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DE HENRI IV A LOUIS XV : LA PAROISSE DE RIEUX

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Restaurations après les troubles. — Terrible épidémie. — Un long rectorat. — Un pasteur combatif. — Contre le Jansénisme.  

I. - RESTAURATIONS APRES LES TROUBLES.

Aussitôt revenue la paix religieuse, le recteur, M. Bethuel, travaille à la restauration des édifices cultuels. En premier lieu, de l'église. Bâtie aux XIII-XIVème siècles pour remplacer l'antique chapelle Saint-Melaine, elle menaçait ruine. De grosses réparations y sont effectuées en 1608, au point qu'il ne subsista que quelques vestiges du précédent sanctuaire. La sablière du Nord le rappelait par cette inscription : 1608. M. J. Bethuel, recteur de Rieulx. (Cette sablière a été conservée et placée dans la nouvelle église en 1956).

« L'année suivante, porte un Acte, le prieur fit annexer à l'église du costé de l'épitre une chapelle prohibitive et close, entourée à l'extérieur d'une ceinture de bancs en pierre. Le titulaire et ses successeurs mirent leurs armes sur la petite vitre et sur un tombeau élevé de terre qu'ils y avaient, ainsi qu'un banc à accoudoir ». Preuve que le prieur de Saint-Melaine gardait certains droits en l'église paroissiale, où d'ailleurs il venait prendre possession à son entrée en charge.

Cette église était en forme de croix latine, orientée Est-Ouest. Au fond du choeur, rectangulaire, une vaste fenêtre flamboyante, à meneaux de granit, était garnie d'une vitre aux blasons des Rieux. Au choeur, des arcades en tiers-point à double rouleau reposaient sur de courts et gros piliers cylindriques, avec torsades aux chapiteaux. Suivaient d'autres arcades en plein cintre avec tailloir et entraits à tête de crocodile.

En 1664, un portail Renaissance fut ajouté au Sud.

A l'extérieur, le mur s'ornait d'un cadran solaire, timbré de l'écu aux dix besants qui est de Rieux, surmonté d'une couronne de Comte ; autour, cette inscription : Dies hominis sic proetereunt. (Ainsi passent les jours de l'homme).

Des archéologues, comme l'abbé Luco, croient que ce nouvel édifice était sous le vocable de l'Annonciation de Notre-Dame, ce qui n'enlevait pas à Saint-Melaine son titre de Patron [Note : Le Saint Patron d'un lieu peut être différent du Saint Titulaire de l'église].

En 1630, l'église possédait les chapelles suivantes : « la chapelle de l'Annonciation de Nostre-Dame du costé du grand autel, renfermant l'enfeu des seigneurs du Plessix ; la chapelle de Sainte-Anne ; la chapelle de Saint Thibaud proche du grand autel, où est l'enfeu des seigneurs de la Bousselaie ; la chapelle du Rosaire, dont le trésorier déclare pour lors 300 livres de bénéfice ».

Dans la nef, l'on vénérait « l'imaige et l'autel de Nostre-Dame de Pitié, les autels de Saint-Pierre, de Saint-Fiacre, de Saint-Nicolas, de Saint-Michel, de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Sébastien ». Ces derniers autels n'étaient qu'un piédestal avec statue.

Au-dessus des autels, deux jolies toiles formant triptyque représentaient plusieurs saints et saintes. Elles avaient été peintes en 1644 par des Italiens qui circulaient en France pour exercer leur art.

L'église était dotée d'un écusson qui se lisait : Ecartelés de Bretagne, Rochefort, Harcourt-Rieux.

Auxiliaires de M. Bethuel. — Curés et subcurés successifs : dom Julien Torlay, dom Jacques Rozé, dom Guillaume Marchand, tous quatre décédés en 1604 ; dom Raoul Bloyet, dom Guillaume Denot et, sur la fin de son rectorat, dom Pierre Bloyet, dom Julien Sérot, dom Jacques Desvaux.

