancelot, huissier, à la provosté et controllé à Rennes, le dix huit, lequel s'est présenté au greffe de ce siège le troisième décembre mil sept cent six, représenté par Maître Jan Ginguené son procureur, plaidant par Maistre Luc Lodin, avocat, d'une part et Monseigneur l'Illustrissime et Eminentissime le Cardinal de Janson de Forben, abbé de Savigné et prieur du prieuré de Vaulx, deffendeur, aussy représenté par maistre Jan Guérin, son procureur, et plédant par maistre Laisné, advocat, d'autre part.

Le siège faisant diffinitivement droit entre les parties ; a condamné le deffendeur de fournir au Maistre et Enfants de chœur de l'église cathédralle de saint Pierre de Rennes, le jour des Innocents, vingt et huitième d'Exembre de chaque année, à son prieuré de Vaulx, un mouton chatré, conformément à la transaction de mil quattre cent un, parceque le dit acte sera exécuté, et de payer au demandeur la somme de quatre vingt dix livres pour trente années d'arrérages, depuis mil six cent soixante et seixe que le mouton a cessé d'être fourny ; à raison de troys livres par an, sinon par advis de gens, quoy que ce soit depuis que le deffendeur est entré en possession dudit prieuré. Et à outre condamné le deffendeur aux despens.

Et sera la présante exécutée par provision.

Fait en l'audience des causes et matières bénéficielles de la cour et siège présidial de Rennes, où présidoit M. Sénéchal assisté de Messieurs les autres juges et conseillers du Roy audit siège, le quattorze octobre mil sept cent sept, au rapport de Goupil, commis au greffe. DE LAROCHERULÉ.

En revenant du prieuré de Vaulx, l'évêque des Innocents ne trouvait pas le repos. Il lui restait à se rendre au prieuré de Saint-Cyr, près Rennes [Note : Cf. sur ce prieuré GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, II. p. 584], dont le prieur devait lui remettre quatre chapons. La chose ne se passait pas toujours, là non plus, sans difficultés.

Le 28 décembre 1381, l'évêque des Innocents, Nicolas Le Gainguenis [Note : Ou Le Gouinguenis. La première voyelle est mal formée dans le manuscrit. — Nous ne connaissons, d'une manière certaine, que deux autres noms d'évêques des Innocents : Guillaume Fanel, en 1401 ; Guillaume Motays, en 1404. Item tratidit Guillelmo Fanel, episcopo Innocentium pro cirothecis suis V solides et pro unan librata panis V solides. Comptes Capitulaires, Arch. dép. d'I.-et-V., G. 220. — Ibid., anno 1404 : Tradidit prepositus Guillelmo Mottays, episcopo Innocentium V solides], se vit refuser l'entrée du prieuré. Il poursuivit judiciairement le prieur de Saint-Cyr pour soutenir ses droits.

Les Archives départementales d'Ille-et-Vilaine [Note : Sous la cote G. 195. — Au dos de cette pièce est inscrite la mention suivante : Touchant les chapons deus par le Prieur de St Cyr Lettre contre le prieur de saint Cire qui ne vouloit paier quatre chapons qu’il doit chacun an à l'évêque des Innocens] possèdent un document, jusqu'ici inédit et qui se rapporte a cette affaire.

Un clerc de Rennes, Jean Orry, procureur du Chapitre, présente le récit d'une enquête, faite par ses soins, à l’officiai de Saint-Brieuc, juge délégué dans cette affaire par l'évêque de Nantes, commissionné du Saint-Siège pour la conservation des droits du Chapitre de Rennes : Coram vobis, domine judex, officialis briocencis, Judex delegate seu commissarie quo ad cognoscendum, decidendum et fine debito terminandum causam seu causas venerabilium virorum capitule ecclesie Redonensis a reverendo in Christo patre ac domino episcopo Nannetense, judice seuconservatore privilegiorum a sancta sede apostolica eisdem venerabilibus viris capituli redonensi specialiter deputato, una cum quibusdam aliis collegiis suis cum illà clausà quatenus vos velduo vel unus vestrum per vos vel per alios et cœtera [Note : Ce document n'est pas la pièce originale, mais seulement une copie. Le copiste n'est pas allé jusqu'au bout des formules consacrées par l'usage. Il termine brusquement par un signe équivalent à et cœtera].

