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SAINT-GEORGES DE REINTEMBAULT

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CAHIER DE DOLÉANCES.

De la paroisse de Saint-Georges de Reintembault pour les États Généraux de 1789.

Note : C'est un des rares cahiers de paroisse de la sénéchaussée de Fougères qui soit actuellement connu. M. P. Delerue a publié celui d'Antrain (Annales de Bretagne, t. XXI, 1905-1906, pp. 292-302), et celui de Sougeal (Rennes, Prost, 1899, broch. in-8°, 27 p.). Les recherches de M. Lesort, archiviste d'Ille-et-Vilaine, n'en ont fait découvrir aucun autre ; les dépôts d'archives de Rennes et de Fougères n'en possèdent pas. Le cahier de Saint-Georges a été conservé dans les archives de la commune.
Je me suis conformé aux dispositions adoptées par MM. H. Sée et A. Lesort pour la publication des Cahiers de doléances de la Sénéchaussée de Rennes (t. 1er, Paris-Rennes, 1909, in-8°, CXI-650 p. et une carte), dans là collection des documents inédits sur l'histoire économique de la Révolution française. Ce qu'ils disent, dans leur Introduction, des conditions dans lesquelles furent rédigés les cahiers des paroisses, s'applique à la sénéchaussée de Fougères comme à la sénéchaussée de Rennes (Voy. en particulier les Assemblées des paroisses rurales, p. LIX et suiv., et l'Etude critique des cahiers, p. LXX et suiv.).

Située au nord-est du département d'Ille-et-Vilaine, sur les confins de la Normandie, la commune de Saint-Georges-de-Reintembault appartient aujourd'hui au canton de Louvigné-du-Désert et à l'arrondissement de Fougères ; avant 1789, la paroisse dépendait de la subdélégation et de la sénéchaussée de Fougères ; elle a toujours été comprise dans l'évêché de Rennes. A l'époque de la Révolution, Saint-Georges devint le chef-lieu d'un des neuf cantons du district de Fougères.

POPULATION. — En 1793, 3.191 hab. (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, série L).

CAPITATION. — Total en 1789, 2.814 livres 12 sous 4 deniers, se décomposant ainsi : capitation, 1.834 l. ; 21 deniers pour livre de la Capitation, 160 l. 9 s. 6 d. ; milice, 234 l. 5 s. 6 d. ; frais de milice, 18 l. ; casernement, 567 l. 17 s. 4 d. (Ibid., C 3981).

VINGTIÈMES. — En 1788, 3.889 l. 15 s. 9 d. (Ibid., C 4599).

FOUAGES. — 15 feux 11/15 ; fouages ordinaires et taillon, 226 l. 14 s. 4 d. ; fouages extraordinaires, 316 l. 4 s. 1 d. ; droits d'usage et nouvel acquêt (levés tous les deux ans), 19 l. 9 s. 6 d. (Ibid., C 3958).

OGÉE (Dictionnaire historique et géographique de la Province de Bretagne, 1778). — « ... Gros bourg de 3.000 communiants... Son territoire offre à la vue des coteaux, des vallons, des terres exactement cultivées ». 4 foires par an, et un marché chaque semaine, le jeudi.

PROCÈS-VERBAL. — N'a pas été conservé.

Cahier des plaintes, doléances et remontrances que les habitants du Tiers-Etat de la paroisse de Saint-Georges-de-Reintembault entendent faire au roi, en exécution des lettres de Sa Majesté du 24 janvier 1789, du règlement y annexé et de l'ordonnance de M. le Sénéchal de Fougères du trente et un mars dernier, pour la convocation et assemblée des Etats généraux du royaume. Le présent rédigé en l'assemblée des habitants du Tiers-Etat de ladite paroisse, tenue ce jour 5 avril 1789, au bas de l'église, lieu ordinaire des assemblées générales, suivant le procès-verbal de délibération rapporté, le même jour 5 avril, par maître Cavé de Champlion, avocat et sénéchal du comté de Poilley, en cette qualité juge des lieux ; ladite assemblée composée des sieurs Jean-René Cochet, Jean-Baptiste Gouin de Martigné, Jacques Bailleul, Julien Dubois, Jean Rebillon, Thomas Cheftel, Pierre Guénard, Georges Berhault, Jean Milliard, Gilles Patin, Georges Despas, Jean Fleury, Jean Lebouc, autre Jean Rebillon, Noël Despas, Cochet, chirurgien, et Jean Thommelot, et autres habitants de ladite paroisse référés audit procès-verbal, les tous nés français et domiciliés, âgés de vingt-cinq ans, compris au rôle des impositions de ladite paroisse, lesquels ont représenté et montré :

