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Administration rurale de Saint-Clet au Moyen-Age

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Le code qui régit la population rurale de Saint-Clet eut pour base les usements locaux : usements de Tréguier et de Goëllo, d'abord purement oraux, dépendant du caprice du seigneur.

La société à cette époque comprenait deux classes : les nobles et les roturiers ; les terres se répartissaient ainsi : terres roturières ou mouvances, terres nobles comprenant le château, le parc et les métairies situées dans le parc et exploitées directement par le seigneur (telles les terres nobles de Kernavanay, Kerglas, Kerlast).

« La terre noble, d'après Le Monnier, dans l'Histoire de Guingamp, n'était qu'une simple partie des possessions domaniales du seigneur ; celui-ci possédait des terres de la région ou terres roturières dont il confiait l'exploitation à des serfs.

Le serf gardait le château, curait les fossés, ensemençait, récoltait et payait les impôts.

Les nobles pouvaient acquérir les terres roturières mais aussi les terres nobles pouvaient être achetées par un roturier.

En 1750 fut rédigé un texte sur l'usement de Tréguier et Goëllo, usement qui fut appliqué jusqu'en 1789. Ce texte, commenté par F. de Rosmar, nous montre que l'un de ces usements, pourtant l'un des moins durs de tous, n'en reste pas moins une plaie sociale.

Le domaine congéable était un pacte établi pour neuf ans qui déterminait les droits du seigneur et du convenancier. Le convenancier ou domanier devenait provisoirement propriétaire de maisons et terres ; il pouvait en disposer, partager ses terres, vendre même les édifices sans avoir recours au seigneur, à la condition de ne diviser ni diminuer les revenus du propriétaire foncier.

Le convenancier pouvait bâtir, cultiver, disposer des édifices, fossés, bois, arbres fruitiers, émonder des chênes seulement. Mais le seigneur conservait le droit de congédier ou expulser le convenancier quand il lui plaisait, à la seule condition de le rembourser de ses droits convenanciers à dire du priseur.

De sorte qu'avec le domaine congéable, le convenancier n'avait jamais un avenir assuré. Il travaillait dur, améliorait les terres avec la crainte de se voir dépouiller des fruits de son travail. Les banalités du four et du moulin étaient aussi des moyens d'exploitation. Tous les moyens étaient bons aux propriétaires pour aggraver le malheureux sort de leurs convenanciers.

Le seigneur diminuait les revenus des convenanciers en abattant les grands bois, supprimant ainsi l'émonde, et provoquait souvent le congément pour des motifs futiles ».

Dubreuil confirme l'existence du domaine congéable qui s'applique à une forte majorité de propriétés de la région.

« Le domaine congéable se caractérise par une possession en partie double, la possession de fonds et la possession des édifices et superficie. Chaque convenant appartient donc simultanément à deux propriétaires différents : le foncier et le convenancier, douanier ou colon. Il est vrai que le convenancier tient également du fermier en ce que sa possession est toute précaire et qu'il peut être congédié par le propriétaire du fonds. Lorsque la révolution voudra légiférer en matière de domaine congéable, partisans et adversaires soutiendront ces deux thèses opposées : le colon est fermier, le colon est propriétaire. Il est en réalité l'un et l'autre, et moyennant le payement d'une rente généralement modique au foncier, il agit en propriétaire véritable. Nous le considérons comme tel, et, ce faisant, nous demeurons fidèles à l'esprit des usements ». Léon DUBREUIL : La vente des biens nationaux dans le département des Côtes-du-Nord, p. 20.

« Le convenancier est naturellement sujet au congément puisque c'est le propre même du domaine congéable ; mais ce congément ne peut s'exercer qu'à des époques déterminées à la fin des baillies, au mois de septembre, et sur avertissement préalable du foncier. Celui-ci rembourse au colon ses améliorations estimées à dire d'experts à condition qu'il les ait approuvées au moment où le convenancier les a effectuées. Si le colon fait exponse ou déguerpit, il ne peut exiger le remboursement de ses améliorations (ibidem, p. 21).

Le domaine congéable est supérieur à la location à ferme ou à métayage pour assurer l'aisance de la population.

L'étendue des convenants est peu considérable d'ordinaire mais le taux des redevances est peu considérable et le domanier plus indépendant réalise une culture plus soignée (ibid, p. 60).

Le colon a droit aux émondes et peut disposer des arbres fruitiers à moins qu'ils ne soient en rabines, avenues ou bosquets.

Il s'est trouvé des cas où la valeur des émondes a été supérieure à celle des terres. Le tronc des arbres sur les talus demeure au propriétaire foncier (ibid., p. 68).

Pour les convenanciers le domaine congéable était entaché de féodalité. Ils espérèrent que les décrets qui survinrent la nuit du 4 août 1789 y mettraient fin. Quand on leur dit que le domaine congéable continuerait à exister comme par le passé avec toutes ses obligations jusqu'à ce qu'une loi en eût corrigé les abus, ils firent entendre de véhémentes protestations (ibid., p. 144).

Sans doute les habitants de Saint-Clet, ont-ils adhéré au factum de Huchet, avocat et procureur syndic du district de Guingamp contre le domaine congéable. La loi du 6 août 1791 maintint le régime convenancier, abolit les usements, supprime les obligations féodales, permit aux colons d'aliéner édifices et superficies, sans l'autorisation du foncier ; ils étaient réputés biens immobiliers sauf à l'égard du foncier.

L'agitation continua dans les campagnes.

La loi du 27 août 1792 supprima le domaine congéable. Il y eut donc très peu de ventes nationales de rentes foncières et convenancières. Après la loi du 27 août les colons devenaient propriétaires sans bourse délier. Cependant les rentes, subsistent mais converties en simples rentes foncières toujours rachetables (ibid., p. 352).

Achat par Marie-Anne Gaultier et ses soeurs de Pontrieux, le 25 pluviôse an II des 1er, 2ème, 5ème, 6ème, 7ème et 9ème lots du lieu et métairie de Cozilis en Saint-Clet. Estimation : 7.524 h. 10 s. . Prix réel adjudication 22.985 h. (à réduire à 10.304 fr. 19 en numéraire). Paiement  réel : 7.688 fr. 14.

Achat par Charles Le Cuff, de Pontrieux, du 8ème lot de cette métairie. Estimation 148 h. 10 s. Prix réel adjudication 800 h. (à réduire à 303 fr. 20 en numéraire). Paiement réel : 280 fr. 99 (ibid., p. 249).