In jure dicit et proponit Radulphus Orri, clericus, procurator et nomine procuratoris predictorum venerabilium virorum capituli predicti, contra priorem prioratus beati Cirici, prope Redonas, reum quod de consuetudine ecclesie Redonensis, diutius et legitime prescripta, etiam a tanto tempore cujus initii memoria hominum in contra non estitit, in vigillia sanctorum Innocentium solet constitui, ordinari, nominari et deputeri per chorales dicte ecclesie redonensis unus de eisdem choralibus qui vocatur et nominatur palam, publice et notarie episcopus Innocentium, et die festi Innocentium, tan quam minister Ecclesie redonensis predicte et nomine ejusdem, consuevit a temporibus, et per tempora predicta equitare una cum aliis choralibus dicte ecclesie Redonensis, ac declinare et descendere ad locum seu prioratum noncupatum de Vaux, propre Redonas et ibi dictus prior seu magister dicti prioratus de Vaux, ratione dicte ecclesie Redonensis, debet et tenetur dare, tradere et assignare dicto episcopo innocentium et ejus consortibus choralibus dicte ecclesie redonensis unam bestiam nuncupatam mutonem sufficientem, quam predictus episcopus et ejus consortes chorales reportant et habent ratione dicte ecclesie Redonensis.

Et pari modo, seu forma, idem episcopus die feriata Innocentium predicta, una cum choralibus et sociis ejusdem potest seu habet declinare ad locum prioratus beati Cirici propre Redonas predicti et prior dicti loci... debet et tenetur dare, tradere et assignare dicto episcopo Innocentium quatuor capones, quos capones repertant et habent reportare et habere consueverunt predictus episcopus Innocentium et ejus consortes chorales dictée (sic) ecclesie Redonensis ..... Fuerunt in possessione vel quasi juris pacifice, usque ad molestiam infradicendam, percipiendi, levandi et habendi, a tanto tempore cujus initii memoria hominum in contrarium non habetur ..... Reus modernus prior dicti prioratus beati Cirici, potens de solvendo capones predictos, ultima die festi sanctorum Innocentium cessavit et denegavit solvere dictos capones Nicolao le gainguenis, episcopo innocentium et suis consortibus choralibus dicte ecclesie Redonensis, qui equitaverunt dicta die ad locum prioratus beati cirici predictum. Cessatque et denegat et contradicit idem reus Reddere et solvere dictos capones, habens mimum imposterum non solvondi predictam ecclesiam Redonensem et ejus ministros spoliandi suo possessione... De quibus idem reus .... non sattisfecit, ymo de eisdem sattisfacere contradixit et recusat idem reus indebite et injuste, in mora super hoc constitutus pluries et sufficienter requisitus.

Quare petit idem procurator...... per vos, domine judex oficialis predicte ..... predictam ecclesiam redonensem et ejus ministros reintegrari et reduci in statum pristinum recipiendi et exigendi capones, auditum et primum quod reum priorem predictum condempnari et condempnatum compelli censura quam convenit ad reintegrandum et restituendum possessionem…. eo modo quo de jure fieri potest... [Note : Le document n'est pas cité en entier. On l'a allégé de nombreuses formules juridiques et répétitions inutiles].

Datum die mercurii post festum blate lucie, anno domini millesimo trecentismo octuagesimo primo. R. AUBRY.

Datum hujusmodi copie sub sigillo curie ecclesiastice briocensis, die jovis post quasimodo, anno domini millesimo trecentesimo octuagimo secundo, per me R. Serre facta est collatio. J. DALLOU.