1° Que les privilèges et exemptions accordés au clergé, à la noblesse et même à quelques individus du Tiers-Etat, soit à raison de leur personne, soit, à raison des biens ecclésiastiques ou nobles qu'ils possèdent, refluent sur le Tiers-Etat en général et surchargent le peuple d'impôts privatifs comme fouages, casernement, milice, franc-fief, etc... Il faut supprimer tous les privilèges et faire un seul rôle de contributions sur lequel tous les sujets seront imposés, tant à raison de leurs biens, que de leurs facultés, industrie et commerce. Il faut aussi que les ecclésiastiques soient imposés sur le même rôle et dans la paroisse où se lèvent les dîmes, à raison des dîmes et autres biens qu'ils y possèdent, si mieux n'aime Sa Majesté supprimer les dîmes et les réunir au rôle général d'impositions. Le général [Note : Le général était une sorte de conseil paroissial doté de certaines attributions administratives (Voy. A. Dupuy, Etudes sur l'Administration municipale en Bretagne au XVIIIème siècle, Paris-Rennes, 1891, p. 91 et sq.)] demande qu'en tout cas les pailles de blé noir restent aux décimables.

2° Cette paroisse est surchargée de capitation [Note : La capitation, comme toutes les impositions abonnées de la province, même les vingtièmes, était un impôt de répartition. Les codéputés de la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne fixaient la part de chaque paroisse d'après ses ressources présumées, sans s'appuyer sur aucune base certaine, déclarations des contribuables ou cadastre], sous prétexte qu'il s'y tient un marché par semaine et quatre foires par an, et qu'il y a des toiles connues sous le nom de Saint-Georges. Ces toiles sont fabriquées à Fougères, dans les paroisses voisines et la majeure partie en Hamelin, Saint-Laurent, Montjoie, Carnet, Saint-James et Argouges et autres paroisses de la Normandie. Il s'en fait très peu en Saint-Georges ; il n'en vient aucune au marché dudit lieu. On les porte toutes à Fougères et Rennes.

3° Le clocher de cette paroisse est à trois lieues et demie de sa tâche du grand chemin de Fougères à Louvigné. Une partie des villages [en] sont éloignés de quatre lieues. Les corvoyeurs passent une journée à aller et venir ; ils ne font presque rien de la corvée qui se perpétue à l'infini. En réunissant cette corvée au rôle général, les paroisses qui n'y sont point assujetties y contribueront avec les ecclésiastiques et les nobles [Note : Longueur de la tâche de la paroisse en. 1788, 2.288 toises, soit environ 4 kilomètres 1/2. (Arch. dép. d'I.-et-V., C 797)].

4° Les rues de ce bourg et ses entrées manquent de réparations. Les octrois qui s'y lèvent, et qui sont destinés à la réparation des lieux, forment un objet de 1.000 à 1.200 livres. On les emploie à embellir Fougères ou à d'autres usages étrangers à la paroisse. Il faut corriger cet abus et ordonner que les octrois de Saint-Georges serviront à réparer le bourg et ses entrées qui le rendent inaccessible dans les mauvais temps [Note : Le produit des octrois perçus dans certaines paroisses rurales entrait dans la caisse des villes, qui devaient les consacrer à l'entretien de leurs « banlieues », afin de faciliter aux paysans l'accès de leurs marchés. La ville de Fougères percevait ainsi anciennement, à Saint-Georges et dans quelques autres paroisses, un droit d'entrée de 2 l. 10 s. par barrique de vin et de 1 l. 6 s. 3 d. par barrique de cidre ou de bière. Par lettres patentes du 14 juin 1785, Fougères obtint du roi le droit de percevoir un nouvel octroi de 1 s. par pot d'eau-de-vie, 4 l. par barrique de vin et 15 s. par barrique de cidre ou de bière, afin de réparer « ses banlieues du côté de Rennes ». Pendant l'année 1787, il entra à. Saint-Georges, 611 barriques 1/4 et 1/6 de cidre qui payèrent ainsi 1.261 l. 7 d. de droits, au bénéfice de Fougères (Arch. dép. d'I.-et-V., C 797. Voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., p. 206)].

