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DOCUMENTS RELATIFS AU SIÈGE DE RENNES EN 1491 |
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Tout ce qui concerne les derniers jours de l'indépendance de la Bretagne et les événements qui précédèrent la Réunion est toujours plein d'intérêt pour les Bretons.
Ces pièces se rapportent à la fin de la guerre de 1491. Si l'on ne craint pas d'ouvrir l'une ou l'autre de nos Histoires de Bretagne, on verra que c'est le moment où notre malheureuse petite Duchesse est enfermée dans Rennes. Depuis l'horrible trahison qui a livré Nantes à Charles VIII (20 mais 1491), Rennes est sa seule ville.
On se rappelle que les deux filles de François II, chassées de Nantes et persécutées par leur tuteur, ce maréchal de Rieux dont on sait le rôle inqualifiable, avaient. dû dès le mois de février 1489 se réfugier dans leur bonne ville de Rennes. Anne venait d'avoir douze ans depuis quelques jours. Elle fut accueillie par les Rennais avec enthousiasme et reçut d'eux les protestations d'un dévouement qui ne devait pas se démentir. Elle resta dans cette ville deux ans et demi, à peine coupés par de courtes absences. A Rennes commença son vrai règne ducal. Ce fut la ville de son gouvernement. Elle y exerça véritablement la souveraineté. Elle y révéla sa jeune autorité si étonnamment précoce. Elle gouverna réellement avec le concours du bon chancelier Philippe de Montauban et de ses fidèles soutiens. Elle put séjourner dans la capitale bretonne avec sécurité et s'y croire même assez longtemps plus indépendante qu'elle ne l'était.
D'ailleurs, tout ne fut pas revers dans ces dernières années. Anne et ses conseillers durent espérer à plusieurs reprises sauver l'indépendance de la Bretagne. Le maréchal de Rieux fit sa soumission. La déplorable dualité du gouvernement breton prit fin. Il n'y eut plus qu'un seul parti national. On obtint des succès diplomatiques, ainsi les traités de Francfort et d'Ulm (juillet 1490) qui paraissaient si précieux pour la cause. Les souverains qui soutenaient les intérêts du duché envoyèrent des troupes auxiliaires. Ils promirent de plus grands secours. Anne signa même, en octobre 1490, un acte d'alliance qui organisait une véritable coalition contre la France pour le maintien de ses droits. Enfin elle crut pouvoir épouser par procuration le roi des Romains (19 décembre). C'était hardi ; le résultat ne fut pas heureux. Il vint faire cesser le singulier état provisoire dans lequel la politique de Charles VIII laissait vivre la Bretagne.
Le gouvemement français avait su, malgré tous les traités et toutes les négociations, conserver les villes conquises en 1488 et maintenir ses troupes dans une situation d'attente. Le temps de cette expectative. était passé. Charles VIII se rapprocha des frontières bretonnes. Bientôt il achetait Nantes à d'Albret, peut-être avec la connivence du perfide maréchal de Rieux [Note : Les historiens ne l'en ont point accusé. Mais quelle étrange coincidence que celle de la partie de chasse du maréchal, gouverneur de la ville, venant donner à d'Albret juste le temps de prendre et de livrer le château]. Il y entrait le 11 avril 1491 ; une armée considérable l'y avait précédé. Charles VIII hésitait depuis deux ans à en finir avec la Bretagne. Mais maintenant les circonstances le forçaient à agir rapidement. Sa conduite énigmatique pendant les années précédentes a, nous paraît-il, son explication dans les idées compliquées de l'époque. La conquête d'un fief relevant de la Couronne ne pouvait se faire aussi simplement qu'il nous semble aujourd'hui. Si affaiblis que fussent les liens de la féodalité, ils existaient encore dans l'opinion publique. On avait vu Louis XI, en obtenant en 1480 la cession des droits prétendus de Nicole de Bretagne, puis la dame de Beaujeu en la faisant confirmer, chercher un moyen légal de mettre la main sur l'héritage convoité. Charles VIII aussi crut devoir négocier longtemps pour transporter la question de la succession de Bretagne sur le terrain judiciaire. Il insista nombre de fois pour qu'elle fût tranchée par arbitres, procédure qui, sans doute, lui semblait favorable. De là son attitude expectante jusqu'au commencement de 1491, où des faits nouveaux étaient venus, l'affranchir de toutes ces considérations. La politique habile du parti breton avait eu des conséquences trop dangereuses pour être négligées. Il s'agissait de ne pas perdre le fruit des longues menées de la cour de France et de marcher en avant.