Nous ignorons si le prieur de Saint-Cyr s'inclina, pour cette fois, devant l'arrêt de justice qui dût le frapper. Ce qui est sûr, c'est que ni ses successeurs, ni ceux de son collègue de Vaulx ne renoncèrent à la lutte contre les enfants de la psallette. « Le 16 février 1742, nous dit le chanoine Guillotin de Corson [Note : Sans indiquer la source de se renseignement. Il doit l'avoir puisé dans les Archives du Chapitre, à la cathédrale], le Chapitre assigna les prieurs de Vaulx et de Saint-Cyr à payer le mouton et les chapons dus par eux à la Psallette, le jour des Saints Innocents » [Note : Pouillé de Rennes, I, p. 298]. Ce n'était pas la première fois qu'une sentence semblable était rendue. Mais la lutte reprenait quand même.

Depuis longtemps déjà, à cette époque, « cette fête d'antique tradition » n'était plus qu'un souvenir. A quelle époque et dans quelles circonstances disparut-elle ? Il est impossible de rien affirmer à ce sujet.

« Au XVIème siècle, écrit M. de la Bigne-Villeneuve, l'antique cérémonie tomba en désuétude. On en sentit probablement le ridicule, et, en présence des attaques et des critiques amères du protestantisme, on reconnut la nécessité de faire des réformes dans ces usages où il y avait désormais trop de laisser aller ».

L'auteur reste fidèle à sa thèse primitive, sans la prouver d'ailleurs. Qu'il y ait eu des abus dans certaines cérémonies burlesques, introduites à tort dans les églises, personne ne le conteste [Note : Par exemple la fête de l'âne, où l'on conduisait cet animal jusque dans le chœur de l'église, en présentant l'encensoir à ses naseaux ahuris. Cf. J. CORBLET, La Fête de l'Ane à Beauvais, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, IV, p. 421. — A Reims c'était pis encore, au moins une fois dans l'année. « Le merccredi saint, les chanoines (de la cathédrale) allaient en procession à Saint-Rémi chacun tenant un hareng saur attaché avec une ficelle et cherchant à marcher sur le hareng qu'il avait devant lui et à protéger le sien des entreprises de son voisin. Cet usage existait dès 1300. Il fut aboli en 1439. Cf. abbé CERF, Loc. cit., p. 130 et seq. — Sur la Fêtes des Fous, cf. l'abbé MANET, Histoire de Bretagne, II, p 447. Sur la Fête de l'Ane à Beauvais, Ibid., p. 448. — Quant à l'assimilation faite par M. Etasse de la Fête de l'Evêque à celle du Roi de Carbay, elle est invraisemblable. Cf. Mém. de la Soc. Arch. d'I.-et-V., XXXIII, p. XLII]. La fête de l'évêque des Innocents fut-elle la cause de véritables abus ? Certains auteurs l'ont prétendu et je ne puis discuter la valeur de leurs allégations [Note : L'abbé Capeille, par exemple, écrit dans le Dictionnaire d'Histoire et de Géographie ecclésiastique, fasc. XIX-XX, 1925, Paris, Le Touzey, col. 129 : « Arias Gallego, évêque de Gérône, supprima, en 1560 la cérémonie ridicule du petit évêque des Innocents, exhibition théâtrale. L'abbé Manet prétend que le Concile de Cognac défendit de célébrer cette fête, dès 1260]. Certaines paraissent fondées [Note : Un auteur rémois du XVème siècle, Robert Cocquault, dit qu’à cette occasion « on faisait beaucoup de folies, estimant que les fous sont innocents »]. Pour ce qui est de Rennes, je le répète, aucun texte authentique n'autorise à maintenir ces allégations.

A quelle époque la fête des Innocents disparut-elle à Rennes ?

« On peut suivre la décadence de cet antique usage », continue M. de la Bigne-Villeneuve [Note : Loc. cit., II, p. 110], dans les Registres des Délibérations du vénérable Chapitre. A la date du 20 décembre 1562, on lit que le Chapitre autorisa, pour cette année encore, « les enfants de psallette et autres de l'église » à faire la fête des Innocents « en manière accoustumé, fors l'evesque ». « Une fois l'évêque, principal personnage de la cavalcade supprimé, il n'y avait plus qu'un pas à faire pour en finir. Ce pas fut fait. Les registres subséquents ne mentionnent plus la célébration de la joyeuse fête des Innocents dans l'église de Rennes ».