Catherine-Jeanne Gouin, dame de Courson achète par contrat du 10 brumaire an V le tiers indivis du lieu de Kervéret d'une pièce de terre nommée Bras-Kerglet. La métairie du Petit-Keralet et une pièce de terre nommée Parc-Bras à Saint-Clet pour 11.249 h. 15 s. ; elle paiera réellement 3.150 fr. 60 (ibid., p. 305).

Le 25 fructidor an V (11 septembre 1797), Pierre Le Mansec achète moyennant 7 francs, montant de l'estimation de Pierre Daniel un terrain vague de 4 cordes situé dans le placître de Trotrieux à Saint-Clet (ibid., p. 321).

Pierre Le Guillonic (même date) achète un terrain marécageux de 77 pieds de long sur 25 de large estimé 0 fr. 15 de revenu pour 34 h. (ibid., p. 331).

En l'an VII ou en l'an VIII, Gabriel-Antoine Beaulard, avoué à Saint-Brieuc, procureur de la compagnie Jean-Claude Musset, chargé d'une entreprise générale de l'habillement et de l'équipement des troupes de la République, achète pour elle un convenant à Saint-Clet (ibid., p. 386).

Le 1er juin 1806, Marie-Anne Gaultier pour son achat de six lots du lieu et métairie de Cozilis était d'après le décompte de l'Enregistrement débitrice de 0 fr. 70. Elle déclara qu'elle ne paierait pas que lorsqu'elle y serait obligée. Le 19 décembre 1817, elle paya 1 fr. 10 (40 centimes montant des intérêts de 0 fr. 70 pendant 11 ans, 10 mois, 6 jours), (ibid., p. 562).

Sous l'empire, une chapelle de Saint-Clet qui n'avait pas été aliéné vendue à la fabrique (son revenu était estimé à 10 fr. 05), (ibid., p. 609).

Une chapelle est exposée en vente à Saint-Clet à l'estimation de 212 h. 5 s. et ne trouve pas d'acquéreur. Une autre estimée 1.328 h. 5 s. est vendue 1.925 h. en assignats, soit 532 fr. 58 en numéraire (en exécution de la loi du 27 brumaire an III, 17 novembre 1794), (ibid., p. 118 et 119).

Sans doute s'agit-il de la chapelle de Clérin, (ibid , p. 180).

Guillaume Bécot, négociant à Paimpol, achète 16 biens ou lotrés de à Saint-Clet et à Plouha (ibid., p. 203) ».

Saint-Clet, comme toutes les autres paroisses de la région de Guingamp demanda dans les cahiers de doléances de 1789 l'abolition du domaine congéable.

Après la nuit du 4 août 1789, les paysans de Basse-Bretagne crurent que le domaine congéable allait disparaître ; la loi du 6 août 1791 le maintint, supprimant seulement les charges féodales. Le 27 août 1792, une loi abolit ce genre d'usement mais cela produisit tant de troubles lors de la vente du sol comme bien national (les paysans se croyant fermement propriétaires de leurs terres) que le domaine congéable fut rétabli en l'an VI.

Les propriétaires fonciers qui avaient protesté contre la loi du 27 août 1792 s'en réjouirent ; les convenanciers qui se croyaient propriétaires incommutables depuis cinq ans protestèrent, ainsi qu'en font foi les deux adresses suivantes.

DOMAINE CONGÉABLE

Adresse au Conseil des Cinq Cents.

L'administration municipale a lu avec le plus grand intérêt et comparé avec attention le rapport fait par Le Merer [Note : Voir Rapport sur les domaines congéables (par Le Merer, Ille-et-Vilaine)] le 23 frimaire an V (13 décembre 1796) au nom de la commission des domaines congéables, et l'opinion de Bohan [Note : Opinion de Bohan du Finistère sur le domaine congéable aboli par l'Assemblée Législative en 1792], membre du Conseil des Cinq Cents, en réponse au rapport prononcé à la séance du 25 pluviôse dernier (13 février 1797).

Comme la plupart des membres du corps législatif ne connaissent pas la nature et l'origine de cette teneur particulière à quelques départements de la ci-devant Bretagne, ils auraient pu être facilement induits en erreur par rapport de la commission qui n'est autre chose qu'un plaidoyer éloquent pour les seigneurs.

Heureusement que le remède se trouve à côté du mal. Le mémoire de Bohan en est l'antidote. Outre qu'il détruit, de fond en comble, les principes, les citations, les assertions erronées du rapport, il développe avec autant de force que de vérité la nature des usements, leur progression et leurs effets depuis leur origine jusqu'à leur extinction prononcée en 1792 par l'Assemblée législative.

Il appartient à ceux qui ont été si longtemps tour à tour les témoins et les victimes de ces usements aussi barbares qu'antisociaux de joindre leurs voix aux accents de législateurs courageux qui ont su apprécier si bien la dignité, les droits et les intérêts des cultivateurs domaniers de la Basse-Bretagne. Son pinceau a retracé fidèlement tous les attentats d'un régime justement abhorré.

Mais il n'a pu rendre les expressions de la douleur et de la consternation générale qu'ont répandu le rapport et le projet du décret qui en est la suite.

Voyez-vous d'un côté des cultivateurs, qui, se fiant sur la foi des décrets, ont fait des embellissements, des défrichements, des améliorations coûteuses, ont disposé de leurs propriétés et ont remboursé les rentes dont elles étaient grevées ; ils sont consternés, et dans leur perplexité cruelle, n'envisagent plus que la versalité des choses humaines et tous les malheurs dont ils sont menacés, ils seraient tentés de s'y abandonner par une sorte de désespoir aux chances d'une aveugle fatalité.

Examinez de l'autre les seigneurs exaspérés combinant les moyens de redevenir maîtres calculant ce que rapporteront à leur cupidité, les dépouilles de leurs domaniers. Dans six mois, ils les auront chassés, exécutés, et réduits à la misère, et ces premières dépouilles serviront enfin à ouvrir toutes les issues de la corruption et à couronner l'œuvre de l'asservissement des Français. Ainsi, le XVIIIème siècle, le siècle de la philosophie, de la liberté, verrait renaître la barbarie du Xème siècle et tous ses effets désastreux... Non...

Nous en jurons par ces divinités tutélaires qui inspirent le Sénat. Les représentants d'un peuple libre qui a tant souffert pour rompre les chaînes, qui a tout donné pour une cause si belle, qui a sacrifié pour la défendre, sa vie et sa fortune, ne souffriront pas qu'on lui redonne des fers et que, pour une poignée d'ambitieux intrigants il soit réduit à la misère et au désespoir.

