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DE LA BEDOYÈRE, SEIGNEUR DE RIEUX

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Le comté de 1715 à 1761. — Propriétés et revenus du comte de Rieux. — La paroisse. — M. Abhamon et les Trinitaires.  

I. - LE COMTÉ DE 1715 A 1761.

M. de la Bédoyère, tout en remplissant ses fonctions de procureur-général au Parlement à Rennes, visitait fréquemment son Comté de Rieux et s'intéressait à ses nombreux vassaux et arrière-vassaux.

Voici quels étaient ces vassaux.

La Bousselaie. — Charles-lmbert de Forges, écuyer, sieur de la Gaudinaye et de la Bousselaie, où il habite et où il meurt subitement le 8 janvier 1725 ; il est inhumé à l'église dans la chapelle Sainte-Anne. — Gilles de Forges, son fils, lui succède ; le fils de Gilles, François est lieutenant de vaisseau.

La Bousselaie possède un moulin à eau et un moulin à vent affermés en 1748 à Guillaume Jouvence « pour 135 livres, plus, à la fête des Rois, 4 livres de fleur en pain pour tenir lieu de gâteau ; plus 10 sols par chaque cochon que le seigneur bailleur pourrait trouver sans fibles ni barreau. S'oblige encore d'aller prendre les commissions dudict seigneur toutes les fois qu'il ira quelqu'un du moulin à Redon et de fournir une personne pour la buée du seigneur ».

La Ricardaie. — François Menand, conseiller et secrétaire du Roy, seigneur de Comenan, le Plessix, Launay, etc. A sa mort en décembre 1723 il léguait, par testament et à perpétuité, 40 livres pour entretenir le chapelain de Saint-Jean.

Son fils François meurt sans postérité en 1753 et ses biens reviennent à ses cousins-germains Menand, sieurs du Brossay, qui les vendent en 1760 à Augustin Joyaut, sieur de Couesnongle, fermier-général de Rieux.

Kerbonnaire, dont dépendent Camzon, Cavaro et la Fosse, est aux de Fabrony.

La Courberie. — Aux Péniguel, sieurs de la Châtaigneraie, pour la plupart officiers. En dépendent : le Perron en ville de Rieux, le Haindreuff, les moulins de la Robinardière et de Bocquéreux, des terres à la Maladrie.

La Lande. — Aux Boullido, puis aux de la, Haye, enfin aux de Forges.

Gléré. — Aux de Matz.

Aucfer. — Aux Le Querré, de Guérande. L'un d'eux, chanoine de la Collégiale de cette ville, constitue une rente de 4 livres en faveur du monastère de Bodélio.

Lézalair. — Aux de la Houssaye, avec la Jouardais, Beaulieu, le Tertre, le Boschet.

La Montagne. — En 1739, à Pierre Evain, lieutenant des Eaux et Forêts, qui la vend à son frère Joseph, à Rieux. L'acte de vente donne les détails suivants sur le fermage : « Cette métairie est affermée à moitié, plus 25 livres de beurre, 12 poulets, 6 chapons, le beurre et les poulets à la Saint-Jean, les chapons à la Saint-André, — plus, moitié des grains, filasses, lins, chanvres, châtaignes. Et encore, 25 livres en argent pour les prés et 2 aloses pour le carême. Les fermiers paieront moitié des fouages et rentes seigneuriales ».  

Brambécart. — Propriété achetée en 1733 par Joseph Grignon, de la Garenne en Limerzel, au prix de 3.000 livres. Les fiefs de Villeneuve et de la Forest étaient unis à celui de Brambécart.

Belorient. — Aux Le Bourre. De l'un d'eux, le sieur Honoré de Bélorient-Le Bourre, citons l'intéressant testament :

« 28 juin 1724... Je donne mon âme à Dieu que je prie de me faire miséricorde, mon corps à l'Eglise pour l'inhumer selon sa volonté. Je veux qu'après mon décès, il soit pris 100 livres sur mes immeubles pour être distribués moitié aux pauvres de Saint-Jean-des-Marais de Rieux, moitié à ceux de Saint-Vincent. — Je veux un tombeau de pierre de grain (granit) et un bénitier de pierre —Je veux à perpétuité un service anniversaire à Saint-Jean et un à Saint-Vincent.

Le jour de mon décès, on chantera un Nocturne, une Grand'-Messe et un Libera et on dira autant de messes qu'il s'en pourra dire. Pour ces services, j'assigne sur mon bien 50 livres annuelles pour Saint-Jean et autant pour Saint-Vincent, etc.

Telles sont mes volontés que je prie le recteur de Rieux, missire Antoine Mouesan, vouloir faire exécuter. De plus, je veux que mes serviteurs reçoivent les salaires d'une année entière, même si elle n'est que commencée. Au valet qui me servira dans ma dernière maladie, toute ma dépouille (linge, vêtements) » (Archives départementales du Morbihan. G. 344).

Peu après, le testateur mourut et le recteur de Rieux déposait le testament entre les mains du notaire de Redon, Julien Le Beau, aux fins d'exécution. Celui-ci n'en fit rien. Alors M. Mouesan le poursuit en justice et la Cour condamne par corps le notaire à rendre le testament. Il dut obéir. « Tant il est vrai, note le recteur dans le Registre paroissial de 1727, que les méchants craignent plus la justice humaine que celle de Dieu, car ce notaire retenait depuis trois ans injustement ce testament sans que la crainte de Dieu ny sa conscience l'eussent pu obliger à le rendre... L'ayant obtenu, j'ai contraint les héritiers à me compter 600 livres que j'ay fait distribuer selon l'intention du testateur... ».

En 1752, Belorient est à Thomas Guyomard, sieur du Roscoët, marchand à Mesquer, évêché de Nantes.