— Chapelains : « honneste chapelain dom Vincent Monthouer l'ainé », Vincent Monthouer le jeune, Guillaume Morel, Gilles Héron, Guillaume Panhaleux, Jehan Nyol, Pierre Dugué. Yves Le Breton, Henri Le Breton, Pierre Tual, etc.

— Trinitaires : F. Pierre de Condé, prieur, et surtout « humble religieux Fr. Alexandre de Monty ».

Son presbytère. — Les curés, subcurés, chapelains demeurent chez eux ou dans leur chapellenie, seul le recteur loge au presbytère situé au Sud-Est de l'église (c'est le même qu'en 1956, en partie du moins).

Il consiste, d'après les Déclarations (Archives départementales, Nantes. B 10-2.349), « en maisons cernées de murailles avec cour au-devant, jardins au midy, écurie, autre jardin et un petit verger partie en lande, partie en bois d'émonde, le tout d'un tenant ». Le recteur possède encore : « une terre de trois journaux un quart et huit cordes, bitant (touchant) au pavé du chemin de l'église au couvent ; un pré à Roru de 9 hommées de 60 cordes chacune ; 1 hommée 1/2 de pré à Cran. On ne reconnaît devoir aucune rente à sa Majesté que le devoir d'obéissance ».

Comme à l'église, M. Bethuel dut faire d'urgentes et importantes réparations au presbytère.

Charges du recteur. — Principalement : le paiement des vicaires, l'entretien du presbytère, de ses terres et de son cheval, indispensable pour ses cultures comme pour son ministère. Il faut y ajouter les taxes à verser aux autorités religieuses et civiles.

Ainsi il doit au Chapitre de la cathédrale les censaux et les questaux. Les trouvant exagérés pour son budget, M. Bethuel refuse de les payer. Le Chapitre lui intente plusieurs procès qu'il perd en 1615 et en 1616.

Revenus du recteur. — Ses honoraires de messes, à 10 sols ; le casuel des enterrements, services, mariages ; les prières nominales, les fondations et oblations, en partie ; les produits de ses terres et surtout la dîme levée sur les récoltes ; cette dîme, fixée primitivement à une gerbe sur 10 ou 11, était descendue à une gerbe sur 20 au XVIIème siècle.

Au pays de Rieux comme partout en France, l'on vivait dans le calme sous le gouvernement réparateur de Henri IV lorsque, vers le 15 mai 1610, un courrier extraordinaire apporte de Paris cette tragique nouvelle : « le Roy est mort, poignardé par Ravaillac, le 14 may ». Aussitôt c'est un deuil général : tous pleuraient le bon Roy Henry et peu après, en l'église de Rieux fraichement restaurée, il y avait foule au service solennel célébré pour lui. En même temps, suivant l'adage : Le roi est mort ; vive le roi ! on saluait le jeune roi Louis XIII. Comme il n'avait que cinq ans, sa mère, Marie de Médicis, prit en mains les rênes du gouvernement, aidée par ses ministres, surtout, à partir de 1623, par le cardinal de Richelieu. Abbé commendataire de Redon, Richelieu connaissait le pays de Rieux, trop même, puisqu'il décida la destruction de son antique château.

En 1626, M. Bethuel mourait après un rectorat de trente-trois ans qui avait été des plus féconds.

 

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II. — TERRIBLE EPIDEMIE.

Qui allait succéder à M. Bethuel ? Le peuple se le demanda durant près de deux ans : c'est que le poste était en compétition entre M. Jacques Desvaux, curé (vicaire) à la paroisse, et M. Gilles du Matz, du Plessix de Rieux. Celui-ci finit par se désister de sa compétition moyennant une pension annuelle de 400 livres sur les fruits du temporel du presbytère (il devint ensuite recteur de Saint-Vincent et prélat romain avec le titre de Monseigneur).

M. Desvaux ne devait pas exercer longtemps sa charge : il allait mourir prématurément, victime du devoir, pendant la peste de 1638.