Toute l'armée française qui occupait Nantes ou ses environs se mit en marche. Elle formait deux grands corps et avait deux chefs : La Trémoille, le vainqueur de Saint-Aubin-du-Cormier, et son second ordinaire, Guichard d'Albon de Saint-André. Ils se dirigèrent vers Rennes.
Mais La Trémoille prend bientôt les devants. Il s'empare du pont de Messac dans les derniers jours de mai (1491) et fait quelques démonstrations du côté de Rennes. Les défenseurs de cette ville croient à une attaque immédiate et s'apprêtent à la résistance. N'avaient-ils pas victorieusement répondu aux sommations du même La Trémoille au lendemain de sa grande victoire de 1488. Mais les circonstances étaient différentes et celui-ci avait maintenant, d'autres desseins. Après avoir causé cette alerte, il franchit la Vilaine avec ses troupes et file sur la Basse-Bretagne. Le danger sembla s'éloigner. Il. réapparut un mois plus tard. La courte expédition du jeune général n'avait eu pour but que de montrer partout les forces françaises et de faire cesser les dernières velléités de lutte. Il devenait évident pour les Rennais qu'il n'y avait rien à espérer du haut pays ; on sut bientôt que cette première armée se rabattait tout entière sur Rennes, grossie même des contingents devenus inutiles dans les villes occupées par les Français ou dans divers cantonnements. La Trémoille établit ses calies le 25 juin 1491 à Messac et à Bain [Note : Cf. Histoire de Bretagne de M. de la Borderie, continuée par M. Barthélemy Pocquet. t. IV, p. 577. Siège de Rennes]. Il ne se presse point; ses troupes se reposent pendant un mois. Ells attendent l'arrivée de la puissante artillerie royale venant sans doute des frontières d'Anjou, traînée, dit le chroniqueur Saint-Gelais, par 3,000 chevaux. Le général veut aussi que toutes les forces commandées par Saint-André aient occupé leurs positions de l'autre côté de Rennes. A la fin de juillet, il décampe enfin et s'approche à une lieue de Rennes, est-il répété ; mais plus probablement à Vern qui en est un peu plus éloigné.
Il faut se représenter la situation d'Anne-de-Bretagne et de son gouvernement. Elle pouvait sans doute tonjours compter sur Rennes, sur les fidèles bourgeois, sur les murailles maintenant rendues plus fortes, sur cette artillerie considérable dont nous avons le curieux relevé [Note : Bibliophiles Bretons, Complot de 1492 ; Artillerie de Rennes, p. 145 et suivantes], sur les mercenaires étrangers, Allemands, Anglais, Espagnols. Péniblement soldés sans doute avec les dernières ressources personnelles de la Duchesse, ils n'en étaient pas moins d'excellents soldats, sûrs et entraînés. Ils étaient nombreux, peut-être 12,000, mais tout autre secours était devenu impossible. Les voies d'accès étaient coupées. L'isolement est complet. L'investissement est achevé. C'est bientôt un étroit blocus.
Combien le danger paraît-il plus imminent et la chute certaine, si l'on regarde cette armée qui s'est placée autour de Rennes. Elle est venue sans hâte par étapes régulières. Elle a occupé méthodiquement les paroisses environnantes au jour dit, à point nommé. Elle suit un plan médité, mûri, précisé grâce à la pleine connaissance des lieux, aux enseignements des campagnes précédentes et exécuté avec le calme de la force. Elle procède par maœuvres enveloppantes. Elle fait bien la guerre savante d'une armée de conquête, celle qui s'assure le succès par la supériorité du nombre, de la discipline, de l'armement, de l'artillerie, du ravitaillement des troupes. Toutes choses auxquelles, comme on le sait, Charles VIII lui-même donnait un soin vigilant. Cette belle armée qui sera à un jour prochain l'armée d'Italie, n'a plus rien des cohues chevaleresques amenées autrefois en Bretagne par les Français.