Comenan. — « En 1755, ce fief, dit de haubert, relevant du Comté de Rieux, avec droits de haute, moyenne et basse justice, à laquelle justice sont réunis la juridiction de la Ricardaie moyenne et basse justice, la Graë, Bellenoë, et banc à queue en l'église Saint-Jean, etc... appartenant à François Menand, sieur du Plessis, est vendu 120.000 livres à M. le Comte de la Bédoyère » (Archives du Château de Trédion).

La Graë. — Par Aveu de 1717, François Menand déclare qu'il tient des Sires de Rieux la maison noble de la Graë et ses dépendances. Son fils François, en 1755, vend ce fief au Comte de la Bédoyère.

La Tabariaye. — Les Davy, riches marchands drapiers et Intendants de Bretagne, sont sieurs de la Tabariaye, la Houssaye, Beaulieu, Botudal, Lézalair, la Jouardaye, le Tertre, le Boschet, le Cleu et Boro. Bel exemple de l'ascension de certains bourgeois dans la société.

 

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II. — PROPRIETES ET REVENUS DU COMTE DE RIEUX.

Un Aveu de 1753 nous renseigne à ce sujet. Le voici :

« Je soussigné, Charles Huchet, chevalier, comte de la Bédoyère, conseiller du Roy en tous ses conseils et son procureur-général au Parlement de Bretagne, pour obéir aux ordres du Roy, déclare posséder les biens ci-après.

- La terre de Rieux ; la Forêt-Neuve ; le Plessix-Limur et la Guédemais en l'évêché de Vannes ; elle renferme plusieurs cantons (territoires) en landes et terres vagues.

- Le château de la Forêt-Neuve, avec chapelle, cour, jardins, avenues, forêt de haute futaie et un peu de taillis servant au chauffage du château, le tout ne produisant aucun revenu.

- Le Plessix-Limur est affermé 1.110 livres ; en y ajoutant les métairies, fours à ban, taillis, prairies, on arrive à 3.560 livres. Les moulins à eau ou à vent de Rieux, le Flessix, Béganne, la Forêt-Neuve, Ressac et la Guédemais produisent 1.125 livres. Les rentes en grains et argent s'élèvent à 778 livres et avec Sourdéac, à 8.024 livres.

Le total des diminutions, soit 2 sols par livre pour le receveur, les réparations des châteaux, l'entretien des fossés, prairies, chaussées et bateaux (le grand coûtant au moins 300 livres), le chauffage des Trinitaires, etc. monte à 2.886 livres 18 sols.

Il reste 5.138 livres 49 sols ».

Une autre source de revenus pour le Comte, comme pour la population d'ailleurs, c'est le commerce. Or il était bien tombé.

M. de la Bédoyère, pour le faire refleurir, restaure les foires : « Je veux, notifiait-il en 1738 à François Joyaut, son procureur-fiscal, que mon marché de Rieux soit rétabli et je vous ordonne de faire tout ce qui est nécessaire à cet effet. Je vous ferai passer toutes les mesures, tant du Quart de Rieux que des autres... ».  

En conséquence, Joyaut fit confectionner une mesure type en fonte armoriée d'après les dimensions indiquées dans un Aveu de 1497 : profondeur 8 pouces 2 lignes pied de Roy ; circonférence 4 pieds 1 pouce ; remplie de blé, elle pèse 48 livres 2 quarts.

Les ponts, tombés en ruines, avaient été remplacés par un bac en 1642. C'était insuffisant pour les transactions commerciales. Plusieurs fois, l'Etat avait intimé aux Comtes l'ordre de les restaurer et, comme ils n'obéissaient pas, il avait saisi le péage aux trois bacs des passages. Sans doute, les Sires de Rieux reculaient-ils devant la dépense. Ce droit de passage s'élevait à 1.575 livres que l'adjudicataire versait au Bureau des Domaines à Redon.

Le succès des foires est en grande partie fonction des rendements de l'agriculture. Or, sous M. de la Bédoyère, elle est incontestablement en progrès et rémunératrice, à part quelques mauvaises années, comme 1727. « En cette année, note un Registre paroissial, les bleds étaient assez communs et à prix médiocres, savoir de 30 à 40 sols le demé, mesure de Redon, et le froment environ 3 livres le demé ; mais les vins étaient chers et le cidre à bas prix ».

L'Ancien Régime était fécond en procès, comme y pullulaient les juridictions de justice. Les plaidoiries étaient parfois d'un style fort curieux, comme celle-ci, prononcée à l'Auditoire de Rieux en 1757.

... « Soit dit qu'il ne s'agit pas d'une demande ordinaire, mais de la fiction d'un poète dont Maître Claret (Claret de la Touche) se sert, dit-on, depuis peu, comme d'un clerc. Il ne sera pas difficile de s'en convaincre, jamais procureur n'avait su si bien exagérer. Une mouche est-elle sautée ? Il n'en coûte rien à ce nouveau disciple d'Ovide qui montre l'égarement de sa plume. S'il a pris la peine de relire cet ouvrage de l'enfantement de son génie, ce n'a pu être sans en ressentir bien de l'amour-propre et de la vanité.

Mais laissons-là le poète et son enthousiasme ; revenons au simple, à l'uny et au vray qui a seul droit de se faire écouter dans le temple de Témis [Note : Témis, déesse de la justice chez les païens].

La prétention de Glain est sans fondement : 1° parce qu'il avait semé des peupins de pomme dans une vieille mazière de laiterie abandonnée. Ils n'avaient point profité ou avaient été mangés avant que le défendeur, son beau-frère, y eût planté des choux ; 2° parce que cette mazière n'est plus à Glain, l'ayant vendue depuis un an à Guillaume Jouvence, etc. ».

Quel fut le verdict de cette importante affaire de pépins ? Nous l'ignorons ; peut-être y eut-il appel à la Cour de Rennes, ou au Roi ?