5° L'établissement des hôpitaux est une charge commune. Les pauvres des campagnes, les bâtards même qui restent à la charge du général, n'y sont reçus qu'en payant. Il serait juste de fixer un nombre de sujets qui y seraient admis par chaque ville et par chaque paroisse de campagne, et que les seigneurs, qui profitent des déshérences et bâtardises, fourniraient la nourriture des bâtards [Note : Le territoire de la paroisse était partagé, à peu près dans sa totalité, entre deux importantes seigneuries, le marquisat de Romilley (ancienne seigneurie d'Ardennes) et le comté de Poilley. L'une et l'autre étendaient d'ailleurs leurs mouvances sur plusieurs autres paroisses de la région. Elles étaient pourvues, chacune dans ses fiefs, de prérogatives analogues. Nous ne connaissons pas tout le détail de leurs revenus. Mais nous savons que les deux seigneurs avaient droit de banc et de prééminence dans l'église de Saint-Georges ; chacun d'eux exerçait la haute, moyenne et basse justice sur ses terres. Au comte de Poilley appartenaient les foires Saint-Georges et Saint-Clair et le marché du jeudi ; le marquis de Romilley avait droit de foire à Ardennes le jour de la Saint-Michel. L'article ci-dessus nous apprend qu'ils devaient jouir des déshérences et bâtardises. Nous savons encore que le marquis de Romilley avait hérité des prérogatives attachées à la terre d'Ardennes et qu'il pouvait ainsi exiger chaque année, dans toute l'étendue de sa seigneurie, une gerbe de blé de chaque laboureur, une poule de tous ceux « qui y faisaient feu et fumée » et dix pots de vin par fief. Il levait en outre, pour le compte de la seigneurie de Fougères, 496 boisseaux d'avoine dans l'étendue du bailliage de Saint-Georges, auxquels il devait ajouter pour sa part un quart de muid (205 litres) de vin du Maine et d'Anjou. Le « gage d'Ardennes » valait ainsi à la recette de Fougères, au début du XVIIIème siècle, un revenu de 528 l. 4 s. 8 d. (Voy. Maupillé, Notices historiques et archéologiques sur les paroisses du canton de Louvigné-du-Désert, dans les Mémoires de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, année 1877, tome XI, et Guillotin de Corson, Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne, 2ème série, 1898)].

6° La paroisse est pauvre ; le tiers de ses habitants sont réduits à mendier [Note : Sur la mendicité en Bretagne, voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., p. 165, et H. Sée, op. cit., pp. 484-488] ; ceux qui ont un peu d'aisance sont ruinés par les cotisations à la nourriture des mineurs, des grabataires et des vieillards, et les domestiques même sont obligés d'y sacrifier leurs gages ; pendant que les dîmes, dont le tiers était anciennement levé pour la nourriture des pauvres, sont affermées un prix exorbitant pour accroître les revenus d'un prélat qui a d'autres biens pour vivre et pour soutenir l'éclat apostolique [Note : A Saint-Georges, comme dans la plupart des paroisses, les dîmes formaient la plus belle part des revenus du clergé. Le gros décimateur était l'évêque de Rennes ; par bail du 26 février 1789, il avait affermé à un nommé Hervé, à raison de 9.400 l. par an et 230 l. de pot de vin, toutes les dîmes en grains de la paroisse, à charge de remettre au prieur commendataire de Saint-James, pour le dîmereau de son prieuré, 6 mines de seigle et 8 mines d'avoine, mesure de Fougères, le tout évalué 300 l. (Déclaration de Lebouc de la Bouteillère, de Fougères, fondé de procuration de Hervé, devant l'administration du district, 9 novembre 1790. Arch. d'I.-et-V., série Q). Le fermier des dîmes prélevait naturellement sur la paroisse, au delà du prix du fermage, les frais de la levée et un notable bénéfice. Pour toute charge, l'évêque de Rennes payait la pension d'un vicaire (350 l.). Le reste des dîmes appartenait au recteur ; il affermait la plus grande partie des dîmes vertes pour 1.100 l. ; celles qu'il levait directement, lui rapportaient 60 l. ; il évaluait enfin à 6 l. le produit de la dîme des agneaux et des cochons de lait. Le recteur jouissait par ailleurs des dépendances du presbytère (revenu 84 l.) et d'une prairie, dépendant d'une fondation, qu'il louait 20 l. Ses charges consistaient dans la pension d'un vicaire (350 l.), ses décimes et ceux des deux vicaires (34 l. 12 s.), et les réparations du presbytère (100 l.). En 1790, le vicaire Pontais était titulaire de la prestimonie du Pont-Bastillon (une maison et un jardin, près le bourg, qu'il occupait lui-même), de la prestimonie des Temples (revenu 150 l.) et de la chapellenie d'Ardennes (revenu 140 l.). Aux curés de Broons et de Saint-Sulpice de Fougères allaient les revenus de 2 fondations (60 l. et 64 l.). L'abbaye de Rillé percevait 12 l. 6 s. 4 d. de redevances sur ses 3 fiefs de l'Etellerie, de Bordaux et de la Grande Ramée. Un autre fief rapportait 1 l. 10 s. à l'abbaye de Savigny. La confrérie du Saint-Sacrement possédait un champ loué 20 l. ; une maison avec 2 jardins était destinée à l'école des filles ; enfin, la fabrique jouissait d'un champ et d'un pré loués 35 l. (Déclarations du recteur Thomas, 6 février 1790, et de la municipalité, 8 septembre 1790. Arch. d'I.-et-V., série Q)]. La nef de l'église menace une ruine prochaine, et la fabrique n'a ni argent, ni revenus pour frayer à ses réparations. Il faut revenir à l'ancien droit, donner aux pauvres le tiers des dîmes, en employer un autre tiers à la nourriture du recteur et des curés [Note : Sous le nom de curés, on entend ici les vicaires], qui sont réduits à une pension trop modique relativement au bénéfice des recteurs qui ont les dîmes ; et l'autre tiers servira aux réparations de l'église et du presbytère.