Cultivateurs, calmez vos inquiétudes, unissez vos accents aux nôtres : ils seront entendus de vos représentants qui aiment la vérité, qui veulent votre bonheur et l'amélioration de l'agriculture.

Le mémoire du représentant Bohan nous dispense de faire ici la longue énumération de la barbarie, de l'injustice et des effets désastreux du régime abusif des congéments et des vexations sans nombre qui en sont la suite. Ce document en apporte la preuve la plus convaincante et il y a d'ailleurs en sa faveur un préjugé d'autant plus puissant que le décret d'abolition du domaine congéable fut l'oeuvre d'une commission composée en majeure partie de membres qui en connaissaient les abus et l'incompatibilité avec le système de l'affranchissement des personnes et des propriétés (Léon DUBREUIL : Les vicissitudes du domaine congéable en Basse-Bretagne à l'époque de la Révolution, tome II, p. 134 à 137).

Pour éviter l'abrogation de la loi du 27 août 1797 sur le domaine congéable demandée par des fonciers, des colons entreprirent une campagne en faveur de son maintien. L'administration municipale du canton de Pontrieux fut du nombre des protestataires.

Adresse de l'administration du canton de Pontrieux

(archives municipales de Pontrieux, registre des délibérations, an IV, folio 65-66).

Du 8 floréal, an V (27 avril 1797), de la Séance publique tenue par le citoyen Daniel, président, le Sous-Agent de la commune de Pontrieux, Létienne, agent de celle de Saint-Clet, Menguy, agent de celle de Ploëzal, Le Thomas, agent de celle de Quemper-Guézennec, et Le Gallou, adjoint de l'agent municipal de Saint-Clet. Présent le citoyen Le Gonec, commissaire au Directoire exécutif. Après le rétablissement du domaine congéable en l'an VI, les redevances domaniales furent perçues comme par le passé. La dîme était obligatoire et bénéficiait surtout aux seigneurs de l'Eglise, évêques et abbés. Les bénéficiaires de la dîme furent toujours d'une âpreté sans nom. En 1788, après une terrible épidémie qui décima Pontrieux, le subdélégué de cette localité écrivait : « Ni les seigneurs, ni les décimateurs n'ont rien voulu donner, quoiqu'on leur ait demandé quelques secours ». Il ne faut pas s'étonner que ce système de baillis et fermages eut pour effet l'abandon des terres alors mal cultivées par les convenanciers, et des procès sans fin comme celui que vous trouverez ci-après et qui montre bien à quel point les hommes de cette époque étaient procéduriers.

Je transcris dans toute son aridité le procès intenté par Charles Denis du Porzou, propriétaire du Petit Kergavet, procès qui, renvoyé de tribunaux en tribunaux, fit couler beaucoup d'encre à cette époque. (Fourni par M. Dubreuil).

AFFAIRE DENIS DU PORZOU.

Arrêté de l'Administration départementale des Côtes-du-Nord
(le 6 nivôse, an VIII — 27 décembre 1799).

Séance permanente tenue par les citoyens : Barbédienne, Loncle, Brichet, Benjamin Delaunay.

Présent, le citoyen Denonal, commissaire du Gouvernement.

Vu la pétition des citoyens Pierre Denis du Porzou et les pièces y-jointes desquelles il résulte qu'en conséquence de l'émigration d'un de ses fils (Charles-Marie-Denis du Porzou, avocat), et en exécution de la loi du 17 frimaire, an II, le séquestre fut apposé sur tous les biens ; que, pendant ce séquestre les citoyens Pierre Le Goff et Jean Etienne, débiteurs envers lui, le premier d'une rente convenancière de 200 livres l'an sur l'hypothèque d'une terre située en la commune de Ploëzal et ce, aux fins de bail à convenant le 29 avril 1778 contrôlé à Pontrieux le même jour et d'une rente constituée de 70 livres l'an, créée par contrat authentique du 10 mai 1778 ; et le second, aussi d'une rente foncière et convenancière de 195 fr. l'an (Sur le convenant du petit Kergavet, en Saint-Clet), payable en deux termes égaux l'un de Noël et l'autre de Saint-Jean, outre l'obligation dudit Etienne de faire chaque année trente fosses pour planter des bois sur les terres de la tenue au profit dudit propriétaire foncier ; ces débiteurs mirent leur pétition devant cette administration, et en obtinrent des arrêtés ; Le Goff, le 1er prairial an III et Etienne le 4 messidor suivant, qui les autorisent, le premier, à faire le franchissement des deux rentes qu'il déclarait devoir au citoyen Denis du Porzou, faisant ensemble 315 fr pour 6.300 fr. et le déclare qu'au moyen du versement de cette somme à la caisse du receveur du domaine national à Pontrieux et des arrérages jusqu'à ce jour du versement les dites rentes sont pour toujours éteintes.

Autorise également Etienne à faire le franchissement de la rente de 195 fr pour 2.900 fr et déclare qu'au moyen du versement de cette somme à la caisse du receveur des domaines nationaux à Pontrieux et des arrérages et prorata jusqu'au jour du versement la rente demeurera éteinte à perpétuité. Le citoyen Denis était obligé de partager ses biens, avec la République aux droits de son fils émigré aux fins des lois des 9 floréal an III et 10 floréal an IV, ce partage fut consommé par arrêté du 1er thermidor an IV. Les rentes dues par les citoyens Le Goff et Etienne ont tombé dans la porportion de ses biens qui lui sont demeurés.

Se voyant propriétaire de ces rentes le citoyen Denis fit citer ces débiteurs devant la justice de paix de leur canton en conciliation, qui, ne s'étant pas opérée, les parties se poursuivirent devant le tribunal civil de ce département qui, jugeant son incompétence, renvoya les parties se pourvoir devant l'administration par jugement du 14 fructidor an IV.

L'administration prit un arrêté le 18 pluviôse an V par lequel elle renvoya le citoyen Denis se pourvoir devant les tribunaux pour y faire prononcer sur les nullités qu'il alléguait contre le remboursement de Le Goff et Etienne ; sur cet arrêté l'affaire portée devant le tribunal civil de ce département, il rendit son jugement le 29 prairial an V par lequel il déclara nuls et non avenus les remboursements de Le Goff et Etienne et les condamna au paiement des rentes par eux dues au citoyen Denis depuis et compris le terme de Saint-Jean 1794 jusque compris le terme à Noël 1796.