Cette multiplicité des procès nous explique celle des hommes de loi dans les seigneuries : juges, procureurs et autres. Ainsi en 1742, à Rieux, 13 notaires et 6 sergents sont « évoqués pour remettre extraits des Actes des plaids généraux que, de tout temps immémorial, le sire de Rieux est en droit de tenir. Notaires : Maîtres Guillaume Héligon, Julien Bézier, Pierre Panier, Jean Coué, Pierre Tual, François Thierry, Antoine Picot, Joseph Lucas, Gilles Texier, François Roux, Augustin Mabon, Hyacinthe Gobbé, Joseph Guyho ; Sergents : Maîtres Jean David, Joseph Olieuret, Joseph Jouvance, Julien Mouraud, Julien Le Duc, Jacques Texier. Signé : Charles Huchet de la Bédoyère, Comte de Rieux ».

Ces sergents n'étaient pas toujours des modèles. Ainsi, en 1746, François Joyaut, procureur-fiscal, dépose une plainte à la Cour contre plusieurs « qui ne s'adonnent qu'au vin et négligent leurs fonctions ».

Aux diverses causes du mécontentement populaire que nous avons déjà énoncées, il convient d'en ajouter deux autres, fort importantes : les guerres et les impositions.

Les guerres étaient presque incessantes ; or elles étaient cause d'innombrables maux et arrachaient au pays des jeunes gens dont plusieurs périssaient aux armées, comme en 1727. « Cette année, note le Registre paroissial, le Roy a fait revenir les milices qu'il avait levées en 1726 et qu'il avait envoyées sur les confins de l'Espagne, où l'air était si mauvais que la plupart y ont péry, et les autres sont revenus malades et noirs comme des Egyptiens ».

Les impositions étaient de plus en plus écrasantes. Il fallait de l'argent pour subvenir aux frais des guerres et, de plus, à l'entretien de la Cour où les fêtes étaient continuelles. Devant cette montée des impôts, d'ailleurs, on ne se fait pas scrupule de frauder le fisc et même d'en maltraiter les agents. « Le 17 septembre 1723, porte le Registre du Général, les commis des impôts et billots de 4 sols la livre s'étant transportés à la foire de Sainte-Barbe, en Allaire, ont saisi 15 barriques de vin breton et 5 de cidre, vendues en fraude ; alors, la foire est interrompue et tout le monde tombe à bras raccourcis sur les gabelous ou maltotiers qui se servent de leurs armes en opérant leur retraite. Onze accusés sont déférés à la Cour de Ploërmel et punis de fortes amendes ».

Parfois les malheureux employés sont même assassinés, ce qui se produisit à Rieux. « Le 29 septembre 1731, le sieur Chevalier du Lézo, de Lieuron, en l'évêché de Saint-Malo, fut tué au Passage-Neuf par des fraudeurs qu'il faisait état d'arrêter comme commis des fermiers des Devoirs ; il était âgé de 22 ans ». (Registre paroissial).

 

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III. — A LA PAROISSE.

Si le Comté de Rieux, de 1715 à 1761, ne voit qu'un seul seigneur, en revanche la paroisse change plusieurs fois de chef spirituel. Dès le 12 décembre 1715, missire Sochet résigne son rectorat entre les mains du Pape pour permuter avec missire Melaine Bourgneuf, recteur de Beuvron, diocèse de Nantes. Sans doute désirait-il se rapprocher de sa famille, comme M. Bourgneuf était heureux de revenir en son propre pays.

Malheureusement, la santé de celui-ci n'était pas brillante, si bien que, pourvu par Rome le 9 janvier 1716 et installé le 14 mars, il s'éteignait le 22 avril 1719, âgé de 59 ans, « après avoir receu les Sacrements par missire Bodier, prédicateur du Caresme dernier en cette paroisse... Inhumé dans son église en haut du choeur ; présents : missires Jan-Alexandre Boullido, recteur de Peillac, Jan Jouan, Roland Marquier, curé de Saint-Jean, Julien Perrin, Melaine Besnier, prestres de Rieux, Jan Le Lièvre, curé de Rieux » (Registre paroissial).

 

Conflits pastoraux. — Le successeur de M. Bourgneuf fut missire Antoine Mouësan, du diocèse de Saint-Brieuc, pourvu par le Pape le 31 mars. Il déboutait deux compétiteurs : M. Barthélemy Le Séneschal Carcado, du diocèse de Quimper, et le Père abbé de Saint-Maudan, auquel un vicaire général de Vannes avait conféré la paroisse de Rieux.

D'un caractère très entier, M. Mouësan eut maintes difficultés avec ses paroissiens, surtout avec les autorités civiles et le Général. Les comptes-rendus que rapporte cette assemblée ne manquent pas de saveur. Jugez-en.

« Le 9 juin 1721, raconte l'un d'eux (Archives de la sénéchaussée de Ploërmel), le sénéchal Maître Pierre Mancel, sieur du Grand-Clos, informé de la découverte d'un noyé sur le rivage de la Vilaine, le fait transporter près du cimetière pour y être enterré. Averti, le recteur refuse. Alors le sénéchal, accompagné du notaire Besnier et du chirurgien Parant, se rend au presbytère. Là, ils trouvent leur pasteur plus entêté qu'un bas-breton (sic) qui les couvre d'injures et, ayant par dérision fait tirer du vin, il en jette une tasse au nez du procureur-fiscal et casse ensuite le poteau (petit pot). Ce bel exploit anime de plus en plus ce bon pasteur ; il redouble ses invectives et appelle son valet, lequel se jette sur le procureur et l'aurait étranglé, sans en être empêché par les assistants qui s'enfuyaient. Quant au notaire, il reçut du recteur un coup de pied au derrière. A ce moment, le sénéchal demande à M. Mouësan s'il le reconnaissait pour juge. " Oui, répond le pasteur, pour un juge effronté et un juge de m... ". Finalement, le recteur ordonne au sacristain d'enterrer le noyé dans le grand chemin ».