7° Les frais de justice écrasent les mineurs, surtout lorsqu'ils sont pourvus par la royale ou par des juridictions éloignées. Il serait à propos que le greffier se servît d'un officier public de la paroisse où se fait la communion, sans pouvoir exiger de vacation pour l'aller et le retour, et qu'il fût réduit au simple droit du greffier seigneurial ou de l'officier des lieux qu'il emploierait aux scellés, inventaires et ventes. Les mineurs sont encore vexés par les droits de juge qu'on nomme fonction gracieuse ; pendant que les plaideurs tiennent gratuitement les juges à l'audience et les occupent souvent des semaines entières à voir les pièces sur le bureau, il vaudrait mieux soulager les mineurs, en diminuant les droits de tutelle et curatelle, et accorder aux juges quelques droits par sentence d'audience ou sur vu de bureau [Note : Voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., p. 128, et H. Sée, Les Classes rurales en Bretagne du XVIème le siècle à la Révolution, Paris-Rennes, 1906, p. 117 et suiv.].

8° Le mélange de fiefs et de juridictions qu'il n'est pas facile de distinguer, surtout aux étrangers, donne lieu à des déclinatoires qu'il serait facile d'éviter, si Sa Majesté ordonnait que le défendeur ne pourrait. décliner lorsqu'il est appelé devant le juge du clocher de la paroisse de son domicile, pour les matières personnelles, et devant le juge du clocher de la paroisse où la principale partie des fonds sont situés, pour les actions mixtes ou réelles [Note : Le territoire de la paroisse était partagé en plus de 60 fiefs, distribués entre les deux juridictions du comte de Poilley et du marquis de Romilley. La première avait son siège à Saint-Georges et la seconde au Ferré (Maupillé, op. cit.)].

9° La solidarité des fiefs n'empêche pas les procureurs fiscaux de consommer tout en frais de procédures particulières contre chaque vassal. Un propriétaire qui a des biens en quinze ou vingt fiefs, dépendant de la même seigneurie, est forcé de communiquer vingt fois les mêmes pièces, de faire vingt fois la même enquête, d'essuyer les frais de vingt procédures qu'ourdit séparément un même procureur fiscal. L'aveu général d'un fief solidaire, signé de la majeure partie des vassaux, assurant les droits du seigneur, Sa Majesté peut ordonner qu'il sera fait une seule réception générale de l'aveu à l'audience, aux frais des vassaux, sans que le procureur fiscal pût, après la réception dudit aveu, exiger de communication, fournir de réponse, ni faire rendre aucune sentence de réception pour les tenues particulières des vassaux, sauf à exécuter pour les devoirs du fief, en cas de non-paiement, et à poursuivre séparément le vassal qu'il croirait usurpateur des fonds de la seigneurie ; de laquelle contestation les frais seraient supportés par celle des parties qui succomberait en définitive.