L'appel de ce jugement fut porté devant le tribunal civil d'Ille-et-Vilaine qui confirma le jugement des Côtes-du-Nord par le sien du 1er frimaire an VI. Le Goff et Etienne se sont pourvus de ces jugements devant le tribunal de Cassation qui par son jugement du 16 floréal an VII a décidé que les juges des Côtes-du-Nord et d'Ille-et-Vilaine avaient tombé (sic) dans un excès de pouvoir par les jugements entrepris en ce qu'ils avaient déclaré nuls les remboursements autorisés et même confirmés par l'administration, ce qui est un excès de pouvoir et une violation manifeste de l'art. 13 du titre 2 de la loi du 24 aout 1790 et de la loi du 16 fructidor an III, casse et annule les cieux jugements (des Côtes-du-Nord, du 29 prairial an III, et d'Ille-et-Vilaine du 1er frimaire an VI).

Dans cet état de choses le citoyen Denis a mis sa pétition devant cette administration et a exposé que les remboursements de Le Goff et Etienne sont nuls au fond et dans la forme, du fond parce que leurs consignations sont insuffisantes et dans la forme, faute d'avoir fait leur remboursement contradictoirement avec lui, ou du moins de lui avoir notifié les quittances de leurs consignations pour le mettre à lieu de profiter du bénéfice des dispositions de l'art. 5 de la loi du 10 juillet 1793 qui l'autorisait à employer le produit de ses remboursements en acquisition d'immeubles ou de les constituer sur l'Etat. Il reproche encore un autre vice dans la forme à ces remboursements qui est une contravention formelle à l'art. 4 du décret du 10 juillet 1793 qui dispose que le débiteur d'une rente dûe à un père d'émigré qui en veut faire le remboursement doit en consigner le capital aux mains du receveur du district où le père d'émigré est domicilié. Le Goff et Etienne ont fait leur consignation à la caisse du receveur du district de Pontrieux et le citoyen Denis avait son domicile à Tréguier, dans le ressort du district de Lannion. Il conclut à ce que l'administration à qui il appartenait de prononcer sur les irrégularités de l'exécution de ses arrêtés des 1er prairial an III et 1er messidor de la même année, déclare les consignations d'Etienne et de Le Goff insuffisantes au fond et nulles dans la forme comme faites hors des formes prescrites par le décret du 10 juillet 1793 qu'en conséquence les rentes dues sont encore existantes sauf à se pourvoir par les voies de droit pour la restitution des sommes par eux consignées.

Après avoir oui sur le tout le Commissaire du Gouvernement, l'administration considérant que Le Goff devait se libérer entièrement du principal et arrérages échus jusqu'au jour de son dépôt pour que son franchissement eût l'effet d'éteindre la rente qu'il devait, le principal consistant non seulement en une rente de 315 francs l'an, mais encore dans des corvées, qui étant fondées sur la convention contenue au bail à convenant n'ont souffert aucune suppression et faisant partie de la redevance convenancière et devait être remboursées comme la partie de la rente stipulée en argent. Ces corvées ayant été fixées à six francs par l'administration du ci-devant district de Pontrieux elles donnaient lieu à un remboursement de 120 francs du principal, et les arrérages relatifs donnant, pour un an et huit mois en sus échus le 12 prairial de la même année, huit francs quarante centimes … 8.40.

Les arrérages de la rente de 315 francs pour un an et huit mois aux déductions de droit donnaient quatre cent quarante et un francs …… 441.00.

Le principal de la rente en argent de 315 francs donnant six mille trois cents francs …… 6.300.00.

Total des franchissements dûs en principal et arrérages, six mille huit cent soixante-neuf francs quarante centimes …… 6.869.40.

Le Goff n'ayant consigné que six mille sept cent quarante francs, sa consignation est insuffisante de cent vingt-neuf francs quarante centimes … 129.40.

Il est vrai que le principal de sa rente avait été liquidé à six mille trois cent soixante francs (6.360 fr.) par cette administration, mais parce que Le Goff avait caché devoir des corvées et n'avait reconnu devoir que la rente de 315 francs d'où il résulte qu'il avait commis une faute en recélant ces corvées.

Aux termes de l'article premier de l'arrêté du 1er prairial la rente n'était déclarée anéantie que par le dépôt intégral du principal de la redevance et des arrérages jusqu'au jour du dépôt : le dû intégral n'ayant point été dépassé, l'amortissement de la redevance convenancière n'existe pas, même aux termes de cet arrêté.

Considérant qu'aux termes de l'art. 14 du décret du 10 juillet 1793 Le Goff a fait son dépôt dans la caisse du receveur du district de Pontrieux (il est vrai que l'arrêté du 1er prairial an III l'autorise à verser à Pontrieux, mais cela est conforme à sa demande ; il a été autorisé à verser où il a demandé à le faire ; c'était à lui à régler la marche qu'il avait à suivre sur celle que lui traçait la loi) ; cet échange de caisse est une grande irrégularité qui rend sa consignation nulle.

Considérant qu'aux termes de l'art. 5 du décret du 10 juillet 1793 le citoyen Denis avait la faculté de retirer le produit du remboursement lui fait pour l'employer en acquisition d'immeubles de là, nécessité de faire le remboursement contradictoirement avec lui ou du moins de lui notifier la quittance de consignation sans cela il ne pouvait savoir être remboursé ni par conséquent jouir de l'avantage de la récolation de ses fonds, le défaut de cette notification est donc une faute à reprocher à Le Goff.

Considérant au regard de Jean Etienne que la rente qu'il devait était de 195 frs l'an avec l'obligation de faire chaque année trente fosses pour planter des arbres au profit du citoyen Denis, propriétaire foncier à la rétention, seulement de dix francs pour toutes contributions foncières, le surplus restant à la charge du colon Etienne aux fins du traité authentique du 29 juillet 1792 enregistré à Tréguier le 30 du même mois, les arrérages d'un an et 10 mois étaient dus le 13 messidor an III le jour de la consignation. La façon des trentes fosses dues par an étant évalué neuf francs par le traité du 29 juillet 1792, la redevance convenancière était de 204 francs l'an qui aurait donné au denier 20, un capital de 4.800 fr. Etienne qui avait frauduleusement recelé son obligation de faire les trente fosses pour plantation n'a consigné que 3.900 fr.

