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Le saccage de Lannion par les anglais |
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En 1345, le comte de Northampton, après avoir vainement essayé de prendre Guingamp, se dirigea vers la Roche-Derrien, qui capitula après quelques semaines de siège. Il y laissa une forte garnison et marcha sur Lannion. Mais apprenant que cette ville était bien gardée et sentant quil ne pourrait sen emparer que par un siège en règle, il se dirigea vers Morlaix, ville aux environs de laquelle campait alors la comtesse de Montfort. Cependant messire Richards Toussaint, le chef de la garnison laissée à la Roche-Derrien, ennuyé sans doute de son inaction, prit la plus grande partie de sa troupe et, voulant voir sil ne serait pas plus heureux que son général, vint attaquer Lannion. Ceci se passait au commencement de lannée 1346. |
Après avoir essayé plusieurs fois de se rendre maître de cette ville, après avoir tenté plusieurs assauts qui tournèrent tous à son désavantage, le découragement allait enfin le forcer à la retraite, si une pensée ne fût venue ranimer ses espérances. Se promettant de la trahison ce quil navait pu obtenir à force ouverte, il sut gagner deux soldats de la garnison de cette place, lesquels, un dimanche au matin, étant de garde à lune des portes de la ville, alors que tous les habitants sommeillaient encore profondément, firent entrer messire Richards Toussaint et les siens qui prirent immédiatement possession de la place. Ils pillèrent les magasins des marchands, riches pour la plupart, et tuèrent impitoyablement tout ce qui pouvait faire résistance. A ce bruit inattendu, sauta de son lit Geoffroy de Pont-Blanc, vaillant et robuste chevalier ; il se saisit de sa pique et de son épée, puis descendit dans la rue où se trouvaient les ennemis. Tout dabord, il fit mordre la poussière aux deux premiers soldats quil rencontra ; il mit ensuite lépée au poing et, sans songer aux dangers qui le menaçaient, commença à charger à droite et à gauche avec un tel acharnement que la rue qui était étroite fut bientôt jonchée de cadavres. Seul, il avança et contraignit les ennemis à abandonner ce lieu et à se retirer jusque sur la place publique ; là craignant dêtre cerné par le nombre, il sadossa à un perron et sy défendit si vaillamment quaucun des assaillants napprochait de lui quil ne le fit tomber à ses pieds ; aussi lennemi ne le put-il terrasser. Ceux qui lentouraient, frappaient de loin sans oser lapprocher ; ils furent obligés de faire venir un archer qui tira sur lui et latteignit dune flèche à la jointure du genou. Cette blessure ne lui permit plus de combattre avec le même avantage ; ses forces labandonnèrent et il tomba. Alors, les ennemis se jetèrent lâchement sur lui, ils laccablèrent de coups et leur vengeance ne fut satisfaite que lorsquil eut rendu le dernier soupir. Puis, comme de féroces soudards, ils firent subir les plus indignes traitements à son cadavre, et allèrent jusquà lui arracher les dents. Quant à son écuyer, qui lavait énergiquement secondé dans sa courage défense, ils lui arrachèrent les yeux. Mais tout ceci fut fait par linsolence seule des soldats, et au grand déplaisir du capitaine messire Richards Toussaint, qui regretta fort de navoir pu prendre vivant un aussi vaillant homme que le sire de Pontblanc. Il voulut que toute sa troupe lui rendit les honneurs funèbres ; par ses ordres, le corps du héros mort pour la défense de ses foyers fut placé sur un brancard et conduit en grande pompe à sa dernière demeure. Toussaint lui-même, quoique blessé, marchait en tête du cortège et témoignait par là toute lestime quil avait pour la noble conduite du sire de Pontblanc.
Geoffroy de Kerimel et plusieurs autres chevaliers de distinction, furent tués dans cette affaire.
Ce désastre venait aggraver encore le malheur des habitants, au milieu des souffrances causées par une famine cruelle qui désolait le pays.