Dès l'année 1636, Redon avait été gravement contaminée par le fléau et, pour y échapper, nombre de ses habitants avaient émigré, même jusqu'à Vannes, comme en fait foi le registre paroissial de Rieux où on lit : « Un paroissien, Maître Alexis Marquier, devait se marier à Redon, domicile de sa future, mais ce mariage fut célébré le 1er novembre à la chapelle Saint-Jean près l'église cathédrale de Vannes ; le dit mariage a été différé et remis à Vannes à cause de la maladie contagieuse qui sévit. D'autres se contentèrent de venir à Rieux, tel Honorable Homme Richard Bachelier, Maître marchand à Redon, demeure à Rieux à cause de la contagion » (Registre paroissial).

Or, en 1638, Rieux à son tour est atteint par l'épidémie. « Le 3 de juillet, note un registre, est inhumé Guillaume Sauvourel en l'église pour ce qu'on ne parlait pas encore de la contagion ». Mais, à partir du 12 juillet, les inhumations ont lieu « dans le cimetière à cause de l'épidémie par les Esvanteurs ».

Le recteur, M. Desvaux, ne tarde pas à contracter la maladie au chevet des mourants et il meurt le 20 juillet ; le lendemain, il était inhumé au cimetière tout près de l'église, le registre le signale ainsi : « le sieur recteur, missire Jacques Desvaux, mort de l'air contagieux » [Note : Sa pierre tombale a été placée debout au fond de la nouvelle église, côté du Sud ; malheureusement, l'inscription a été grattée]. Peu après, un autre prêtre de Rieux, missire Henry Rondelet, mourait, lui aussi victime de l'épidémie. Rien que du 12 au 31 juillet, il y eut 27 décès, la plupart du Tertre et des environs, 25 en août et septembre, un peu moins en octobre et novembre qui vit la fin de la peste. Et le registre ajoute : « Durant le temps de la contagion, les enfants sont portés à baptiser à Allaire et surtout à Saint-Jean-des-Marais ». Néanmoins, quelques baptêmes furent faits à Rieux même.

En 1640, réapparition de l'épidémie, moins violente cependant, et plusieurs personnes meurent encore de l'air contagieux.

Ce fléau a donné naissance à quelques légendes au pays de Rieux.

L'une d'elles raconte ceci. En allant de la Poterie à Rieux, on peut remarquer deux immenses pièces de terre d'un seul tenant près du Val, nommées la Bande Mahéas et la Bande Morcha (Au Cadastre, Section D. 698). Leurs noms viennent des deux seuls habitants épargnés par la peste depuis ce village jusqu'à la Vilaine et devenus ainsi héritiers de tous leurs compatriotes. Ils se partagèrent donc ces vastes terres, mais n'en jouirent que deux jours, emportés qu'ils furent par la contagion, eux aussi.

Toutefois, ajoute la légende, le fléau s'arrêta dans la chapelle du Val, grâce à saint Aignan, son Patron. Ce bon saint s'efforça de protéger ses frairiens. La lutte fut rude ; cependant, il triompha : l'air contagieux ne dépassa pas le côté gauche de sa statue, tourné vers Rieux et devenu noir, tandis que le côté droit gardait sa blancheur.

Une autre légende attribue le même exploit à saint Sébastien de Tréfin, à l'Ouest de la paroisse.

L'imagination populaire dut créer ces légendes en souvenir de la cessation du fléau obtenue par des messes et des processions à ces chapelles.

 

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III. — UN LONG RECTORAT.

Malgré la contagion, le poste de recteur de Rieux ne reste pas longtemps vacant : il est demandé et obtenu par un prêtre du diocèse de Nantes, missire Pierre Gaultier. Pourvu par le Pape le 23 septembre 1638 [Note : Les nominations faites en janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre relevaient du Pape ; dans les autres mois, de l'Evêque ; c'est ce qu'on appelait à l'alternative], il prend possession le 8 décembre suivant ; il n'avait que 38 ans et devait rester en charge durant 42 ans. Il aura pour l'aider comme vicaires, missires Jehan Bethuel qui cesse ses fonctions en 1658 et meurt à Rieux en 1667 ; René Roulx, en exercice jusqu'en 1660, mort à Rieux en 1667 ; François Panhalleux, de 1667 à sa mort en 1679, âgé de 52 ans ; N. Besnier et Jean Méhat, en 1680. Dans la frairie de Saint-Jean-des-Marais, le recteur a successivement pour curés : missires Louis Evain, 1636 ; Julien Pucelle, 1666 ; Jehan Guéhenneux, 1670 ; Jacques Orain, 1672 ; Pierre Danet, 1680.