Tout était si bien préparé et l'issue des opérations militaires offrait si peu d'imprévu que chroniqueurs et historiens ne s'en sont guère occupé. Ils ont préféré s'attacher aux multiples négociations et incidents diplomatiques qui préparaient d'une autre façon la solution pacifique. Ils ont envisagé les derniers faits de la guerre bretonne comme de simples démonstrations belliqueuses, des promenades d'armée.
Ce fut cependant toute autre chose au moins pour la malheureuse ville de Rennes. Le siège de 1491 fut assez long et très dur à supporter. Il restera pour cette ville un des événements les plus remarquables de son histoire. Dans son enceinte où s'était réfugiée la population de ses grands faubourgs incendiés, elle éprouva toutes les souffrances et les horreurs ordinaires des sièges, à commencer par la famine. Il lui fallut subir les excès de la solidatesque des alliés. Les bourgeois de Rennes payèrent de leurs personnes et de leurs biens. Ils soutinrent jusqu'à la fin avec une inlassable endurance celle qui représentait la cause nationale.
Quant aux détails du siège, on en connaît fort peu ; deux seulement racontés per Molinet. Encore ne sont-ils point datés. Leur date cependant serait on ne peut plus précieuse pour nous faire un peu comprendrelesensdes péripéties du drame, en partie sérieux, qui se jouait dans Rennes et autour de Rennes, dont nous ne savons vraiment que le dénouement.
Ces deux faits se suivent immédiatement. Le premier, c'est la curieuse passe d'armes entre le bâtard de Foix qui était au service du roi [Note : C'était probablement François, bâtard de Foix, cité dans la Chronique de Jean d'Auton (II, 245) ; mais il y a d'autres bâtards de Foix à cette époque] et un chevalier breton dont le nom ne nous a pas été conservé. La joute entre ces deux champions des deux causes eut lieu, en présence de l'une et l'autre armée, sous les murs de Rennes, probablement sur la place des Lices. Anne de Bretagne y assistait. Elle était placée dans une haute tribune dressée sur un hourd [Note : Molinet dit : « La Duscesse fit drechier ung hourd sur les fossez de la ville où elle, vint notablement accompagnié ». Il faut comprendre qu'on établit un hourd en charpente au-dessus des fossés comme ceux que l'on dressait pendant les sièges en avancée des murailles. (Cf. Viollet-le-Duc, Arch. militaire, v° hourd)]. Elle était entourée de toute sa cour, de son Conseil et des grands personnages réunis près d'elle pour la défendre ou remplir des missions politiques. Nous croirions volontiers que ce tournoi renouvelé d'une époque plus chevaleresque dût avoir lieu sous les yeux du duc d'Orléans. Celui-ci séjourna à Rennes avec la permission et pour les intérêts de Charles VIII après que celui-ci l'eut généreusement mis en liberté à la fin de juin 1491. Un tel divertissement dans des circonstances aussi graves semble marquer le commencement des pourparlers sérieux, l'espoir de la paix entré dans l'esprit d'Anne sous l'influence des douces paroles du Duc. L’esbattement fini, la Duchesse fit donner hypocras et épices aux Français, puis chacun se retira dans ses limites.
Si l'on rapproche la date du dernier campement connu du corps d'armée de La Trémoille et la mention de la première des pièces qui suivent, il semble bien que ce combat singulier dût avoir lieu vers le 10 août. A ce moment, toute l'armée française était réellement et depuis peu immédiatement devant Rennes ; ce qui explique que Molinet ait pu commencer son récit par ces mots : Dès les premiers jours du siège. Il est à croire aussi que cette fête se donna avant la mort d'Isabeau, sœur d'Anne de Bretagne, qui arriva le 24 août 1491.