A quelques jours de là, les Anglais, après avoir fait main basse sur tout ce que Lannion renfermait de richesses, évacuaient cette ville, sans y laisser de garnison, puisquils ne la voulaient pas tenir, ils chargèrent leurs bagages sur les épaules des vaincus qui, sans robe, nu-pieds et la tête découverte, furent contraints de les porter le long des côtes, jusquà La Roche Derrien, où les Anglais rejoignirent leurs compagnons. Pour en tirer rançon, les vainqueurs emmenèrent avec eux tous les gentilshommes et riches bourgeois de la ville prise. Parmi ces prisonniers, on remarquait le sire de Coethüon, Rolland-Philippe, sénéchal universel de messire Charles de Blois, maître Thibaud Nayrod, docteur en droit. Au milieu de ces femmes, de ces enfants, de ces vieillards qui tous faisaient indistinctement loffice de bêtes de somme, le capitaine Toussaint reconnut la mère de Geoffroy de Pontblanc ; il la fit reconduire dans sa maison et ordonna que tout ce quelle réclamerait lui fût rendu.
Quand les habitants des environs de Lannion apprirent que la majeure partie de la garnison de la Roche-Derrien était allée surprendre cette première ville, ils entreprirent eux-aussi, daller à leur tour surprendre la Roche-Derrien, avec laide de la garnison de Guingamp qui était du même partie queux. Mais les Anglais, que Richards avait laissés à la Roche-Derrien, ayant été avertis de ce projet, le firent savoir en toute hâte à leurs compagnons à Lannion, lesquels bien prestement se mirent en route pour la Roche, et parvinrent à se mettre entre cette ville et lennemi. Ainsi réunis, les Anglais firent une charge générale sur les partisans de Charles de Blois et en firent un horrible carnage.
Quelques temps après, les Lannionnais, dont une partie sétait échappée des mains des Anglais, et dont lautre avait été remise en liberté moyennant rançon, rentraient dans leur ville et sy renforçaient. Pour honorer la mémoire du chevalier de Pontblanc, mort pour la défense de ses concitoyens, ils élevèrent une croix de pierre à lendroit même où ce vaillant homme avait succombé. Si nos informations sont exactes, la croix primitive aurait été enlevée aux mauvais jours de la Révolution par le propriétaire de la maison à laquelle elle était adossée, lequel redoutait pour cette vénérable relique du passé les profanations malheureusement trop fréquentes à cette époque. Plus tard une nouvelle croix aurait été érigée à la même place quoccupait la première ; ce serait celle-là même quon voit encore au bas de la rue de Tréguier.
Quelques années après, les habitants de Lannion qui avaient appris à leurs dépens de quelle manière se conduisaient les Anglais après la prise dune ville, fortifiaient leur château. Vers cette époque aussi, lillustre Clisson faisait fortifier léglise de Brélévenez.
Bon sang ne ment point, dit le proverbe. Nous en trouvons ici la preuve, car six ans après le sac de Lannion, le digne fils du défenseur de cette ville, Guyon de Pontblanc, était un des vainqueurs des Anglais au célèbre combat des Trente (1354). Huon de Saint-Yvon, de Brélévenez, assistait aussi à ce combat et en sortait, comme Guyon de Pontblanc, sain et sauf., dit le proverbe. Nous en trouvons ici la preuve, car six ans après le sac de Lannion, le digne fils du défenseur de cette ville, Guyon de Pontblanc, était un des vainqueurs des Anglais au célèbre combat des Trente (1354). Huon de Saint-Yvon, de Brélévenez, assistait aussi à ce combat et en sortait, comme Guyon de Pontblanc, sain et sauf.
Cependant les habitants de Lannion qui avaient senti, pendant la guerre de succession, linconvénient davoir léglise paroissiale hors des murs denceinte de la ville, ce qui laissait cette église exposée aux insultes des brigands et des gens darmes, firent des démarchent pour quelle fût transférée dans lintérieur de Lannion.
Sur les plaintes et les réclamations unanimes des fidèles, les fonts baptismaux et le sacraire (tabernacle en pierre alors en usage) de léglise de Kermaria, en furent enlevés pour être placés dans la chapelle du château, qui devint église paroissiale.
Le prieuré nen garda pas moins son église qui cessa cependant dêtre aussi fréquentée que par le passé. Tout ce que nous savons de cet établissement religieux à cette époque, cest quun certain Souquet affecta à des prières à dire pour lui et le duc, « fondateur dudit prieuré », dit lacte, certaine redevance levable par les soins du prieur en faveur du prieuré ; cette redevance sélevait à soixante sols.
