|
Bienvenue ! |
RIEUX AU XIXème SIÈCLE |
Retour page d'accueil Retour "Ville de Rieux"
Renouveau après la tempête. — Sombre drame. — Désaffection de l'Empire, sa chute. — Fin du Comté, avec démembrement paroissial et communal. — Le second Empire. — Sous la troisième République. — Laïcisation, et création d'une école libre. |
I. — RENOUVEAU APRÈS LA TEMPÊTE.
La Révolution avait semé la France de ruines tant matérielles que morales. Le calme revenu, le recteur de Rieux, M. Poisson, s'emploie avec un zèle admirable à les réparer, aidé de la plupart de ses paroissiens qui lui étaient reconnaissants d'être resté parmi eux au péril de sa vie.
Ce vénérable prêtre avait alors 58 ans et, malgré les fatigues et les privations endurées, il jouissait encore d'une bonne santé. Son presbytère se trouvait dans un état lamentable : des poutres étaient tombées, la toiture laissait filtrer la pluie. Avant d'y rentrer, en mars 1803, M. Poisson prie le maire, Julien Heinleix, de restaurer ce bâtiment devenu communal. L'ancien révolutionnaire ne marche pas et le recteur doit faire à ses frais les travaux les plus urgents. De plus, Heinleix refuse de laisser à M. Poisson le jardin, le verger et la vigne du presbytère. Le recteur recourt au préfet, le général Jullien, successeur de Giraud, et il obtient le presbytère et le jardin gratuitement suivant la loi, la vigne et le verger en location (juillet 1803). Ces premières réparations furent complétées plus tard par le maire Papot, deuxième successeur de Heinleix et mieux disposé envers le recteur. A cet effet, le 16 août 1806, il demande au préfet « l'autorisation nécessaire et un secours, car le devis monte à 400 francs et la commune est sans ressources ».
Quant à l'église, la municipalité, le 12 avril 1803, décide de la restaurer et elle envoie sa délibération à la préfecture, signée de Heinleix, maire, Joseph Perrin, adjoint, et de neuf conseillers.
L'année suivante, « le citoyen Julien Heinleix, maire de Rieux, fils des feus Jean et Mathurine Lambert, époux de Perrine Mary, décédait en son domicile d'Aucfer, le 7 messidor An XII (26 juin 1804), âgé de 34 ans ». Quelques jours plus tôt, le 19 juin, était mort M. Toussaint-Jean Gueho, ancien vicaire de Rieux. Usé prématurément par les misères de l'exil et du ministère durant la persécution, il s'éteignait à 56 ans.
Le successeur de Heinleix à la mairie fut Julien Gogué.
Plus encore que l'église, les chapelles frairiales avaient souffert de la haine des impies. Au bourg, la chapelle Saint-Antoine et l'église gothique des Trinitaires avaient été démolies, ainsi que les chapelles Saint-Julien-d'Aucfer et Saint-Gildas, dont les pierres servirent à la construction d'une maison à Lézalair. Ces édifices ne furent pas relevés.
La chapelle Saint-Aignan du Val fut incendiée par les Bleus le 6 octobre 1794, jour de la foire de Rieux, avec des fagots volés chez Razé. Celui-ci, en 1825, fut l'un des promoteurs de la reconstruction de ce sanctuaire. La chapelle Saint-Sébastien, de Tréfin, moins touchée, fut rapidement rendue au culte.
D'après la tradition, les habitants de Rieux, privés de leur chapelle Saint-Julien, apprirent qu'il en existait une sur les confins de la Bretagne et de l'Anjou, au bord d'une rivière. Ils y allaient en pèlerinage et, comme les routes n'étaient pas sûres, ils choisissaient un capitaine pour les conduire en groupe. Une année, ce capitaine était Joseph Perrin, d'Aucfer. Ces braves bretons trouvant que le saint n'était pas suffisamment vénéré en Anjou, emportèrent la statue. Au bout de cinq lieues, les gendarmes les rejoignent et réclament la statue, mais ils se heurtent à un refus net. Alors, trop peu nombreux pour avoir raison de deux cents pèlerins, ils courent chercher des renforts et ils remportent Saint-Julien en charrette à sa chapelle angevine.