La nuit même qui suivit ce tournoi s'effectua une sortie furieuse des Bretons et des troupes étrangères, dernière et remarquable offensive de ceux qui défendaient la Bretagne. Elle fut d'abord heureuse. Cette attaque nocturne, dirigée contre la division d'Albon de Saint-André, prouve évidemment que celle-ci était à proximité et dans le voisinage immédiat de la ville. Les alliés l'écrasèrent. Ils tuèrent beaucoup d'hommes, firent une foule de prisonniers. Ils revenaient chargés, de butin. Mais La Trémoille accourut de ses campements situés d'un autre côté de la ville. Il dégagea Saint-André, fondit sur les troupes de sortie, les mit dans une déroute complète et faillit pénétrer dans Rennes avec les fuyards.
Cette sortie, dont l'initiative paraît due au contingent allemands pouvait se renouveler. Elle contrariait sans doute les projets politiques de Charles VIII. L'armée dut recevoir de nouveaux ordres, en vertu desquels nous voyons Saint-André après sa défaite rejoindre des cantonnenients plus éloignés. D'après la seconde de nos pièces, un détachement de son armée est établi à Acigné, à 13 de kil. de Rennes. Le capitaine Sans-Avoir y fait montre de sa compagnie le 14 septembre, en même temps sans doute que beaucoup d'autres, dont les revues et états pour solde pourront se retrouver. Car cette montre faisait partie, croyons-nous, d'une revue générale. En tout cas, il semble bien y avoir eu à ce moment un léger mouvement de recul des troupes du siège. Tout, du reste, est assez singulier dans ce siège parce que tout était subordonné à une politique très compliquée. Les troupes royales ne paraissent point évidemment désireuses de prendre la ville de vive force. C'était une partie sérieuse à risquer. Elle pouvait se perdre, car la défense était plus redoutable qu'on ne l'avait cru. L'hésitation devait croître. Et d'autre part, les négociations faisant espérer de plus en plus que l'on allait avoir la capitale et l'héritière par des moyens moins périlleux.
C'est ainsi que rien ne prouve que la superbe artillerie de Charles VIII, amenée à si grands frais, ait été mise en batterie ni que celle de Rennes, demeurée intacte après la guerre [Note : V. Complot Breton, cité plus haut], y ait jamais répondu. Il n'y eut point de belles canonnades tirées des hauteurs de Saint-Melaine ou dans les faubourgs conduisant aux portes. On ne voit point qu'on ait essayé de faire la moindre brèche aux murailles ni attaqué aucun pont-levis. A coup sûr, les comptés des miseurs nous eussent instruits de ces détails.
La longue résistance de Rennes, trois mois à compter seulement de la fin de juillet au commencement de novembre, n'en eut pas moins une grande importance et modifia les prévisions. Elle lassa Charles VIII et le poussa à s'engager définitivement dans les voies pacifiques. L'immense déploiement de fores qu'elle avait nécessité épuisa ses finances. Elle lui causa une gêne pécuniaire attestée par des mandements royaux et des mesures fiscales. Cela encore vint s'ajouter utilement aux considérations d'un autre ordre qui amenèrent le roi de France à brusquer la solution par le grand acte que l'on désirait.
Ce siège non plus ne finit pas comme un autre. La ville, on peut le dire, eut en définitive les honneurs de la guerre, car elle ne fut point prise. Elle ne tomba pas le jour du traité final aux mains des adversaires français [Note : « Or il est advenu que à l'ayde de Dieu le roy a conquis Bretaigne jusques à Rennes, laquelle a esté par appointement mise en mains des seigneurs d'Orléans, Bourbon et prince d'Orange, en neutralité. » (Lettres de Charles VIII, 13 décembre 1491 ; Pelicier, Soc. de l'Hist. de France, III, p. 421]. Toujours debout et inviolée, elle put voir les terribles armées de La Trémoille et de Saint-André disparaître pour reprendre le chemin de France, vuidant la Bretagne par ordre du roi. Rennes fut mise en séquestre. Elle eut pour gouverneur provisoire le prince d'Orange qui lui était cher. Elle conserva comme garnison 400 des soldats du siège et vit partir, sans regret, les troupes étrangères que la Duchesse avait promis de congédier. Pour Rennes, le traité du 15 novembre fut pleinement et immédiatement exécuté.
