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LES DÉBUTS DE RIEUX |
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I. — ALAIN LE GRAND.
C'est en 872 qu'Alain Ier succède à son père Pastweten ou Paschuéten dans les comtés de Vannes et de Nantes. Comme les anciens conquérants romains, il avait compris l'importance de ce promontoire rocheux où se dressait l'antique Castellum de Rieux. Défendu naturellement par la Vilaine et les marais voisins, dominant le passage de la voie de Nantes à Vannes, c'était une excellente position stratégique pour s'opposer aux incursion des pirates. Aussi Alain s'empresse-t-il de restaurer ce Castellum, nommé depuis plusieurs décades, d'après le Cartulaire de Redon, au IXème siècle, Reus Castellum ou Château-fort de Rieux.
Toujours suivant ce Cartulaire, Alain aimait venir à son château de Rieux se reposer des fatigues de la guerre. Il était d'ailleurs grand ami des moines de Saint-Convoïon et se plaisait à les visiter.
Durant l'un de ses séjours à Rieux, le comte Alain fut atteint d'une grave maladie dont il faillit mourir. Il en guérit cependant et, en action de grâces, il fit rendre au monastère Saint-Sauveur le plou d'Arzon en Rhuys [Note : Le plou était à la fois la paroisse ecclésiastique et sa population], usurpé par certains seigneurs. Rieux ne possédant pas alors de centre religieux, cette restitution se fit dans l'église voisine d'Alair (Allaire) au milieu d'un grand concours de machtierns, de tierns et de peuple. Une cérémonie solennelle suivit, au cours de laquelle l'évêque de Nantes, Hermengar, conféra l'onction royale avec l'huile sainte au comte Alain qui devint ainsi roi sous le nom d'Alain Ier. C'était le 12 juin 878.
Dix ans plus tard, les Normands reviennent au pays de Rieux. Ils déferlent, ces pirates roux, barques par barques, bandes par bandes. Entre chien et loup, ils apparaissent ici et là, insaisissables, tuant, incendiant, ravageant tout.
Devant cette invasion qui menaçait de ruiner l'une des plus belles parties de son royaume, Alain se réconcilie avec Judicaël, comte de Rennes, et, unissant ses troupes aux siennes, il vient livrer bataille aux barbares dans les landes de Questembert. La lutte, très acharnée, se termina par la victoire des Bretons : sur 15.000 pirates, à peine 400 réussirent-ils à regagner leur flotte. Enthousiasmée, la Bretagne reconnut unanimement la royauté du vainqueur et le salua du nom d'Alain-Ré-Braz, ou Alain le Grand (888). Rieux ne manqua pas de le célébrer lorsqu'il revint s'y reposer vers le début de novembre suivant, avec toute sa famille. Une grosse épreuve l'y attendait. Au cours d'une promenade, son second fils, Wérech ou Guérech, est frappé d'un mal subit, si violent que l'on vient même au Castellum annoncer que le jeune homme est sur le point de mourir. Le malheureux père accourt en toute hâte à l'endroit indiqué : chez un nommé Linworet, habitant la villa de Bren-Hermelin au plou d'Alair. Il y trouve en effet son fils agonisant. Fou de douleur, dédaignant tout secours humain, il recourt à Dieu et, pour être mieux entendu de lui, il donne par écrit aux religieux de Redon les paroisses de Marsac et de Massérac. Remettant ce papier à Fulchric, leur abbé, venu lui aussi près du mourant, il le supplie de courir le déposer sur l'autel de Saint-Sauveur et de faire prier le monastère pour le jeune prince.
L'abbé parti, Alain restait les regards fixés sur son fils, comme attendant le fatal dénouement. Soudain un grand son de cloches argentines venant de Redon traverse le silence de la nuit, telle une volée d'oiseaux. C'est l'annonce de la prière des moines pour le malade... Bientôt une sueur abondante s'échappe de tout son corps, la terrible oppression qui l'étreignait s'atténue : il respire librement... il est sauvé !...
En reconnaissance, Alain confirme solennellement dans l'église d'Alair sa donation en faveur des moines de Saint-Sauveur.
Les fréquents séjours du roi breton à Rieux contribuent puissamment à la renaissance de la ville, car il était accompagné de toute une cour et de nombreux officiers qui y fixèrent leur résidence. D'illustres personnages s'y rendaient visiter le souverain, comme l'évêque de Vannes, saint Bili, le 15 janvier 895 [Note : Saint Bili fut martyrisé en 919 par les Normands. Fête au diocèse de Vannes, le 23 juin]. Le prélat s'y trouvait avec Bernard, nouvel abbé de Redon, quand un certain Keuric, de Marzan, vint leur demander l'habit monastique pour son jeune fils. L'abbé y consentit. La mère alla donc conduire son enfant à Saint-Sauveur et, avec lui « elle offrit au monastère une petite propriété en Marzan qui rapportait annuellement un porcelet de deux deniers, un bélier de quatre deniers, quinze pains, quinze deniers, deux muids d'avoine, un muid et un setier de froment, huit setiers de seigle ».