Il y a donc insuffisance dans 10 consignations de cent quatre-vingt francs (180 fr.).

Etienne devait pour l'année et dix mois d'arrérages échus le 13 messidor an III jouir de sa consignation distraction faite de dix francs par an pour la contribution foncière, réduction fixée par le traité du 29 juillet 1792 la somme de 35 francs 66 centimes et il n'a consigné que 288 fr. Il y a donc insuffisance de soixante-sept francs soixante-six centimes (67 fr. 66).

Etienne a aussi fait sa consignation à la caisse du receveur du district de Pontrieux en contravention de l'art. 4 du décret du 10 juillet 1793 qui voulait que sa consignation fût faite à la caisse du receveur du district de Lannion sous le ressort duquel le citoyen Denis avait son domicile. Il n'a point consigné contradictoirement ni notifié sa quittance de consignation au citoyen Denis et l'a (mis) par là, hors d'état de recolloquer ses fonds comme l'y autorisait l'art. 5 du décret du 10 juillet 1793.

Considérant que les consignations des citoyens Le Goff et Etienne sont insuffisantes au fond et irrégulières dans la forme qui en a opéré la nullité.

D'un autre côté la justice réclame encore contre ses prétendus remboursements faits dans le moment où le discrédit du papier-monnaie l'avait rendu nu et le décret du 6 floréal rendant l'or et l'argent pour marchandises voulait que le Gouvernement n'acquittât les sommes dues, valeur or ou argent en assignats qu'en les comptant au cours. La fraude que les citoyens Le Goff et Etienne ont commise en récélant une partie de leurs redevances convenancières rend leur conduite encore plus odieuse.

Par considération,

L'administration centrale du département des Côtes-du-Nord.

Arrêté de déclarer et déclare nulle et de nul effet les consignations faites à la caisse du receveur du district de Pontrieux, la première faite par le citoyen Le Goff, le 12 prairial an III afin de franchissement de 315 francs de rente qu'il reconnaissait devoir au même Denis du Porzou, tant comme frauduleuses et insuffisantes que nulles dans la forme, comme contraires aux dispositions de l'art. 4 du décret du 10 juillet 1793.

Autorise le citoyen Denis à faire contraindre par les voies légales lesdits Le Goff et Etienne au payement des arrérages des dites rentes échues tant avant que depuis les dites consignations, sauf auxdits Le Goff et Etienne à se pourvoir vers le Gouverne­ment en restitution des sommes par eux consignées.

(Cet arrêté dont l'iniquité est flagrante devait être annulé par décret impérial du 23 avril 1807 qui déclarait les remboursements valables).

Arrêté du Préfet des Côtes-du-Nord
(le 11 septembre 1807).

Vu la pétition de Jean Etienne représenté par François Etienne, son fils, et de Pierre Le Goff agissant pour lui et consorts tendant à ce qu'il soit déclaré qu'ils sont respectivement propriétaires des fonds de la ferme Lafargue en Ploëzal et de celle du petit Kergavet en la commune de Saint-Clet, ci-devant jouies à domaine congéable sous le sieur Pierre Denis du Porzou père d'émigré, et dont les remboursements des rentes par eux effectuées les 12 prairial et 15 messidor an III, ont été confirmés par décret impérial du 23 avril dernier.

Requérant au besoin que la contestation élevée aujourd'hui par le sieur du Porzou qui prétend néanmoins à la propriété foncière des lieux de Lafargue et de Kergavet soit évoquée à la Préfecture et ne puisse être jugée par les tribunaux.

Vu, au soutien de la pétition copie du décret impérial susdaté, bordereau de créances, inscrit au bureau des hypothèques à Guin­gamp, le 1er juin ; procuration du 12 du même mois enregistré à Pontrieux, le 1er juin ; procuration du 12 du même mois enregistré à Pontrieux le dit jour pour un franc dix centimes, actes de procédure des 13, 17 et 25 juin, 28, 29 août et 1er septembre présent mois, les trois premiers enregistrés à Tréguier les mêmes jours, 13, 17 et 25.

Le Préfet des Côtes-du-Nord (Jean-Pierre Boulle),

Considérant que le décret impérial du 23 avril 1807 dispose que les remboursements sousmentionnés sont déclarés valables et avoir opéré extinction des rentes convenancières dont il s'agit et que le sieur du Porzou sera indemnisé du déficit, résultant pour son lot, de l'extinction des dites rentes : 1° Par l'abandon qui lui sera fait des objets de la valeur de 4.004 francs que le domaine a eu pour son lot de partage, s'il n'en a pas été disposé ; 2° Par une liquidation d'après la loi du 24 frimaire an VI, soit du surplus de ce qui lui serait dû, soit du tout, si les biens de (la) valeur de 4.004 francs ne sont plus dans les mains du domaine.

Considérant que la teneur de ce décret ne laisse au sieur Denis du Porzou, aucune espèce de propriété ou de prétendus droits sur les lieux de Lafargue et du petit Kergavet, les remboursements ayant opéré l'entière extinction des rentes convenancières dont ils étaient chargés, que les parties sont remises, par ce fait, dans le même état où elles étaient avant le jugement des tribunaux et l'arrêté de l'administration centrale, qui annulaient les rachats effectués par les pétitionnaires que la loi du 9 brumaire an VI qui rétablit le domaine congéable ne peut s'appliquer aux tenues convenancières dont les rentes ont été valablement remboursées, comme dans l'espèce en vertu de la loi du 27 août 1792 que cette exception est d'autant plus naturelle et légitime qu'il n'existe aucune loi, ni décision de l'autorité suprême qui autorise les revendications de droits fonciers envers les particuliers qui ont usé de la faculté de remboursement donnée par la loi du 27 août 1792 que d'ailleurs d'après la loi du 16 fructidor an III, et l'arrêté des conseils du 5 fructidor an IX les tribunaux sont incompétents pour juger si les remboursements des rentes convenancières faites sous l'empire de la loi du 27 août 1792 entre les mains des receveurs de la régie du domaine national, attribuant ou n'attribuant point aux anciens débiteurs la propriété intégrale de leurs tenues qu'ainsi le tribunal de Guingamp ne peut, sous aucun prétexte connaître des fins de non recevoir et exceptions proposés à cet égard par le sieur Denis du Porzou contre l'action introduite par les sieurs Etienne et Le Goff en suite du décret impérial du 23 avril dernier.