Il est impossible de s'occuper de cette époque si intéressante sans remarquer combien nous la connaissons mal encore. Malgré toutes les recherches et après les grandes publications de textes faites par M. de la Borderie, celle des lettres de Charles VIII par M. Pélicier dont on pouvait attendre plus qu'elle n'a donné, la clef des négociations de la diplomatie royale nous manque toujours. En somme, il n'y a rien de certain, si ce n'est le départ de la duchesse Anne de Rennes pour Langeais le 23 novembre 1491 et son mariage le 6 décembre. Ce sont évidemment les faits capitaux. Mais les nombreux exposés de ce qui a précédé que l'on a essayé de faire depuis d'Argentré ne satisfont point les véritables curieux de l'histoire. Que l'on sait peu de chose des derniers traités ! Que de contradictions dans les actes apparents ! Ne faut-il pas par exemple supposer un arrangement ignoré conclu avant la convocation des Etats à Vannes le 27 octobre 1491 ? Combien nous fait défaut le procès-verbal de ces premiers Etats royaux ! Que de mystères dans ce mois de novembre où se pressent les pourparlers, et les entrevues ! Qui peut expliquer comment Charles VIII, maître de toute la Bretagne, y exerçant sans contestation l'autorité royale ainsi que les actes l'établissent, vienne en toute hâte [Note : Lettre de Charles VIII, de Laval, XI novembre (Pelicier, III, p. 205)] de Laval aux faubourgs de Rennes pour y signer un traité tel que celui du 15 novembre [Note : D. Morice, Pr. III, col. 707 et suivantes. — Ce traité ne fut enregistré à la chancellerie du Conseil de la Duchesse que le 24 novembre, le lendemain de son départ pour Langeais], dans lequel on voit avec étonnement, au milieu des stipulations d'une paix définitive, accorder à Anne de Bretagne la liberté de passer à travers l'armée française pour rejoindre Maximilien d'Autriche ? C'était deux jours avant les fiançailles à Bonne-Nouvelle. On en est réduit à supposer que cette concession extraordinaire dans la circonstance n'était qu'une satisfaction d'amour-propre accordée par le jeune et galant roi de France à la duchesse, jalouse de consterver jusqu'à la fin les apparences de la liberté. Il fallait que Charles VIII se sentit bien sûr d'avoir triomphé de ce caractère fier et obstiné, puisqu'il repartit tout de suite [Note : Charles VIII était déjà de retour le 22 novembre. Voyez la lettre datée de Baugé. (Pélicier, III, p. 208)], laissant Anne libre en fait et munie d'un sauf conduit.
F. JOÜON DES LONGRAIS.
1491, 10 août. — Subsistance des troupes royales pendant le siège de Rennes.
Jehan Lamy,
lieutenant de noble et puissant seigneur Monseigneur le baille de Costentin
[Note : C'était déjà du Cotentin que l'armée de La Trémoille s'était ravitaillée
en 1488. Charles VIII écrivait : « A
l'égard des vivres qui est ung des principaulx poins, nous avons escript aux
officiers du bailliage de Coutentin.... » Corresp. de Charles VIII avec La
Trémoille, Paris, 1875, p. 24], au vicomte de Coustances et recepveur ordinnaire du demaine d'icelle vicontrye,
salut. Nous vous mandons que des deniers de vostre recepte vous poiés, baillés
et delivrés à Andrieu La Garde la somme de saixante soulz tournois que tauxés
lui advons, par la deliberation des gens et officiers du Roy nostre Seigneur,
pour sa paine, sallaire et vacacion de avoir porté à toute deligence les lectres
missives du Roy nostre Seigneur aux villes de Carentein, Saint Lo et Vallongnes
faisant mencion de faire tirer o toute deligence le nombre de six cens fors
bœufz chacun moys à l’ost et armée d'icellui Seigneur de present devant Roines ;
en quoy il a vaqué l'espace de six jours. Et par rapportant ces presentes
avecques quictance dudict Andrieu La Garde, icelle somme vous sera alouée par
noz honnourès seigneurs nos seigneurs des comptes du Roy nostre Seigneur à
Paris, ausquelx nous prions ainxi le faire sans dificulletés. Donné à
Constances, le dixiesme jour de aoust mil IIIIc IIIIxx et unze. J. BONNIN.