En ce même château de Rieux, au cours de 907, le valeureux roi Alain Ier mourait, plein de mérites et de gloire, et son fils aîné, Rudalt, lui succédait à la tête du comté de Vannes, mais sans avoir la royauté de toute la Bretagne ; chaque comte d'ailleurs se considérait comme indépendant sur son territoire. Quant au château de Rieux et aux pays environnants, ils passèrent sous la domination de Guérech (ou Wérech), second fils d'Alain le Grand.
Cette division de l'autorité et l'éparpillement des forces allaient causer d'épouvantables malheurs, particulièrement à la région de la Vilaine, si exposée aux incursions des pirates.
II. — NOUVELLES DÉVASTATIONS.
Ayant appris la mort d'Alain le Grand, les Normands se préparèrent à envahir de nouveau la Bretagne. En 911, ils s'emparent de Nantes et la détruisent de fond en comble. On tremble sur les bords de la Vilaine. Mais les pirates la laissent de côté pour remonter la Loire jusqu'à Orléans.
Il n'en est pas de même en 919. Alors ils reviennent en force et dévastent la Bretagne comme elle ne le fut jamais. Les villes et les villages, les églises et les monastères sont incendiés ; les habitants qui tombent sous leurs mains sont massacrés. Aussi les comtes, les machtierns, les moines emportant leurs reliques cherchent un refuge en France, en Aquitaine et en Angleterre, tandis que les paysans les imitent, ou au moins s'enfoncent dans les forêts impénétrables pour y vivre dans la misère ou y mourir de faim. C'est à ces Vikings que fait allusion l'hymne de la Toussaint, composée à cette époque, quand elle chante : « O Saints, éloignez ce peuple perfide des frontières des croyants ». Et cela ne fut pas le résultat d'une course passagère comme dans les précédentes incursions barbares, mais l'effet d'une occupation de vingt ans !
La libération. — Enfin les opprimés réussissent à s'entendre pour secouer ce joug intolérable. Partout, le même jour, le 29 septembre 931, ils se ruent sur les barbares et les exterminent. Les instigateurs de ce mouvement libérateur étaient Alain II, comte de Poher, petit-fils d'Alain le Grand (par sa mère), Bérenger, comte de Rennes, et Guérech, comte de Vannes, seigneur de Rieux, revenus d'Angleterre.
Malheureusement ce triomphe devait être éphémère. A son tour, le duc de Normandie, Guillaume, envahit la Bretagne et force Alain II et ses alliés à regagner l'Angleterre. Une fois de plus, ces bandes de pirates mettent le pays à feu et à sang.
Alain II cependant n'avait pas perdu tout espoir. En 937, il essaie encore de libérer son pays. Sa tentative réussit pleinement et, de Saint-Brieuc à Nantes, sa marche n'est qu'une suite de victoires. Le seigneur de Rieux était de ses compagnons. Au bruit de ces succès, les autres comtes, machtierns et tierns réfugiés à l'étranger rentrent en Bretagne et acceptent l'autorité du vainqueur Alain II surnommé Barbetorte.
Ce fut la fin de la domination normande et le début de la renaissance du pays. Les campagnes se repeuplent, les maisons se rebâtissent, les champs sont cultivés et les arbres fruitiers replantés. Toutefois la population bretonne reste moins dense et sa langue qui était parlée jusqu'au-delà de la Vilaine, recule vers l'Ouest suivant une ligne allant de Billiers à Gueltas. Les Francs se fixent de plus en plus dans la partie occidentale de la Bretagne qui, depuis lors, n'a pas cessé d'employer le roman ou français, ce pourquoi on la dénomme pays gallo, par opposition au pays bretonnant.
Cependant cette renaissance subit un moment d'arrêt. D'un passage de l'Apocalypse mal expliqué, les multitudes avaient conclu que le monde finirait en l'An Mil. A l'approche de Pâques, 31 mars de cette année, jour du Premier de l'An à cette époque, l'épouvante était générale ; aussi on se confessait, on se réconciliait, on priait avec ferveur, bref on se préparait aux jugements de Dieu. Or l'aurore de Pâques se montra radieuse et la fin du monde ne vint pas...
A l'effroi succédèrent l'étonnement, puis une activité prodigieuse en tout ordre de choses. Rieux ne manque pas de prendre part à cette renaissance générale et de secouer sa vétusté, selon l'expression du chroniqueur de cet An Mil, Raoul Glaber (abbé Henri Le Breton).
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