Et que dire du mobilier ? Ce qu'il en subsistait — car la plus grande partie avait disparu — était dans un état déplorable. Les cloches avaient été envoyées à la fonderie et la Nation avait confisqué vases sacrés et ornements, sauf ceux que de braves chrétiens avaient pu leur soustraire. Le sacristain de Saint-Aignan, François Thaumoux, de l'Angle, avait ainsi dissimulé les ornements de sa chapelle dans un tas de fagots, mais ils y restèrent trop longtemps et, à son grand désappointement, il les retrouva presque pourris.
Plus urgente encore, et plus difficile, se présentait la restauration des ruines morales, suites inévitables des troubles des dix dernières années. C'était, entre autres, l'affaiblissement de la foi, surtout parmi les bourgeois, contaminés par les idées philosophiques du XVIIIème siècle. C'étaient aussi les rancunes, les haines, issues des dénonciations, des vols, des assassinats, etc. Il fallait donc amener les paroissiens à se pardonner chrétiennement et à oublier les injures, évitant, ainsi que le demandait l'Eglise, de faire même la moindre allusion au passé. M. Poisson n'y manquait pas. Les exercices du Jubilé qu'il fit donner du 11 mars au 8 avril 1804 contribuèrent grandement à pacifier les esprits. Parmi les retours publics, citons un homme qui avait acheté des biens d'église à Rieux (et ailleurs) : le fameux Le Clainche, de Rochefort-en-Terre. Ces heureux effets se produisirent dans tout le diocèse et l'évêque de Vannes en témoigna sa joie dans une lettre au Cardinal Caprara, légat du Pape, le 9 mai 1804.
II. - SOMBRE DRAME.
Un certain nombre de royalistes ne s'étaient pas ralliés à Napoléon. De ceux-là était Alexis Joyau, de Rieux. Aîné de dix enfants, il était né à Glénac en 1777, mais son père, fermier général des Rieux, habitait la Ricardaie. De bonne heure, il devint, sous le patronyme de Villeneuve (château en Rieux), l'un des plus fidèles lieutenants de Cadoudal, malgré les supplications de sa mère éplorée.
Le 24 décembre 1800, jour où éclata la machine infernale dirigée contre Bonaparte, Joyau était à Paris et c'est lui qui procura un asile à Saint-Régent, le chef des conjurés. Menacé d'arrestation, il passe en Angleterre. Avec d'autres émigrés, il en revient au cours de janvier 1804 pour rejoindre Cadoudal qui avait organisé un complot pour tuer le Premier Consul sur la route de la Malmaison. Seulement la conjuration fut éventée.
Le 25 mars, la police apprend que Joyau se trouve chez le sieur Dubuisson, rue Jean-Robert à Paris. Elle vient y faire la fouille. Ne découvrant rien, elle se retirait lorsque, pour placer une sentinelle, un policier dérange une fontaine appliquée sur un mur ; il s'aperçoit alors que la planche qui la soutenait était mobile et masquait une petite ouverture. L'inspecteur y passe la main et s'écrie : « Ils sont ici, je viens d'en toucher un. A moi, gendarmes ! ». A ce moment, un bras paraît, armé d'un pistolet : c'était celui de Joyau. Plusieurs coups sont tirés par les uns et les autres ; les conjures ne cèdent pas. Arrivent d'autres policiers. Joyau annonce que tous se rendent, mais, en même temps, il blesse un fusilier d'un coup de poignard à la main droite. Devant cette résistance, l'inspecteur mande les pompiers pour noyer les adversaires qui alors déclarent cesser la lutte et se livrer à la police.
Joyau sort le premier de la cachette, suivi de Louis Burban, de Questembert, et de Datry. Il portait deux ceintures pleines d'or, un passeport anglais au nom de Villeneuve et 160.000 livres en billets de la Banque d'Angleterre. Tous les trois rejoignent en prison Cadoudal et trente-neuf autres, soupçonnés de conspiration.
Les inculpés comparaissent devant le tribunal et, le 10 juin 1804, vingt d'entre eux étaient condamnés à mort, parmi lesquels Alexis Joyau. Ils se pourvoient en Cassation, mais inutilement : la sentence est confirmée, sauf pour huit que l'empereur gracie et qui voient la peine capitale changée en prison perpétuelle.