Les noyades devaient être assez fréquentes pour que le Général s'en préoccupât aussi. « Le 20 juillet 1721, lisons-nous dans son Registre, le Général tient une réunion après la messe, dite par missire Melaine Besnier, curé, pour aviser aux mesures à prendre afin d'éviter la contagion que pourraient provoquer les cadavres pourris, jetés souvent au rivage par le flux et le reflux. Même ceux qui devaient veiller à la conservation du peuple les amènent en ville aux grands jours de dévotion, comme il est arrivé le 16 juin pendant l'octave du Sacre. Ce jour-là, on a vu sur le cimetière Saint-Thébaud un cadavre exposé, inconnu, et tellement pourri qu'il infectait tout l'air aux environs jusqu'à causer de violents maux de coeur, et qu'il empêchait le peuple de venir à l'église pour le Salut, chacun étant obligé de s'enfermer dans sa maison pour éviter cette insupportable puanteur. En conséquence, le Général prie le Parlement d'ordonner que ces cadavres soient inhumés là où ils sont découverts ».

Une petite anecdote nous peint encore bien le caractère de M. Mouësan. Certain jour, il rencontre dans le pré du Boschet, le sieur Collet de Launay, procureur-fiscal. Celui-ci invite son pasteur à donner bouteille. « Je n'en donne pas aux ivrognes », répond le recteur. « Vous êtes un bobillon », réplique l'autre. Et ce fut tout.

Des différends d'un autre ordre surgirent entre M. Mouësan et messire de Forges, l'un des principaux seigneurs de la paroisse. En vue de la future Mission, le recteur avait effectué des quêtes. Or, le 5 mai 1723, à la séance du Général, messire Charles-Imbert de Forges, sieur de la Bousselaye, la Gaudinaye, le Fresche et autres lieux, prétend le lui interdire. « M. Mouësan, dit-il, a en mains des sommes plus que suffisantes, provenant de la vente de neuf demés de froment rouge par an depuis 1704, temps du changement de la distribution du pain bénit conformement à l'Ordonnance de Mgr d'Argouges, fondation due au sieur de la Bousselaye ». En terminant son réquisitoire, M. de Forges déclare s'adresser au procureur général, car il est persuadé que le procureur fiscal est gagné par le recteur.

Le dimanche suivant, tandis que M. Mouësan était en chaire et faisait son prône, le sieur de Forges se lève et à voix haute il interdit les quêtes au recteur. C'était aller un peu loin. Aussi celui-ci n'en a cure : il continue à parler de ses quêtes, annonçant que la Poterie avait versé 96 livres, et le reste de la paroisse 50 seulement. Puis il demande de lui prêter, pour le temps de la Mission, matelas, couvertures et draps de lit ; enfin il déclare que la Mission aurait lieu nonobstant toute opposition.

M. de Forges ne cède pas et adresse une plainte au Présidial de Vannes. Ce tribunal délègue à Rieux son premier président, Maître Dondel. Il arrive à Rieux le 3 août et daigne descendre au cabaret de Guillaume Roussel où il convoque plusieurs témoins ; il apprend d'eux que le recteur, d'accord avec le Général, avait consacré à l'église les fonds en question et que, pour les remplacer, il avait organisé des quêtes. On ouvre alors la fameuse armoire à trois clefs où l'on enfermait les recettes de l'église. Elle était totalement vide...

M. Mouësan continua donc d'être inquiété sur ce chapitre-là jusqu'à ce que de bons paroissiens soient venus déclarer avoir offert leurs aumônes pour la Mission volontairement et sans y être aucunement sollicités. Et ce fut la paix pour le pasteur.

 

La pratique religieuse. — Malgré certaines oppositions, la Mission eut lieu, car M. Mouësan, s'il était de relations un peu difficiles, ne négligeait rien pour les âmes de son troupeau. A cette époque — et longtemps après — une Mission durait au moins un mois et nécessitait dans une paroisse telle que Rieux une quinzaine de missionnaires. Ce qui explique pourquoi le recteur empruntait de la literie pour ceux qui ne couchaient pas en ville.

Le peuple était d'ailleurs heureux d'aider à la Mission et d'offrir au presbytère, viande, grain, boisson et autres denrées. Dans sa foi profonde, il comprenait le bienfait de cette grande lessive et, jouissait des belles fêtes organisées à cette occasion, surtout des processions où les confréries des métiers et les enfants figuraient en tableaux vivants des scènes évangéliques. Déploiement spectaculaire, oui, mais aussi renouvellement des coeurs : on allait essayer de repartir à neuf et d'être chrétien pour tout de bon.

Le jansénisme, en effet, n'avait pas étendu ses ravages chez nous et raréfié les communions, base de la vie de la grâce et stimulant de l'amour de Dieu. Témoin cet acte de sépulture : « Le 20 mars 1723, décès en la maison et chapellenie de Camzon de messire Adrien Fleuret, autrefois recteur de Rieux, trésorier et chanoine de Tréguier, prieur de Saint-François de Guérande et de Notre-Dame de Pitié du Croizic, après avoir reçu les Sacrements souvent pendant sa maladie et avec une piété tout à fait exemplaire ; inhumé le 11 au cimetière proche la grande croix. Présents : A. Mouësan, recteur ; Melaine Besnier, curé ; Jan Jouan ; Jan Le Lièvre et 0llivier Allioux, prêtres de Rieux ». C'est que, à Rieux, les prêtres suivaient la doctrine de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort qui « à l'orgueilleuse dépression du jansénisme, opposait l'amour filial, confiant, expansif, du dévot serviteur de Marie, refuge des pécheurs » (Pie XII, à l'audience de la Canonisation du Saint, 21 juillet 1947).