M. de la Bigne-Villeneuve se trompe. Les Registres de Comptes du Chapitre continuent à la mentionner jusqu'en 1596, soit trente-quatre ans après [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 218 et 219 : 1569, Pour les Innocens, 4 livres. — 1570 et 1571 : Les Innocens, 4 livres. — 1572, Les Innocens, 4 livres, le tout en monnoye. — Les « Innocens » reçoivent la même somme en 1575, 1576 et 1577. Remarquons, loyalement, que dans ces comptes, il n'est plus question du petit évêque ni de ses gants. En 1588, le 3 février, le maître de psallette Jean Hamon signe une quittance « de deux escus solz » représentant, dit-il, le prix de quatre boisseaux de blé « me deubs pour les Innocens de Rennes ». — Le 29 décembre 1596, « il a été délivré au dit quatre bouessaulz de froment pour faire la fête des Inocens ». — Le 29 décembre 1598, on parle de « quatre boisseaux de froment rouge », mais sans indiquer de destination spéciale]

Ne pourrait-on pas conclure de là que le Chapitre vit disparaître, sans enthousiasme, une cérémonie qu'il avait, comme beaucoup d'autres Chapitres de France [Note : A Reims, le Chapitre accorde pour la fête des Innocents, le 18 décembre 1469, soixante livres parisis, avec du bon vin et des friandises : cum bono vino et epulis notabilibus. — D'autres chapitres allaient plus loin encore et le Bulletin de la Société des Antiquaires de la Picardie, 1929, p. 38, signale une monnaie en plomb, d'un évêque des Innocents, portant l'inscription : Sancte Petre, ora pro nobis et, autour d'une croix fleurdelysée, le nom de l'évêque-enfant : Jacobus Barbel episcopus. L'ouvrage de Demailly signale, sous le numéro 61, une monnaie semblable dont il donne une reproduction. Toutefois le nom de l'évêque des Innocents est orthographié Garbel], favorisée de ses dons [Note : Dans les Comptes Capitulaires, ces dons sont mis sur le même pied que les grandes dépenses ordinaires : le jonc pour les fêtes de première classe, destiné à rendre moins froides les dalles de la cathédrale ; les noix pour les enfants de chœur, à la Pentecôte ; le pain, le vin et les cerises offertes à l'évêque, avant la procession de la Fête-Dieu ; pour la couronne de roses entourant le Saint-Sacrement ; réparation de l'encensoir auquel manquent souvent des chaînes]. Il accordait ordinairement, aux membres de la Psallette, un écu d'or et quelques boisseaux de froment pour la célébration de la fête [Note : Indication générale, 1528 : Canonici ordinarunt solvi magistro Egidio Plisson LX solidos pro festo Innocentium. — Indication particulière : 1527: Item ordinarunt quod prepositus solvat..... pro pueris unum aureum et pro eisdem duos quercos frumenti pro festo Innocentium]. On trouve encore, dans la plupart des comptes, une somme de cinq sols, pour les gants de l'évêque des Innocents, auquel on ajoutait souvent une livre de pain, de gratia [Note : Par exemple, 1530 : quod prepositus solvat XL solidos pro chirotecis. — 1403 : Pro episcopo Innocentium pro suis cirotecis et una librata panis sibi gratis data]. Tout cela était fourni afin que fut célébrée avec plus d'éclat la fête des Innocents, [Note : 1425 : Item eregaverunt iidem domini capitulantes pro clericis choralibus ecclesie predicte et ad honorem ejusdem ecclesie honestius festum Innocentium facerent et tenerent] dussent les échos de la cathédrale résonner plus que de coutume des cris « d'enfants innocents à la joie sonore ».