Le 25 juin, à onze heures, les douze condamnés à la guillotine sont amenés sur la place de Grève. Par bonheur, ils eurent le secours d'un prêtre ami, l'abbé Grayo de Kéravenan. Ce prêtre, durant la Révolution, avait exercé un ministère très actif à Paris, sous le nom de citoyen Levert, costumé en vitrier et portant sur ses épaules la hotte du métier [Note : En 1793, il avait confessé Danton avant son mariage, la jeune fiancée du terroriste l'ayant exigé]. Originaire de la frairie Sainte-Suzanne, de Questembert, il fut heureux de pouvoir assister les malheureux condamnés, dont l'un était le fils d'un de ses amis de Questembert, M. Louis Burban, sieur de Malabry. Il leur donne une dernière absolution ; puis il commence à réciter avec eux le Je vous salue, Marie. Après ces mots : priez pour nous maintenant, Georges Cadoudal arrête ses compagnons. « Mais, continuez, dit le prêtre. — A quoi bon ? réplique le condamné, l'heure de notre mort, n'est-ce pas maintenant ? ». Et, ayant baisé le crucifix, d'un pas ferme, lui d'abord, ses compagnons ensuite, s'avancent vers le couperet fatal, persuadés qu'ils mouraient martyrs du devoir patriotique, Napoléon n'étant pour eux qu'un usurpateur. Alexis Joyau avait à peine vingt-sept ans.
III. — DÉSAFFECTION DE L'EMPIRE. — SA CHUTE.
L'exécution de Cadoudal, de Joyau et de leurs compagnons cause un profond malaise au pays de Rieux qui se détache peu à peu de Napoléon. Parmi les condamnés, Alexis Joyau jouissait, ainsi que sa famille, de l'estime générale pour leur inépuisable charité ; sa soeur Aimée, en particulier, nourrissait tous les hivers de nombreux pauvres [Note : Plus tard, sa soeur Françoise l'aida dans ses oeuvres de bienfaisance ; Aimée mourut en 1869, à 88 ans, et Françoise en 1884, à 91 ans]. Plus tard, à cette cause de mécontentement, s'ajouteront les guerres continuelles de l'empire. Aussi, nombreux étaient les déserteurs : le Greffe de Vannes en signale huit entre 1806 et 1810.
Un certain nombre de jeunes soldats périrent aux Armées. Les Archives municipales citent les suivants : Pierre Chevrel et Jean Colin, 97ème demi-brigade, morts de blessures à Chieti (royaume de Naples), 1er avril et 3 mai 1802. —Jean Codard, 60ème de ligne, mort de fièvre à Vienne (Autriche), 5 février 1806. — Thomas Clérot, 103ème de ligne, mort de fièvre à Varsovie (Pologne), 11 mars 1807. — Julien Dantot, 3ème de ligne, tué à la bataille de Friedland, 14 juin 1807. — Yves Boucher, mort à Marienburg, 4 juillet 1807. — François Thaumoux, mort à Spandau, 22 décembre 1807. — Mathurin Joubaud, mort en Espagne, 31 mai 1808. — Gilles Dantot, mort à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), 24 juillet 1809. — Joseph Sevestre, 3ème d'artillerie à pied, hôpital de Pellenbeg (Allemagne); 5 décembre 1809. — Mathurin Montoir, hôpital de Benavente (Italie), 29 mai 1810. — Joseph Gogué, à l'Armée (1er février 1811). — Bonaventure Duval, hôpital de Rochefort, 12 août 1812. — Vincent Boulard, hôpital de Cherbourg, 27 janvier 1813. — Jean-Marie Guégan, hôpital de Niort, 9 mai 1813. — Mathurin Heinleix, hôpital de Morlaix, 28 mai 1813. — Jean Roussel, hôpital de Francfort, 5 août 1813. — Sylvestre Méhat, hôpital de Rennes, 28 octobre 1813.
Ces deuils, joints aux réquisitions multipliées et aux impôts toujours en augmentation, créaient une atmosphère d'hostilité contre le gouvernement, hostilité que les maires successifs : Gogué (1804), Papot (1806), ne réussissaient pas à étouffer. Heureusement encore que le clergé s'employait de son mieux à pacifier les esprits. Pour seconder le recteur, M. Poisson, l'évêché lui avait donné un vicaire. Le premier, en octobre 1805, fut M. Foulon, auquel, en 1812, succéda M. Lucas.