10° La suite de moulin [Note : On entend par là l'obligation, pour le vassal, de faire moudre son grain à l'un des moulins banaux du seigneur (Voy. H. Sée, op. cit., pp. 130 et sq.)] donne lieu à plusieurs abus que les meuniers font. L'un prend le meilleur grain, qu'il choisit, prenant un sac à l'entier en espèce, et rendant aux moutaux les mauvaises farines. Un autre retient la bonne farine et rend le son. Quelques-uns introduisent du sable, de l'argile en poussière et d'autres corps étrangers dans les farines, ou changent les grains pour vendre en pesanteur de farine l'équivalent de ce qui retourne au vassal. D'autres volent sur les poids, ou réduisent mal les grains, de manière qu'il survient des maladies par la mauvaise nourriture des farines altérées ou empoisonnées. On préviendrait ces abus en rétablissant la liberté du choix des moulins et en autorisant les sujets à moudre chez eux les blés noirs, dont le droit de moute est nouvellement usurpé.

11° Les corvées chéantes et levantes [Note : Elles consistaient en un droit que chaque héritier devait payer au même taux, par rapport à la valeur totale de l'héritage, quel que fût le nombre des héritiers (Voy. H. Sée, op. cit., pp. 98-99)], qui se multiplient à raison du nombre d'héritiers, sont un abus de l'ancien droit de serfs. Ces corvées excèdent quelquefois le triple du revenu des fonds. Il serait juste de les réduire à une seule corvée par tenue, quoique la même tenue soit à plusieurs propriétaires. On désire que Sa Majesté les supprime à l'entier.

12° Les seigneurs et leurs gens abusent de la chasse et de la pêche. On demande qu'il leur soit défendu de chasser depuis le premier avril à la mi-octobre, et de pêcher depuis le premier avril au premier septembre ; que les garennes soient supprimées et qu'il soit permis à tout propriétaire de chasser sur sa terre pour défendre ses labours [Note : Le droit de chasse était refusé aux paysans (Voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., p. 132, et H. Sée, op. cit., pp. 149-152)]

13° Que les colombiers et fuies [Note : Voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., p. 119] soient également supprimés. Les pigeons désemencent les champs et pillent les labours pendant l'été. Il faut étrangler les oiseaux qui partagent injustement avec le laboureur le fruit de ses travaux. Les pigeons normands sont les plus funestes voisins de la paroisse ; on ne peut mieux faire que de les détruire avec ceux de Bretagne.

14° Le droit d'échange, qui était gratuit anciennement, est un obstacle à la liberté des vassaux. On supplie Sa Majesté de vouloir bien retirer les déclarations qui ont établi les lods et ventes pour l'échange et de rendre à ses sujets la faculté de rassembler leurs propriétés, sans que les seigneurs puissent exiger de lods et ventes [Note : Chaque fois qu'une terre était vendue, le seigneur percevait sur l'acquéreur le droit de lods et ventes qui s'élevait d'ordinaire au huitième du prix de vente (Voy. H. Sée, op. cit., p. 112 et suiv.)].

15° La cession de retrait féodal, injurieuse à l'acquéreur, gêne le commerce des biens [Note : Le retrait féodal était l'acte par lequel un seigneur pouvait obliger celui qui venait d'acheter une terre dans un de ses fiefs, de la lui céder au prix d'achat (Coutume de Bretagne, titre XVI)]. On demande que les seigneurs ne puissent exercer ce droit que pour eux, sans le céder à d'autres particuliers.

16° Que les lois qui rendent les corvées, servitudes et prestations féodales imprescriptibles et infranchissables, soient remplacées par une loi qui permette à chaque vassal de les franchir sur le pied de leur valeur, fixée par notre Coutume, et que le franc-alleu soit de droit public [Note : Cet article est extrait des Charges d'un bon citoyen de campagne, cahier modèle rédigé par des auteurs restés inconnus. Des exemplaires imprimés en furent répandus dans toute la province (Voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., p. LXXVII et suiv.)].