 

VII. LES ORGUES ET LES ORGANISTES DE SAINT-PIERRE DE RENNES.

A côté des maîtres de psallette, les organistes ont joué un rôle considérable dans l'histoire de la maitrise, à la cathédrale de Rennes. Les enfants de chœur apprenaient, en effet, à toucher l'orgue et les maîtres de psallette recevaient un traitement spécial à cet effet.

Les orgues sont d'origine ancienne [Note : L'orgue date du 1er siècle de notre ère. Il fut admis à l'église en l'an 666, par un décret du pape Vitallien (858-872). L'usage profane auquel il était employé jusque là lui interdisait l'entrée de nos temples. Dès que les fêtes et les spectacles païens eurent disparu avec les divinités qui les faisaient naître, l'orgue entra dans l'Eglise. Jean Huré dit : « Il est historiquement démontré que les empereurs romains ont fait placer des orgues dits hydraules dans les cirques où se livraient les combats de gladiateurs et de bêtes féroces et que les premiers chrétiens ont été martyrisés aux sons de l'instrument, qui devait, sept siècles plus tard, trôner dans nos églises ». Vie Catholique, 1er juin 1929, p. 7. Cité par B. de Miramon Fitz-James, L'orgue en danger. Cf. également Edmond Guinedot, L'orgue d'église. Histoire et description, Paris, Radot, in-16, 48 p.] et nous savons que la cathédrale d'Aix-la-Chapelle fut dotée par Charlemagne d'un ordre hydraulique qu'il tenait du calife Haroun al-Raschid et qui fut regardé comme une merveille par les gens du IXème siècle.

Il faut attendre jusqu'au XVème siècle pour voir un jeu d'orgues installé à la cathédrale de Rennes. En 1417, un facteur nommé Jean Pharise répara et améliora l'instrument que ce prélat avait fait placer à Saint-Pierre [Note : Anselme de Chantemerle donna également à son église cathédrale des missels ; des chandeliers et un bénitier d'argent ; un tabernacle d’argent « Veiré d'or » ; une chapelle de drap d'or « de moult grand valeur » ; un autre « de drap verd » ; des stalles sculptées pour le chœur de sa cathédrale. Il fonda aussi la fête de la Présentation de Notre-Dame, au 21 novembre].

Un cartulaire du Chapitre [Note : Arch. dép, d'I.-et-V., G. 165, Fondations, fol. 291 et seq.] dit, en effet : Comme celui très révérend seigneur Void qu'ès autres églises de cathédrales de Bretagne et ailleurs y eust orgues pour l'honneur du service de Dieu et il n'y en eust nulles en son église de Rennes, il a donné et baillé par plusieurs fois plusieurs sommes d'or et d'argent pour faire faire et édiffier celles orgues qui y sont à présent et encore garde-t-on du sien, pour aider à les réparer dix pièces d'or. Signé : Beaumont.

En 1472, les chanoines s'occupent des orgues et même du souffleur [Note : Presentibus ecclesie predicte canonicis capitulantibus, instituerunt franciscum legay ad regimen organorum ejusdem ecclesie ad pignora solita et providebit sibi ipse franciscus de sibilatore] dans leurs comptes capitulaires [Note : Arch. dép. d'I.-et-V., G. 199, fol. 57. Extrait du registre des délibérations du Chapitre de Rennes, de l'an 1470 à l'an 1491].

Quatre ans plus tard, Jean Curard, prêtre, reçoit du Chapitre quarante sous de monnaie usuelle, pour avoir reparé les petites orgues de la cathédrale [Note : Ibid., fol. 61. — Prepositus solvat domino Johane Curard presbytero pro reparatione parvorum organorum nuper per eum facta quadraginta soldos monete usualis]. Ce qui prouve, qu'à cette époque, Saint-Pierre possédait, comme de nos jours, deux instruments.

On pourrait même indiquer, semble-t-il [Note : Le texte est obscur], le nom d'un titulaire de l'orgue d'accompagnement [Note : Ordinarunt canonici preposito capituli quod tradat magistro psallette unum scutum pro avanczando organiste Pihier, choristam ecclesie, ad sonandum de organis].