Arrête que les réclamants sont fondés à jouir comme propriétaire de l'intégrité des lieux de Lafargue et du petit Kergavet en vertu de l'abrogation de leurs remboursements respectifs qui emportent extinction totale des rentes dont il s'agit.

Arrête en outre d'élever et élève conflit d'attribution entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative à raison des contestations faites ou qui pourraient avoir lieu devant les tribunaux sur le sens de l'étendue des remboursements référés au décret impérial du 23 avril auquel effet les procureurs impériaux sont invités lors de l'évocation de la cause, les diligences prescrites par l'arrêté des Consuls du 13 brumaire an X. (Un décret impérial du 23 mai 1810 prononça l'annulation de cet arrêt et des poursuites judiciaires qui l'ont précédé et suivi. Bien que l'affaire ait été ainsi définitivement réglée nous croyons cependant devoir publier la lettre suivante qui est de quelques semaines antérieure au décret et qui agit vraisemblablement pour hâter la décision).

 

Lettre du Préfet des Côtes-du-Nord au Conseiller d'Etat ayant le département des domaines nationaux
(le 13 avril 1810).

Je vous fais passer une pétition qui m'a été remise par Pierre Etienne et Pierre Le Goff en privé nom et pour leurs consorts tendant à obtenir une décision sur les difficultés qui se sont élevées au sujet de l'exécution du décret impérial du 23 avril 1807 lequel a annulé un arrêté de l'administration de ce département du 6 nivôse an VIII et déclaré que les remboursements effectués en l'an III ont opéré l'extinction des rentes convenancières que Jean Etienne et Pierre Le Goff devaient respectivement au sieur Pierre Denis du Porzou, père d'émigré, sauf l'indemnité due à ce dernier par le gouvernement d'après l'art. 2 du même décret.

Je me suis assuré de l'exactitude des faits énoncés dans la supplique ci-inclus relativement aux nouvelles poursuites exercées contre les réclamants par le sieur Denis du Porzou, en vertu d'un arrêt de la Cour d'Appel de Rennes du 15 mai 1800 qui a faussement supposé un conflit d'attribution entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative sur l'interprétation du décret impérial du 23 avril 1807 tandis qu'il n'en existait aucun, ayant déclaré d'une manière positive que mon arrêté du 11 septembre 1807 ne faisait point d'obstacle à ce que le tribunal de Guingamp statuât sur les demandes formées contre le sieur Denis du Porzou par les anciens débiteurs des deux rentes dont il s'agit. Ce n'est pas seulement pour les frais adjugés dans l'arrêt du 15 mai 1809 que ces pauvres cultivateurs sont recherchés aujourd'hui avec outrance de la part du sieur du Porzou mais au payement d'une somme de 10.205 francs pour prétendues pertes et des dommages-intérêts allégués sous prétexte des actions qu'ils avaient intentées afin d'avoir l'entière disposition des biens sur lesquels étaient hypothéquées les rentes remboursées en l'an III et d'être indemnisés de leur jouissance ainsi que la privation du bénéfice des rachats depuis l'époque du versement des fonds dans la caisse du séquestre.

La position de ces particuliers est vraiment affligeante et il m'a paru bien prouvé qu'ils sont victimes de la chicane la plus outrée et la plus astucieuse. Comme ils sont menacés d'une ruine totale dans l'état actuel des choses, où le défaut d'interprétation suffisante du décret impérial du 23 avril 1807, j'ose vous recommander leur pétition sur l'opposition des enfants du sieur Denis du Porzou, dont vous m'avez donné avis le 17 juin 1808, et sur les réponses de leurs parties adverses que j'ai eu l'honneur de vous transmettre le 27 juillet même année.

Plusieurs acquéreurs de biens nationaux qui avaient été dépouillés de leur adjudication sous divers prétextes doivent leur réintégration à la sollicitude paternelle du gouvernement ; les sieurs Le Goff et Etienne peuvent, sans doute, espérer la même justice, d'autant qu'ils ont été spoliés d'une manière très criante et qu'ils méritent la juste protection de l'autorité suprême contre de nouvelles vexations (Léon DUBREUIL. Les vicissitudes du domaine congéable en Basse-Bretagne à l'époque de la Révolution, Tome I, pages 320 à 330).

Pendant cette période troublée que fut la Révolution, les archives de la commune nous ont laissé deux autres souvenirs précis.

Le gouvernement révolutionnaire donna l'ordre de changer tous les noms de saints qui se ressentaient de la féodalité ou de la religion. Ainsi Saint-Gilles-le-Vicomte fut dénommé Saint-Gilles-les-Bois, Pommerit-le-Vicomte, Pommerit-les-Bois. On substitua à Saint-Clet le nom breton de « Lein-Tréo », c'est-à-dire « Haut-Trieux », dénomination fondée sur ce que la rivière Trieux coule, dans la longueur d'une forte lieue, en amont de Pontrieux, le long d'une vallée dont la rive droite dépend du territoire de Saint-Clet.

La commune était aux mains des commissaires du peuple qui se chargeaient de sa surveillance. Comme dans toutes les communes, le gouvernement révolutionnaire fit appel à la population pour participer au relèvement de notre pays. Il m'a été donné de retrouver dans les archives communales cette déclaration qui remonte en l'an de grâce 1790.

« Nous soussignés commissaires nommés par délibération du corps politique de la trêve de Saint-Clet en date du 3 janvier dernier, déclarant que le présent registre contient les déclarations qui ont été faites pour la contribution patriotique par toutes les personnes domiciliées et résidant en cette trêve et qui se croient présentées à nous à cet effet, dont la liste préalablement formée et jointe au présent registre et en outre par les citoyens qui, sans être tenus à une déclaration, ont cependant voulu être inscrits sur la même liste et faire aussi leur offrande à la patrie, certifiant de plus nous être le plus exactement possible conformés aux dispositions et formalités prescrites par le décret de l'Assemblée Nationale du 6 octobre dernier, sanctionné par Sa Majesté le 11 du dit mois tant par publication, lecture et explication faite au prône de la grand'messe par trois dimanches consécutifs, savoir le 17, 24 et 31 janvier dernier, que par affiche faite à la porte principale de l'église, lieu ordinaire des affiches publiques. Fait à Saint-Clet, le 28 février 1790. L. OMNES, commissaire, C. ANDRÉ, commissaire, LE GOFF, commissaire ».

Puis vient la suite des actes de donation.