(Orig. Parch. oblong, 0,30 sur 0,087 m. ; scellé sur simple queue, sceau détruit).
On lit au verso :
L'an mil IIIIc IIIIxx et unze, le XIIIème jour de septembre, André La Garde denommé au blanc confesse avoir eu et receu du viconte de Coustances par les mains de Nicolas Le Maistre, son lieutenant general et receveur du demaine de ladicte vicontrie, la somme ordonnée audict blanc pour les causes mentionnees en icellui, dont il quicta, le Roy nostred. Seigneur, ledict viconte et recepveur. Fait es presences de Pierres Usellant, et Jacques le Grand procureur. G. BOUILON, J. SOMSON.
1491, 14 septembre. — Montre de troupes françaises à Acigné.
Roolle de la Monstre et Reveue faicte au bourg de Assigné ou pays de Bretaigne le XIIIIème jour de septembre l'an mil CCCC IIIIxx et unze, de soixante quatorze hommes de guerre à pié nagueres mis sus par le Roy nostre seigneur pour le rencffort de son armée de Bretaigne estans soubz la charge et conduicte de Jehan Sansavoir [Note : Un Sansavoir a été cité dans une montre de 1481, mais il n'a pas le même prénom. (D. Morice, Pr. III, 411). — Cette compagnie faisait partie du corps d'armée de Saint-André], escuier, leur cappitaine, sa personne y comprinse, par nous Pierre Daux [Note : Pierre d'Aux, sujet de plusieurs confusions dans la Bio –Bibliographie bretonne et rattaché par M. Kerviler à une famille d'Aux du Poitou, n'était pas Breton. Celui dont il s'agit ici appartenait à une race de serviteurs des rois Louis XI, Charles VIII et Louis XII, mentionnée dans toutes les chroniques du temps. Leur nom dans les textes est Daux ou Do. Les éditeurs modernes ont adopté l'orthographe d'Aux ou d'Aulx. Ce nom provient, en effet, de la seigneurie d'Aulx-les-Cromary (Haute-Saône). On trouve Jean Daux valet de chambre de Louis XI (Lettres, IV, 195) ; en 1490, Bertrand Daux, aumônier de Charles VIII, et Louis, son frère, premier valet tranchant (Lettres, III, 122). Celui-ci porta en cette qualité le pennon aux funérailles de ce roi. Ils étaient sans doute fils de Jean Daux, cité plus haut, ainsi que Pierre, nommé dans cette pièce. Quoique M. de Maulde de la Clavière ait consacré une notice dans son édition de la Chronique de Jean d'Anton (II, p. 244, n. 3) à Pierre d'Aulx, bailli de la Montagne, il y a encore lieu de classer les mentions qui le concernent. Car il y a deux Pierre d'Aulx, baillis de la Montagne, le père et le fils, certainement confondus. Le premier Pierre, celui qui figure dans la Montre d'Acigné, bourguignon, seigneur de Thieux (Seine-et-Marne) et d'Aignay-le-Duc (Côte-d'Or), paraît pour la première fois dans les pièces du Cabinet des Titres (v° Aux) comme délégué du roi pour recevoir la Montre de Guérin Le Groing le 10 août 1474. Il est gratifié de 300 livres pour ses frais comme échanson du roi ; de pareille somme, le 26 mai 1476. (Tit. Aux, 3, 4). Puis, dans le rôle des soldes des troupes françaises en Bretagne, on voit Pierre d'Aux, bailli de la Montaigne en Bourgogne appointé pour le commandement de cent lances, sous les ordres d'Hugues de Chalon, pendant le quartier commençant le 1er octobre 1479. (D. Morice, Pr., III, col. 253). Il est lieutenant de la Trémoille, au cours de la guerre de 1488. (Corresp.. pub. par le duc de la Trémoille, n° 184). Il reçoit même de celui-ci la mission de confiance de conduire près du roi