La vie paroissiale ne tarda pas à reprendre son activité ; si 1804 ne vit encore que 26 baptêmes et 3 mariages, leur nombre augmenta régulièrement pour atteindre une moyenne de 53 baptêmes et 15 mariages ; chiffre parfois dépassé ; en 1811, 90 baptêmes et 41 mariages. Le nombre des décès était toujours assez élevé : de 50 à 60 ; en 1811, on en compta même 104, dont 60 dûs à la fièvre putride du début d'août à la fin de décembre.
Les brigands. — Une plaie de cette époque était le brigandage, l'une des suites de la Révolution. Le 16 août 1804, la police signale aux environs de Redon une bande de chauffeurs qui commettent divers excès, en particulier à Rieux, Caden, Malansac, et autres lieux. Elle compte une douzaine d'hommes et quelques femmes, comme Laurence Jouan, mendiante, et Françoise Rochard, dite la petite Marion ou la demoiselle de Tréal (Greffe de Vannes).
En 1814, il se commit un crime qui fit sensation. « La nuit du 20 février 1814 vers minuit, raconte un Rapport de police, une vingtaine de gens armés entrent chez M. Papot, maire, en défonçant une fenêtre. Au bruit, Mme Papot se réveille et se lève juste quand ils pénétraient dans l'appartement. Les agresseurs la forcent à les conduire à la chambre de M. Normand, percepteur. Réveillé, M. Normand descend de son lit, ouvre la porte et braque deux pistolets sur les brigands. Il allait tirer quand Mme Papot s'écrie : " Ne tirez pas, je vous en prie, M. Normand, je suis devant eux". Le pauvre percepteur abaisse alors ses pistolets en disant : " Pauline, vous serez cause de ma mort ". Puis, sautant par la fenêtre, il court à travers le cimetière vers la maison de F. Olivro, dite de la Touche. A ce moment, des brigands postés en sentinelle, Gautier, Carr et Josso, épaulent leur fusil. " Ne tirez pas, crient leurs camarades, puisqu'il se sauve " ». Malgré cela, Josso, dit Lassé, tire et M. Normand tombe grièvement blessé à la hanche droite, en criant : " François, mon ami (Olivro), à mon secours ! " ... Malheureusement la blessure était mortelle et, malgré les soins, le percepteur expira le lendemain. On lui vola sa caisse, ses fonds personnels et un fusil double. On enleva également au sieur Papot du tabac et le billon de son comptoir ».
Chute de l'empire. — Peu après, le 30 mars, Napoléon capitulait devant les Alliés et, le 3 avril, le Corps législatif rappelait Louis XVIII. Grand enthousiasme à Rieux où le peuple court à l'église chanter le Te Deum pendant que, sur le clocher, l'on hissait le drapeau blanc. Le 15 août, M. Poisson rétablissait la grande Procession du Voeu de Louis XIII, supprimée durant la Révolution.
Mais voilà que, le 20 mars 1815, Napoléon reprenait le pouvoir : ce fut pour lui le règne des Cent-Jours, comme l'Histoire l'a dénommé.
Aussitôt, en Bretagne, s'affirme une forte volonté de résistance. De Sol forme une armée royaliste avec son aide-de-camp, Augustin Joyau, de Rieux. L'une de ses légions — la légion de Sécillon — est composée de volontaires de Rieux, Allaire et autres paroisses de la région. La Petite Chouannerie débute et va s'étendre à tout le Morbihan. C'est le 4 juin que Redon est occupée par les royalistes, ainsi que le pont d'Aucfer à Rieux. De là, ils marchent sur Muzillac où ils battent le général Rousseau.
La lutte se poursuivait quand on apprend l'abdication de Napoléon, vaincu à Waterloo le 18 juin, et le retour de Louis XVIII le 8 juillet. Alors royalistes et bonapartistes concluent la paix et s'unissent pour arrêter les envahisseurs. Devant la menace d'un soulèvement des Bretons, le général allemand qui avait atteint Redon, n'osa pas aller plus loin. Rieux était ainsi préservée de l'occupation ennemie.