En 1482 nouvelles réparations aux orgues. Le Chapitre pourvoit à la dépense [Note : Ordinarunt canonici tradi per prepositum reparatori organorum qui nuper ea reparavit pro reparatione quatuor scuta et quindecim solidos. 3 Septembre 1482. Ibid., fol. 142, verso].

« Les orgues, données par Anselme de Chantemerle, durèrent jusqu'au XVIIème siècle. En 1638, les chanoines achetèrent d'un facteur inconnu un orgue neuf, dont le buffet fut l'œuvre de Jean Fosset, menuisier huchier de Rennes. Cet orgue existait encore quand vint la Révolution » [Note : GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, I, p. 257 et seq. — Le chanoine donne la liste de quelques organistes de Saint Pierre, d'après La Bigne-Villeneuve, loc. cit., I, p. 175 et seq. : Guillaume ; Pierre et Jehan Gontier (1417) ; Jehan de Merle (1423) ; Nicolas Estéot (1449) ; François Le Gay (1472) ; Jehan Le Maistre (1526) ; Yvon Tillot (1536) ; Olivier Guiheu et Claude (1561) ; du Bois (1635) ; Mathurin Gisland (1637) ; Courtois et Vincent (1640) ; François Bertrand (1662) ; Le Mesle (1688) ; Manet et Colesse (1693) ; Antoine Fel (1731)].

Au risque de surprendre les lecteurs de ces pages, je dois leur dire que celle-ci s'occupa de musique sacrée et donna l'ordre de substituer l'austère et antique plainchant du Moyen-Age aux mélodies sautillantes devenues chères à tous les compositeurs des XVIIème et XVIIIème siècles.

Le district de Rennes hésitait à permettre à Mgr Lecoz d'employer les anciens musiciens de l'ancienne cathédrale, par raison d'économie, mais aussi par raison .... religieuse. Il est intéressant de connaître les principes des administrateurs du district sur la musique religieuse. Il veut la ramener à « la simplicité de la primitive Eglise ». Or, telle qu'elle existait dans l'ancienne cathédrale de Rennes, « la musique est d'institution assez moderne dans les églises du royaume. La métropole des Gaules, l'église de Lyon, se faisait gloire de s'être toujours préservée d'une innovation qu'elle regardait, avec plusieurs docteurs, comme dangereuse pour les mœurs et nuisible à la religion. Le plain-chant était la seule musique en usage dans la primitive Eglise. Encore ne fut-il connu en Occient que dans le IVème siècle. Saint Ambroise, au témoignage de saint Augustin, fut le premier qui l'introduisit dans l'eglise de Milan et ce chant perfectionné par saint Grégoire fut conservé jusqu'à nos jours à Rome et dans toutes les eglises où se pratique le chant romain ». Il fait appel au sentiment de saint Augustin (Conf., X, p. 33), qui craignait « qu'entraînés par un sentiment de volupté, dont il avouait ne pouvoir se défendre et distraits par la mélodie du chant, les fidèles ne fissent aucune attention au sens des divines écritures que l'on chantait dans les églises ». — « Si le saint Docteur désirait voir bannir des églises l'usage du plain-chant, qu'eut-il dit de ces musiques efféminées et théâtrales ou militaires qu'on y avait subtituées, sans gravité, sans goûts, sans connaissance et sans respect pour le lieu qu'on ôse ainsi profaner. En suivant la morale sacrée des Pères et des Docteurs et la simplicité de la primitive Eglise, on ne pense donc pas qu’il soit convenable d'établir un corps de musiciens dans la nouvelle cathédrale ».