le duc d'Orléans fait prisonnier à Saint-Aubin-du-Cormier (Ibid., n°s 184, 185, p. 205-6). Messire Pierre d'Aux est nommé en 1490 un des trois commissaires chargés de tenir les montres de l'armée française en Bretagne et de distribuer les soldes (Arch. Nationales, (K, 74, 20 ; ap. Dupuy, Réunion, II, 205). Il est lieutenant du château de Nantes en 1491 après l'occupation française et reçoit, le 16 décembre 1491, de Charles VIII 300 livres pour ses services à l'armée de Bretagne. Il se qualifie dans notre pièce conseiller et chambellan du roi. Est-ce bien lui que l'on retrouve encore lieutenant de la Trémoille en octobre 1503 à l'armée d'Italie, se signalant dans cette campagne (D'Auton, III, 262, 299, 300, 305) et mourant à Milan en 1504 (Ib., 306). M. de Maulde termine ainsi son article : « Il avait épousé Jacquette de Lezay et mourut en 1504, en Italie, laissant huit enfants, dont trois fils ». Nous ne voyons pas à quel moment le premier Pierre Daux cessa d'être bailli en Bourgogne pour devenir bailli en Auvergne. Toujours est-il que son fils Pierre lui succéda en la qualité de bailli de la Montagne d'Auvergne en 1498 ; et que l'on peut jusqu'à preuve contraire attribuer au jeune Pierre Daux tous les faits postérieurs à cette date et croire que ce fut lui qui mourut en 1504],Chevalier, bailly de la Montaigne, conseiller et chambellan du Roy nostredict Seigneur, à ce par luy commis et ordonné. Icelle monstte et reveue servant à l'acquict de sires Jehan Le Gendre [Note : Jean Le Gendre est assez connu. Déjà trésorier des guerres sous Louis XI (Lettres, VII, p. 77), il fut employé en cette qualité pendant la guerre de Bretagne. Il suivait l'armée escorté de nombreux clercs ou commis. Porteur de sommes considérables dont la sûreté inquiétait parfois Charles VIII (Lettres, 24 avril 1588, II, p. 4), il soldait les Suisses et les gens de pied ; il réglait aussi une foule de frais extraordinaires comme les armements de navires à Saint-Malo et en Normandie, les transports de troupes à Brest. Il eut dans ses fonctions plusieurs missions qui pourraient sembler désagréables. Ainsi il fut chargé de verser à d'Albret le premier à-compte des 11,000 écus de 35 sols, prix de la vente de Nantes. C'était lui aussi qui, pendant toute la guerre, payait les gages du vicomte de Rohan, commandant les troupes au service du roi en Bretagne. On ne trouve rien sur la vie privée de ce trésorier. Son fils Pierre Le Gendre fut trésorier des guerres durant tout le règne de Louis XII. (Cf. D. Morice, Pr., III, 191, 633, 636, 676, 699. — V. Tables de la Corresp. avec La Trémoille, des Lettres de Charles VIII et de la Chronique de Jean d'Auton)], conseiller et tresorier des guerres dudict Seigneur et par lui commis au paiement desd. gens de guerre à pié ; et ce pour ung moys entier commençant led. XIIIIème jour de ce present moys de septembre. Desquels les noms s'ensuivent :
Et premièrement [Note : Les noms sont disposés en quatre colonnes portant chacune leur addition] :
Led. Jehan de Sansavoir, cappitaine,
Le bastard de Jauderes, Jacques de Gauville, Thomas Via, Jehan Pinteau, Robert de More, Jehan Moudon, Le bastard du Pin, Jehan de Nan, Macé de la Vallecte, Gabriel Rodier, Jehan Duchesne, Jehan Guabert, Jehan Craquelin, Robert Drouault, Colas Vigne,