Pour récompenser Augustin Joyau de ses bons services à la légion de Sécillon, Louis XVIII l'anoblit sous le titre de Joyau de Couesnongle, seigneurie de Saint-Jacut d'où était originaire la famille Joyau et qui dépendait jadis du Comté de Rieux.
Les municipalités de l'empire, maintenues par la première Restauration, furent révoquées le 4 septembre 1815, et le nouveau maire donné à Rieux le 16 septembre fut le comte de Forges, de la Bousselaie.
IV.
—
FIN DU COMTÉ. - DÉMEMBREMENT PAROISSIAL ET COMMUNAL.
Pendant que se déroulaient ces événements, s'opérait la liquidation de l'ancien Comté de Rieux. Le 17 juin 1813, Louis-François de Rieux, émigré dès 1789 en Angleterre et jamais revenu en France, était mort. Devenu héritier de son fils Louis de Rieux, tué à Auray en 1795, il ne s'était pas occupé des biens qu'il laissait. Après sa mort, son cousin, le duc de Saulx-Tavannes, revendiqua, le 29 juillet 1816 : « 1° la Forêt-Neuve ; 2° l'emplacement de l'ancien château de Rieux ; 3° le Passage-Neuf en Rieux et celui de Bougro en Saint-Vincent ; 4° les biens qui, quoique vendus, reviennent pour déchéance et faute de paiement, comme l'auditoire, les halles, le champ de foire et, de plus, les sommes dues par les acquéreurs ».
Sur cette requête, le préfet nomma M. Grébauval, notaire à Paris, curateur de la Forêt-Neuve et de l'emplacement du château de Rieux ; quant aux autres demandes, il les rejeta parce que concernant des biens devenus nationaux ou communaux.
En 1819, l'emplacement du château de Rieux, d'un hectare cinquante ares 28 centiares, fut vendu soixante francs. La propriété de la Forêt-Neuve fut divisée en deux lots et achetée par MM. Antoine Bellamy et Elie Dumoustier, négociants à Redon.
Plus rien ne subsistait de l'antique Comté de Rieux !
La Trêve devient paroisse. — Cependant le vaillant recteur de Rieux vieillissait. Le 20 mars 1820, il fait encore un baptême et, le 2 avril suivant, à six heures du soir, il rendait son âme à Dieu, à l'âge de soixante-seize ans. Le 4, de nombreux prêtres et une foule de paroissiens transforment en triomphe les obsèques de cet intrépide confesseur de la foi.
Le 11 juillet, un nouveau recteur est donné à la paroisse : M. Louis Le Franc ; mais, pour un motif que nous ignorons, il obtient son changement dès la fin de janvier 1821 et est remplacé par M. Joachim Simon, vicaire à Saint-Jacut, né à Caden, le 17 mai 1787. Il trouvait à Rieux pour vicaire, M. Pierre Le Reste qui, en 1813, avait succédé à M. Pierre Robert ; en octobre, M. Le Reste était nommé recteur et M. Jean-Marie Lehur lui succédait.
A la demande de la municipalité de Rieux présidée par le comte Charles de Forges, maire, une ordonnance royale et une ordonnance épiscopale érigeaient la trêve de Saint-Jean-des-Marais en succursale, c'est-à-dire en paroisse avec un recteur, le 31 mai 1826. Sa superficie était de 843 hectares et sa population de 1.510 habitants. Son premier desservant fut M. Pierre Robert, alors vicaire de la trêve.
Celui-ci résida d'abord à la Gourlaie, la maison vicariale, puis il construisit un presbytère entre Saint-Jean et la Poterie où il vint habiter le 8 septembre 1835.
L'ex-trêve devient commune. — Mais une autre question préoccupait les habitants de Saint-Jean : ils désiraient encore se séparer de Rieux au point de vue communal. Le maire, Vincent Rouxel, qui avait succédé à M. de Forges après la Révolution de 1830, y était favorable. Les démarches commencèrent en 1834 par une lettre au préfet ; mais l'affaire n'était pas encore réglée quand éclata la Révolution de 1848.