L'acte de sépulture de M. Fleuret nous montre que, déjà, même des morts de marque étaient enterrés dans le cimetière Saint-Thébaud. C'est que des Arrêts du Parlement et surtout de graves épidémies avaient décidé le recteur à raréfier les inhumations dans l'église et il appliquait cette mesure d'abord aux prêtres. En 1725, missire Jean-Alexandre Boullido, ancien recteur de Peillac, 70 ans, décédé dans sa maison, en ville de Rieux, est enterré dans le cimetière à la porte mortuelle ; en 1728, le 3 février, missire Jan Jouan, 77 ans, décédé au Bot, est inhumé au cimetière, au pignon de la chapelle du Rozaire, ainsi que son neveu, missire Gilles Jouan, le 7 juillet 1729. Eux aussi avaient reçu plusieurs fois le Saint Viatique.

Il y avait cependant encore des inhumations dans l'église paroissiale, et même dans l'église des Trinitaires. « En 1729, porte un Acte, présentation à l'église du corps de noble homme Anne Péniguel, sieur de la Chastaigneraye ; après avoir dit la messe et chanté le Libera, le corps a été conduit à la sortie du cimetière, d'où il a été enlevé pour estre inhumé dans l'église des Trinitaires, ceux-ci ayant fait dire que, de son vivant, il avait choisi sa sépulture chez eux ».

Missire Mouësan était en pleine force d'âge — 45 ans — quand une cruelle maladie le conduit au tombeau, le 2 janvier 1732, « confessé et communié par M. le recteur de Saint-Jacut ». Il fut inhumé le 4 sous le reliquaire de l'église, en présence des prêtres de Rieux, des Trinitaires, de plusieurs recteurs et curés des environs.

 

Autoritaire, mais dévoué aux âmes. — Deux candidats briguent sa succession. L'un est M. François Abhamon, du diocèse de Saint-Pol de Léon, qui se pourvoit en Cour de Rome ; l'autre est M. Olivier Guimarho, d'Hoedic, diocèse de Vannes, présenté par l'abbé de Saint-Gildas. Ce dernier prétendait avoir le droit de patronage sur Rieux ; prétention abusive, car, depuis deux cents ans, paroisse et prieuré Saint-Melaine étaient distincts. Pendant un an les deux compétiteurs signent recteur. Finalement M. Guimarho dut se contenter d'être prieur de Saint-Melaine et M. Abahmon, pourvu de la paroisse par le Pape le 27 mars 1732, prit possession le 7 septembre à la fin de la grand'messe. « Le 22 janvier suivant, le Présidial de Vannes, condamnait M. Guimarho à tous les frais de la procédure, aux dommages et intérêts avec restitution des fruits par lui perçus ».

De tempérament autoritaire, M. Abhamon sera maintes fois en conflit avec le Général de la paroisse. Cette assemblée essaie pourtant d'entretenir de cordiales relations avec lui ; ainsi le 3 mai 1733, il consent par amitié pour le bon pasteur à lui céder un terrain paroissial. Mais en décembre, à propos du choix de deux fabriques qui ne lui plaisent pas, le bon pasteur se fâche, quitte bruyamment la réunion et déclare qu'il n'y assistera plus.

Malgré cela, le Général s'occupe avec zèle de l'église et du culte. Il achète une horloge pour le clocher, décide la refonte des deux cloches, dont la grosse pèse 900 livres, et fait à l'église d'importantes réparations (1743).

Il est une circonstance où le Général eut tort de ne pas résister à son recteur. « Le 6 octobre 1757, note le registre des Délibérations, devant nous, sénéchal et seul juge de la juridiction, s'est présenté missire Abhamon, recteur de Rieux. Il nous a fait observer que par bonté pour ses paroissiens, il serait obligé de rectifier le grand vitrail au soleil levant de l'église, rendu obscur par la quantité de meneaux qui le comblent. A l'église nous avons reconnu l'obscurité du vitrage et avons agréé la requête du recteur à condition de conserver l'écusson des Rieux sur le vitrail ».

Et la jolie baie du sanctuaire fut mutilée !

Le mobilier de l'église était également l'objet de la sollicitude du Général, comme du clergé. Dans un Inventaire de 1749 nous relevons entre autres : 4 calices d'argent doré, 20 chasubles, 10 dalmatiques, 10 chapes, 1 bannière de velours rouge cramoisi, 85 nappes d'autel à dentelles, 10 grands livres de choeur, etc.

La présence de dalmatiques nous prouve que, aux grandes solennités, les offices étaient célébrés avec diacre et sous-diacre. Le nombre des prêtres séjournant dans la paroisse le permettait. Voici les noms de plusieurs d'entre eux.

Melaine Besnier, curé de 1720 à 1748, décédé en sa chapellenie du Tertre à 60 ans ; Joseph Melin, curé de 1742 à 1744, décédé en son village de Berdeux, à 40 ans ; Pierre Mabille, curé, 1744-1760 ; Joseph Gicquel, curé, 1748 ; Joseph Piguel, curé (1745-1753) ; Roland Marquier, Jacques Desvaux, curés (1753-?). Autres prêtres : Joseph Péniguel du Bouexis ; Julien Cadio, François Chauvin, Pierre Dréan, Joseph Gaudin, Jan Le Lièvre, décédé en 1753 dans sa maison de la Fosse.

Les religieux prêtaient aussi leur concours, notamment Fr. Vincent Janotin, ministre des Trinitaires.

Comme aux siècles précédents, les vocations ne manquaient pas. Les parents savaient d'ailleurs se gêner pour entretenir leurs enfants au Collège de Vannes et plus tard leur constituer les Titres cléricaux exigés pour les Ordres sacrés. En 1742, « un titre clérical est souscrit au profit de François Chauvin, séminariste à Vannes, par Claude Chauvin, laboureur à Rieux » ; un autre, la même année, « au profit de Joseph Gaudin, par Perrine Perrin veuve de Joseph Gaudin, sa mère, consistant en une maison avec jardin, plus le jardin de la rue Basse, un champ dans le Grand Champ sur les Noës, de 22 cordes de labour... ».