17° Que les traites domaniales et autres traites et gabelles soient supprimées, pour la liberté du commerce dans toute l'étendue du royaume [Note : La Bretagne n'était pas soumise à la gabelle, mais ses habitants redoutaient fort que l'impôt détesté y fût introduit. Elle comptait parmi les provinces « réputées étrangères » ; une ligne de douane la séparait des pays voisins, et Saint-Georges étant situé sur la frontière devait en sentir particulièrement les inconvénients].

18° Que les droits de contrôle et d'insinuation demeurent fixés à un droit certain, sans augmenter, et qu'il ne soit créé aucune espèce d'impôt, à l'avenir, sans le consentement de la nation assemblée.

Lesquelles plaintes lesdits habitants désirent être reçues par Sa Majesté, afin de remédier aux abus qui écrasent son peuple.

Le présent cahier de doléances rédigé en double et arrêté en ladite assemblée, ledit jour 5 avril 1789, sous les seings desdits habitants qui savent signer, celui de Me François Mancel, notre adjoint, et dudit Me Cavé de Champlion, pour un double rester aux archives de la paroisse et l'autre être remis aux députés, pour le porter à l'assemblée de Fougères, mardi prochain, sept du courant, huit heures du matin. Chacun des doubles sur quatre feuillets de petit papier, dont chaque page a été cotée et paraphée ne varietur au bas d'icelles par ledit Me Cavé de Champlion.

Suivent les signatures de :
Gouin de Martigné, J.-R. Cochet, Jacques Bailleul, Dubois, Thomas Cheftel, Jean Rebillon, Pierre Guenard, C. Berhault, Jean Hamard, Georges Despas, Jean Berhault, Gilles Patin, G. Baron, Jean Fleury, Jacques Rebillon, Guenée, autre Jean Rebillon, Jean Lebouc, autre Gilles Patin, Cochet, Noël Despas, Jean Thommelot, Mancel, Cavé de Champlion, avocat et juge des lieux.

DÉLIBÉRATION du 2 février 1789.

(Archives de la commune de Saint-Georges : Reg. des délibérations du général, 2 février 1789, fol. 3 v°. — Archives municipales de Rennes : Cartons des affaires de Bretagne ; une copie de la délibération se trouve reliée avec d'autres dans un registre conservé dans le carton n° 2).

Le général de cette paroisse, composé des soussignés, délibérants ordinaires du général, assemblé au lieu ordinaire des délibérations, aux fins de la convocation du jour d'hier, répétée ce jour au son de la cloche.

Le sieur Noël Despas, trésorier en charge, a représenté une lettre sans date, imprimée et adressée audit général par la commune de Rennes, avec les extraits des charges prises par la dite commune les vingt-sept décembre et dix-neuf janvier derniers, et en fait donner lecture [Note : Il s'agit des deux importantes délibérations par lesquelles les députés de plusieurs villes et paroisses de Bretagne proclamèrent, au moment de la réunion des Etats de la province, les griefs et les revendications du Tiers-Etat breton (Voy. H. Sée et A. Lesort, op. cit., pp. XXXV et LXXI, et B. Pocquet, Les origines de la Révolution en Bretagne, t. II)]. Sur quoi, le général délibérant a déclaré, d'une voix unanime, adhérer aux charges prises par les arrêtés de la commune de Rennes des dits jours vingt-sept décembre mil sept cent quatre-vingt-huit et dix-neuf janvier mil sept cent quatre-vingt-neuf, et agrée tout ce qui pourra être fait, soit par la commune de Rennes, soit par les députés en cour des différentes communes, pour obtenir ce qu'elles demandent, que tel est le vœu général des possédant terres et autres habitants de la paroisse ; donne ordre aux trésoriers en charge de retirer une expédition de la présente délibération et de l'envoyer au greffe de la dite ville de Rennes, et les deux imprimés ont été mis au coffre.

Arrêté le dit jour et an que devant après lecture. Ainsi signé à la minute du registre :

J.-R. Cochet, syndic, Jacques Bailleul, Michel Titon, Jean Hamard, Jean Rebillon, Georges Despas, Jean Fleury, Gilles Patin, Jean Lebouc, Jean Berhault, François Duhamel, J. Cochet, requis de Julien Guérin malade.

DUBOIS, greffier.

(Publié et annoté par Armand REBILLON.)

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