Cette Révolution qui s'était montrée respectueuse de l'Eglise, fut favorablement accueillie au pays de Rieux, témoin ces lignes de l'abbé Jéhanno, vicaire à Saint-Jean depuis 1846. Au nom des habitants, il écrivait au Commissaire de la République, à Vannes : « Aujourd'hui que nous avons le bonheur de vivre sous la République, qui est essentiellement le gouvernement de la justice, nous avons le ferme espoir de voir nos voeux réalisés et les habitants de la Poterie y ont d'autant plus de titres qu'ils sont les plus zélés patriotes des environs ». Signé : le citoyen abbé Jéhanno (Mort recteur de Réminiac).
Ces voeux dont parle M. Jéhanno, c'est d'abord d'ériger Saint-Jean en commune, c'est ensuite de lui donner la Poterie pour chef-lieu. Le maire de Rieux, Mathurin Perrin, pria lui-même le préfet d'agréer cette requête. Ce qui eut lieu le 21 novembre 1849, et le gouvernement, le 20 juillet 1850, décrétait l'érection de Saint-Jean en commune en lui donnant comme chef-lieu la Poterie et comme dénomination Saint-Jean-la-Poterie [Note : Au milieu du XXème siècle, l'artisanat des Potiers est devenu la Faïencerie Saint-Jean-de-Bretagne, très prospère et de haute qualité ; la faïence est composée de feldspath, d'argile et de kaolins du pays]. De ce chef, Rieux perdait 843 hectares et environ 1.500 habitants.
L'esprit chrétien. — En cette première moitié du XIXème siècle, la religion, comprimée durant la Révolution, avait refleuri. Une preuve de l'esprit chrétien était, entre autres, le nombre des vocations sacerdotales ; rien qu'entre 1830 et 1850, nous en comptons une douzaine, mais nous ne les connaissons pas toutes. Le recteur de ce temps-là, M. Simon et ses vicaires successifs. M. Le Bré (janvier 1830), M. Durand (avril 1839), M. Briand (juillet 1842), travaillaient de leur mieux à développer dans la paroisse la foi et les pratiques religieuses.
L'état social. — Quant à l'état social de la population, il évolue vers la propriété et le mieux-être. Peu à peu, les paysans se taillent dans les gros domaines et dans les communs ce qui leur est nécessaire pour améliorer leur condition. Ces communs avaient encore une superficie de 596 hectares en 1833. Les nobles : de Forges, de la Grandière, Dondel du Faouédic, et autres, les revendiquent « dans la proportion de ce qu'ils possédaient ». Le conseil municipal, malgré leurs réclamations, édicte les mesures suivantes : « Toutes les terres ouvertes deviennent communes du 24 juin au 12 avril, à part les terres ensemencées. A Trévolo peuvent pâturer toutes sortes de bêtes. La Pâture de Rieux est réservée aux bêtes à cornes ; les oies et les moutons peuvent aller aux Pâtureaux. La Pâture de l'Angle et le Marais de la Roche sont réservés, le haut, au gros bétail, le bas, à l'autre ».
Les anciens vassaux n'acceptent pas cette décision. Le 2 juin 1846, la Cour leur donne tort et adjuge les Communs à la commune ; celle-ci en vend une partie et partage le reste entre les habitants.
V. — LE SECOND EMPIRE.
Sous le Second Empire, accueilli avec joie à Rieux et salué d'un Te Deum à l'église (décembre 1852), la paroisse célébra solennellement, le dimanche 4 janvier 1855, la proclamation par Pie IX du dogme de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, le 8 décembre précédent. Après les offices à l'église, le soir, ce fut sur un blanc tapis de neige que, à toutes les fenêtres, l'on planta les chandelles de l'illumination du bourg.
Le 7 août 1859, la municipalité votait une adresse à l'Empereur Napoléon III au lendemain de la glorieuse paix qui terminait la guerre d'Italie et, le 15 août, en même temps que l'Assomption de la Reine de France, le peuple fêtait avec enthousiasme la Saint Napoléon.
Profitant des bonnes dispositions du gouvernement, en conséquence d'ailleurs de la loi de 1850 proclamant la liberté de l'enseignement, le conseil municipal, sur l'initiative du recteur, décide d'appeler des Soeurs pour l'école, les malades et l'église (12 mai 1861). Il choisit la Congrégation des Filles du Saint-Esprit, de Saint-Brieuc, et vote les crédits nécessaires. La Supérieure générale accepte cette fondation et les Soeurs s'installent au Fresche, dans le bourg, où une maison les attendait (1863).