Quant aux organistes de Saint-Pierre, leur rôle est, désormais, fini, et pour longtemps. Bien avant la tourmente, de la cathédrale en ruines, les chanoines sont partis. La chapelle de l'Hôtel-Dieu leur a fourni un asile précaire et étroit. Puis l'évêque constitutionnel Lecoz a officié à Saint-Sauveur [Note : Registre des délibérations du district de Rennes. En juillet 1791, l’évêque Le Coz demandait au district de Rennes 9 musiciens, 6 enfants de chœur, 2 massiers et 2 bedeaux, 2 porte-bannières ; les cloches de Saint-Aubin ; l'orgue « de la ci-devant abbaye de Savigny » ; un organiste et, pour la psallette, le presbytère de la paroisse Saint-Jean. Le district se montra sévère. Il accorda, provisoirement, les anciens gagistes de l'ancienne cathédrale, jusqu'à ce que le clergé épiscopal fût au complet (ces gens ne restèrent pas longtemps à leur poste). Il accorda les choristes, l'orgue des Grands-Carmes. Pour les cloches, il consentait à solliciter un décret pour avoir celles de l'église Saint-Jean. Il ne voulut point d'élèves musiciens. — Tous ces renseignements m'ont été fort aimablement communiqués par M. l'abbé Janvier, professeur d'Histoire au cours de Saint-Cyr, à l'école Saint-Vincent-de-Paul, à Rennes.]. A la reprise du culte, après le Concordat, c'est l'abbatiale de Saint-Melaine qui les reçoit [Note : Cf. sur ce sujet les très intéressants articles de M. le chanoine de Lesquen dans la Semaine Religieuse de Rennes, 1936, p. 454 et seq. — En 1827, M. Danays est maître de musique à la cathédrale, disent les Mémoires de M. Florent Rémy Moulin, fondateur à Rennes d'une école de musique religieuse]. Là, c'est la misère noire. Tout manque, même les objets les plus nécessaires au culte : il ne saurait être question d'avoir un orgue [Note : Le grand orgue de Notre-Dame de Rennes ne remonte qu’à 1879. Cavaillé-Coll en fut le facteur et M. Grégoire, le premier titulaire. Il fut inauguré par César Franck et Charles Collin], même d'accompagnement. Celui qui existe au chœur de Notre-Dame ne remonte qu'à 1847.

Au retour à la cathédrale de Rennes, la situation s'améliore, grâce à la générosité du cardinal Saint-Marc, Il fait placer, au devant du chœur, un modeste instrument [Note : Actuellement à Pontorson] qui sera remplacé, en 1874, par l'orgue d'accompagnement actuel [Note : Une légende veut qu'il ait été construit, pour l'exposition de 1867, par la maison Merklin de Paris. Dans ce renseignement le nom du facteur est seul exact].

En 1869, au mois de novembre, Mgr Saint-Marc invite le célèbre facteur d'orgues Cavaillé-Coll à présenter un devis pour la construction d'un grand orgue. La guerre de 1870 retardera l'exécution de ces projets.

Néanmoins, ils seront repris quelques années plus tard MM Claus et Charles Gigout [Note : Frère du célèbre organiste de Saint-Augustin, à Paris. Il devint organiste d'accompagnement à Saint-Germain et mourut à Rennes] procèdent au montage de l'instrument. Le premier dimanche de la Fête-Dieu, 7 Juin 1874 [Note : Cf. la Semaine Religieuse, du 13 juin 1874], le grand orgue de la cathédrale de Rennes fut inauguré par son premier titulaire, M. Eugène Henry [Note : Sur cet artiste, cf. Ouest-Eclair du 26 novembre 1928 et la Semaine Religieuse de Rennes, à la même date, les deux articles sont de M. Ernest Rivière. Le 6 juin 1874, M. Henry fut nommé organiste du grand orgue et maître 6 juin 1874, M. Henry fut nommé organiste du grand orgue et maître de chapelle de la cathédrale. M. Henry dans sa 75ème année, le 21 avril 1903. La veille de sa mort, dimanche de la Quasimodo, il avait joué à la Métropole au cours de tous les offices. Il fut inhumé à Saint-Sauveur. M. C.-A. Collin, délégué par son père, prononca le discours au cimetière. Cf. Semaine Religieuse, 25 avril et 2 mai 1903. Journal de Rennes, 24 avril 1903. — Le centenaire de la naissance de M. Henry fut solennellement célébré le 25 novembre 1928, à la Métropole. Cf. Ouest-Eclair, du 26 novembre 1928 et Semaine Religieuse, à la même date]. La réception officielle de l'instrument eut lieu le lundi 2 mars 1875, par le maître Alexis Guilmant, organiste de la Trinité, à Paris, au milieu d'une affluence considérable et sous la présidence de l'Archevêque de Rennes.