Jehan Thibault, Mathieu de Marcilly, Pierre Papilhon, Jehan Papilhon, Colas Beaufils, Jehan Dupuy, Jehan Desfeuz, Gabriel Le Beau, Loys de Boyssé, Guillaume de la Haye, Jehan Paté, Charles de Blangy, Jamet Prevost, Collinet le Picart, Jehan Maridé, Guillaume Repessé, Simon Villecte,
Guillaume de la Cousture, Jacquet Le Mercier, Raoullin Chaillou, Thomas Aubin, Pasquier Ducloux, Thiénot Trechue, Thomas Le Roy, Jehan Bayard, Richard Potier, Jacquet Breton, Jehan Chemecte, Vincent Cherbonnier, Le bastard de la Fosse, Anthoine des Prez, Robert Friot, Guillaume Turgis, Jacques Allain, Colin Duboys, Jehan Gallopin, Martin Crant, Phelippot Barril, Robert Le Roy,
Simon Auberon, Jehan Charles, Jehan de Chauny, Hayne Fraire, S. Strihelly, Henry Tronquebul, André Lallemant, Jehan Baulet, Thomas Dieufist, Ivonnet Paris, Collin Bourdon, Michaut Ducouldray, Jamet Verrier, Pierre Delespine, Simon des Presers, René de Bar le duc, Gabriel Radigues, Jehan Dahorey, Jehan Chanteau,
Somme toute : LXXIIII hommes.
Nous Pierre Daux, chevalier, bailly de la Montaigne, conseiller et chambellan du Roy nostre Seigneur, commissaire Roy nostre dict Seigneur et autres qu'il appartiendra avoir veu et visité par forme de monstre et reveue tous les dessus dicts soixante quatorze hommes de guerre à pié estans soubz la charge et conduicte dudict Jehan de Sansavoir, escuier, leur cappitaine, sa personne y comprisse. Lesquels nous avons trouvez en bon et suffisant habillement de guerre pour servir ledict seigneur ou faict de ses guerres, cappables d'avoir et prandre chascun d'eulx la somme de cent solz tournois à eulx ordonnée par le Roy nostre dict Seigneur pour leurs gaiges et souldes d'un moys entier commançant ledict quatorziesme jour de ce present moys de septembre. En termoing de verité nous avons signé ce present roolle de nostre main et faict sceller, du scels de nos armes les jours et an dessusdicts. Pierre DAUX [Note : Autographe].
En la presence de moy Robert Archambault, Commis Maistre Guillaume Bonneil contrerolleur des gens de guerre a pié, tous les soixante quatorze hommes de guerre a pié cy dessus nommez et escriptz, nagueres mis sus par le Roy nostre seigneur pour le renffort de son armée qu’il a de present ou pais de Bretaigne, estans soubz la charge et conduicte de Jehan de Sansavoir, escuier, leur cappitaine, sa personne y comprinse, ont confessé avoir eu et receu de sire Jehan Le Gendre, conseiller et tresorier des guerres dudict Seigneur et par luy commis au paiement desd. gens de guerre à pié, la somme de troys cens soixante dix livres tournoys a eulx ordonnée par le Roy nostred. Seigneur pour leurs gaiges et souldes d'un moys entier commançant led. XIIIIème jour de ce present moys de septembre qui est au feur de cent solz à chascun d'eulx pour ledict moys. De laquelle somme de troys cens soixante dix livres T., les dessus-dicts gens de guerre à pié et chascun d'eulx se sont tenus et tiennent pour contans et bien poiez et en ont quicté et quictent led. Jehan Le Gendre tresorier dessusd. et tous autres, tesmoing mon seing manuel y mis à leurs requestes led. quatorziesme jour de septembre l'an mil quatre cens quatre vings et unze. R. ARCHAMBAULT.
(Orig, beau parch., 0,55 sur 0,27... — Les montres d'armes ne sont pas scellées le plus souvent, malgré les mentions de scel).
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