M. Simon exerçait la charge de recteur avec zèle depuis près de quarante-quatre ans, quand sa santé vint à chanceler et, le 21 avril 1865, il s'éteignait en son presbytère à l'âge de soixante-dix-huit ans. Le 22, il était inhumé au milieu d'une immense foule d'assistants, sous la présidence de M. le chanoine Le Cointre, le premier curé-doyen du nouveau doyenné d'Allaire.
A la mi-mai, M. Auguste Haumaître, né à Vannes en 1818, et recteur de Cournon, était nommé recteur de Rieux. Il y trouvait comme vicaire M. Rémy, plus tard remplacé par M. Jean-Marie Fisher (1872).
Le 24 septembre 1865, Jean-Marie Robert était élu maire et Pierre Le Lièvre, adjoint.
IV.
—
SOUS LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE. - UNE GLOIRE DE RIEUX.
Le 19 juillet 1870, une grave nouvelle vient étreindre tous les coeurs : Napoléon III a déclaré la guerre à l'Allemagne. En août, c'est l'annonce des défaites de nos Armées et de l'invasion de la France. Le 4 septembre, l'on apprend la chute de l'Empire et la proclamation de la IIIème République.
Le changement de régime ne ramène pas la victoire sous nos drapeaux : l'adversaire est trop supérieur en nombre et en armement.
La Bretagne était près d'être envahie par les Allemands quand, le 17 janvier 1871, la Vierge. Marie apparaît à des enfants dans le ciel de Pontmain et leur annonce que son Fils s'était laissé toucher par les prières d'un grand nombre. De fait, ce même jour, l'ennemi s'arrêtait à Laval : la Bretagne était sauvée de l'occupation. Le 28, l'Armistice mettait fin aux hostilités et, le dimanche suivant, le Te Deum de l'action de grâces retentissait dans nos églises.
Le 30 avril suivant, les électeurs de Rieux élurent maire Jean-Marie-Robert. Après lui, occupèrent cette fonction : Jean-Marie Sauvourel, Charles Houget (novembre 1874), Pierre Sauvourel (1879). Rieux avait alors 1843 habitants. Son recteur était toujours M. Haumaître dont le vicaire depuis 1873 était M. Pierre Mounier.
Mgr de Forges. — En 1877, un enfant de Rieux avait l'honneur d'être élevé à l'épiscopat, honneur qui rejaillissait sur toute la paroisse : c'était Mgr Paul-Marie de Forges, dont le frère Charles de Forges, de la Bousselaie, était conseiller général du canton.
Né le 19 août 1822, il conquit à Rome le doctorat en théologie et fut ordonné prêtre le 20 décembre 1845. Etant secrétaire de l'évêché de Rennes, il fut choisi en 1856 pour diriger la célèbre Ecole de Pontlevoy où il se révèle un maître dans la formation des âmes. A partir de 1867, devenu Protonotaire apostolique, Mgr de Forges se consacre à la prédication et aux oeuvres un peu partout en France. Dix ans plus tard, le Cardinal Saint-Marc, archevêque de Rennes, l'obtient pour Auxiliaire et, le 21 novembre, il le sacre évêque sous le titre d'Evêque de Ténarie. A la mort du Cardinal, Mgr de Forges est élu Vicaire capitulaire (26 février 1878). Libéré de ses fonctions par la nomination d'un nouvel archevêque, il accepte du Cardinal Guibert, archevêque de Paris, la direction de l'importante Ecole de Vaugirard.
Au bout de trois ans, il abandonne cette direction pour s'adonner au saint ministère et fonder à Paris l'Œuvre des Pauvres et des Orphelins. Devenu bientôt Inspecteur des Orphelinats agricoles, il en fonde un dans sa propriété de la Bousselaie et le confie aux Frères de Saint-Antoine, dits encore de Saint-François-Régis. Plus tard, ces Religieux quittent la maison et Mgr de Forges cède une partie de sa propriété aux Maristes, désireux d'établir un scolasticat en Bretagne.