Je soussigné Claude Conen, déclare avec vérité que mon revenu est inférieur à quatre cents livres et que je contribuerai aux besoins de l'Etat d'une grande paire de boucles d'argent que je m'oblige à remettre au collecteur de la contribution patriotique au premier terme. A Saint-Clet, le 20 janvier 1790. Claude Conen.

Je soussigné, Jacques Ollivier, déclare avec vérité que mon revenu est inférieur à quatre cents livres et que je contribuerai néanmoins aux besoins de l'Etat d'une somme de trente sols que je payerai en entier au collecteur de la contribution patriotique à la première cueillette. A Saint-Clet, le 20 janvier 1790. Jacques Ollivier.

 

CAHIERS DE DOLÉANCES.

(Faute de renseignements précis sur les cahiers de doléances de Saint-Clet mis en sûreté pendant la guerre, et dont les recherches se sont avérées impossibles, je vous donnerai brièvement un exposé du tableau de doléances de la ville de Guingamp. Il est fort probable que dans son ensemble il présente bien des analogies avec celui des communes environnantes, et sans nul doute Saint-Clet).

En matière de justice.

Réformation des codes civils.

Réforme de la justice, droit aux accusés d'avoir des défenseurs.

Suppression des justices seigneuriales qui ne ressortissent pas dûment du parlement.

En matière d'impôt.

Demande de juste répartition des impôts sans distinction de rang et de naissance.

Suppression des fouages extraordinaires.

Suppression du franc-fief (impôt payé par le roturier possédant des biens nobles).

Suppression des péages et coutumes, dûs au duc de Penthièvre.

Réforme de la ferme du tabac, le tabac livré n'étant pas de bonne qualité.

Suppression des gratifications et pensions.

Demande de bons papiers timbrés et parchemins.

En matière de commerce.

Liberté de commerce.

Suppression des douanes entre provinces.

Interdiction de l'exportation du blé, quand le prix dépasse 2 sols la livre.

Uniformité des poids, balances et mesures dans tout le royaume.

Fixation invariable du toisé des chemins et suppression des gratifications aux maîtres de poste.

En matière d'industrie et de taxes.

Liberté des fours et des moulins.

Suppression de la taxe sur la marque du cuir.

En matière d'agriculture et de redevances.

Suppression des corvées féodales.

Suppression des corvées des domaines congéables.

Suppression de l'usement des quevaises.

En matière de service militaire (milice).

Suppression des exemptions accordées aux domestiques des nobles, du clergé, à l'exception des domestiques de culture.

En matière de religion.

Suppression du Concordat et de l'alternative en Bretagne.

Rétablissement des élections aux bénéfices ecclésiastiques ; faculté aux paroissiens de présenter quatre candidats à l'évêque pour le rectorat.

Augmentation de la portion congrue des pasteurs et curés.

Suppression des maisons religieuses (communautés).

En matière d'enseignement.

Etablissement d'un collège et d'une bibliothèque dans la ville.

En matière de réforme municipale.

Réformation des municipalités dans un sens démocratique (l'article souligne entre autres : les affaires des municipalités étant relatives au Tiers-Etat, la présence des Messieurs de la Noblesse et du Clergé est absolument inutile).

Réforme des règlements des comptes des municipalités.

Distinction nette du corps politique (général de paroisse) et du corps municipal.

Après la présentation de ces cahiers et l'oeuvre de réforme de l’Assemblée Nationale, des troubles plus ou moins graves éclatèrent ; les uns rebellions ouvertes, les autres simple résistance isolée et passive.

L'opposition et l'attitude la plus anti-révolutionnaire fut celle de Monseigneur Le Mintier, évêque de Tréguier.

Cette attitude, révélée dans son mandement du 14 septembre 1789, adressé aux cent trente paroisses du diocèse, ainsi que les troubles populaires connus sous le nom de Grande Peur, furent la conséquence directe des décrets d'août supprimant les privilèges du projet de vente des biens du clergé.

Dans son mandement, après avoir énuméré les misères du temps, Monseigneur Le Mintier accuse l'homme du peuple de faire la révolution à son profit et d'empoisonner le monde par ses nouvelles doctrines ; il exprime toutes les craintes que lui inspire la révolution (ruine du catholicisme, chute de la royauté).

On peut comprendre que ce mandement n'allât pas sans inquiéter les patriotes. Sur l'initiative du Comité de Tréguier, il fut décidé de réunir à Tréguier les députés des comités des villes et communes du diocèse, pour prendre les mesures qui s'imposaient. Les 23 et 24 septembre, les députés de Tréguier, Guingamp, Pontrieux, La Roche-Derrien, Chatelaudren et Lannion approuvèrent en rien le mandement de l'évêque et en déférent à l'Assemblée Nationale.

Au retour de ses députés, le Comité de Guingamp accepta la solution prise à Tréguier arrêtant :

« De prier les paroisses et trève du district d'envoyer chacune deux députés le premier dimanche d'octobre pour chercher les moyens propres à prévenir les insinuations de la Noblesse pour entraver l'oeuvre du Tiers ».

Une seconde réunion eut lieu à Tréguier le 6 octobre ; devant l’attitude agressive des nobles, l'évêque fut censé défendre la cause du haut clergé et vouloir conserver les privilèges de l'ancien régime.

Assigné à comparaître devant le tribunal du Chatelet le 10 juin 1790, il fut déchargé d'accusation. Au début de décembre, un nouveau manifeste rétractant les premières accusations fut, paraît-il, rédigé.

Le Bas-Clergé, sans prendre ouvertement parti pour les révolutionnaires, leur laissa percevoir sa sympathie.

A la fin de l'année 1789, avec l'effervescence née un peu partout de ces réformes, il suffisait d'une étincelle pour que jaillit la colère populaire. Témoin ce conflit entre les deux villes de Lannion et Brest, où le Comité de Guingamp, avec ses représentants modérés et prudents, joua le rôle de médiateur.

La ville de Brest se ravitaillait dans le Trégorrois (campagne Tréguier, Pontrieux et La Roche-Derrien).

Un convoi de treize charretées de froment venant de Pontrieux, escorté par dix gardes nationaux, et se rendant à Brest, devait passer par Lannion le 17. Le 16, sept députés de Brest vinrent solliciter de l'Assemblée des communes de la ville, le libre passage des grains et une subvention ; celle-ci fut plus difficile à obtenir. Des bruits tendancieux parcourent la ville et les députés de Brest sont injuriés. Les premières charrettes arrivées sont arrêtées par la foule et la municipalité ne sait pas réagir. Les députés de Brest abandonnent leur blé et renoncent à tout approvisionnement.