M. Henry fut organiste jusqu'en 1903. M. l'abbé Louis Le Page [Note : Nommé organiste accompagnateur et sous-directeur de la maîtrise le 6 juin 1874. Devient le successeur de M. Henry le 30 mai 1903. Meurt le 11 mai 1906 dans sa 54ème année. Cf. Semaine Religieuse du 19 mai 1906] lui succéda pendant trois ans et fut remplacé par son élève, le chanoine Emile Prost [Note : Professeur de sciences à l'école Saint-Vincent de Paul, à Rennes Devient organiste de chœur, le 30 mai 1903 et remplace M. Lepage au grand orgue jusqu'en octobre 1924. A cette époque, il devient chamoine titulaire], qui occupa ce poste jusqu'en 1924. Il fut remplacé, à cette date, par l’organiste actuel, M. l'abbé Jean Inry [Note : Est nommé, en 1910, titulaire du petit orgue et, en 1924, devient organiste de la Métropole. M. Claus mérite de voir son nom ajouté à cette liste. Venu en 1872 avec son père, pour construire le grand orgue sur place, il l'entretien depuis 65 ans], actuellement en exercice (vers 1937).

Il resterait, pour compléter ce Chapitre [Note : Ces détails sont extraits d'un article paru, le 28 juin 1932, dans le Nouvelliste de Bretagne, sous le pseudonyme F. Silvins (M. Rivière). Ils sont accompagnés d'une intéressante description du grand orgue de la cathédrale], à parler des maîtres de chapelle. La plupart d'entre eux nous l'avons dit, se confondent avec les maîtres de psallette.

Nommons, du moins, parmi eux, au XVIIIème siècle, des Graviers [Note : A signaler, à titre documentaire, le musicien Chabot qui, au XVIIIème siècle, tout en étant maître à danser, jouait aussi de la basse à la maîtrise de la cathédrale. Tablettes historiques de Rennes, pour 1874. — Je signale aussi, au début du XVIIIème siècle, Genest, « le joueur de serpent »], puis Chollet et enfin Le May (1778). AU XIXème siècle, les maîtres de chapelle furent successivement M. Henry, MM. les chanoines Lepage et Prost, MM. les abbés Inry et Bazin [Note : Ernest Bazin, né à Saint-Thurial, en 1888, vicaire à Guipel et à Saint-Sauveur de Rennes, maître de chapelle depuis 1924].

La psallette actuelle (de 1937) recrute, depuis longtemps, ses ténors et ses basses parmi les élèves du Grand-Séminaire. Les sopranos et les altos furent successivement fournis par les élèves de l'externat du Manège [Note : Au Manège, comme à Saint-Yves, la classe de la maîtrise avait un régime à part. Deux frères lui étaient spécialement attachés], tenu par les Frères des Ecoles Chrétiennes, les élèves de l'école Saint-Yves et ceux de l'école Saint-Pierre, fondée, dans ce but, par M. le chanoine Eugène Dupart, lorsque l'immeuble des Incurables devint vacant.

Depuis quelques années, les petits orphelins de la rue de Fougères prêtent leur concours à la Psallette de la cathédrale et renforcent, aux jours de grande solennité, le groupe des enfants de l'école cléricale Saint-Pierre, fondée en 1934.

Charles-Quint, en personne, trouverait toute satisfaction à les entendre, lui qui écrivait jadis : « Avons besoing pour nostre chapelle, d'aucuns enfans ayans bonne voix et bien chantans ».

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