Le mouvement paroissial était assez important pour occuper plusieurs prêtres avec le service du culte. Chaque année, il y a dans les 60 baptêmes, 15 à 20 mariages, sauf en 1743 où l'on n'en compte que 5, probablement à cause de l'épidémie qui fit une centaine de victimes. Quant aux décès, leur nombre est plutôt élevé, conséquence des contagions : en 1734, 56, dont 26 hommes et 30 femmes ; en 1741, 66 ; en 1742, 79 ; en 1743, 97 dont 45 hommes et 52 femmes. Heureusement que, en 1744 et 1745, la mortalité s'abaisse à 35, puis 32.

Plusieurs de ces défunts furent encore inhumés dans l'église malgré l'interdiction portée par le Parlement en 1719 et malgré la peste violente de 1722. Leur nombre diminuait cependant. Après la grande épidémies de 1740, un Arrêt de 1741 renouvelle l'interdiction et on y obéit davantage, surtout lorsqu'un ardent missionnaire de nos contrées, le R. P. Mulot, des Pères de Montfort, eut clamé son indignation de voir « le lieu saint transformé en terre de labour » par suite de la fréquente ouverture des tombes (1749).

 

Les Solennités. — La principale solennité, la fête de Pâques, est ordinairement préparée par une Station de Carême et nous avons vu que M. Bourgneuf en 1719, reçut les derniers Sacrements des mains de « missire Bodier, prédicateur du précédent Carême ». Durant la Sainte Quarantaine, le jeûne et l'abstinence étaient rigoureusement observés et, même aux charretiers qui amenaient des matériaux en ville, on ne servait que des harengs et de la morue. Un Arrêt du Parlement n'autorise l'ouverture que d'une seule boucherie, attribuée aux enchères. Les Offices des Rameaux et des trois Jours Saints sont toujours très suivis ; à l'Adoration de la Croix, le Vendredi-Saint, les offrandes montent à 18 livres en moyenne. Pâques donne lieu à une illumination qui, en 1743, coûte 19 livres 10 sols.

Mais c'est la Fête-Dieu, dite le Sacre, qui revêt le plus grand éclat. Le jeudi du Grand Sacre, dans les rues tendues de linceuls fleuris (draps), la procession se dirige vers l'église des Trinitaires, le recteur, entre un diacre et un sous-diacre, portant l'ostensoir sous un dais de satin rouge. En tête, les enfants, les Tiers-Ordres et les Confréries. Entre leurs rangs, miroite « la bannière paroissiale de velours cramoisi, garnie de fleurs de lys avec fils d'or et d'argent ». Derrière le dais, le sénéchal, l'alloué, le procureur-fiscal et les autres officiers de la juridiction en grand costume d'audience, puis la foule des autres fidèles.

Dans le choeur des Trinitaires, les religieux attendent. Le célébrant pose alors l'ostensoir sur l'autel, fait les cérémonies habituelles et, accompagné en plus des moines, il continue la procession. Près des reposoirs, on allume des feux de joie et, à la Bénédiction l'on tire des salves de mousquet pour lesquelles le Général fournit les pouldres.

Le dimanche du Petit Sacre, c'est le ministre des Trinitaires qui porte le Saint Sacrement de chez eux à la paroisse où les attendent le recteur, ses prêtres et les fidèles ; et la procession continue.

Noël n'a rien perdu de sa popularité. Pour les Messes de Minuit, le Général procure les nombreux cierges de l'illumination, le pain de communion et, de plus, du vin distribué aux communiants qui le boivent avec un chalumeau.

Les autres fêtes traditionnelles, comme la Toussaint, la Mi-août, la Saint-Melaine, sont toujours fidèlement célébrées. Il y a même de nouvelles fêtes, en particulier la fête des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie, dont, en 1760, les fabriques achètent l'Office noté, in-folio, coût 3 livres. En 1753, un Antiphonaire avait été payé 6 livres, plus le port, 14 sous.

En publiant un nouveau Propre de Vannes, en 1757, Mgr de Bertin réduit les jeûnes aux jours suivants : le Carême, les Quatre-Temps, les Vigiles de Noël, la Pentecôte, l'Assomption, la Toussaint, Saint-Pierre, Saint-Jean Baptiste, Saint André, Saint Mathieu, Saints Simon et Jude, Saint Laurent.

1743 vit encore une grande mission à Rieux. Les fabriques signalent dans leurs comptes le produit du froment offert à cette occasion : 33 livres 2 sols en 1743, 71 livres en 1747-1748. Les autres dons ne sont pas inscrits.

L'instruction religieuse continuait à être donnée régulièrement aux fidèles à l'église et dans les chapelles par les sermons et les catéchismes ; le catéchisme du dimanche avant Vêpres était très suivi par les grandes personnes même des villages qui, d'ailleurs, ne retournaient pas chez elles après la grand'messe, mais restaient au bourg et prenaient leur repas de midi dans une maison amie ou dans une prairie voisine.

 

Visites épiscopales. — Elles étaient moins rares que précédemment. Après la visite de 1701, il y eut celles de 1732 et 1738 par Mgr Fagon, du 14 octobre 1744 par son successeur, Mgr de Jumilhac, de 1750 par Mgr de Bertin.

Si la population accueillait chaudement son évêque, il n'en était pas toujours de même de missire Abhamon. Ayant été pourvu de sa charge par le Pape, il se prévalait d'une certaine indépendance et ne se gênait pas pour narguer l'autorité diocésaine. La veille d'une visite épiscopale, ses paroissiens furent surpris de le voir étendre sur le muret qui séparait l'église du presbytère une serviette où il posa un morceau de lard, un pain et un poteau (pot) de cidre. Pourquoi cela ? lui demande-t-on. C'est pour Monseigneur, répond-il. Etonnement des témoins. Oui, reprend missire Abhamon, pour Monseigneur... et s'il n'est pas content, il ira chez les loups blancs. C'est ainsi qu'il désignait les Trinitaires au manteau blanc ; il leur en voulait sans doute de ce que l'évêque était descendu chez eux.