La nouvelle église paroissiale fut placée sous la protection de Saint Jean, probablement parce que dans les armes du comte de Lannion, figurait lagneau de Saint-Jean-Baptiste. Un autel fut érigé à ce saint dans le nouveau sanctuaire paroissial qui fut appelé, du nom du saint sous la protection duquel elle était mise, Eglise de Saint-Jean ; on lappela Saint-Jean de Baly (de la promenade) parce quelle était située près dune promenade, qui nétait autre que le sommet du rempart dans cet endroit où est maintenant lAllée-Verte. Le nouveau temple était situé dans lemplacement même où se voit maintenant le Baly.
Remarque : certains prétendent que lors de sa création, l'église de Lannion n'était pas sous le patronnage de Saint-Jean-Baptiste, mais sous celui de Notre-Dame.
Dès que la chapelle du château fut érigée en paroissiale, elle eut un recteur , recteur qui fut longtemps réduit à une bien faible portion congrue, le prieuré de Kermaria, continuant à percevoir les grosses dîmes ; ce prieuré avait aussi près de léglise paroissiale un vicaire délégué, qui seul avait le privilège de vendre de la viande pendant le carême, sur motif valable. Ceci, par parenthèse, prouve que ce qui est aujourdhui lusage le plus général était alors une rare exception.
Cest à peu près à la même époque que fut fondée par les Templiers la chapelle de Saint-Nicolas, hors des murs, comme celle de Kermaria ; ce monument na pas laissé de trace, et on nen trouve plus une pierre; il était situé sur la route de Guingamp, à côté du vieux cimetière qui a gardé le nom de cimetière de St-Nicolas.
Quelques années après (1364), Geoffroy de Kerimel, fils du seigneur du même nom, tué à la prise de Lannion, fondait avec Adelice de Launay, dame dudit lieu « au bord du pont du Léguer » (ce pont franchissait alors la rivière à peu près au même endroit où nous voyons aujourdhui le pont de Ste-Anne) fondait, disons-nous, le couvent des Augustins qui prit plus tard le nom de Porthou.
Le couvent des Augustins occupait le terrain compris entre la rue de ce nom, la rivière et lemplacement du nouveau tribunal. On en voit encore des vestiges assez importants, et assez bien conservés dans la longue suite de bâtiments qui font face à lun des côtés du Palais de justice, et qui, sétendant le long de la levée, remontent vers la ville, parallèlement à la rue qui sappela, du nom de la communauté, rue des Augustins.
Les Augustins se livraient dans ces temps à la prédication, et recevaient des honoraires, quand ils allaient prêcher dans les paroisses voisines.
Vers cette époque, le comte de Lannion soccupait peu de la ville ; il se distinguait sous la bannière de Duguesclin, connétable de France, et mérita dêtre récompensé par le roi Charles V qui, outre plusieurs gratifications, le fit gouverneur de Montfort et capitaine dune compagnie dordonnance ; mais dans la guerre pour la succession du duché, il prit le parti du duc de Montfort et combattit à la bataille dAuray. Ce seigneur fut un des seigneurs députés par les états de Bretagne, vers le roi Charles VI pour lui demander ses bonnes grâces pour le nouveau duc, et la paix, ce que ce monarque accorda (1380). En 1382, le même seigneur de Lannion fut envoyé en ambassade en Angleterre. Il avait épousé une jeune et belle demoiselle de son pays, Marguerite du Cruguil.
En 1392, Lannion fut donnée par le comte Jean, comme une châtellenie représentant un revenu de 500 livres. Cette châtellenie avait pour bornes : au nord la Manche depuis Trégastel jusquau Trévou-Tréguignec (toutes les îles du littoral ressortissaient à la même juridiction) ; à lest, le pays de Tréguier et de la Roche-Derrien ; au sud, Tonquédec et Tréduder ; à lOuest Ploumilliau, Ploulech et la Manche depuis le Yaudet jusquà Trégastel.
Soixante ans après la fondation des Augustins, cest-à-dire en 1424, Marguerite de Kerbouric, après la mort de son mari, cherchant un adoucissement à ses regrets dans la pratique des bonnes uvres et lexercice de la charité, inaugura son saint veuvage, en accordant trente tonneaux de froment aux Augustins, pour la construction de leur dortoir. A sa mort, elle fut en récompense enterrée dans léglise de la communauté. On sait qualors linhumation dans les chapelles monastiques et les églises paroissiales était une distinction hautement appréciée, et qui récompensait les fidèles des plus grands sacrifices.
A peu près vers la même époque, le même honneur fut accordé à Isabeau, dame de Ploesquellec et de Callac, bienfaitrice de ce même couvent.
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