En 1656, le cimetière s'étant trouvé pollué — on n'en donne pas exactement la raison — « le 19 décembre, note le Registre paroissial, eurent lieu les Cérémonies de réconciliation faites par missire Pierre Macé, recteur et official de Redon par commission de Monsieur le Grand Vicaire de Vannes, assisté du recteur de Rieux et d'autres prêtres, conformément aux statuts de l'évêché de Vannes. Défense est faite à toutes sortes de personnes d'exposer à l'avenir dans ledict cimetière ni sur les murs d'iceluy aucune marchandise, de quelque condition et qualité qu'elle puisse être, sous peine d'excommunication ».

D'où il ressort que les murs d'enceinte du cimetière étaient très peu élevés, puisqu'on pouvait y exposer des objets.

Comme M. Bethuel, M. Gaultier se préoccupe de l'entretien de ses divers sanctuaires. L'antique église de Saint-Jean-des-Marais, dont le temporel était un fief de l'abbaye de Redon, d'après les Aveux, et qui avait déjà été remaniée au XIVème siècle, lui dut d'importantes réparations, et devint un joli sanctuaire. On consolida le portail Sud, vestige de l'ancienne construction par son unique voussure en plein cintre reposant sur de petites colonnettes cylindriques engagées, à chapiteaux simples, ainsi que ses autres portes à cintres brisés. A l'intérieur, des piliers massifs reçoivent des arcades en plein cintre ; ses fenêtres sont également à cintre brisé avec des arrachements de meneaux, sauf le vitrail du choeur, de forme gothique avec croisillons et rosaces. A l'autel fut placé un retable d'ordre corinthien, contenant des niches garnies de statues et entourées de guirlandes dorées. Ces statues étaient celles de saint Pierre du côté de l'épître, de saint Jean du côté de l'évangile, plus deux chérubins.

Cette église, toute rajeunie par ces travaux, vit se dérouler dans ses murs une émouvante cérémonie d'abjuration de protestantisme, ainsi consignée au Registre des Baptêmes :

« Abjuration. — Je soussigné, Recteur de Rieux, certifie que, aux fins et permission de l'Illustrissime Monseigneur de Vannes, j'ay faict faire abjuration de l'hérésie de Pierre Bonnifin, dit la Violette, de cette paroisse, dans la chapelle trêviale de Saint-Jean-des-Marais en ce jour et feste de saint Jan-Baptiste, le 24 juin, An présent mil six cent soixante treize. Et ledit Bonnifin m'a donné acte de son abjuration devant les notaires dudict Rieux. Gaultier, recteur ; Quélart et Bonnet, notaires ».

M. Gaultier, soucieux du bien spirituel de ses ouailles, s'empressa d'adopter l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, fondée à Vannes par le R.P. Huby, de la Compagnie de Jésus, et ordonnée en 1652 par Mgr de Rosmadec, évêque de Vannes [Note : Mgr de Rosmadec avait été sacré à Paris par Mgr René de Rieux, évêque de Léon, le 11 octobre 1647]. D'après cette ordonnance, les paroisses du diocèse étaient partagées en douze séries, ayant chacune son mois d'adoration. On nomma ce mois le Mois des Billets, parce que toutes les heures de ce mois, de minuit à minuit, étaient inscrites sur des billets avec le nom de l'adorateur. La nuit, on pouvait se contenter d'adorer le Saint-Sacrement en esprit, tout en restant chez soi.

Au bout de ses 42 années de rectorat, M. Gaultier tomba malade et rendit son âme à Dieu, le 19 juillet 1680 ; le 21, il fut inhumé dans son église paroissiale en présence des prêtres du voisinage et de nombreux paroissiens.