Le 19, le Comité des échevins de Lannion, blâmant les excès populaires, décide de faire restituer les grains.

Le 20, le Conseil de Brest voulant laver les injures, équipe une armée de 1.500 à 2.000 hommes qui arrive à Lannion dans la nuit du 23 au 24.

Les milices de Lorient, de Hennebont, de Pontivy et autres villes se dirigent vers Lannion ; mais Guingamp, rendant la seule population lannionnaise responsable des faits, arrête la marche des miliciens et s'abstient elle-même de participer à toute agression. Le Comité guingampais travaille à éviter toute scission entre les deux villes et il dépêche à Lannion deux de ses meilleurs représentants.

Le 26 octobre, les députés de quelques villes (deux de Pontrieux y prirent part) se réunissent et s'imposent en médiateurs. On laisse à la prévôté de Saint-Brieuc le soin de punir les coupables et leurs complices.

Mais Guingamp et Saint-Clet n'étaient pas à l'abri des colères populaires.

Le 16 août 1790 le peuple de Guingamp s'ameuta pour arrêter les transports de beurre de Callac à Pontrieux...

Déjà l'année précédente à Pontrieux des émeutes avaient éclaté aussitôt la moisson au début d'août. Les paysans parcouraient journellement la campagne et dévastaient les marchés. Ils accusaient les nobles de favoriser l'exportation pour faire hausser les cours des farines et ainsi pouvoir fixer à des taux élevés « l'apprécis », système de payement en argent des rentes foncières du seigneur.

La commune de Pontrieux s'était distinguée dès l'origine de la révolution par son zèle révolutionnaire et ses fêtes où se célébrait le culte de la raison. Les comptes rendus transcrits par M. Armand David, secrétaire de la mairie, qui les a confiés à M. Le Goffic, relatent comment à l'occasion de la fête du 14 juillet ­1790 (fête de la fédération), le district de Pontrieux, dont faisait partie Saint-Clet, trêve de Quemper-Guézennec, et qui comprenait 3.600 gardes nationaux, nomma 18 délégués pour se rendre à Paris.

Ces « sieurs » furent :

Chrétien, major de la garde nationale de Pontrieux.

Bertin, de Pleubian.

Gicquel, de Lanvollon.

Le Cornec, de Plounez.

Roland (Olivier), de Kermoroch.

Camandour, colonel de Plounez.

Illien François, de Pommerit-le-Vicomte.

Le Beuz, de Pommerit-Jaudy.

Thomas, capitaine de Paimpol.

Le Brigant, capitaine de Pontrieux (pour qui se dévoua La Tour d'Auvergne).

Perrot, capitaine.

Qemper (Héloury), de Pontrieux.

Lanibert, colonel de La Roche-Derrien.

Le Goff Philippe, de Saint-Clet (colonel).

Sauvé, commis.

Bigot, adjudant.

Kotter, brigadier.

Bastiou, sergent.

La veille du départ des délégués de Pontrieux pour Paris, le 25 juin, le sieur Bourdier les harangua au nom de la municipalité en un discours d'un lyrisme ampoulé à la mode du temps.

« Mortels heureux qui allez être nommés pour jouir d'un spectacle aussi ravissant et être associés à une union dont les annales plus reculées ne fournissent pas d'exemple... ».

A Pontrieux même, au jour de la fédération, le 14 juillet 1790, l’anniversaire de la prise de la Bastille fut célébré dignement. Le serment fédératif fut prêté à l'Eglise Saint-Yves qui devait devenir ensuite le temple de la Raison puis de l'Etre Suprême, avant d'être rendue au culte catholique. (Cette église a ensuite été rasée et la place qu'elle occupait pavée dans le même temps où fut brisé, à coup de marteau, le calvaire de Runan).

Les administrateurs du district assemblés à Pontrieux pour la formation du Directoire, se rendirent en cortège. Un « Te Deum » fut ensuite chanté sur la place du Trieux.

Les prêtres non assermentés, non ralliés à la Constitution civile du clergé, furent nombreux dans les districts de Pontrieux. De leur nombre furent les curés de Plouëc et de Ploëzal.

La rue actuelle de Traoumélédern fut appelée rue de la Montagne. Elle menait, par une ancienne voie romaine, à un château qui ne pouvait être que Castel Lin et qui appartint successivement à la famille ducale de Bretagne, aux d'Avaugour, aux Penthièvre, aux Soubise, aux Rohan.

Un autre aspect non moins tragique de la Révolution fut la chouannerie. Pontrieux fut le théâtre d'un incident qui s'y déroula en 1800, alors que la chouannerie dans le département des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor) tirait à sa fin.

Le 3 octobre 1800, un ancien émigré, Jean-Marie-Louis de Belligant en compagnie de son homme d'affaires et d'un ex-chouan, Séverin Thomas, tous « à cheval », mettaient pied à terre à Pontrieux, devant l'hôtel de la Grande Maison tenu par la veuve Guérin. Comme c'est un jour de marché, ils sont vite reconnus et leurs noms répétés par la foule excitent sa colère. Leur arrivée en pareil jour semble un défi, leur présence à la Grande Maison, une véritable provocation. Belligant n'était-il pas dans la bande qui a assommé plusieurs citoyens de Plouha ? Quant à Thomas, il était de ceux qui, quelques mois plus tôt, ont repoussé au Restmeur la garde nationale de Pontrieux à coups de fusil, lui ont tué un homme et lui ont fait un prisonnier, fusillé après un simulacre de conseil de guerre où siégeait Thomas. La population indignée, grossie par les paysans venus des communes voisines (Saint-Clet a dû être du nombre), se rassemble devant l’hôtel, menace les étrangers, qui ignorent que leur hôtesse est la veuve du citoyen Guérin, le fusillé de Restmeur. En l'absence du maire, l'adjoint met les trois voyageurs aux arrêts dans l'hôtel et envoie la garde nationale pour assurer leur protection. Bien que la nuit ait dissipé l'attroupement, les gardes nationaux se font un malin plaisir de les garder prisonniers dans leurs chambres jusqu'au lendemain au jour. H.P.

Les cent jours provoquèrent une nouvelle chouannerie ; les armes furent reprises dans le département et cette période se caractérise par une levée en masse des troupes royalistes. Saint-Clet connut sans doute le contre-coup des révolutions de 1830 et 1848, mais nous n'avons retrouvé aucune trace de ces périodes. 

(Raymonde Kjölner, 1947). 

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