Lors d'une autre visite épiscopale, l'évêque s'aperçut que missire Abhamon avait à son service deux jeunes filles — « Vous n'observez pas les Saints Canons, lui dit-il, car ils exigent que les servantes de presbytère aient au moins 40 ans ». — « Monseigneur, réplique le facétieux recteur, je me crois en règle ; l'une de mes nièces a 22 ans, l'autre 18, donc, à elles deux 40 ans biens comptés. Seulement, j'ai ma domestique en deux tomes ». L'évêque éclate de rire et lui dit : « Gardez vos nièces, si cela vous plaît, mais ayez en plus une servante d'environ 40 ans ».

 

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IV. — M. ABHAMON ET LES TRINITAIRES.

Les relations de M. Abhamon avec les Trinitaires sont loin d'être cordiales ; le sobriquet de loups blancs qu'il leur donne le démontre assez. Aussi prend-il un malin plaisir à souligner dans ses registres paroissiaux leurs défauts. Son prédécesseur, M. Mouësan avait déjà commencé en notant ceci : « L'an 1725, les moines de Rieux cessent de manger au réfectoire et de faire la lecture pendant les repas ».

A son tour, M. Abhamon écrit : « Jusqu'en 1735, les moines de Rieux n'avaient jamais porté d'aumusse [Note : Aumusse : fourrure que certains chanoines portent sur le bras] ils la portèrent cette année pour la première fois, se firent appeler Messieurs et défendirent de les appeler Pères ». — « L'an 1742, les moines abattirent leur cloître qui était situé entre leur église et le bâtiment où sont leurs cellules ».

Bientôt les rapports entre moines et recteur s'enveniment davantage. Les Trinitaires portent plainte contre M. Abhamon qu'ils accusent de violer la Transaction de 1682 sur les points suivants : il prétend assujettir les chanoines réguliers de Rieux (ce sont eux) à précéder son clergé aux processions du Sacre et de l'Assomption ; il interdit au ministre les offices et les processions en dehors du couvent, et il défend de sonner quand les religieux viennent à la paroisse lors des processions de Saint Marc et des Rogations. Pour sa défense, M. Abhamon allègue que le sonneur, accompagnant les processions paroissiales aux chapelles, ne peut sonner à l'arrivée des moines à l'église et que, d'autre part, il est contraire aux Saints Canons qu'il y ait deux offices et deux processions en même temps.

Néanmoins, le 9 juillet 1745, le Parlement condamne M. Abhamon à une amende de 83 livres. Ce qui ne contribua certes pas à l'amélioration des rapports entre les deux partis. Et les choses continuent. En 1748, Fr. Vincent Janotin, ministre de Rieux, et, depuis 1742, provincial de Bretagne et de Normandie, fait condamner le recteur « qui n'annonçait plus au prône la procession du Grand Sacre (évidemment pour ne pas avoir à parler des Trinitaires), qui s'absentait toujours le dimanche du Petit Sacre (jour où présidaient les moines) et qui fermait la sacristie aux religieux à la saint Marc et aux Rogations ».

C'est peut-être par antipathie que M. Abhamon n'assiste pas aux obsèques du ministre Janotin, dont voici l'Acte de sépulture.

« Le 7 août 1755, le corps de missire Vincent Janotin, ministre de Rieux, décédé en la paroisse de Glénac, a été présenté en l'église paroissiale de Rieux ; après avoir fait la levée du corps au village du Tertre et avoir chanté le Libera, j'ai, avec messieurs les prêtres qui soussignent, conduit le corps jusqu'à l'église des Trinitaires où il a été enterré. Chauvin, prêtre ; P. Dréan, prêtre ; missire P. Mabille, curé de Rieux ; Jacques Desvaux ».

 

Le Mobilier du Couvent. — A l'occasion de ce décès, est dressé un inventaire du mobilier du couvent. Prenons-en connaissance.

« Nous, Fr. René Janotin, provincial de Bretagne, ministre de Sarzeau et docteur en Sorbonne, nous sommes transporté à Rieux, et le Seigneur ayant disposé du R.P. Vincent Janotin (Ayant rappelé à lui), notre frère, ministre de ladite maison, nous avons procédé avec les RR.PP. de Girel et Bérard, à l'inventaire des meubles.

Sommes entrés dans une salle garnie d'une tapisserie violette, avec une douzaine de chaises semblables, un sopha et une armoire insérée dans le mur.

Dans l'appartement du défunt, avons trouvé une grande tablette garnie de livres, une table, une armoire de vieux habits, une autre scellée du sceau de Rieux contenant les titres de la maison, un prie-Dieu, 2 chandeliers de cuivre, plusieurs instruments propres à une austère pénitence, 2 fauteuils de paille, quelques billets d'obligation montant à 180 livres, 7 louis en or, 222 livres en argent.

Dans l'armoire du linge pour la maison : 18 paires de draps de maîtres, 5 de domestiques, 2 douzaines de nappes, 17 de serviettes, 11 couverts neufs d'argent, 2 cuillères à potage.

Dans la cuisine : 1 chaudron, 1 poissonnière, des broches, 1 tourtière, 1 réchaud, 6 douzaines d'assiettes d'étain et 24 plats de même matière.

Dans la grande chambre : un grand lit, 1 petit lit à tombeau (alcôve), un coffre, une table, des chaises.

Dans la chambre suivante : 2 bois de lit, une couette de plume et une mauvaise petite armoire.

Dans la chambre d'hôte : 2 lits, 1 table, 3 chaises.