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IV. — UN PASTEUR COMBATIF.

Après la mort de M. Gaultier, la charge de Recteur de Rieux est confiée en 1681 par Mgr Louis de Vautorte, évêque de Vannes, à M. François Chapelet, sieur des Cormiers, du diocèse de Nantes. Pour un motif que nous ignorons, M. Chapelet ne vint pas prendre possession de son nouveau poste : à Rieux, il préféra Marzan, doyenné de La Roche-Bernard.

Il a pour remplaçant M. Guillaume Audren, sieur du Leslem, originaire de l'évêché de Saint-Pol-de-Léon. Il garde les vicaires en exercice : MM. Besnier et Méhat, pour Rieux, Pierre Danet pour Saint-Jean ; à ce dernier succédera Julien Noury, en 1685.

En M. Audren, les paroissiens de Rieux vont trouver un pasteur d'un tempéramment bien différent du leur, comme aussi des Nantais et des Malouins, leurs précédents recteurs. Homme de devoir, mais très rigide et très jaloux de son autorité, ce bas-breton ne tarde pas à entrer en lutte avec ses paroissiens.

D'abord, avec sa trêve de Saint-Jean. Si M. Gaultier a réparé la chapelle, il n'a pas touché aux Fonts baptismaux qui tombent en ruines. Les trêviens veulent les restaurer ; le recteur le leur interdit. Ils le font quand même et ils s'adressent directement à l'évêque de Vannes pour être autorisés à faire bénir les nouveaux Fonts. Comme motif, ils allèguent que, vu l'éloignement du bourg, des enfants meurent pendant qu'on les porte au baptême. Le 12 février 1681, l'évêque les autorise « à faire la dédicace et la bénédiction de leurs Fonts baptismaux » et il délègue à cet effet le recteur de Caden ; en même temps, Mgr de Vautorte ordonnait au recteur de Rieux et au curé de la trêve de baptiser les enfants de la trêve à la chapelle Saint-Jean.

M. Audren ne cède pas et il prétend malgré tout obliger les trêviens à démolir leurs Fonts baptismaux et à faire baptiser leurs enfants à l'église paroissiale. Devant cette obstination, les frairiens en appellent au Parlement et, en attendant sa décision — qui ne tardera que de dix ans ! — le curé de Saint-Jean continue à baptiser en sa chapelle.

Le Général de Rieux se déclarait peiné de l'obstination de son recteur : « désireux, écrivait-il, de nourrir la paix et de continuer l'amitié avec nos frères, lesdits trêviens, il prie les avocats de transiger, pacifier et accommoder ». Malgré les efforts de cette assemblée, le différend persiste. Enfin, le 6 janvier 1691, le Parlement rend son Arrêt qui donnait tort au recteur. Mais M. Audren avait quitté Rieux.

Dès 1682, M. Audren cherche noise aux Trinitaires au sujet des processions. Le différend se termine par un curieux accord préparé par M. de Francheville, avocat général au Parlement, entre le recteur et le ministre Fr. Allix.

« De par cet accord faict et gréé à Vannes, le 19 juin 1682, le jour de la feste de Dieu (jeudi après la Trinité) le sieur recteur de Rieux et ses prestres iront processionnellement au couvent de Rieux, ledit sieur recteur portant le Saint-Sacrement ; le sieur ministre et les religieux les attendront dans le choeur. Et là, le sieur recteur ayant posé le Saint-Sacrement sur l'autel préparé à cet effet, fera les adorations et cérémonies ordinaires, et lesdits religieux chanteront les respons avec les prestres : les cérémonies faictes, ledit recteur reprendra le Saint-Sacrement et s'en retournera avec ses prestres processionnellement dans son église.

Le dimanche dans l'octave, le sieur ministre, accompagné de ses religieux, portera le Saint-Sacrement à la paroisse où le sieur recteur et ses prestres les attendront pareillement, et ledit sieur ministre fera les cérémonies ordinaires... et, avec ses religieux, s'en retournera chez lui en procession.