En juin 1896, le charitable Prélat est frappé d'apoplexie, et après quatre années de vives souffrances, saintement supportées, il expire à la Bousselaie le 11 août 1900. Le 16 août, eurent lieu ses obsèques en l'église de Rieux, présidées par Mgr Laticule, évêque de Vannes, qui prononça un émouvant éloge funèbre du vénéré défunt. L'inhumation se fit au cimetière paroissial en face du tombeau de sa belle-soeur, Mme Charles de Forges, née Marie de la Voltais. Le mari de celle-ci devait lui survivre jusqu'au 23 février 1910 ; il avait alors 91 ans.
VII. — LAÏCISATION. — UNE ÉCOLE LIBRE.
Le 18 avril 1887 mourait M. Haumaître, âgé de 69 ans, et pour le remplacer, Mgr Bécel désignait M. Alexis Guilloux, né à Ploërmel en 1845, neveu de l'illustre Archevêque de Port-au-Prince, en Haïti.
Ce nouveau Recteur est reçu avec honneur par le maire, Melaine Lemasson, successeur en 1884 de Pierre Sauvourel. M. Mounier était toujours vicaire, mais en octobre, il était nommé recteur. Son remplaçant, M. Jean-Marie Flouré, céda sa place au bout de six mois à M. Alexandre Le Terte et celui-ci, six mois après, à M. Charles Guilloux, frère du recteur (avril 1889).
La paroisse était prospère et voyait sa population augmenter à chaque recensement ; le recteur le faisait remarquer dans cette note du Registre des baptêmes de 1889 : « Si, dans la France, le nombre des baptêmes l'emportait chaque année sur les décès dans la même proportion qu'à Rieux pendant les dix années 1880-1889, la France augmenterait de 250.000 âmes par an, soit un million en quatre ans ».
Laïcisation. — La paix dont jouissait la chrétienne population de Rieux était à la veille d'être profondément troublée. Peu à peu, le décret de laïcisation de 1880 était appliqué ici et là : en 1890, l'école des Filles de Rieux, tenue par les Soeurs du Saint-Esprit, était laïcisée, à la vive irritation des parents. Mais aussitôt, M. Guilloux décide la fondation d'une école libre. Le terrain est vite trouvé : le marquis d'Hérouville, de Camzon, offre généreusement sa propriété du Fresche, au bourg. Les paroissiens y vont de leurs corvées et de leur argent, si bien que le 29 décembre, l'Ecole Sainte-Anne ouvrait ses portes aux cent petites filles de la paroisse. La bénédiction, très solennelle, en fut faite le dimanche 4 janvier 1891, par M. Géhanno, curé-doyen d'Allaire. Et l'on raconte que, pendant le cantique : « Nous voulons Dieu dans nos écoles », l'on percevait comme des sanglots dans les voix.
Le peuple veut aussi la croix sur ses chemins et c'est de grand coeur qu'il aide à la restauration de la Croix de la Croslaie et de celle du Val, comme à l'érection d'un Calvaire vraiment monumental au cimetière. La bénédiction de ce dernier monument le 1er novembre 1896 fut un digne couronnement de la Grande Mission commencée le 11 octobre. Parmi les principaux auxiliaires du recteur, il faut citer le maire, Vincent Gaudin, élu le 15 mai 1892 et qui sera réélu le 20 mai 1900.
En 1894, l'église s'enrichit d'une statue qui lui manquait vraiment : la statue de la sainte de Rieux, la Bienheureuse Françoise d'Amboise, duchesse de Bretagne, oeuvre d'un artiste de Nantes, M. Potet. Au don de la statue était joint un reliquaire où fut placé un médaillon offert par Mgr de Forges et contenant des reliques « des ossements et des vêtements de la Bienheureuse ».
Le Saint Patron de la paroisse n'était pas oublié et l'antique Fontaine Saint-Melaine fut transformée en un gracieux monument de granit. Les frais en furent couverts, moitié par le Conseil municipal, moitié par les paroissiens. Pour la bénédiction de la nouvelle Fontaine, le dimanche 16 juillet 1899, ce furent les conscrits qui se firent un honneur de porter sur un brancard joliment orné la statue du saint (abbé Henri Le Breton).
© Copyright - Tous droits réservés.