Dans la chambre des domestiques : 1 lit, 1 vieux sopha, 2 vieilles armoires, 1 coffre, 2 tables.

Dans le réfectoire qui est boisé : 1 grande table et 1 grand tableau.

Dans la cave : 2 pièces de vin blanc, 1 pièce de vin rouge à demi pleine.

Dans la sacristie : 17 chasubles, avec quelques chapes, tuniques et dalmatiques, 6 parements d'autel, 1 soleil (ostensoir), 1 ciboire, 2 calices, 1 encensoir, 1 croix d'autel, 1 plat et 2 burettes, le tout d'argent, 1 croix de procession en cuivre argenté, 13 nappes, 11 aubes, 18 amicts, 12 corporaux, 30 purificatoires, 2 missels, 4 armoires.

Dans l'église : 6 grands chandeliers de cuivre, 8 petits, 6 vases de bois doré avec fleurs artificielles, 1 bénitier de cuivre, 4 burettes, 1 plat d'étain.

Lequel inventaire étant conclu, nous avons signé : Fr. René Janotin, Fr. J.-C. de Girel, Fr. J. Bérard » (Archives départementales, Vannes : Trinitaires).

Pour remplacer Fr. Vincent Janotin, le provincial choisit le Fr. Bertrand Le Roux qui, depuis le 15 janvier 1750, était chapelain de Cadoudal, filiale de Rieux, où il avait succédé à Fr. François Gardy, lui-même successeur de Fr. Paul Hardy, nommé en 1728 et mort en 1747.

M. Abhamon assiste à l'installation solennelle de Fr. Le. Roux. Avec lui signent : Fr. Claude Girel « qui fit un discours en forme de panégyrique », Olivier de la Houssaye, Genouan, vicaire à Fégréac, Péniguel de la Chataigneraye, de la Sanlais, prêtre de la Chapelle, de Fabrony, P. Dréan, prêtre, Gobbé de la Gaudinais, miseur de Redon, J. Gaudin, prêtre, Vincent Sérot, tonsuré (perpétuel), Augustin Péniguel, Fr. de la Houssaye, Fr. Julien Bérard, Thierry et Joyaut, notaires.

 

Chapelains de Saint-Antoine. — C'est parmi les Trinitaires que se recrutaient les titulaires de la chapelle Saint-Antoine. De 1728 à 1747, c'est Fr. René Janotin de Belair, ministre de Sarzeau, puis Fr. Mathurin Picard, profès de Rieux (1747-1753). Celui-ci réclame « à Claude Chauvin, Pierre Morin, de la Barbotière, Jean Tual, de l'Angle, Pierre Lemoine, de Gléré, 29 années par argent en ce qui concerne la rente seigneuriale de 3 carolus, valant 30 deniers par an, rente attachée à la fondation de Saint-Antoine par le seigneur de Rieux ».

Sont ensuite chapelains : Fr. Bertrand Le Roux, ministre de Rieux (1758-1759), et Fr. Julien Bérard qui afferme à Jehan Sérot, du Vaumigro, un journal de pré salé en Roru dit le journal de Saint-Antoine, plus la dîme de Gléré et de la Barbotière, le tout pour 40 livres. Un autre pré de la chapellenie, dit le pré doux de Saint-Antoine est loué par missire Jean Le Lièvre pour 33 sous 9 deniers à verser en la chapelle le jour de Saint-Jean-Baptiste (1747).

 

Le Prieuré Saint-Melaine. — Ce prieuré semble avoir été assez brigué, car, au XVIIIème siècle, nous y trouvons des abbés commendataires de haut rang et jusque du midi de la France.

Après la mort de Mgr Guillaume de la Vieuville, évêque de Saint-Brieuc, en 1727, c'est missire Louis de Villeneuve de Sisteron, qui est pourvu par l'abbé de Saint-Gildas de Rhuys. Mais, il a un concurrent, missire Moreau, candidat du comte de la Bédoyère. D'où procès. M. de Villeneuve conteste que la fondation du prieuré soit dûe aux sires de Rieux ; ce n'est qu'en 1662, objecte-t-il, que ceux-ci émettent la prétention d'être fondateurs et présentateurs de la chapellenie. Sa thèse fut agréée et le 10 janvier 1732, le présidial lui donnait main levée (Archives départementales, Vannes, Prieurés).

A cette époque, une nouvelle demeure fut construite pour le prieur au couchant de l'église. Avec ses jolies lucarnes, ses fenêtres et ses portes ouvragées dans le style du XVIIIème siècle, elle constitue l'une des plus intéressantes maisons de Rieux.

A la mort de missire de Villeneuve (1736), le prieuré Saint-Melaine fut attribué à Mgr Jacques de Grasse, évêque d'Angers. Sous ce prélat, les biens du bénéfice sont affermés 3.100 livres, revenu qui se réduisait à 2.273 livres 16 sols, par suite des charges. Sans doute que le prieur effectif représentant le commendataire ne se trouvait pas suffisamment rétribué, car il négligeait ses obligations. Le recteur s'en plaint et « le 21 avril 1748, les fabriques Joseph Cottin et Joseph Lambert, représentent au Général que la messe de matin, dûe à la paroisse par M. le prieur, n'a pas été dite depuis le premier de l'An, au préjudice notable de la paroisse. Ils le poursuivront en justice, si, sous quinze jours, il n'a fait dire la messe... Ledit prieur lève pourtant des dîmes considérables... Il doit même entretenir des écoles et faire des charités aux pauvres ; de quoi il ne s'acquitte pas depuis bien longtemps. On doit donc agir... ».

Cette action — un procès probablement — produisit son effet : le 27 décembre suivant, le prieur reconnaît ses obligations et, afin de les remplir, il passe avec M. Chemin, curé, un marché dont nous ignorons la teneur (abbé Henri Le Breton).

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