Pour les processions des jours de Saint-Anthoine, de la Trinité et de l'Assomption, il sera loisible au recteur d'aller, si bon luy semble, avec ses prestres processionnellement aux Mathurins (Trinitaires) où il fera toutes les cérémonies dans l'église, suivant la coustume. Le ministre pourra aussy, si bon luy semble, aller aux processions de Saint-Marc et des Rogations, dans l'église de la paroisse seulement, processionnellement avec ses religieux, et y faire les dévotions et prières ordinaires, sans que les uns soient tenus d'attendre les autres, ny s'y trouver comme aux processions du Saint-Sacrement, s'ils ne le veulent. Signé : de Francheville ; G. Audren, recteur ; Nicolas Allix, ministre ; Derémon, notaire royal ; Gobé, not. roy. ».

Peu après son arrivée à Rieux, le 21 avril 1683, M. Audren eut la joie de baptiser une de ses parentes protestante : Marie Audren, dame de Kerhohic-Kermeno, de l'évesché de Léon, âgée de 63 ans.

En 1687, un paroissien causa un certain scandale durant un Office. Plusieurs prêtres en saisirent la sénéchaussée de Ploërmel par la plainte suivante :

« Le dimanche 10 août, environ 3 heures, missire Guillaume Audren estant à l'église en compagnie des messieurs prêtres et des paroissiens à chanter Vespres, Mathurin Launay, se disant sergent de Rieux, vint se placer au banc des prêtres. Le recteur, craignant qu'il ne chante de façon discordante comme il le fit quinze jours auparavant, estant saoul, lui intime l'ordre de sortir. Launay refuse, disant qu'il savait son chant. A un nouvel ordre il répond : " Sortez, si vous voulez, je ne bougerai pas ". Devant cette obstination, on dut interrompre l'Office. L'individu était épris de vin à son ordinaire et suscité par quelques mutins notaires, avec lesquels le recteur était en différend à cause de leurs exactions. Les prestres sortirent sans achever les vespres. Signé : Jan Jouan, Vincent Garel, François Nuef, Jan-Alexandre Boullido, prestres ».

Sans doute le Parlement frappa-t-il d'une amende le sergent perturbateur, surtout qu'il était par sa situation agent de l'ordre public.

Le 17 septembre 1689 vit une grande fête religieuse à Rieux : la visite officielle de l'évêque nommé de Vannes, Mgr François d'Argouges. A vrai dire, ce prélat n'était pas encore en possession canonique du siège de Vannes. Pour remplacer Mgr de Vautorte, mort le 13 décembre 1687, Louis XIV avait choisi Mgr d'Argouges ; mais à cause de difficultés surgies entre le Pape et le Roi, le diocèse restait sans évêque, le Souverain Pontife n'ayant pas accepté le candidat du roi. Ce n'est que le 14 février 1692 que Rome préconisa Mgr d'Argouges. Néanmoins, celui-ci se fit élire vicaire capitulaire par le Chapitre de la cathédrale et vint s'installer à Vannes en mai 1688. C'est à ce titre qu'il visita Rieux, mais évidemment sans pouvoir y donner la Confirmation.

Les visites épiscopales étaient assez rares à cette époque, à cause de la difficulté des voyages. La Confirmation était conférée tous les cinq ou six ans dans une grosse paroisse où se rendaient les enfants de toute une région. Quant aux visites canoniques, elles étaient effectuées par un délégué de l'évêque, en moyenne tous les quatre ans, à en juger par les visa apposés sur les registres paroissiaux, par exemple : Gouault, archidiacre de Vannes, 18 may 1611 ; Pruneau, promoteur archidiacre, 17 septembre 1615.

C'est le dernier fait important survenu sous le rectorat de M. Audren. Désireux sans doute de se rapprocher de son pays du Léon, il pensait déjà certainement à quitter Rieux. L'année suivante, 1690, il permutait avec M. François Fleuret, du diocèse de Vannes, trésorier et chanoine de Tréguier, tout près de l'évêché de Léon d'où était M. Audren. Etant donné son tempérament, il dut être heureux de se voir promu au canonicat.

 

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V. — CONTRE LE JANSÉNISME.

Missire François Fleuret, pourvu par le Pape comme successeur de M. Audren, s'installe solennellement dans l'église Saint-Melaine, le 26 janvier 1691. Il était de famille noble et ses Armes portaient « d'argent à un chevron d'azur, accompagné de trois quintefeuilles de même ».

L'une de ses préoccupations, et c'est tout à son honneur, fut de préserver son peuple de la dangereuse erreur du Jansénisme qui s'infiltrait sournoisement dans le diocèse voisin de Saint-Malo et au Séminaire de Nantes que fréquentaient, de 1680 à 1714, de jeunes clercs du diocèse de Vannes. Ses vicaires, Mathurin Besnier, Jean Méhat, Mathurin Hidoux, Jean Lelièvre, l'appuyaient de tout leur pouvoir. Dans cette oeuvre d'ailleurs, il obéissait aux directives de Mgr d'Argouges, disciple du Père Eudes, le fervent pionnier de la dévotion aux Coeurs de Jésus et de Marie, si opposée au Jansénisme.

M. Fleuret favorise encore les missions paroissiales, déjà établies par M. Audren. L'un des plus ardents missionnaires était un voisin de Rieux, M. Pierre Garel, recteur de Caden. D'abord auxiliaire de son oncle, M. Guillaume Garel, notaire apostolique, il lui succède en 1700 et en même temps il s'adonne avec tant de zèle à la prédication que Mgr d'Argouges le nomme Chef des missions françaises et bretonnes de son diocèse. Sa vie fut celle d'un saint et sa mort, celle d'un martyr du devoir, puisque c'est dans ses courses aux malades qu'il contracta la fluxion de poitrine qui l'emporta en 1711, à l'âge de 47 ans. Rieux bénéficia de sa parole et de ses vertus, comme aussi de la sainteté rayonnante de Mme Grignon. La famille de cette pieuse dame possédait à Rieux le château de Villeneuve, mais elle habitait ordinairement la Garenne en Limerzel. D'une piété délicate, d'une charité inépuisable, la Grignonne — ainsi l'appelait-on familièrement — jouissait d'une grande influence dans tout le pays par ses exemples et par les grâces extraordinaires qu'elle obtenait de Dieu.

Fidèle à la saine doctrine, M. Fleuret eut la consolation de voir son peuple la garder, lui aussi, et pratiquer notamment la communion assez fréquente pour l'époque, témoin cet acte de sépulture en 1704 de « Guédate Noguet, ayant receu plusieurs fois l'Eucharistie durant sa maladie par les mains du soussignant, prestre et curé de Rieux. Jan Le Lièvre ».

Le clergé de la paroisse maintient encore la pureté de la foi par ses instructions dominicales (passablement longues, puisque la grand'messe commencée à dix heures ne se terminait qu'à midi) et par les catéchismes aux enfants, auxquels assistaient aussi des grandes personnes, le dimanche. Ces catéchismes avaient lieu à l'église paroissiale et dans les chapelles frairiales, le compte du trésorier de Saint-Julien-d'Aucfer le prouve : « 1699. Pour une chaise de paille à asseoir le sieur chapelain, lorsqu'il fait le catéchisme, aux enfants de la frairie, 10 sols ».

Cependant, fatigué du ministère paroissial, le chanoine Fleuret décide de se retirer. En 1704, il avait obtenu la chapellenie importante de Camzon ; c'est là qu'il prend sa retraite en 1710 et c'est là qu'il s'éteint en 1723. Il est inhumé dans le cimetière paroissial près de la grande croix.

Son remplaçant est M. Barnabé Sochet, sieur de Ferville, né à Parthenay, alors du diocèse de La Rochelle, docteur en théologie de l'Université de Paris, il était trésorier et chanoine de Tréguier, comme son prédécesseur. Il fut pourvu de son bénéfice de Rieux en 1710 par Mgr d'Argouges, évêque de Vannes ; il ne le gardera que cinq ans (abbé Henri Le Breton).

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